Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2015
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/26240
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Décembre 2014 -Cour d'Appel de [Localité 1] - RG n° 14/18751
DEMANDEURS AU DÉFÉRÉ
Monsieur [B] [N]
Né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté et ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Nicolas SIDIER de la SCP PECHENARD & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R047
SAS SOCIETE DES ETABLISSEMENTS A.SALVI
RCS [Localité 1] 572 058 212
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Nicolas SIDIER de la SCP PECHENARD & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R047
DEFENDRESSE AU DÉFÉRÉ
SA MONTE PASCHI BANQUE
RCS PARIS B 692 016 371
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juin 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente de chambre, et Madame Muriel GONAND, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente de chambre
Madame Muriel GONAND, Conseillère
Monsieur Joël BOYER, Conseiller
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN
ARRÊT :
- Contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MAREVILLE, greffier présent lors du prononcé.
Vu le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 7 mars 2014 qui a débouté la SAS Société des Etablissements A.SALVI et Monsieur [B] [N] de leurs demandes successives relatives à la contestation du taux effectif global des contrats de prêts n° 2908801, 2785401, 29244001, 2923901 et 2715101, de résolution des actes de prêts et d'indemnisation à hauteur de 50 % des fonds restant à restituer, suppression des intérêts à compter de leurs conclusions, remboursement des intérêts, substitution des taux conventionnels par le taux légal et du remboursement de la différence entre les deux taux sur les intérêts déjà versés, condamné la SA MONTE PASCHI BANQUE à recalculer l'ensemble des intérêts des prêts (2908801, 2715201, 2924001, 2923901) en utilisant les valeurs du taux Euribor + 3M aux dates de débuts de période et à payer à la société des Etablissements A.SALVI le trop perçu sur les intérêts déjà versés dans les deux mois de la décision, prononcé la nullité des stipulations de la convention de compte courant ouvert par la société des Etablissements A.SALVI (n° [XXXXXXXXXX01]) relatives à la fixation des intérêts débiteurs conventionnels, ordonné que les intérêts débiteurs dudit compte soient calculés au taux légal et ce à compter du 1er juin 2011, date de début du premier relevé contesté et de dans les deux mois de la décision, ordonné que la société MONTE PASCHI BANQUE compense le trop perçu résultant de l'application indue des intérêts conventionnels et recalcule le solde débiteur du compte courant ouvert par la société des Etablissements A.SALVI au 21 janvier 2012, condamné solidairement la société des Etablissements A.SALVI et Monsieur [B] [N] au titre de son engagement de caution solidaire du 22 février 2007 dans la limite de 60.000 euros, à payer ce nouveau solde débiteur du compte courant ouvert n° [XXXXXXXXXX01] au 21 janvier 2012, outre les intérêts au taux légal à compter de cette date et avec anatocisme, prononcé la nullité des stipulations de la convention de compte courant de Monsieur [B] [N] n° 0661955 relatives à la fixation des intérêts débiteurs conventionnels, ordonné que les intérêts débiteurs dudit compte soient calculés au taux légal et ce à compter du 8 août 2011, date de la prise d'effet de l'avenant du 16 août 2011 et ce dans les deux mois de la présente décision, ordonné que la société MONTE PASCHI BANQUE compense le trop perçu résultant de l'application indue des intérêts conventionnels et recalcule le solde débiteur du compte courant de Monsieur [B] [N] au 21 janvier 2012, condamné Monsieur [B] [N] à payer à la société MONTE PASCHI BANQUE la somme de 375.057,63 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2012 au titre du solde débiteur du compte n° [XXXXXXXXXX02], ordonné l'exécution provisoire, débouté les parties de leurs demandes en application de l'article 700 du Code de procédure civile, condamné in solidum Monsieur [B] [N] et la société des Etablissements A.SALVI aux dépens ;
Vu la déclaration d'appel de Monsieur [B] [N] et de la SAS Société des Etablissements A.SALVI en date du 25 mars 2014 enregistrée sous le numéro 14/06761 du répertoire général ;
Vu la déclaration d'appel de la SA MONTE PASCHI BANQUE en date du 12 septembre 2014 enregistrée sous le numéro 14/18751 du répertoire général ;
Vu la déclaration d'appel de la SA MONTE PASCHI BANQUE en date du 18 septembre 2014 enregistrée sous le numéro 14/19105 du répertoire général;
Vu l'ordonnance en date du 23 septembre 2014 du magistrat chargé de la mise en état ordonnant la jonction des instances enregistrées sous les numéros 14/18751 et 14/19105;
Vu les conclusions d'incident signifiées le 10 octobre 2014 par Monsieur [B] [N] et la société des Etablissements A.SALVI tendant à voir, in limine litis, prononcer l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société MONTE PASCHI BANQUE le 12 septembre 2014, et, y ajoutant, dire que la société MONTE PASCHI BANQUE a interjeté un appel abusif, la condamner à leur payer la somme de 3.000 euros d'amende civile ainsi que la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens ;
