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15/09/2015 | FRANCE | N°12/07195

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 15 septembre 2015, 12/07195


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 15 Septembre 2015



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07195



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Juin 2012 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 10/08151





APPELANT

Monsieur [Z] [G]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1] (MAROC)

[Adresse 1]

[Adresse 4]>
comparant en personne

assisté de Me François DE RAYNAL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2151





INTIMEE

SAS LA SOCIETE WE.TV

[Adresse 2]

[Adresse 3]

représentée par Me Anne LEF...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 15 Septembre 2015

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07195

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Juin 2012 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 10/08151

APPELANT

Monsieur [Z] [G]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1] (MAROC)

[Adresse 1]

[Adresse 4]

comparant en personne

assisté de Me François DE RAYNAL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2151

INTIMEE

SAS LA SOCIETE WE.TV

[Adresse 2]

[Adresse 3]

représentée par Me Anne LEFORT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0547

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Juin 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine LETHIEC, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Claudine PORCHER, président

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseiller

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine LETHIEC, conseiller, pour le président empêché et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [Z] [G] a été engagé par la société TV BASE, devenue WE TV, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 28 janvier 2003, pour y exercer les fonctions de monteur P.A.O.Xpress, en application de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils et en contrepartie d'une rémunération mensuelle brute, à compter de l'embauche définitive, de 1 900 euros sur 13 mois pour 37 heures hebdomadaires.

Au mois de juillet 2008, le salaire mensuel brut de l'intéressé a été porté à 2 300 euros sur 13 mois.

Par lettre recommandée adressée le 30 novembre 2009, Monsieur [Z] [G] demande à son employeur une augmentation de salaire et l'envoi d'un projet d'avenant à son contrat de travail dans la mesure où il estime qu'il n'entre pas dans ses fonctions d'assurer un suivi commercial et des missions de remplacement.

Par courrier du 15 décembre 2009, la société TV BASE ne faisait pas droit à cette requête, en faisant valoir que les missions de suivi de clientèle sont incluses dans la fonction de monteur PAO, contractuellement prévue par le contrat de travail au chapitre III « contact avec la clientèle » et que les remplacements sont effectués avec l'accord du salarié.

Le 23 décembre 2009, Monsieur [Z] [G] prenait acte de la position de son employeur.

Suite au refus du salarié d'intervenir en appui d'une salariée, Madame [F], au service photo, la société TV BASE lui notifiait, le 31 décembre 2009, une mise à pied pour refus d'exécution du contrat, dans l'attente de la procédure disciplinaire en cours.

Par lettre recommandée du 11 janvier 2010, la société TV BASE notifiait à Monsieur [Z] [G] une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 20 janvier 2010.

Par lettre simple du 2 février 2010, l'employeur notifiait à son salarié une mise à pied disciplinaire de 30 jours, en demandant à l'intéressé de reprendre son poste dans l'entreprise et d'assurer les remplacements occasionnels de Madame [F] et de Monsieur [H].

Par lettre recommandée du 8 février 2010, Monsieur [Z] [G] prenait acte de la rupture de son contrat de travail, compte tenu de graves manquements contractuels imputables à son employeur.

Estimant ne pas être rempli de ses droits, Monsieur [Z] [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, lequel, par jugement rendu le 20 juin 2012,en formation de départage, a annulé la sanction disciplinaire de mise à pied d'une durée de 30 jours prise à l'encontre du salarié et jugé que la prise d'acte de rupture du contrat de travail produisait les effets d'une démission.

La société WE TV, nouvelle dénomination de la société TV BASE, a été condamnée à verser à Monsieur [Z] [G] la somme de 1 940,48 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 31 décembre 2009 au 10 février 2010, celle de 194, 05 euros au titre des congés payés afférents, celle de 703,24 euros à titre de rappel de salaire relatif aux heures supplémentaires entre le mois de janvier 2005 et novembre 2008, celle de 70,32 euros au titre des congés payés afférents, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la remise tardive des documents sociaux et une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [Z] [G] a été débouté du surplus de ses prétentions indemnitaires et il a interjeté appel de cette décision le 11 juillet 2012.

Par conclusions visées par le greffe le 17 juin 2015 et soutenues oralement, Monsieur [Z] [G] demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement entrepris, en constatant que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il sollicite la condamnation de la société WE TV à lui verser les sommes suivantes :

- 9 963 euros à titre de rappels de salaires du fait de la classification conventionnelle et 996,30 euros au titre des congés payés y afférents

- 703,24 euros à titre de rappels d'heures supplémentaires et 70,32 euros au titre des congés payés y afférents

- 16 755,96 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

- 1 098 euros à titre de dommages et intérêts pour privation des droits DlF.

- 1 520,09 euros au titre de rappel de prime de vacance

- 3 721,22 euros à titre de rappels de salaires pour la période allant du 31 décembre 2009 au 10 février 2010 et 372, 12 euros au titre des congés payés y afférents

- 5 368,38 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 536,83 euros au titre des congés payés y afférents et 447,36 euros au titre du 13 ème y afférent

- 4 865,09 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

- 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 20 000 euros au titre du préjudice moral et professionnel dont 5.000 euros pour remise tardive des documents de fin de contrat

- 3 500 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelant sollicite, en outre, la remise d'une attestation destinée à Pôle Emploi conforme à la décision à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par conclusions visées par le greffe le 17 juin 2015 et soutenues oralement, la société WE TV, anciennement dénommée TV BASE, réfute les moyens et l'argumentation de la partie adverse.

L'intimée sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de rupture du contrat de travail produisait les effets d'une démission, débouté Monsieur [Z] [G] de l'ensemble de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail et en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre de la classification.

Elle demande à la cour de déclarer acquise la prescription pour toute somme antérieure au 30 juin 2005, 5ans avant la saisine du conseil des prud'hommes et d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à un rappel de salaires (1 940,48 euros et 703,24 euros, outre les congés payés afférents) et à la demande en indemnisation pour remise tardive des documents de fin de contrat.

La société WE TV conclut au rejet des prétentions indemnitaires du salarié, notamment celle concernant la perte de chance d'utiliser les droits acquis au titre du droit individuel à la formation et la prime de vacance.

Elle forme une demande reconventionnelle de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l'audience des débats.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Selon les dispositions de l'article L 1231-1 du code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié.

La prise d'acte permet au seul salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements de l'employeur suffisamment graves pour empêcher la poursuite des relations contractuelles.

Lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de faits imputables à son employeur, cette rupture produit, immédiatement, les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur, étant observé qu'à l'inverse de la lettre de licenciement, la lettre par laquelle le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et cesse son travail, à raison de manquements de son employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles, ne fixe pas les termes du litige et ne lie pas les parties et le juge et qu'à l'appui de sa prise d'acte, le salarié peut se prévaloir d'autres faits au cours du débat probatoire.

En l'espèce, Monsieur [Z] [G] a pris acte de la rupture de son contrat de travail, le 8 février 2010.

Il convient d'analyser les griefs reprochés par le salarié à son employeur afin de pouvoir qualifier la rupture notifiée le 8 février 2010.

Le non paiement de ses salaires des mois de décembre 2009 et janvier 2009.

Monsieur [Z] [G] reproche à la société WE TV d'avoir volontairement retenu ses salaires des mois de décembre 2009 et janvier 2010.

Cet élément n'a pas été invoqué lors de l'entretien préalable du 20 janvier 2010.

L'employeur justifie, par les documents versés aux débats, notamment un courrier de la poste et la correspondance échangée avec le CIC que suite, à des perturbations affectant la distribution du courrier en janvier 2010, il a établi deux autres chèques dès que le salarié lui en a fait la demande le 8 février 2010 et ce, après avoir effectué les démarches auprès de l'organisme bancaire et avisé Monsieur [Z] [G] de ses diligences, par courrier recommandé du 12 février 2010.

A cet égard, il convient d'observer qu'à l'audience de référé du 1er mars 2010, Monsieur [Z] [G] a reconnu avoir reçu ces règlements.

Cette situation étant imputable à des circonstances indépendantes de la volonté de la société WE TV, le salarié ne démontre pas le caractère volontaire de cet encaissement tardif de rémunération.

Le manquement contractuel reproché à l'employeur à ce titre n'est pas caractérisé et il ne peut donc justifier la prise d'acte de rupture du contrat aux torts de celui-ci.

La sanction disciplinaire

Monsieur [Z] [G] reproche à la société WE TV de l'avoir sanctionné abusivement.

Par courrier remis en mains propres le 31 décembre 2009, le salarié s'est vu notifier une sanction de mise à pied à titre conservatoire, dans l'attente d'une procédure disciplinaire en cours.

Suite à l'entretien préalable du 20 juin 2009, l'intéressé a été mis à pied, le 2 février 2010, à titre disciplinaire, pour une durée d'un mois.

En l'occurrence, Monsieur [Z] [G] ne démontre pas que l'exercice du pouvoir disciplinaire de l'employeur ait rendu impossible la poursuite de la relation de travail et il ne peut contester le bien fondé de cette sanction par une procédure de prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

Ce grief doit être écarté.

