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10/09/2015 | FRANCE | N°15/01899

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 10 septembre 2015, 15/01899


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 10 SEPTEMBRE 2015



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/01899



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juillet 2013 - Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 13/01859





APPELANTE



SARL ACHAT DIRECT

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 3]

prise en la personne

de son Gérant domicilié en cette qualité audit siège



Représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090

Assistée de Me Eric DELFLY, avocat au barreau de LILL...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 10 SEPTEMBRE 2015

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/01899

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juillet 2013 - Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 13/01859

APPELANTE

SARL ACHAT DIRECT

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 3]

prise en la personne de son Gérant domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090

Assistée de Me Eric DELFLY, avocat au barreau de LILLE

INTIME

Monsieur [F], [U], [R] [K]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 2], de nationalité française, agent commercial

demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par et assisté de Me Jean CATONI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0371

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Juin 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre, chargée du rapport, et Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre

Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président

Madame Françoise LUCAT, Conseillère appelée d'une autre chambre afin de compléter la Cour en application de l'article R.312-3 du Code de l'Organisation Judiciaire

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Faits et procédure

La société Achat Direct a pour activité principale l'importation de divers produits fabriqués en Chine qu'elle commercialise en France.

M. [K] a été embauché le 20 septembre 2007 par la société Achat Direct en qualité d'agent commercial pour la représenter sur la France entière.

La société Achat Direct a rompu le contrat d'agent commercial le 23 janvier 2013, et M. [K] a contesté les motifs de la rupture et réclamé le paiement des commissions, ses indemnités de préavis et de cessation de contrat.

C'est dans ces conditions que M. [K] a fait assigner la société Achat Direct, M. [I] ainsi que la société Tavulesprix.com pour demander le versement de ses commissions, ainsi qu'une mesure d'expertise.

Par jugement rendu le 12 juillet 2013, le tribunal de grande instance d'Evry :

- s'est déclaré compétent ;

- a rejeté la demande de disjonction formée par la société Tavulesprix.com ;

- a déclaré M. [K] recevable en l'ensemble de ses demandes ;

- a dit qu'aucune faute grave ne justifie la rupture du contrat d'agent commercial du 20 septembre 2007 ;

- a débouté M. [K] de ses demandes, en ce qu'elles sont dirigées contre la société Tavulesprix.com et M. [I] à titre personnel ;

- a condamné la société Achat Direct à payer à M. [K] 792.458, 00 euros à titre d'indemnité de cessation de contrat et 99.057,00 euros à titre d'indemnité de préavis ;

- a condamné la société Achat Direct à payer à M. [K] la somme de 30.886, 12 euros TTC à titre de rappel de commissions pour les mois de juillet 2012 et de septembre 2012. Dit que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 26 février 2013 ;

- ordonné une expertise et désigné M. [W], expert-comptable à charge ;

- de se faire remettre par la société Achat Direct toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission ;

- de dire si les commissions restent dues par la société Achat Direct à M. [K] pour la période du 1er janvier 2010 au 31 janvier 2013 inclus et, notamment, pour les affaires conclues avec les sociétés Groupon et Electro dépôt ;

- condamné la société Achat Direct à verser à M. [K] 10.000,00 euros à titre de provision sur les commissions qu'elle resterait lui devoir pour la période d'octobre 2012 à janvier 2013 ;

- ordonné le retrait du dossier du rôle de la 3ème chambre de ce tribunal et dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de faire procéder à sa réinscription après dépôt du rapport d'expertise, sous réserve du délai légal de péremption de l'instance.

Vu l'appel interjeté par la société Achat Direct le 28 janvier 2015 contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Achat Direct le 18 mars 2015 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

A titre principal

- Constater dire et juger qu'en n'invitant pas Achat Direct à conclure sur le fond, après avoir rejeté son exception d'incompétence territoriale, et au contraire en statuant sans que l'appelante ait pu faire valoir ses arguments sur le fond, la juridiction du premier degré a commis un excès de pouvoir et organisé un procès inéquitable ;

En conséquence :

- Annuler le jugement frappé d'appel dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

- Constater, dire et juger que M.[K] a commis un manquement à l'obligation de loyauté en acceptant un mandat des sociétés People love it et [Q] ;

- Dire et juger en conséquence que la rupture du mandat repose sur une faute grave du mandataire ;

- Débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce compris celles relatives à la réformation du jugement ayant mis hors de cause M. [I] ;

- Condamner M.[K] à réparer le préjudice subi par la société Achat Direct du chef de cette concurrence déloyale ;

A cet effet, le condamner à payer à la société Achat Direct une somme de 70.000€ à titre provisionnel et pour le surplus, désigner expert avec mission de :

o se faire remettre la comptabilité de M.[K] pour la période courant du premier septembre 2007 au 23 janvier 2013 inclus ;

o 'identifier les commissions perçues sur les sociétés People love it et [Q] au cours de cette même période ;

o identifier le chiffre d'affaires commercial réalisé par People love it et [Q] sur lesquels ces commissions ont été versées ;

o donner son avis sur la marge nette dégagée par People love it et [Q] au titre du chiffre d'affaires réalisé ;

o Du tout dresser rapport.

- Condamner également M.[K] à fournir dans les 8 jours de la signification de la décision à intervenir, et passé ce délai sous astreinte de 1000€ par jour de retard, sa liasse BNC au titre des exercices 2008 a 2012 inclus ;

- Condamner enfin M.[K] a payer une somme de 20.000€ au titre de l'article 700 du CPC, ainsi que les frais et dépens de première instance et d'appel ;

En toute hypothèse

- Débouter M.[K] de toutes ses demandes, fins et conclusions présentées a rencontre de M.[I] ;

Y ajoutant,

- Condamner M.[K] à payer à M.[I] une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 ;

L'appelante soutient que le Tribunal de grande instance d'Evry n'était pas compétent' Pourtant les juges de première instance ayant rejeté l'exception d'incompétence territoriale, sans mettre préalablement Achat Direct en mesure de conclure sur le fond. Elle requiert donc l'annulation du jugement ;

Elle fait valoir que la rupture du contrat d'agent commercial repose sur une faute grave du mandataire, M. [K] qui a manqué à son obligation de loyauté en acceptant des mandats de représentation de produits pour des sociétés concurrentes à Achat Direct ;

Elle soutient pourtant que M. [K] a été en relations commerciales avec la société People Love It, société concurrente d'Achat Direct. Elle fait valoir qu'il a démarché un des partenaires d'Achat Direct, la société Inovaxion, en août 2012 pour distribuer des lampes protégées par un brevet en France, lampes qui ont été commercialisées par la société People Love It, en violation du brevet déposé par Inovaxion. Elle soutient que M. [K] n'a, qui plus est, jamais arrêté sa collaboration avec cette société contrairement à ses affirmations ;

L'appelante fait valoir que le manquement à l'obligation de loyauté peut être également prouvé aux vues des relations que M. [K] entretient avec la société canadienne Supertek Canada Green, fournisseur de la société Achat Direct. Elle estime que M. [K] s'est intéressé à un des produits de la société canadienne qui a été distribué par la suite par People Love It, alors même qu'Achat Direct entendait distribuer ce produit ;

L'appelante soutient que le manquement à l'obligation de loyauté est enfin dû aux relations commerciales que M. [K] a entretenu avec la société [Q], concurrente directe de la société Achat Direct. Elle affirme que M. [K] a transmis à la société [Q] toutes les informations lui permettant de fabriquer des poubelles, qui sont la copie servile de celles distribuées par Achat Direct en utilisant le même fabricant ;

L'appelante fait valoir dans un troisième temps que M. [K] ne peut prétendre à aucune commission sur les clients Groupon et Electro dépot ;

Elle estime en effet que M. [K] peut seulement prétendre à une commission sur tout le chiffre d'affaire réalisé sur la clientèle réservée et sur celle nouvellement apportée ou pour laquelle il est intervenu personnellement ;

Elle soutient que M. [K] revendique pourtant des commissions non pas sur les produits distribués chez Groupon par Achat Direct, mais par Tavulesprix.com, estimant que M. [I] s'était porté fort en qualité de dirigeant de Tavulesprix.com auprès de M. [K] pour lui verser ses commissions alors pourtant qu'aucune promesse de porte-fort n'est établie ;

L'appelante fait valoir, concernant la demande de commissions pour Electro dépot, que M. [K] n'a jamais été l'interlocuteur de la société Electro dépot, et que cette société et Achat Direct étaient en relations commerciales bien avant que M. [K] devienne agent commercial pour le compte d'Achat Direct ;

Elle soutient de manière infiniment subsidiaire que dans le cas où la Cour estimerait que l'activité déloyale de M. [K] n'est pas caractérisée, le montant de l'indemnité de clientèle réclamée par M. [K] doit faire l'objet d'une ré-évaluation ;

Elle fait enfin valoir qu'elle est fondée à demander de manière reconventionnelle la réparation de son préjudice consécutif aux manquements de M. [K] à son obligation de loyauté.

Vu les dernières conclusions signifiées par M. [K] le 28 avril 2015 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Débouter la société Achat Direct SARL en son appel et en toutes ses demandes ;

Confirmer le jugement entrepris en date du 12 juillet 2013 en son principe et en toutes ses dispositions, sauf celles concernant la mission de l'expert désigné ; l'indemnité de préavis sera affectée de la T.V.A. ;

Le réformant sur ces points et y ajoutant :

- Dire que l'indemnité de préavis sera affectée de la T.V.A. ;

- Dire et juger que l'expert qui sera désigné par la Cour d'Appel aura pour mission de :

* Convoquer et entendre les parties assistées de leur conseil, recueillir leurs

observations quant à la tenue des opérations d'expertise ;

* Se faire remettre toutes les pièces utiles à la vérification et à l'établissement des commissions dues par la société Achat Direct à M.[K] pendant toute la période contractuelle et en application des clauses et conditions du contrat et des articles L.134-1 et suivants du Code de Commerce ;

* Chiffrer les commissions dues, en particulier pour le chiffre d'affaires réalisé avec les sociétés Tavulesprix.com et Electro dépot ;

* Se faire remettre tout document comptable et renseignement utile à

l'accomplissement de sa mission ;

* Mettre les parties en mesure de faire valoir leurs observations qui sont annexées au rapport.

- Dire que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du Code de Procédure Civile et déposera son rapport écrit dans les six mois de sa saisine ;

- Dire et juger que la mission dévolue à l'expert comprendra l'évaluation du chiffre d'affaires réalisé avec la société Groupon tant par Tavulesprix.com que par la société Achat Direct SARL et de préciser le montant des commissions correspondantes occultées au détriment de Monsieur [F] [K] ;

- Dire et juger que la société Achat Direct SARL devra payer la somme de 72.606,90 € pour parfaire la somme due au titre de l'exécution provisoire avant de recevoir audience ;

- Condamner la société Achat Direct SARL à payer à M. [K], pour procédure abusive et résistance abusive à paiement, la somme de 39.000,00 € ;

- Condamner la société Achat Direct SARL, en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, à payer à Monsieur [F] [K] la somme de 15.000,00 € ;

L'intimé fait valoir que la société Achat Direct a fait appel à lui parce qu'il avait une expérience de la vente qu'il avait acquise par sa collaboration avec la société [Q] qui lui avait consenti un contrat d'agent commercial et qu'elle était donc au courant de sa collaboration avec cette société spécialisée dans l'art de la table et qui n'est pas concurrente de la société Achat Direct. Il conteste la valeur des attestations produites par la société Achat Direct sur ce point ;

Il soutient de plus que, contrairement à ce qu'affirme l'appelante, la clause de non concurrence est limitée aux produits et non aux entreprises. Il affirme n'avoir d'ailleurs jamais vendu de produits concurrents ;

Il fait valoir que la lettre de rupture qui lui a été adressée par la société Achat Direct invoque à tort l'existence d'une faute grave ;

Il soutient ainsi avoir seulement été en relations avec la société People Love It à l'occasion de la distribution d'un luminaire, produit que la société Achat Direct ne vendait pas à l'époque. Il affirme avoir pour autant décidé de rompre tout contact avec cette société le 14 décembre 2012, et n'avoir jamais reçu de rémunération de celle-ci ;

Il fait valoir enfin que la société Achat Direct ne peut sérieusement l'accuser d'avoir suggéré à People Love It de vendre des luminaires, alors que c'est son propre fournisseur qui se déclare coupable d'avoir vendu à d'autres sociétés les mêmes luminaires avant même qu'Inovaxion ait songé à se protéger par un dépôt de modèle ;

En ce qui concerne ses commissions, il soutient avoir apporté le client Electrodépot et qu'il a par ailleurs obtenu une commission le 16 novembre 2010. Or la société Achat Direct prétend, grâce à la confection d'une pièce versée au débat, que M. [K] aurait reçu à tort des commissions pour ses ventes auprès d'Electro dépôt. L'intimé estime que cette pièce est un faux manifeste ;

Il soutient que M. [I], se prévalant de la qualité d'actionnaire de la société Tavulesprix.com, lui a garanti personnellement et au nom de la société Achat Direct, que les commissions dues sur les affaires réalisées avec Groupon seraient payées par la société Tavulesprix.com ;

Il relève que le contrat d'agence stipule qu'il est interdit au mandant de concurrencer l'agent à l'aide d'entreprises dans lesquelles il aurait un intérêt même direct alors que c'est ce qu'a fait la société Achat Direct en transférant le client Groupon à la société Tavulesprix ;

L'intimé affirme de plus que la société Achat Direct ne s'est pas acquittée totalement des sommes dues au titre de l'exécution provisoire dont il requiert le versement des sommes, intérêts inclus ;

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande tendant au prononcé de la nullité du jugement

Considérant que la société Achat Direct soutient que le Tribunal de grande instance d'Evry, alors qu'était soutenue son incompétence n'était pas compétent, a rejeté l'exception d'incompétence territoriale et a statué au fond, sans la mettre préalablement en mesure de conclure sur le fond, de sorte qu'elle requiert donc l'annulation du jugement ;

Considérant que les Premiers juges ont constaté que le conseil de la société Achat Direct dans ses écritures et sa plaidoirie avait largement abordé le fond et que celui-ci avait été discuté et avait fait l'objet de communication de pièces ; qu'ainsi, aucune partie ne peut se plaindre d'une violation du contradictoire ;

Considérant que dès lors les premiers juges pouvaient statuer dans le même jugement sur l'exception d'incompétence et retenant leur compétence sur le fond ; qu'il y a lieu de rejeter la demande de nullité du jugement formée par la société Achat Direct.

Sur la rupture du contrat d'agent commercial

Considérant que la société Achat Direct fait valoir qu'elle était fondée à rompre le contrat d'agent commercial la liant à M.[K] en raison de la déloyauté de celui-ci qui avait à son insu exercé des prestations de représentation pour deux sociétés, la société [Q] et la société People Love It qui étaient ses concurrentes directes alors qu'elle lui avait consenti un mandat exclusif ;

Sur les relations entre M.[K] et la société [Q] :

Considérant que la société Achat Direct a engagé M.[K] alors que celui-ci avait acquis une expérience au sein de la société [Q], spécialisée dans les arts de la table et alors qu'il avait signé un contrat d'agent commercial avec celle-ci le 23 juillet 2007, soit deux mois seulement avant celui signé avec la société Achat Direct ; que le contrat d'agent avec la société [Q] porte sur des produits spécifique à savoir la verrerie, la vaisselle et vaisselle enfant à jeter, la cuisson, les cadeaux, les couverts, les gadgets dont les moulins à poivre et sel, vise les magasins d'enseigne alimentaire d'Ile de France et de son pourtour ;

Considérant que M.[K] fait valoir que lorsqu'il a signé un contrat d'agent commercial avec la société Achat Direct celle-ci commercialisait des poubelles à ouverture automatique et des boules de lavage, puis s'est diversifiée sur des produits tels que du gazon, puis des balais à vapeur, enfin quelques moulins à poivre électriques, des aspirateurs robots et qu'elle était parfaitement au courant de son mandat d'agent commercial des Etablissements [Q] ;

Considérant que M.[K] produit deux attestations circonstanciées pour le démontrer :

* celle de M.[X] qui atteste qu'étant salarié de la société Achat Direct en 2009, celle-ci l'avait informé que M.[K] était aussi agent commercial de la société [Q] et qu'il était allé à un rendez vous en Centrale d'Achat [Adresse 4] au cours du premier trimestre 2009 avec M.[K] au cours duquel «des produits des sociétés Achat Direct et [Q] ont été présentés aux acheteurs», ajoutant que « cette situation a été évoquée à plusieurs reprises lors de réunions » ;

* celle en date du 31 janvier 2013 de Mme [N] qui indique être entrée le 2 juin 2008 au sein de la société Achat Direct en qualité d'assistante commerciale, avoir travaillé avec M.[K] et avoir été l'assistante de M.[I], dirigeant de la société Achat Direct et avoir appris très vite après son arrivée que M.[K] travaillait pour la société [Q], spécialisée dans les arts de la table, indiquant « C'est M.[I] lui-même qui m'en a informée alors qu'il relatait les circonstances dans lesquelles l'avait rencontré M.[K] », ajoutant qu'elle avait fait valoir ses droits à la retraite et qu'elle quittait la société le 10 février 2013 ;

Considérant que, si la société Achat Direct produit des attestations en sens contraire, il convient de relever que, d'une part, l'une n'est pas signée (pièce 27), deux autres ne sont pas accompagnées d'une pièce d'identité (pièces 28 et 29), d'autre part, elles ne sont au demeurant pas circonstanciées, les auteurs de celles-ci indiquant qu'ils ne se souvenaient pas ou que M.[K] ne leur en avait pas fait part ; que toutefois il convient de relever que M. [J], auteur d'une attestation a été destinataire de courriels (Pièce 13) du 09 février 2012 et du 20 février 2012 (Pièce 14) adressé à M.[I] faisant état de la « fiche [Q] » ce qui prouve qu'il savait que M.[K] avait la carte [Q] de sorte que son attestation est mensongère ;

Que par ailleurs M.[K] a transféré le 10 septembre 2009 à M [I] un message qu'il avait envoyé à M.[E] de la société [Adresse 4] mentionnant « montée en charge dossier [Q] ustensiles de cuisine en silicone » et indiquant « et beaucoup plus urgent le paramétrage EDI Achat Direct n'est pas fait » ;

Considérant que M.[K] fait la preuve qu'il a été parfaitement loyal et que la société Achat Direct était parfaitement au courant du contrat d'agent commercial qui le liait aux Etablissements [Q] ;

Considérant au surplus que chacun des contrats visait les produits distribués par chacune des deux sociétés quand bien même la société Achat Direct, à la différence des Etablissements [Q], n'a pas précisé quels étaient les produits qu'elle commercialisait, sa gamme de produits ayant évolué dans le temps ; qu'ainsi sur le site que sur le site internet société.com, elle se présente conne « un intermédiaire du commerce en textiles, habillement, fourrures et articles en cuir » ; qu'au regard des produits énumérés dans le contrat d'agent qui le liait avec la société [Q], M.[K] était fondé à refuser de distribuer des produits qui auraient été concurrents avec ceux-ci ce qui d'ailleurs avait été

expressément stipulé dans son contrat d'agent commercial de la société Achat Direct (article 3 du contrat) ; qu'il convient de relever que c'est la société Achat Direct qui a mis sur le marché des produits qui auraient pu être concurrents de ceux de la société [Q], notamment des moulins à poivre automatiques électriques alors que la société [Q] commercialisait des moulins à poivre manuels ;

Sur les relations entre M.[K] et la société People Love :

Considérant que la société Achat Direct fait valoir que M. [K] est intervenue pour commercialiser des produits de la société People Love It, qui est une de ses concurrentes directes ;

Considérant que cette société a notamment pour objet « L'achat, la vente, import/export, commerce, par tous moyens, de détail, demi-gros, gros de tout article sans prédominance alimentaire quelle qu'en soit la nature, la forme ou la destination, ainsi que toutes activités liées directement ou indirectement de manière connexe ou annexe aux activités précitées » ;

Considérant que M.[K] n'a pas contesté avoir accepté de commercialise des luminaires pour le compte de cette société ; qu'il a écrit le 29 novembre 2012 à son mandant «  Que je te rassure, les produits de ce petit commettant n'ont rien à voir avec tes produits, il s'agit de cosmétique et un peu de luminaire à ce jour » ;

Considérant que le 6 décembre 2012 la société Achat Direct lui a fait observer que l'activité de la société People Love It était directement concurrente de celle de la sienne, lui indiquant qu'elle proposait via le site Groupon un fer à repasser sans fil dénommé « Glifeon Cordless iron »qui était la copie servile du fer à repasser sans fil proposé par Achat Direct et un produit dénommé ShakeN'GO également proposé par Achat Direct, ajoutant qu'il lui avait été proposé de le distribuer lors d'une réunion d'octobre 2012 ; qu'à la suite de ce courrier M. [K] lui a fait valoir son ignorance et lui a indiqué qu'il cessait toute relation avec cette société ;

Considérant que la société Achat Direct n'a pas considéré que son agent avait commis une faute grave car elle n'a pas résilié le contrat immédiatement, la rupture ayant eu lieu plus d'un mois et demi après, soit le 23 janvier 2013 ;

Considérant que, si cette société a été référencée auprès du groupe [Adresse 4], il n'est pas démontré que M. [K] en soit à l'origine, ni que le déférencement de la société Achat Direct en est la conséquence, M.[K] expliquant que la société [Adresse 4] avait choisi de s'approvisionner en poubelles Directement en Chine ;

Considérant que la société Achat Direct ne justifie pas que M. [K] ait représenté d'autres produits que les luminaires ; que la société Achat Direct a pris acte de son engagement de cesser toute relation avec la société People Love It et ne démontre pas que celui-ci n'aurait pas été tenu ;

Considérant en conséquence que la société Achat Direct ne démontre pas de faute grave de son mandataire justifiant la rupture du contrat qui les liait ; qu'en, conséquence c'est à juste titre par des motifs que la Cour adopte que le tribunal a jugé que la rupture ouvrait droit pour M.[K] à indemnisation.

Sur le préjudice de M.[K]

Considérant qu'au terme des articles L.134-11 et L.134-12 du Code de Commerce l'indemnité de préavis, compte tenu de la durée du contrat, doit être évaluée à un montant égal à trois mois de commissions et selon les usages, l'indemnité de cessation de contrat doit représenter l'équivalent de deux années de commissions et ce en vertu ;

Considérant en conséquence que c'est à juste titre que les premiers juges ont fixé l'indemnité de préavis à 118.472,17 € TTC et l'indemnité de cessation de contrat à 792.458,00 € ;

Sur les commissions retenues par les premiers juges

Considérant qu'au vu des factures et relevés de commissions produits les premiers juges ont jugé qu'il était justifié d'un montant de commissions restant dues de 30 886,12€ ; que ce point n'est pas discuté par les parties ; qu'il y a lieu de le confirmer ;

Sur la demande d'expertise

Considérant que M.[K] soutient que la société Achat Direct ne lui a pas réglé l'intégralité de ses commissions, retenant à tort celles qui lui étaient dus au titre des clients Groupon et Electrodépôt ;

Concernant Groupon

Considérant que M.[K] soutient que M. [I], actionnaire de la société Tavulesprix.com et dirigeant de la société Achat Direct, a informé M. [K] le 29 septembre 2011 que le client Groupon serait désormais géré par la société Tavulesprix.com qui lui payerait ses commissions ; que, par lettre du 14 janvier 2013, il a sollicité de la société Tavulesprix.com l'envoi du relevé des factures et du montant des commissions ce que celle-ci a refusé ;

Considérant que M.[K] fait état d'un courriel par lequel M.[I] lui a écrit « la procédure pour groupon est la suivante : les op à venir sont gérés par nouveaux produits (au prix que tu as fixé avec [S]) en sachant que les nouveaux contrats doivent être faits au nom de la société nouveauxproduit.com... cela ne change en rien puisque je suis actionnaire de cette société... Concernant ta com elle est la même... merci de confirmer cela à [S] » ;

Considérant que la société Achat Direct expose que la société Tavulesprix est une société de vente sur internet créée par M.[I] et qui a été absorbée par la société Nouveauxproduits.com, conservant la dénomination Tavulesprix ; qu'elle expose avoir travaillé ponctuellement avec la société Groupon mais que M.[K] qui n'était que l'un de ses agents ne disposait pas d'une clientèle réservée sur Groupon ;

Considérant que l'article 2 du contrat a stipulé « Le mandat confié à l'agent s'exercera :

Dans le secteur géographique ainsi défini : France

et auprès de la clientèle suivante : Grande et moyenne surface-rayon bazar/décoration

secteur dans lequel il bénéficiera de l'exclusivité » ;

Que la société Groupon dont il n'est pas démontré qu'elle aurait été apportée par M.[K] ne s'inscrit donc pas dans ce type de clientèle réservée ; que, si M.[K] a produit une facture en date du 13 février 2012 au titre des commissions dues pour le mois de décembre 2011 et comportant une somme de 2 625€ pour des produits Groupon, celle-ci démontre seulement qu'il a été en relation avec le client Groupon avant que ce celui-ci ne soit transféré sur la société Nouveauxproduits.com ; que le client groupon a été transféré à la société Nouveauxproduits.com ce qui résulte du courriel adressé par M.[I] à son agent et lui expliquant que «« la procédure pour groupon est la suivante : les op à venir sont gérés par nouveaux produits (au prix que tu as fixé avec [S]) en sachant que les nouveaux contrats doivent être faits au nom de la société nouveauxproduit.com... cela ne change en rien puisque je suis actionnaire de cette société... Concernant ta com elle est la même... merci de confirmer cela à [S] » ;

Considérant que M.[K] a ainsi été avisé et n'a pas exprimé de réserve sur le transfert du client groupon à la société Nouveauxproduits.com, ce qui n'avait pas eu pour effet de le concurrencer puisqu'il devait facturer désormais la société Nouveauxproduits à laquelle il lui appartient de demander paiement de commissions s'il y a lieu ;

Sur le client Electrodépôt

Considérant que M.[K] soutient être l'apporteur du client Electrodépot, magasin spécialisé discount, la preuve résultant de ce qu'il a obtenu une commission le 16 novembre 2010 ce que la société Achat Direct conteste, faisant valoir que c'est par erreur que ce versement a été effectué ;

Considérant que la société Achat Direct fait valoir qu'il s'agit d'un de ses clients historiques et fournit une attestation de Mme [P], responsable des Achats en ces termes « responsable des Achats produits pem (petit électroménager) pour la société Electrodépôt depuis octobre 2003, affirme travailler avec Achat Direct depuis mai 2007 et que depuis cette date mon interlocuteur a été et est toujours Monsieur [V] [I] » ; qu'elle produit une facture en date du 20 juillet 2007 pour démontrer cette antériorité ;

Considérant toutefois que M.[K] produit des échanges de courriels avec cette société intervenus en juin 20I0, mettant en évidence une négociation portant sur des cocottes ; que dès lors la commission qu'il a perçue, soit une somme de 2075€ sur une commande de cocottes d'un montant de 20 757,00€ hors taxes de la société Electrodépot, ne constitue à l'évidence pas une erreur mais correspond à la distribution d'un produit qu'il avait accepté ;

Considérant toutefois que le contrat d'agent commercial qui liait M.[K] à la société Achat Direct portait sur des produits laissés au choix de celui-ci qui, disposant alors d'un autre contrat d'agent commercial avec la société [Q], était tenu de veiller à l'intérêt de ses deux mandants en ne distribuant pas des produits pouvant se faire concurrence ; que la société Achat Direct dont la gamme de produits a varié ne disposait pas d'un seul agent commercial ; que M.[K] est dès lors intervenu sur des produits précis ; qu'il ne précise, ni ne justifie les produits qu'il a représentés auprès des deux clients, Groupon et Electrodépôt autre pour cette dernière que ponctuellement des cocottes ; qu'une expertise ne saurait pallier cette défaillance probatoire servant de base à une réclamation de commissions ; que la décision entreprise sera réformée et la demande d'expertise rejetée.

Sur la demande pour procédure abusive

Considérant que M.[K] soutient que la procédure d'appel engagée par la société Achat Direct constitue un abus de droit ; que toutefois la Cour ayant partiellement réformé la décision entreprise, il y a lieu de rejeter cette demande.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que M.[K] a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a ordonné une expertise ;

CONDAMNE la société Achat Direct SARL à payer à Monsieur [F] [K] la somme de 10.000,00 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

REJETTE toute autre demande, fin ou conclusion plus ample ou contraire ;

CONDAMNE la société Achat Direct SARL en tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

B.REITZERC.PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 15/01899
Date de la décision : 10/09/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°15/01899 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-10;15.01899 ?
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