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15/09/2015 | FRANCE | N°12/07777

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 15 septembre 2015, 12/07777


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 15 Septembre 2015



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07777



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Mars 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 11/06520









APPELANT

Monsieur [U] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Local

ité 1]

comparant en personne,

assisté de Me Romain GENON-CATALOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2399







INTIMEE

SA PARIS FRANCE GARAGE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 602 013 5...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 15 Septembre 2015

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07777

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Mars 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 11/06520

APPELANT

Monsieur [U] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1]

comparant en personne,

assisté de Me Romain GENON-CATALOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2399

INTIMEE

SA PARIS FRANCE GARAGE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 602 013 518 00025

représentée par Me Stéphane LAUBEUF, avocat au barreau de PARIS, toque : P0083 substitué par Me Marie HUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0083

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Juin 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère

Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [U] [K] a été embauché par la société PARIS FRANCE GARAGE en qualité de gardien le 11 juin 2005, d'abord par contrat à durée déterminée puis, à compter du 1er avril 2006, par contrat à durée indéterminée.

La convention collective applicable est celle du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et activités connexes. La société employait habituellement plus de dix salariés.

Monsieur [K] a été convoqué le 11 mars 2011 à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour cause réelle et sérieuse ; le 22 mars 2011, il a de nouveau été convoqué à un entretien préalable, cette fois-ci pour faute grave ; le 23 mars 2011, une nouvelle convocation lui a été adressée pour un entretien préalable à licenciement qui s'est tenu le 31 mars et à l'issue duquel lui a été notifié un avertissement.

Le 15 avril 2011, une nouvelle convocation a été adressée à monsieur [K] pour un entretien fixé initialement au 28 avril et qui s'est, en définitive, tenu le 10 mai, l'intéressé étant mis à pied à titre conservatoire.

Le 26 avril 2011, monsieur [K] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris pour solliciter un rappel d'heures supplémentaires.

Il a été licencié pour faute grave par lettre du 17 mai 2011, ainsi rédigée :

« Nous avons eu à déplorer de votre part plusieurs agissements constitutifs d'une faute grave.

En effet, malgré nos précédents entretiens, rappels à l'ordre, et avertissements qui vous ont

été notifiés, vous avez persisté dans votre comportement fautif, refusant de suivre nos directives et de vous conformer à vos obligations contractuelles.

Vous avez été absent le 20 avril 2011, sans prévenir aucun membre de l'entreprise, pas même votre collègue de nuit que vous deviez relever de son poste. C'est encore une nouvelle fois votre collègue de nuit qui a dû prévenir la hiérarchie à votre place et faire le nécessaire en attendant que l'on puisse vous remplacer. Vous n'avez toujours pas à ce jour justifié de cette absence.

Le 8 et 15 avril 2011, vous avez été absent, nous adressant par la suite un arrêt maladie.

Cependant, là aussi, vous n'avez pas averti votre employeur immédiatement, comme cela est stipulé aux termes de votre contrat de travail, ne lui permettant pas d'organiser au mieux votre remplacement. Votre collègue de nuit auquel vous deviez succéder à 6 heures du matin vous a attendu en vain et a dû lui-même nous prévenir de votre absence.

Votre attitude perturbe très fortement l'organisation de l'entreprise.

Par ailleurs, à plusieurs reprises, vous n'avez pas daigné porter la tenue de la société, notamment le 11 avril 2011 où vous portiez des vêtements clairs, alors que la tenue de la société doit être portée par tous les salariés en poste affectés au gardiennage, comme cela vous a été notifié lors de la remise de cette tenue sombre marquée au logo de l'entreprise le 26 avril 2010 et comme cela vous a été rappelé aux termes de trois avertissements en date des 21 et 28 février 2011 et 5 avril 2011.

Cette tenue est l'image de l'entreprise et permet aux clients d'identifier nos agents capables

de répondre à leurs demandes.

Nous vous avions déjà convoqué à un entretien préalable pour le jeudi 31 mars pour des faits similaires. Nous avions alors décidé de vous laisser une chance en vous notifiant un avertissement pour défaut du port de la tenue de l'entreprise, ainsi qu'en raison de votre abstention à prévenir de vos absences empêchant ainsi l'entreprise d'organiser votre remplacement. Nous vous avions également rappelé lors de cet entretien les coordonnées des différents responsables de l'entreprise à joindre en cas d'absence.