Vu les conclusions en réponse signifiées le 10 novembre 2014 par la société MONTE PASCHI BANQUE tendant à voir rejeter l'incident de Monsieur [N] et de la société des Etablissements A.SALVI et déclarer son appel recevable, dire qu'il ne constitue pas un abus de droit, condamner les demandeurs à l'incident à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l'incident ;
Vu l'ordonnance rendue le 16 décembre 2014 par le magistrat de la mise en état qui a débouté Monsieur [B] [N] et la société des Etablissements A.SALVI de leur incident et de toutes leurs demandes, les a condamnés à verser à la société MONTE PASCHI BANQUE la somme de 1.500,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, a rejeté toutes les autres demandes, a condamné Monsieur [B] [N] et la société des Etablissements aux dépens de l'incident avec distraction au profit de l'avocat concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile;
Vu la requête afin de déféré déposée le 26 décembre 2014 par Monsieur [B] [N] et la société des Etablissements SALVI qui demandent à la cour de prononcer l'irrecevabilité de l'appel régularisé par la société MONTE PASCHI le 12 septembre 2014 et de cantonner le litige entre la société SALVI et Monsieur [B] [N] d'une part et la société MONTE PASCHI d'autre part, dans l'instance ouverte sous le numero RG 14/06761, de condamner la société MONTE PASCHI au paiement d'une amende civile d'un montant de 3.000€ et à leur verser la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions signifiées le 21/5/2015 par la société MONTE PASCHI qui demande à la cour de déclarer Monsieur [N] et la société des établissements SALVI mal fondés en leur déféré, de confirmer l'ordonnance du magistrat de la mise en état, en conséquence de déclarer son appel recevable, de débouter les requérants de leurs demandes fins et conclusions et de les condamner au paiement de la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE
Considérant que Monsieur [N] et la société des Etablissements A.SALVI exposent qu'ils ont interjeté appel du jugement déféré le 25 mars 2014 (enregistré sous numéro RG 14/06761) et que l'intimée a constitué avocat le 15 avril 2014, qu'ils ont conclu le 16 juin 2014 dans le délai de trois mois prévu par l'article 908 du code de procédure civile et que l'intimée n'a pas conclu dans le délai de deux mois qui lui était imparti ; que le défaut de conclusions dans le délai étant sanctionné par l'irrecevabilité d'office des écritures ultérieures de l'intimée, la société MONTE PASCHI BANQUE a interjeté un nouvel appel principal contre le jugement le 12 septembre 2014 (enregistré sous numéro RG 14/18751)et, s'étant trompée sur l'adresse de son propre siège social, elle en a interjeté un second le 18 septembre 2014 (enregistré sous numéro RG 14/19105) pour contourner la sanction de l'article 909 du code de procédure civile, ce qui lui a permis de conclure au fond le 30 septembre 2014 ; qu'ils estiment que, si la société MONTE PASCHI BANQUE a bien interjeté appel dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement intervenue le 11 septembre 2014, elle l'a fait dans le but de frauder la loi et alors que les délais pour conclure et interjeter appel étaient expirés ; qu'ils ajoutent que le principe de l'estoppel, constitutif d'une fin de non recevoir, a vocation à s'appliquer et que la société MONTE PASCHI BANQUE ne peut pas se contredire au détriment d'autrui en constituant avocat dans une instance en laissant s'écouler son délai pour conclure puis en régularisant un appel pour ouvrir une seconde instance dans laquelle elle conclut ; qu'enfin, ils prétendent que l'appel étant abusif, elle est fondée à obtenir le paiement d'une amende civile en application de l'article 559 du code de procédure civile ;
Considérant qu'en réponse, la société MONTE PASCHI BANQUE souligne l'absence de fondement textuel de l'irrecevabilité soulevée ; qu'elle précise qu'elle n'a pas obtenu le plein de ses demandes devant le Premier juge et a donc intérêt à faire un appel principal ; qu'elle soutient que son appel principal est recevable au visa de l'article 546 du code de procédure civile puisqu'il est justifié par un intérêt légitime et qu'il peut être qualifié d'abusif ; qu'elle allègue qu'elle n'avait pas l'obligation de former un appel incident sur l'appel de Monsieur [N] et de la SOCIETE DES ETABLISEEMENTS A SALVI mais bénéficiait elle aussi d'un droit propre à diligenter un appel principal ; qu'elle rappelle que d'autre part la décision dont appel n'a fait l'objet d'une signification que le 11 septembre 2014, et qu'en conséquence le délai d'appel n'était pas expiré lorsqu'elle a interjeté appel et qu'en vertu de l'article 528 du code de procédure civile le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n'ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement ; qu' elle soutient qu'aucun texte ne subordonne un délai raccourci pour former un appel et que le conseiller de la mise en état a donc parfaitement justifié sa décision en jugeant que l'article 909 du code de procédure civile sanctionne le défaut de conclusions de l'intimé dans le
délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévu par l'article 908 du même code et rend forclos l'intimé, à former le cas échéant, un appel incident une fois le délai de deux mois expiré sans diligence ; qu'il ne prévoit aucune déchéance du droit d'appel prévu par l'article 538 du code de procédure civile ; qu'elle affirme qu' une partie intimée, qui est irrecevable à conclure et à former un appel incident, peut former un appel principal tant qu'elle est dans le délai de l'article 538 du code de procédure civile ; qu'il n'y a pas fraude à la loi qui n'a pas prévu de sanctionner l'irrecevabilité des conclusions par la perte du droit d'appel de la partie intimée, au demeurant forclose à former appel incident ; qu'il n'y a aucun abus de droit d'appel ; qu'il y a lieu d'établir une comparaison avec l'article 908 du code de procédure civile puisque 'la caducité des conclusions d'appel ne prive pas l'appelant de réitérer son appel par une nouvelle déclaration d'appel et qu'ainsi alors que l'appelant pourrait corriger sa méconnaissance des délais par une nouvelle déclaration d'appel si le jugement n'a pas été signifié, à l'inverse l'intimé serait déchu de ce droit, il en résulterait une absence de symétrie dans la situation de l'appelant et de l'intimé, ce qui peut soulever des interrogations, dans le prolongement de celles existantes sur la comptabilité de l'article 909 du code de procédure civile avec l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme ; que d'autre part admettre que la caducité de la déclaration d'appel est une cause d'extinction du droit d'appel, à titre de sanction de la méconnaissance d'une charge procédural d'ordre public, contredirait les dispositions générales prévues à l'article 385 du code de procédure civile, selon lesquelles l'instance s'éteint à titre principal par l'effet de la caducité de la citation, ce qui ne met pas obstacle à l'introduction d'une nouvelle instance ;
Que la jonction ne créant pas d'instance unique, son appel ne peut être déclaré irrecevable pour des raisons ne dépendant pas de cette instance mais tenant à des considérations relatives à l'instance d'appel de Monsieur [N] et de la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS A SALVI ;
Que l'article 528 et l'article 538 n'ont pas été abrogés ou même modifiés par la réforme du Code de procédure civile ni d'ailleurs l'article 909 qui ne vise pas l'appel principal mais uniquement l'appel incident ;
Que le principe de l'estoppel ne peut recevoir application en l'espèce ; qu'il n'y a pas de contradiction à former un recours principal à l'encontre d'une décision de justice au lieu d'un appel incident ;
Considérant que selon l'article 909 du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 du code de procédure civile pour conclure et former, le cas échéant, appel incident ;
Considérant que Monsieur [N] et la société Etablissements A.SALVI ont interjeté appel principal, le 25 mars 2014, du jugement rendu le 7 mars 2014 ; que la société MONTE PASCHI BANQUE a constitué avocat le 15 avril 2014 ; que les appelants ont conclu le 16 juin 2014 dans le délai de trois mois prévu par l'article 908 du code de procédure civile ; que ses écritures procédurales, signifiées à l'intimée, ont fait courir à l'encontre de celle-ci le délai de deux mois ouvert à l'intimé par l'article 909 du code de procédure civile pour conclure et former le cas échéant appel incident ;
Considérant qu'il est constant que l'intimée s'est abstenue de conclure ;
Considérant que du fait de cette abstention alors que cette voie de recours lui était ouverte dans les conditions prévues par l'article 550 du code de procédure civile, qui prévoit que sous réserve des articles 909 et 910 du code de procédure civile l'appel incident peut être formé en tout état de cause alors même que celui qui l'interjetterait serait forclos pour agir à titre principal, la société MONTE PASCHI BANQUE n'est pas recevable à relever appel principal du jugement précédemment attaqué, la circonstance qu'elle ait formé son appel dans le délai légal, le jugement ayant été signifié par acte d'huissier de justice du 11 septembre 2014, étant indifférente ;
Considérant en conséquence que l'appel interjeté le 12 septembre 2014, puis, à nouveau, le 18 septembre 2014, compte tenu d'une erreur d'adresse, par la société MONTE PASCHI BANQUE sera déclaré irrecevable ;
Considérant bien qu'irrecevable, l'appel n'est pas abusif ; que les requérants seront déboutés de leur demande de prononcé d'une amende civile ;
Considérant que la société MONTE PASCHI BANQUE, qui succombe et sera condamnée aux dépens de l'incident et du déféré, ne peut prétendre à l'octroi de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'équité commande au contraire de la condamner à payer à ce titre la somme globale de 5.000€ à Monsieur [N] et à la société Etablissements A.SALVI ;
Considérant que l'ordonnance déférée sera infirmée en toutes ses dispositions ;
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare l'appel principal de la société MONTE PASCHI BANQUE irrecevable,
Condamne la société MONTE PASCHI BANQUE à payer la somme globale de 5.000€ à Monsieur [N] et à la société des Etablissements A.SALVI en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes des parties,
Condamne la société MONTE PASCHI BANQUE aux dépens de l'incident et du déféré qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT