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10/09/2015 | FRANCE | N°13/22571

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 10 septembre 2015, 13/22571


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3



ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2015



(n° , 14 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 13/22571



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2013 - Tribunal d'Instance de Paris 3ème arrondissement - RG n° 11-13-000030





APPELANT



Monsieur [S] [A]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 2]r>
demeurant au [Adresse 6]

[Adresse 1]



Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Marion CHARBONNIER, avocate au barreau de PARIS, toque : D0947





INTIMÉES



Madame [E] [W] [T] [M] [X] [B]...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3

ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2015

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/22571

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2013 - Tribunal d'Instance de Paris 3ème arrondissement - RG n° 11-13-000030

APPELANT

Monsieur [S] [A]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 2]

demeurant au [Adresse 6]

[Adresse 1]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Marion CHARBONNIER, avocate au barreau de PARIS, toque : D0947

INTIMÉES

Madame [E] [W] [T] [M] [X] [B]

née le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 1]

demeurant au [Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Arnault GROGNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E1281

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/056667 du 31/01/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS au profit de Me Arnault GROGNARD)

SA REGIE IMMOBILIÈRE DE LA VILLE DE PARIS - RIVP -

RCS Paris 552 0320708

ayant son siège au [Adresse 2]

[Adresse 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Ayant pour avocat plaidant Me Catherine HENNEQUIN de la SELAS LGH & Associés, avocate au barreau de PARIS, toque : P483

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 785, 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mai 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Isabelle VERDEAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle BROGLY, Conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composé de':

Madame Isabelle VERDEAUX, Présidente de chambre

Madame Isabelle BROGLY, Conseillère

Madame Sophie GRALL, Conseillère, en application de l'ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d'appel de PARIS, du 19 décembre 2014, modifiée par l'ordonnance rectificative du 13 février 2015.

qui en ont délibéré,

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

Lors du prononcé : Mme Viviane REA

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle VERDEAUX, présidente et par Madame Viviane REA , greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous-seing privé en date du 28 septembre 1998, la Régie Immobilière de la Ville de Paris, ci-après désignée R.I.V.P, a donné en location à Monsieur [S] [A], des locaux à usage d'habitation sis à [Adresse 3].

Par courrier en date du 16 mars 2012, Madame [E] [B] a informé la RIVP qu'elle ne vivait plus dans le logement commun qu'elle occupait avec Monsieur [A] dont elle prétendait qu'il le lui avait cédé. Elle a sollicité sur le fondement des dispositions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, le bénéfice du maintien dans les lieux, tout en produisant un pacte de solidarité civil conclu le 9 janvier 2012.

La RIVP a opposé une fin de non-recevoir à la demande.

Monsieur [S] [A] a, par courrier du 7 avril 2012, informé la bailleresse que son départ devait être assimilé à un abandon de logement et qu'à ce titre le bail devait être transféré à son ex-compagne.

Par acte d'huissier de justice en date des 7 et 9 janvier 2013, la RIVP qui alléguait le maintien injustifié de Madame [E] [B] dans les lieux loués, lui a fait délivrer assignation ainsi qu'à Monsieur [S] [A] devant le Tribunal d'Instance du 3ème arrondissement de Paris qui, par jugement rendu le 28 octobre 2013, a :

* prononcé la résiliation du bail à compter du 20 septembre 2012.

* ordonné l'expulsion de Monsieur [S] [A] ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux situés [Adresse 3], dans les formes légales, avec au besoin, le concours de la force publique, faute de départ volontaire dans un délai de deux mois à compter de la délivrance du commandement d'avoir à quitter les lieux, signifié en application de la décision.

* dit que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L 433-1, L 433-2, R 433-1 à R 433-7 du Code des procédures civiles d'exécution,

* condamné Monsieur [S] [A] à verser à la RIVP la somme de 12 164,89 € avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement, représentant la dette locative au 28 août 2013.

* condamné in solidum Monsieur [S] [A] et Madame [E] [B] à verser à la RIVP une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant habituel du loyer et de ses accessoires, à compter du jugement et jusqu'à complète libération des lieux.

* débouté les parties de leurs autres demandes.

* condamné in solidum Monsieur [S] [A] et Madame [E] [B] aux dépens.

Monsieur [S] [A] a interjeté appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions du 18 mai 2015, il poursuit l'infirmation du jugement et demande en conséquence à la Cour, statuant à nouveau, de :

principalement :

* constater que l'ensemble des attestations et pièces produites aux débats démontrent qu'il a abandonné définitivement son domicile du [Adresse 3], le 31 janvier 2012 de manière brusque et imprévisible, suite à une crise conjugale.

* dire et juger que par application de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, le contrat de location qui le liait à la RIVP a été résilié de plein droit à la date du 31 janvier 2012.

* dire et juger que le bail étant résilié de plein droit par l'effet de la loi, l'arriéré locatif dû après le 31 janvier 2012 ne peut lui être imputable et déclarer en conséquence nul le commandement de payer qui lui a été délivré à ce titre.

* dire et juger qu'il ne peut pas être tenu solidairement au paiement des indemnités d'occupation en raison du maintien dans les lieux de Madame [E] [B].

* dire et juger que le RIVP a violé les dispositions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 qui ne posent aucune présomption de concertation ou de cession irrégulière du bail.

* dire et juger que l'attitude procédurale de la RIVP qui a sciemment dénaturé les faits de la cause et trompé le premier juge, lui a causé un préjudice financier et moral.

* condamner la RIVP à lui verser la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts .

* débouter la RIVP et Madame [E] [B] de l'ensemble de leurs demandes.

subsidiairement :

* si la Cour déclarait qu'il doit être tenu au paiement de l'arriéré locatif, dire et juger que l'arriéré correctement calculé correspond à la somme de 22 870,32 € au 30 avril 2015 et que le préjudice financier causé à Madame [B] et par ricochet à lui-même est à cette même date, de 18 998,07€.

* dire et juger que les dispositions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 ne posant aucune présomption de concertation ou de cession irrégulière du bail, la RIVP avait l'obligation de délivrer à Madame [E] [B], qui justifiait par ailleurs remplir toutes les conditions de continuation du bail, les documents qu'elle sollicitait afin d'obtenir ses droits à aides sociales et allocation logement.

* dire et juger qu'en refusant de répondre aux sollicitations de Madame [E] [B], la RIVP a sciemment commis une faute envers elle, en la privant de la possibilité de régler intégralement son loyer et que ce préjudice l'a atteint par ricochet.

* condamner en conséquence la RIVP à lui verser la somme de 18 998,07€ à titre de dommages-intérêts, équivalente au total des prestations sociales et allocations logement dont le bailleur social, parfaitement informé des règles en la matière a, par son comportement, empêché sciemment la perception par Madame [B], et ce alors même que celle-ci avait justifié de sa situation et proposé à la RIVP la perception directe de l'allocation logement dès l'origine du litige.

en tout état de cause :

* condamner la RIVP à verser à Monsieur [S] [A] la somme de 4 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

* condamner la RIVP aux dépens pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

La RIVP, intimée, par dernières conclusions du 13 mai 2015, demande à la Cour de :

* déclarer Monsieur [S] [A] irrecevable et mal fondé en son appel.

* le débouter de l'ensemble de ses demandes.

* déclarer Madame [E] [B] irrecevable et mal fondée en son appel incident.

* la débouter de l'ensemble de ses demandes.

* confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

y ajoutant

* condamner Monsieur [A] et Madame [E] [B] à lui verser chacun la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions signifiées le 2 mai 2015, Madame [E] [B] demande à la Cour de :

* infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

statuant à nouveau :

* constater que les conditions de départ de Monsieur [A] ont été réalisées de manière brusque et imprévisible pour elle ainsi qu'à son insu, caractérisant pleinement l'abandon de domicile de son ex-compagnon.

* constater que la séparation du couple n'a été ni concertée, ni progressive, contrairement aux affirmations de la RIVP qui n'ont pour seul but que de faire échec à un texte d'ordre public de protection.

en conséquence

* dire et juger que par application des dispositions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, la continuation plein droit du bail est acquise à son profit, depuis le mois de février 2012, date de l'abandon du domicile par Monsieur [S] [A].

* condamner la RIVP à lui verser la somme de 18 998,07 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier.

* condamner la RIVP à lui verser la somme de 5 000 € à titre d'indemnisation de son préjudice moral.

* ordonner à la RIVP de lui adresser des quittances de loyers depuis février 2012 et de lui retourner les attestations nécessaires à l'obtention de ses droits à allocation logement et au complément d'allocation adulte handicapé.

* reporter et échelonner le paiement de l'arriéré locatif sur deux années, en lui accordant le bénéfice des dispositions de l'article 1244-1 du code civil.

* débouter la RIVP de l'ensemble de ses demandes.

* condamner la RIVP à lui verser la somme de 2 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

plus subsidiairement

* compte tenu de sa bonne foi, lui accorder un délai de douze mois pour quitter les lieux et lui permettre de retrouver un logement.

MOTIFS DE LA DECISION.

Sur les demandes de Monsieur [S] [A].

1) Sur l'analyse des circonstances du départ des lieux loués par Monsieur [S] [A] et les conséquences.

Au soutien de son appel, Monsieur [S] [A] reproche au premier juge d'avoir, pour le condamner à paiement, fait une analyse reposant sur une double erreur, à savoir une dénaturation des faits de l'espèce en raison des affirmations sciemment mensongères de la RIPV selon lesquelles son départ des lieux se serait effectué en concertation avec Madame [B] et qu'il lui aurait donc cédé son logement, et une erreur de droit car les conséquences de son abandon de domicile sont régies par les dispositions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989.

La RIVP réplique que Monsieur [S] [A] est mal fondé à démontrer lui-même le prétendu caractère brusque et imprévisible de son départ, cette démonstration devant être apportée par Madame [B] qui sollicite le transfert du bail à son profit en application des dispositions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989.

Pour autant, contrairement ce que prétend la RIVP, Monsieur [S] [A] est recevable à invoquer lui-même le caractère brusque et imprévisible de son départ dès lors qu'en application de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, l'abandon du domicile par le locataire en titre emporte résiliation de plein droit du bail à son égard.

Se pose donc en l'espèce la question de savoir si le départ de Monsieur [S] [A] peut s'analyser en un abandon de domicile, et si oui, quelles conséquences cet abandon entraîne-t-il dans les relations entre le bailleur et le locataire en titre d'une part et dans celles entre le bailleur et l'occupant resté dans les lieux d'autre part.

L'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 dispose notamment qu'en cas d'abandon du domicile par le locataire, le contrat de location continue au profit du partenaire lié par un pacte civil de solidarité.

L'abandon du domicile au sens des dispositions de l'article 14 précité doit s'entendre du départ brusque et imprévisible du locataire, à l'exclusion d'un départ concerté avec les personnes qui vivaient avec lui.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Monsieur [S] [A] a vécu maritalement avec Madame [B] et qu'ils ont contracté ensemble un PACS le 9 janvier 2012.

Monsieur [S] [A] justifie par la production de deux attestations parfaitement régulières, à savoir celles de Monsieur [D] [G] et de Monsieur [F] [V], des circonstances précises dans lesquelles il a quitté les lieux loués.

Ainsi aux termes de l'attestation qu'il a signée le 4 novembre 2013, Monsieur [D] [G] témoigne-t-il en ces termes : 'j'atteste que le mardi 31 janvier 2012 en fin d'après-midi, j'ai aidé Monsieur [A] à déménager ses affaires et effets personnels de son appartement du [Adresse 3]. Sa compagne était absente. Monsieur [A] m'avait expliqué qu'ils s'étaient très fortement querellés le dimanche 29 janvier et qu'ils avaient eu une nouvelle scène de ménage très houleuse ce 31 janvier lors du déjeuner. Monsieur [A] que je connaissais habituellement calme et posé, était sous le coup de l'émotion et avait de la peine à se contrôler depuis qu'il avait appris qu'elle le trompait.

Il m'a dit qu'il ne pouvait vivre avec cette femme qui le trompait et qui l'accusait d'être violent, alors qu'il avait envisagé de la demander en mariage et qu'ils venaient de se pacser.

Monsieur [A] a abandonné son logement pour éviter de se trouver injustement accusé de violences conjugales alors que je peux attester que même s'il était perturbé par cette situation, à aucun moment, il n'a eu de propos agressifs envers sa femme en ma présence'.

De même dans une attestation datée du 29 mars 2014 produite par Madame [E] [B], Monsieur [F] [V] témoigne ainsi : 'j'atteste que le mardi 31 janvier 2012, Madame [E] [B] m'a appelé, elle était en pleurs et m'a demandé de venir parce que son compagnon avait eu un accès de violence après l'avoir surprise embrassant un autre homme dans la rue. Elle était rentrée à la maison, ils avaient eu une scène de ménage, elle était terrorisée. Je me suis rendu alors à son domicile du [Adresse 3], il était midi passé. [E] m'a ouvert, elle était livide et m'a conduit au salon. J'ai alors constaté que de nombreux débris de verre jonchaient le sol. [E] était en pleurs et m'expliquait ce qui venait de se produire, lorsque son compagnon est sorti furieux de sa chambre, a fait irruption dans le salon et s'est écrié ' qu'est ce qu'il fout celui-là'. Puis, il s'en est de nouveau pris à [E] en l'insultant, en lui disant que ce n'était pas parce que j'étais là qu'il changerait d'avis, qu'elle ne vivait avec lui que pour son argent, qu'il n'accepterait jamais d'être cocu.

J'ai dit alors à [E] de ne pas répondre et de quitter les lieux. En furie, Monsieur [A] a continué ses agressions verbales puis a quitté l'appartement en disant qu'il partait, ce serait fini entre eux. Après cela, j'ai tenté de rassurer [E] qui était très choquée. Je lui ai proposé de l'accompagner déposer une plainte. Mais elle m'a répondu qu'elle ne voulait pas y aller parce qu'elle avait trop peur qu'il se venge. Elle n'avait plus aucune force, se sentait épuisée et m'a demandé si je pouvais l'héberger pour la nuit; ce que j'ai accepté.

J'ai accompagné [E] le lendemain lorsqu'elle est retournée chez elle, non sans appréhension. Monsieur [A] n'était pas là. Le sol avait été nettoyé, il n'y avait plus de débris de verre par terre mais j'ai constaté que l'appartement avait été en partie vidé. '

Il est encore produit une attestation émanant de Madame [P] [R] aux termes de laquelle celle-ci témoigne le 26 mai 2014 que : '.... Madame [E] [B] m'a téléphoné le 31 janvier 2012 au soir pour me dire qu'elle se sentait très mal après une scène que lui avait faite son compagnon, Monsieur [S] [A] qui l'accusait d'adultère. Elle est allée passer la nuit chez un ami et le lendemain m'a à nouveau téléphoné pour de me dire que l'appartement avait été vidé en partie.

Dans les jours qui ont suivi, [E] allait de plus en plus mal car son compagnon n'est jamais revenu et elle se retrouvait seule à gérer sa vie quotidienne, ce qui lui est très difficile en raison de son handicap. Je suis alors venue en personne l'aider à partir du 12 février 2012 où j'ai été témoin d'une conversation téléphonique où Monsieur [A] l'insultait et l'agressait verbalement. Dans les jours qui ont suivi, je suis venue régulièrement aider [E] qui était en dépression sévère, elle n'arrivait plus à manger, elle ne sortait plus de chez elle car elle avait peur de croiser son ancien compagnon. Le 15 février 2012, [E] m'a confié une lettre recommandée mais a fait une crise de panique ensuite et il m'a fallu la rassurer plusieurs heures et j'ai oublié de poster cette lettre. C'est de ma faute si ce courrier a été posté avec du retard, j'en suis profondément désolée et je m'en excuse'.

Les témoignages des trois auteurs des attestations concordent sur les circonstances du départ des lieux de Monsieur [S] [A].