Malheureusement, vous n'en avez manifestement pas tenu compte, réitérant les mêmes fautes, qui plus est pendant les congés du Directeur du Personnel.

Les précédents avertissements qui vous ont été notifiés sont tous justifiés.

Ce que nous vous avons notamment reproché et ce que nous vous reprochons encore aujourd'hui, est de ne pas nous prévenir immédiatement de vos absences. Cela a provoqué la désorganisation du service à de nombreuses reprises depuis le début de l'année 2011 où vous avez eu 37 absences, sans même prévenir votre collègue de nuit. Ainsi pour les faits les plus récents, malgré notre dernier avertissement en date du 5 avril 2011, vous avez réitéré ce comportement 3 fois les 8, 15 et 20 avril 2011.

Vous avez également par le passé reçu plusieurs avertissements pour des absences

injustifiées, malgré tout vous avez été absent sans justificatif le 20 avril 2011.

Votre comportement nous met à chaque fois en situation d'urgence et n'est pas tolérable pour l'entreprise dont le service se trouve trop souvent désorganisé par votre faute.

Cette conduite inacceptable met en cause la bonne marche du service. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 10 mai 2011 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. Nous vous informons que nous avons en conséquence décidé de mettre fin à votre contrat et de vous licencier pour faute grave. »

Par jugement du 28 mars 2012, notifié à monsieur [K] le 24 juillet 2012, le Conseil de Prud'hommes a condamné la société PARIS FRANCE GARAGE à lui payer les sommes suivantes :

- 757,93 Euros à titre de rappel de salaires pendant la mise à pied et les congés payés afférents

- 3.307,78 Euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents 

- 1.984,67 Euros à titre d'indemnité de licenciement

- 55 Euros au titre du salaire du 20 avril 2011 et les congés payés afférents

- 700 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile

Monsieur [K] a été débouté du surplus de ses demandes.

Le 25 juillet 2012, monsieur [K] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées par le greffe le 9 juin 2015 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, monsieur [K] demande à la Cour de confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes sur les condamnations prononcées, de l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :

- de condamner la société PARIS FRANCE GARAGE à lui payer :

5.856 Euros au titre des heures supplémentaires non comptabilisées sur ses bulletins de paie et les congés payés afférents ;

3.951,51 Euros au titre de l'indemnité de repos compensateur ;

5.000 Euros au titre du travail le dimanche, l'absence de pause journalière et le non respect de la durée de travail autorisée ;

1.300 Euros au titre du salaire qu'il aurait dû percevoir de janvier à avril 2011 et les congés payés afférents ;

- de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence de condamner la société PARIS FRANCE GARAGE à lui payer :

42.000 Euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse ; 1.740 Euros pour irrégularité de la procédure ;

20.000 Euros pour son préjudice moral ;

- d'ordonner à la société PARIS FRANCE GARAGE de lui délivrer les documents sociaux conformes :

- d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

- de condamner la société PARIS FRANCE GARAGE lui payer 3.500 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile

Par conclusions visées par le greffe le 9 juin 2015 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société PARIS FRANCE GARAGE demande à la Cour de lui donner acte de ce qu'elle reconnaît devoir à monsieur [K] la somme de 3.595,91 Euros au titre du repos compensateur, d'infirmer le jugement sur les condamnations prononcées et de débouter monsieur [K] de ses demandes ; à titre subsidiaire, elle sollicite confirmation du jugement.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

Selon les dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;

Ces dispositions relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail ne sont toutefois pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds, prévus tant par le droit de l'Union européenne que par le droit interne ; il incombe ainsi au seul employeur de prouver le respect de la réglementation des temps de pause ;

Monsieur [K] fait valoir, sans être contredit, que compte tenu des tâches figurant dans son contrat de travail, il ne pouvait être soumis au régime d'équivalence prévue par l'article 1.10.3 de la convention collective applicable, en sorte que les heures supplémentaires, nonobstant les dispositions de son contrat de travail, doivent être payées dès la première et comptabilisées dans le contingent annuel d'heures supplémentaires ;

Pour justifier avoir accompli 488 heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées pendant la période du mois de mai 2006 au mois de décembre 2010, monsieur [K] verse aux débats tous les plannings mensuels établis par la société pendant la dite période décomptant son temps de travail quotidien ;

Pour s'opposer à la demande, la société PARIS FRANCE GARAGE fait d'abord valoir que ces plannings constituent un simple horaire indicatif et ne détaillent pas la journée du salarié ; qu'ils ne mentionnent pas, notamment, les temps de pause, qui ont été régulièrement prises par l'intéressé ; que celui-ci se borne à additionner les heures figurant sur ses plannings sans tenir compte de ses arrêts de travail, que des erreurs figurent sur ses décomptes et que l'authenticité de certains plannings peut être mise en doute ;

Toutefois, la société PARIS FRANCE GARAGE ne justifie par aucune pièce que monsieur [K] a pris ses temps de pause sans rester à sa disposition ; monsieur [K] a contesté en avoir bénéficié et ils ne sont pas mentionnés sur les plannings, à la seule exception notable de la semaine du 8 janvier 2007 qui détaille les horaires, si bien que, cette semaine exceptée, il n'y a pas lieu de les exclure des heures qui y sont mentionnées ;

Le décompte du mois de février fait bien apparaître 199 heures de travail dans le mois ;

La société PARIS FRANCE GARAGE prétend que monsieur [K] a modifié des plannings, notamment effacé des plages de repos par exemple aux mois de juillet 2006 et janvier 2007 ; toutefois, si la mention repos a en effet été remplacée par une amplitude horaire de 6 heures -18 heures, rien ne permet d'établir que cette modification soit le fait de monsieur [K], l'écriture étant identique à celle des autres inscriptions ; il appartenait à la société PARIS FRANCE GARAGE, qui conteste les dits plannings, de verser aux débats les originaux ou, tout au moins, de justifier que l'intéressé était bien en repos ces jours là, ce qu'elle ne fait pas;

Enfin, aucune heure supplémentaire n'est réclamée au titre du mois de janvier 2011, si bien que la circonstance que monsieur [K] ait été en arrêt maladie au cours de ce mois est sans intérêt ;

Au vu des plannings produits, ce sont 484 heures supplémentaires en plus de celles déjà accomplies et rémunérées, qui doivent être réglées à monsieur [K] au taux majoré de 50%; il convient de faire droit à la demande du salarié, contestée dans son principe, mais pas dans son montant, à hauteur de 5.808 Euros, outre les congés payés afférents ;

La société PARIS FRANCE GARAGE reconnaît ne pas avoir fait bénéficier son salarié du repos compensateur obligatoire pour les 659 heures accomplies au-delà du contingent, et lui devoir, à ce titre, la somme de 3.595,91 Euros ; monsieur [K] prétend que, sans même tenir compte des heures ci-dessus, il a accompli 718,47 heures au-delà du contingent ; compte tenu des 484 heures supplémentaires qui ont été retenues par la Cour, il convient de faire droit intégralement à sa demande et de lui allouer, à ce titre une indemnité compensatrice de 3.951,51 Euros et les congés payés afférents ;

Les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2011, date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation ;

Sur les dommages et intérêts pour non respect des temps de pause, des durées maximales de travail et rémunération majorée du travail du dimanche

Ainsi qu'il a été vu ci-dessus, la société PARIS FRANCE GARAGE ne justifie pas avoir fait bénéficier son salarié du temps de pause prévu par le code du travail et la convention collective applicable ; en outre, il est constant que l'intéressé a travaillé à de très nombreuses reprises le dimanche ; la société PARIS FRANCE GARAGE prétend qu'elle peut faire travailler ses salariés le dimanche sans que soit prévue une majoration de salaire, légale ou conventionnelle, affirmation contredite par les dispositions de l'article 1-10 de la convention collective applicable, selon laquelle, en cas de "dérogation temporaire ou exceptionnelle, chaque heure travaillée le dimanche, sur autorisation accordée par arrêté préfectoral", ouvre droit,"outre le repos prévu en contrepartie, à une majoration de 100% du salaire brut de base" ; et il ressort encore de ses plannings que monsieur [K] a travaillé à de nombreuses reprises plus de 44 heures par semaine ;

Il convient, en conséquence de faire droit intégralement à sa demande de dommages et intérêts et de lui allouer une somme de 5.000 Euros pour non respect des dispositions conventionnelles ;