La modification unilatérale du contrat de travail

Monsieur [Z] [G] reproche à la société WE TV d'avoir modifié unilatéralement son contrat de travail et de lui avoir imposé des tâches qui ne correspondaient pas à ses attributions contractuelles

Le salarié a été embauché en qualité de monteur PAO Xpress.

L'article III de son contrat de travail précise qu'il était chargé, notamment, de :

«- Montage des grilles de programmes de télévision dans les gabarits des clients de

TV Base

- Importation des images HD clans les gabarits clients

- Relecture des grilles de programmes de télévision dans les pages montées

- Suivi des différents travaux de montages réalisés au sein de l'entreprise

- Création de nouvelle maquette sous Xpress A

- Contact avec la clientèle

Et toute fonction permettant la bonne marche de l'entreprise, qui restera dans le

cadre de ses fonctions ».

Pour exercer son activité, Monsieur [Z] [G] utilisait des logiciels de publication assistés par ordinateur (PAO) et le logiciel Photo-Shop.

Il est constant que, dans le cadre de son pouvoir d'organisation et de direction, l'employeur a le pouvoir de changer les conditions de travail d'un salarié dès lors que la tâche attribuée correspond à la qualification de l'intéressé et qu'il n'est pas porté atteinte aux éléments essentiels du contrat de travail, à savoir la qualification, la rémunération, la durée et le lieu de travail, ces trois derniers éléments n'étant pas affectés.

En l'espèce, société WE TV a demandé à Monsieur [Z] [G] de remplacer, ponctuellement et pendant leurs congés, Madame [C] [F] et Monsieur [S] [H], exerçant, respectivement, les fonctions de responsable photo et directeur technique, statut cadre.

Il résulte des éléments de ce dossier que les remplacements litigieux étaient temporaires et ne conduisaient pas à une modification substantielle du contrat de travail de l'intéressé dans la mesure où il est justifié par les documents produits que Monsieur [Z] [G] effectuait, uniquement, les tâches des salariés absents correspondant à la production hebdomadaire des grilles TV, ne pouvant attendre le retour des salariés concernés et que ceux-ci réalisaient les autres tâches leur incombant, à leur retour.

C'est ainsi que sur le poste de Madame [C] [F], le salarié n'intervenait pas sur les fonctions d'organisation du service photo, de négociation des tarifs avec les agences externes, de suivi de clientèle et de la mise en place et suivi des processus de travail.

De même, sur le poste de Monsieur [S] [H], il n'intervenait pas sur les fonctions du service technique relatives à l'organisation du service fabrication, au développement informatique des formats d'exports, au choix des outils de calibration et au suivi des relations clientèle.

Dans une attestation, Madame [K], supérieure hiérarchique de Monsieur [Z] [G], précise que lorsque ce dernier remplaçait les deux cadres de la société, il était déchargé d'une partie de ses missions habituelles.

A cet égard, il convient de relever qu'au vu de la correspondance échangée entre les parties, le salarié avait accepté de remplacer ses collègues pendant leurs congés et qu'il a émis un refus suite au rejet de sa demande en augmentation de salaire, présentée le 30 novembre 2009.

Par ailleurs, Monsieur [Z] [G] affirme qu'il lui est demandé d'assurer un suivi commercial, attribution non prévue dans ses fonctions contractuelles.

Toutefois, le contrat de travail du salarié précise que celui-ci est chargé d'un « contact clientèle » et l'étude de ce dossier révèle que l'employeur ne demandait à son salarié aucune démarche commerciale mais de s'assurer de la réception des publications par les clients.

Monsieur [Z] [G] ne démontre pas que les remplacements ponctuels qui lui étaient demandés aient été de nature à modifier les éléments essentiels de son contrat de travail, à faire obstacle à la poursuite de celui-ci et à justifier la prise d'acte de rupture du contrat aux torts de l'employeur.

Le non-paiement de la prime de vacances

Monsieur [Z] [G] reproche à la société WE TV de ne pas avoir appliqué les dispositions de l'article 31 de la convention collective prévoyant le bénéfice d'une prime de vacance « d'un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payes prévus par la convention collective de l'ensemble des salaries. »

Dès lors que la lettre de prise d'acte de rupture ne fixe pas les termes du litige et ne lie pas les parties et le juge et qu'à l'appui de sa demande, le salarié peut se prévaloir d'autres faits au cours du débat probatoire, il est recevable à invoquer ce nouvel argument.

Selon les dispositions de l'article 31 de la convention collective Syntec relatif à la prime de vacances, les primes et gratifications versées en cours d''année à divers titres et quelle qu'en soit la nature, peuvent être considérées comme primes de vacances à conditions qu'elles soient au moins égales au 10% prévus à l'alinéa précédent et qu'une partie soit versée pendant la période située entre le er mai et le 31 octobre.

Il résulte de l'examen des bulletins de salaires de Monsieur [Z] [G] que celui-ci a bénéficié d'une prime exceptionnelle de 300 euros, versée au mois de septembre.

Le manquement contractuel reproché à l'employeur à ce titre n'est pas caractérisé et il ne peut donc justifier la prise d'acte de rupture du contrat aux torts de celui-ci.

A défaut pour Monsieur [Z] [G] d'établir, avec l'évidence nécessaire, la réalité des griefs allégués et les manquements caractérisés de l'employeur à ses obligations contractuelles, la rupture doit être qualifiée d'illégitime et produire les effets d'une démission.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a estimé que la prise d'acte du salarié s'analysait en une démission.

La prise d'acte de rupture du contrat de travail de Monsieur [Z] [G] ayant été analysée en une démission, le salarié ne peut prétendre au paiement des indemnités de rupture, rappel d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, indemnité de licenciement ainsi qu'à des dommages et intérêts au titre du caractère illégitime de la rupture.

La cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle adopte, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en déboutant l'appelant de ses demandes à ce titre.

Sur la procédure disciplinaire

Monsieur [Z] [G] sollicite l'annulation de la mise à pied disciplinaire de 30 jours qui lui a été notifiée le 2 février 2010, suite à la sanction à titre conservatoire prononcée le 31 décembre 2010.

Il est constant qu'une mise à pied implique l'existence d'une faute grave du salarié nécessitant son éviction immédiate de l'entreprise.

En l'occurrence, la société WE TV a attendu le 11 janvier 2010 pour convoquer son salarié à un entretien préalable fixé au 20 janvier 2010 et elle a renoncé à engager une procédure de licenciement, en prononçant une sanction disciplinaire de mise à pied par lettre simple du 2 février 2010, régularisée par lettre recommandée du 12 février 2010.

Ce délai d'un mois et demi entre le début de la procédure disciplinaire et le prononcé de la sanction définitive est manifestement excessif.

Par ailleurs, cette sanction est disproportionnée dans la mesure où il n'est pas démontré l'impossibilité pour le salarié de reprendre ses fonctions habituelles, que Monsieur [Z] [G] s'est vu privé de toute rémunération pendant un mois au seul motif qu'il avait refusé de remplacer ponctuellement un autre salarié en congé et alors même que l'intéressé justifiait de 7 ans d' ancienneté au sein de l'entreprise et qu'il n'avait jamais reçu le moindre avertissement.

La cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle adopte, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en prononçant l'annulation de la sanction disciplinaire de mise à pied de 30 jours notifiée à l'encontre de Monsieur [Z] [G] et en condamnant la société WE TV à verser à son ancien salarié la somme de 1 940,48 euros correspondant au salaire non perçu pendant la période de mise à pied ainsi que celle de 194,05 euros au titre des congés Payés afférents.

Sur les autres demandes en paiement formées par le salarié

Les rappels de salaires au titre de la classification

Monsieur [Z] [G] demande à la cour de reconnaître sa classification de cadre au coefficient 130 dès lors qu'il bénéficiait d'une large autonomie dans l'exercice de ses fonctions et qu'il remplaçait, régulièrement, des cadres de coefficients plus élevés.

Toutefois, il a été, précédemment, démontré que le salarié remplaçait, ponctuellement, Madame [C] [F] et Monsieur [S] [H] mais qu'il n'assumait pas l'intégralité de leurs tâches et qu'il était, lui-même, déchargé d'une partie de son propre travail, lors de ces remplacements.

En outre, Monsieur [Z] [G] ne justifie pas de la même qualification que ces deux salariés ni de la même ancienneté et il ne se trouve pas dans une situation juridique identique.

Le salarié est mal fondé en sa demande en rappel de salaires et congés payés afférents correspondant au statut des deux salariés concernés.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a débouté l'appelant de ce chef de demande.

Les heures supplémentaires

La durée légale du travail effectif prévue à l'article L.3121-10 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article 3121-22 du même code.

L'article L 3121-22 du code du travail dispose que les heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale ou conventionnelle, décomptées par semaine, donnent lieu à une majoration de 25% pour les huit premières puis de 50% pour les suivantes. Le décompte des heures supplémentaires s'effectue par semaine civile ainsi que le précise l'article L 3121-20 du code du travail.