Le contenu de ces trois attestations corrobore très exactement la lettre du 15 février 2015 que Madame [E] [B] a adressée à la RIPV peu de temps après les faits, en ces termes : ' je suis Madame [E] [B], je suis pacsée avec Monsieur [S] [A] dans l'immeuble du [Adresse 3], appartement 7. Nous avons eu une scène de ménage horrible suite à laquelle il a quitté sans prévenir l'appartement en emportant tout ce qui était à lui et il m'a laissé seule. Il m'a ensuite laissé sans nouvelles pendant plusieurs jours. Puis il m'a téléphoné pour me dire qu'il ne reviendrait pas et qu'il faisait suivre son courrier ailleurs. J'ai ensuite découvert un mot de sa part dans la boîte aux lettres que je vous mets en copie. Il me dit de me manifester auprès de vous car il ne veut pas payer le loyer de février (il est parti fin janvier).

Je suis pour ma part handicapée susceptible de bénéficier de prestations sociales, et je compte rester dans l'appartement en continuant le bail, je m'engage donc à payer le loyer mais je dois solliciter l'allocation logement et je vous remercie de remplir la partie 'attestation de loyer' du bailleur du formulaire ci-joint pour l'allocation logement, en me désignant comme locataire à compter du 1er février, puis de me renvoyer ce formulaire pour que je le renvoie à la CAF......'.

Aux termes des deux premières lettres qu'elle a adressées en réponse à Madame [E] [B], la RIVP n'a jamais posé la moindre question, ni a fortiori émis le moindre doute sur les circonstances du départ des lieux de Monsieur [S] [A]. C'est ainsi que :

* dans celle datée du 6 mars 2012, la RIVP écrit en ces termes à Madame [E] [B] : 'nous accusons réception de son courrier recommandé du 5 mars 2012 par lequel vous nous informez du départ de Monsieur [A] [S]. Afin de pouvoir étudier votre demande, nous vous remercions de bien vouloir nous faire parvenir une copie du PACS....'.

* dans celle du 26 mars 2012, la RIVP indique que 'nous regrettons de vous informer que nous ne pouvons donner une suite favorable à votre demande concernant le droit au maintien dans les lieux, suite au départ de Monsieur [A] [S], locataire [Adresse 3]. En effet, le conjoint lié au locataire par un pacte civil de solidarité ne peut être considéré comme co-titulaire du bail (sauf en cas de signature du contrat). Le logement a été attribué à Monsieur [A], il est donc seul bénéficiaire du bail. En conséquence, nous invitons Monsieur [A] à donner congé du logement et prendre rendez-vous pour l'établissement de l'état des lieux sortant.... '

Il ressort des courriers que la RIVP s'est bornée à solliciter de Madame [E] [B] le document relatif au PACS qu'elle avait conclu avec Monsieur [S] [A], sans prétendre qu'il y aurait eu concertation ou cession de logement, ni sans demander des éclaircissements sur les conditions de départ du locataire en titre . Ce n'est que bien postérieurement que la RIVP a opposé le refus au maintien dans les lieux au prétexte que l'abandon par Monsieur [A] des lieux loués n'était pas caractérisé.

Contrairement à ce que soutient la RIVP, Madame [E] [B] ne lui a jamais écrit que Monsieur [A] lui aurait cédé le logement commun.

Il est donc constant que la thèse de la concertation et de la cession de bail alléguée par la RIVP n'a été invoquée qu'après que cette dernière ait compris que le motif juridique énoncé dans sa lettre du 26 mars 2012 n'était pas fondée.

Dans ces conditions, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a dit et jugé que Monsieur [S] [A] avait irrégulièrement cédé son logement à Madame [B], qu'il ne l'occupait donc plus personnellement et qu'il y avait donc lieu de prononcer la résiliation du bail aux torts du locataire en titre pour manquement à ses obligations contractuelles.

Statuant à nouveau, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 qui entraînent la résiliation de plein droit du bail à l'égard de Monsieur [S] [A] depuis le 31 janvier 2012, date à laquelle il a abandonné définitivement les lieux loués.

Par suite, la RIVP ne peut qu'être déboutée de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de Monsieur [S] [A].

2) Sur la demande de dommages-intérêts formée par Monsieur [S] [A] à l'encontre de la RIVP.