Sur le rappel de salaires au titre des mois de janvier à mars 2011 et pour la journée du 20 avril 2011

Il ressort des pièces produites que la baisse de rémunération des quatre premiers mois de 2011 résulte du non accomplissement d'heures supplémentaires au-delà de la durée prévue de 169 heures par mois, dont 17,33 d'heures supplémentaires majorées de 25% ; or il convient de rappeler que le salarié ne dispose pas d'un droit acquis à effectuer des heures supplémentaires, si bien qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté monsieur [K] de la demande qu'il a formée à ce titre ;

Le jugement du Conseil de Prud'hommes sera également confirmé en ce qu'il a alloué à monsieur [K] une somme de 55 Euros et les congés payés afférents au titre de la journée du 20 avril 2011, qui avait fait l'objet d'une retenue pour absence injustifiée alors que l'intéressé était en arrêt de travail ;

Sur le harcèlement moral

Il appartient au salarié qui se prétend victime de harcèlement moral d'établir la matérialité de faits précis et concordants faisant présumer l'existence de ce harcèlement ; celui-ci se définit, selon l'article L 1152-1 du code du travail, par des actes répétés qui ont pour objet ou pour effet, indépendamment de l'intention de leur auteur, une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Lorsque les faits sont établis, l'employeur doit démontrer qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ;

Monsieur [K] fait valoir que l'employeur lui donnait des ordres, avec un ton de voix élevé en le tutoyant ; qu'il surveillait ses faits et gestes, a transféré son lieu de travail, modifié ses horaires, lui a imposé le port d'un uniforme et de chaussettes noires et lui a interdit de conserver sa veste sur son lieu de travail ; qu'il lui a adressé plusieurs avertissements et des convocations répétées à des entretiens restés sans suite ou annulés, lui refusant d'être assisté ; qu'il lui a diminué son salaire mensuel brut de 30%, et ce alors même que, parallèlement il avait réclamé ses heures supplémentaires non rémunérées ; il ajoute que ces pressions ont altéré sa santé physique et psychique, ses arrêts de travail étant motivés par une dépression réactionnelle et des troubles du sommeil ;

Le niveau verbal élevé, le tutoiement, la surveillance de ses faits et gestes, l'interdiction de conserver sa veste sur le lieu de travail ne sont pas matériellement établis ;

Les autres éléments que fait valoir le salarié font présumer une situation de harcèlement si bien qu'il appartient à l'employeur de démontrer que ses décisions étaient étrangères à tout acte de harcèlement ;

La société PARIS FRANCE GARAGE fait valoir que l'uniforme a été mis en place pour tous les gardiens du parking directement en contact avec les clients afin de permettre à ces derniers de les identifier, si bien que le port d'une tenue de travail au logo de l'entreprise, dont monsieur [K] a été personnellement informé lorsque la tenue lui a été remise le 26 avril 2010 sans qu'il n'émette aucune réserve, était justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché ;

Toutefois, comme monsieur [K] le souligne à juste titre, l'obligation de porter l'uniforme n'était prévue ni par le contrat de travail ni la convention collective et ce n'est que le 14 mars 2011 qu'une note a été adressée au personnel détaillant les obligations relatives à la tenue vestimentaire exigée et instituant une indemnité de salissure ; certes, un uniforme de travail avait été remis à monsieur [K] le 26 avril 2010, la société lui demandant de le porter et d'en prendre soin ; il reste que cette remise ne présentait aucun caractère officiel, alors que toutes restrictions apportées la liberté individuelle, notamment de se vêtir à sa guise, doivent être strictement encadrées ; en conséquence, c'est de façon abusive qu'ont été notifiés à monsieur [K], avant la note du 14 mars 2011, les deux avertissements pour non port de l'uniforme ;

S'agissant des horaires de travail, la société PARIS FRANCE GARAGE prétend que monsieur [K] travaillait souvent de jour et qu'il n'a jamais contesté ses horaires ; il ressort néanmoins des plannings versés aux débats par l'intéressé que depuis le mois d'août 2008, il a systématiquement travaillé la nuit, alors que ses horaires à compter du mois de décembre 2010 correspondaient à un travail de jour ; or ce passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour constitue une modification du contrat de travail qui requiert l'accord du salarié ; et précisément, le 20 avril 2011, monsieur [K] a contesté l'avertissement lui ayant été délivré le 5 avril, en expliquant que le port de la tenue de travail lui avait été imposé lorsqu'à la fin du mois de février, il avait réclamé le paiement de ses heures supplémentaires et contesté la modification subite de ses plannings ; il soulignait, dans ce même courrier, être victime d'insomnies en raison de ses conditions de travail, insomnies confirmées par les certificats médicaux qu'il verse aux débats ;

Enfin la société PARIS FRANCE GARAGE ne démontre pas que les multiples convocations à entretiens préalables, nécessairement très déstabilisantes pour l'intéressé, qui lui ont été adressées les 11 mars, 22 mars, 23 mars, 15 avril et 28 avril, étaient étrangères à un harcèlement moral ; elle n'explique pas notamment, la raison pour laquelle, puisqu'elle n'avait décidé de n'infliger à l'intéressé aucune sanction suite à l'entretien du 21 mars, elle l'a, le lendemain de cet entretien, convoqué à un nouvel entretien préalable à un licenciement pour faute grave avec mise à pied conservatoire, mise à pied qu'elle va ensuite annuler ; la circonstance qu'elle se soit aperçue d'autres manquements fautifs après l'envoi de sa convocation le 15 avril ne justifiait pas qu'encore une fois, elle annule et remplace celle-ci par une nouvelle convocation le 28 avril ;

Ces multiples convocations erratiques, la modification des horaires de travail sans l'accord du salarié, les avertissements injustifiés, dans un contexte où le salarié travaillait souvent au-delà de la durée légale, caractérisent le harcèlement moral ; ils ont causé au salarié un préjudice qu'il convient de réparer en lui allouant une somme de 5.000 Euros à titre de dommages et intérêts ;

Sur le licenciement

Il est reproché à monsieur [K] non pas d'avoir eu des problèmes de santé mais de n'avoir informé de ses absences ni son employeur, ni même ses collègues qu'il devait relever de leur poste ; la société PARIS FRANCE GARAGE verse aux débats l'attestation du chef de parc, monsieur [L], qui explique avoir été confronté, à de très nombreuses reprises, à des remplacements en urgence pour pallier l'absence de monsieur [K], qu'il n'avait pu anticiper, n'étant pas informé par monsieur [K] mais par le gardien qui le précédait et l'attendait pour la relève ; il ajoute que dans certains cas l'absence de monsieur [K] contraignait le gardien le précédant à effectuer parfois jusqu'à 15 heures de travail d'affilée ;

Ces déclarations sont corroborées notamment par celle de monsieur [W], gardien, lequel pour les motifs sus énoncés, avait demandé à ne plus être programmé après monsieur [K] ;

La nécessité d'aviser l'employeur immédiatement de toute absence est mentionné dans le contrat de travail de monsieur [K]; ce grief, qui avait déjà été précédé par des avertissements du même ordre, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; en revanche, s'il est sans lien avec l'état de santé de monsieur [K] ni avec la situation de harcèlement dont il a été victime, ceux-ci permettent d'expliquer les omissions qui lui ont été reprochées en sorte que la résiliation immédiate du contrat de travail ne se justifiait pas ;

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes sur les condamnations prononcées et en ce qu'il a débouté monsieur [K] de sa demande de dommages et intérêts ;

Il apparaît équitable de condamner la société PARIS FRANCE GARAGE à payer à monsieur [K] la somme de 1.500 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme partiellement le jugement du Conseil de Prud'hommes ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés ;

Condamne la société PARIS FRANCE GARAGE à payer à monsieur [U] [K] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2011 :

- 5.808 Euros et 580 Euros pour les congés payés afférents à titre de rappel d'heures supplémentaires ;

- 3.951,51 Euros au titre de l'indemnité de repos compensateur ;

Condamne la société PARIS FRANCE GARAGE à payer à monsieur [K] les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :

- 5.000 Euros pour non respect des temps de pause, majoration du travail les dimanches et dépassement de la durée légale de travail ;

- 5.000 Euros en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral ;

Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions prescrites par l'article 1154 du code civil ;

Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions ;

Ajoutant au jugement ;

Condamne la société PARIS FRANCE GARAGE à payer à monsieur [K] la somme de 1.500 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile

Condamne la société PARIS FRANCE GARAGE aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 12/07777
Date de la décision : 15/09/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°12/07777 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-15;12.07777 ?
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