Monsieur [Z] [G] réclame la somme de 703,24 euros au titre des heures supplémentaires qu'il a effectuées depuis le mois de janvier 2005, outre la somme de 70,32 euros au titre des congés payés afférents.

La société WE TV se prévaut de la prescription des demandes relatives à la période antérieure au 30 juin 2005 du fait de la saisine du conseil des prud'hommes le 30 juin 2010.

En l'espèce, Monsieur [Z] [G] justifie avoir saisi la juridiction des référés le 26 janvier 2010 et cette action tendant à obtenir une provision est interruptive de prescription, l'exception doit être rejetée.

Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, étant observé que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en tant que de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l'occurrence, le salarié verse aux débats des extraits d'agendas sur lesquels figurent de manière manuscrite un nombre d'heures de travail quotidien et, à partir de ces documents et des bulletins de salaires, il établit un décompte des heures supplémentaires non payées entre le mois de janvier 2005 et novembre 2008.

L'employeur a contesté ces horaires en première instance mais il n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les données fournies par le salarié, étant observé que les relevés de pointage des heures d'arrivée et de départ des salariés ne sont pas conservés au-delà de trois mois.

Il appartient à la cour de tirer toutes les conséquences de cette carence de la société WE TV pour justifier des horaires du salarié.

Au vu des éléments produits, et sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'instruction, la cour a la conviction, au sens des dispositions précitées, que Monsieur [Z] [G] a bien effectué les heures supplémentaires figurant sur le décompte.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a condamné la société WE TV au paiement de la somme de 703,24 euros, outre les congés payés afférents d'un montant de 70,32 euros.

La demande relative au travail dissimulé

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; cependant, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'occurrence, Monsieur [Z] [G] ne démontre pas avec l'évidence nécessaire l'intention volontaire de son ancien employeur et il convient de le débouter de ce chef de demande.

Sur les autres demandes en indemnisation du salarié

La perte de chance d'utiliser les droits acquis au titre du droit individuel à la formation

Monsieur [Z] [G] fait valoir qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité d'utiliser ses droits acquis au droit individuel à la formation alors même qu'en sa qualité de chômeur non indemnisé, il s'est vu contraint d'attendre le mois de décembre 2010 pour suivre une formation prise en charge, en ne bénéficiant que d'une formation professionnelle de boulanger de 5 mois au lieu de 2 ans pour présenter un CAP.

Toutefois, dès lors que la prise d'acte de rupture du contrat de travail a été analysée en une démission du salarié, celui-ci ne justifie pas s'être trouvé dans l'impossibilité d'exercer son droit individuel à la formation par le fait de son employeur, il convient de rejeter ce chef de demande.

La demande en indemnisation pour préjudice moral et professionnel

Monsieur [Z] [G] réclame une somme de 15 000 euros en indemnisation de son préjudice moral et professionnel du fait des méthodes vexatoires mises en 'uvre par son employeur.

Cependant, le salarié ne caractérise pas le préjudice spécifique allégué dès lors que la prise d'acte de rupture du contrat de travail a été analysée en une démission dont il a pris l'initiative, en dépit des propositions réitérées de son employeur de poursuivre les relations contractuelles.

Il convient de rejeter ce chef de demande.

La demande en indemnisation pour remise tardive des documents sociaux

Il résulte de l' article R. 1234-9 du code du travail que l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer son droit aux prestations sociales ainsi qu'un certificat de travail.

Monsieur [Z] [G] justifie du fait que la première attestation Pôle Emploi émise le 1er mars 2010 n'était pas conforme et qu'il s'est vu contraint d'adresser plusieurs courriers à la société WE TV et de lui adresser un commandement avant d'obtenir, le 9 juillet 2010, ses documents de fin de contrat et son solde de tout compte, soit cinq mois après la rupture des relations contractuelles de travail.

La cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle adopte, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties en allouant à l'appelant la somme de 5 000 euros en indemnisation du préjudice subi, toutes causes confondues.

Le jugement entrepris doit être confirmé dans l'intégralité de ses dispositions.

Sur la demande au titre des frais irrépétibles

En vertu de l'article 700 du code de procédure civile, la société WE TV dont l'argumentation est, partiellement, rejetée supportera la charge des dépens en versant à l'appelant une indemnité de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés et elle sera déboutée de sa propre demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Ajoutant,

Condamne la société WE TV à verser à Monsieur [Z] [G] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Condamne la société WE TV aux dépens.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 12/07195
Date de la décision : 15/09/2015

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°12/07195 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-15;12.07195 ?
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