Au soutien de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de la somme de 5 000 € , Monsieur [S] [A] invoque la faute commise par la RIVP ayant consisté à refuser d'appliquer un texte d'ordre public protecteur et son attitude procédurale qui le diffame ouvertement.

Cependant, la RIVP ayant pu se méprendre sur l'étendue de ses droits, son action ne saurait être qualifiée d'abusive, étant précisé à cet égard que l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol, ce qui n'est pas démontré en l'espèce.

Monsieur [S] [A] doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts.

3) Sur les autres demandes de Monsieur [S] [A] formées dans l'intérêt de Madame [E] [B].

Monsieur [S] [A] doit être déclaré irrecevable en ses demandes formées au nom de Madame [E] [B] en application de l'adage 'nul ne plaide par procureur'.

Sur les demandes de Madame [E] [B].

1) Sur l'acquisition de la clause résolutoire.

Les conditions du départ de Monsieur [S] [A] ayant été déclarées brusques et imprévisibles, il y a lieu de dire et juger que le bail dont il était titulaire a continué, en application des dispositions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, au profit de Madame [E] [B] à compter du 1er février 2012, date de l'abandon des lieux loués par Monsieur [A].

La RIVP ayant fait délivrer un commandement de payer uniquement à Monsieur [A], la clause résolutoire ne peut se trouver acquise au profit de la bailleresse qui aurait dû le signifier à Madame [E] [B]. Le jugement doit être infirmé sur ce point.

2) Sur les demandes indemnitaires de Madame [E] [B].

Madame [E] [B] sollicite la condamnation de la RIVP à lui verser la somme de 18 998,07 € à titre d'indemnisation de son préjudice financier, ainsi que la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour mauvaise foi et résistance abusive. Elle fait valoir que son impossibilité de percevoir l'aide au logement et un complément de l'allocation adulte handicapée est imputable à faute à la RIVP qui n'a pas accepté de remplir les formulaires qu'elle lui a adressés et que de ce fait le montant de son arriéré locatif n'a cessé d'augmenter.

Pour autant, ainsi que le fait justement observer la RIVP sans être contredite, Madame [E] [B] dispose depuis le 8 octobre 2012 du RIB de la RIVP sans qu'aucun règlement ne soit intervenu depuis cette date.

D'autre part, Madame [E] [B] ne justifie pas par les seuls documents qu'elle verse aux débats son allégation selon laquelle elle était en droit de bénéficier de l'aide au logement et du complément de l'allocation adulte handicapée.

* le document 'simulation logement' qu'elle produit concerne une simple simulation d'aide personnalisée au logement pour l'année 2014, aucun autre justificatif n'étant par ailleurs versé aux débats pour les années 2012, 2013 et 2015. Il y a lieu d'observer que cette simulation est dépourvue de toute force probante s'agissant d'une simulation générale, sans prise en compte des spécificités du logement.

* le justificatif de l'allocation aux adultes handicapés produit n'est qu'une simple fiche d'information, non adaptée à la situation spécifique de Madame [B].

En outre, Madame [B] se borne à alléguer sans verser la moindre pièce, qu'elle était en droit de percevoir une allocation logement de 307,82 € et qu'elle aurait pu également percevoir une majoration de son allocation adulte handicapée pour un montant de 179,31 €.

Or, en admettant que Madame [B] ait perçu les aides susvisées, leur montant n'aurait pas permis de payer l'intégralité du loyer.

En réalité, le préjudice allégué par Madame [B] doit s'analyser en une simple perte de chance de percevoir les aides diverses auxquelles elle aurait pu prétendre. Ce préjudice sera suffisamment indemnisé par l'allocation de la somme de 3 000 €, toutes causes confondues.

Sur les demandes de la RIVP.

1) Sur l'arriéré locatif.

La RIVP produit un décompte locatif actualisé au 12 mai 2015 qui fait apparaître un solde en sa faveur de 24 293,21 €.

Madame [E] [B] doit être seule condamnée au paiement de cette somme et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur la demande de résiliation de bail aux torts exclusifs de Madame [E] [B].

LA RIVP sollicite la résiliation du contrat de location aux torts de madame [E] [B] pour manquements graves et renouvelés aux clauses du bail et notamment à celle de payer régulièrement les loyers.

Compte tenu de l'importance de la dette locative, il y a lieu de faire droit à la demande de la RIVP en prononçant la résiliation du bail aux torts exclusifs de Madame [E] [B], en ordonnant son expulsion selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision sans faire droit à ses demandes reconventionnelles de délais de paiement et de délais pour libérer les lieux dont elle a, de fait, bénéficié depuis maintenant plus de trois ans.

Madame [E] [B] doit être seule condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer si le bail s'était poursuivi, outre les charges jusqu'à la libération complète des lieux se matérialisant soit par la remise des clés, soit par l'expulsion.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La RIVP doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel exposés par Monsieur [S] [A].

Dans les rapports entre la RIVP d'une part et Madame [E] [B] d'autre part, chacune des parties gardera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

La somme qui doit être mise à la charge de la RIVP au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Monsieur [S] [A] peut être équitablement fixée à 3 000 €.

En équité, il n'y pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en faveur de la RIVP et de Madame [E] [B].

PAR CES MOTIFS.

LA COUR

Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit et jugé non applicables les dispositions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 ainsi qu'en ses dispositions subséquentes.

Statuant à nouveau.

PRONONCE la résiliation de plein droit du bail à l'égard de Monsieur [S] [A] depuis le 31 janvier 2012, date à laquelle il a abandonné définitivement les lieux loués.

DÉCLARE non acquise la clause résolutoire insérée à l'engagement de location.

DÉBOUTE en conséquence la RIVP de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de Monsieur [S] [A].

DÉBOUTE Monsieur [S] [A] de ses demandes de dommages-intérêts.

DÉCLARE Monsieur [S] [A] irrecevable en ses demandes formées dans l'intérêt de Madame [E] [B].

CONDAMNE la RIVP à verser à Madame [E] [B] la somme de

3 000 € à titre d'indemnisation de sa perte de chance de recouvrer les aides au logement et partie de l'allocation adulte handicapée.

CONDAMNE Madame [E] [B] à verser à la RIVP la somme de 24 293,21 € au titre de l'arriéré locatif selon décompte actualisé au 12 mai 2015.

PRONONCE la compensation judiciaire entre le montant des créances respectives des parties.

PRONONCE la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de Madame [E] [B].

A défaut de libération volontaire des lieux par Madame [E] [B], autorise la RIVP à faire procéder, dans les formes légales, à son expulsion, ainsi qu'à celle de tous occupants de son fait, des lieux sis à [Adresse 3] et en tout état de cause à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du commandement d'avoir à libérer les lieux, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, si besoin.

DIT que conformément aux dispositions des articles L 433-1, L 433-2, R 433-1 à R 433-7 du Code des procédures civiles d'exécution, les meubles et objets mobiliers se trouvant dans les lieux seront remis, aux frais de la locataire expulsée, en un lieu que cette dernière aura choisi et à défaut ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la locataire expulsée d'avoir à les retirer à ses frais dans le délai d'un mois.

FAIT droit à la demande d'indemnité d'occupation en la fixant à une somme égale au montant du loyer si le bail s'était poursuivi, outre les charges.

CONDAMNE Madame [E] [B] au paiement de cette indemnité d'occupation ainsi que ci-dessus fixée jusqu'à la libération effective des lieux se matérialisant soit par la remise des clés, soit par l'expulsion.

CONDAMNE la RIVP à verser à Monsieur [S] [A] la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

DÉBOUTE la RIVP et Madame [E] [B] de leur demande formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNE la RIVP aux dépens de première instance et d'appel exposés par Monsieur [S] [A].

DIT que dans les rapports entre la RIVP d'une part et Madame [E] [B] d'autre part, chacune des parties gardera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

DIT que les dépens d'appel pourront être recouvrés par les conseils qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

Mme Viviane REA Madame Isabelle VERDEAUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 13/22571
Date de la décision : 10/09/2015

Références :

Cour d'appel de Paris G3, arrêt n°13/22571 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-10;13.22571 ?
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