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10/09/2015 | FRANCE | N°13/06309

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 10 septembre 2015, 13/06309


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 10 Septembre 2015

(n° 422 , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/06309



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Février 2001 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS Section encadrement RG n° 00/08213









APPELANT

Monsieur [E] [O]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naiss

ance 1] 1964 à [Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Bruno AGID, avocat au barreau de PARIS,

toque : P0405







INTIMEE

CREDIT AGRICOLE CORPORATE & INVESTMENT BANK venant aux droit...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 10 Septembre 2015

(n° 422 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/06309

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Février 2001 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS Section encadrement RG n° 00/08213

APPELANT

Monsieur [E] [O]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Bruno AGID, avocat au barreau de PARIS,

toque : P0405

INTIMEE

CREDIT AGRICOLE CORPORATE & INVESTMENT BANK venant aux droits du CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX (CIAC)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me François Hascoet, avocat au barreau de PARIS, toque : P0577

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Juin 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Patrice LABEY, Président de chambre

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Wafa SAHRAOUI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Madame Wafa SAHRAOUI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [E] [O] a été engagé le 3 mai 1996 par le CREDIT AGRICOLE INDOSUEZ CHEUVREUX (CAIC) en qualité de commis de bourse, statut cadre, avec la fonction contractuelle de "vendeur de produits dérivés à destination de la clientèle institutionnelle " et par ailleurs chargé de l'analyse financière des obligations convertibles et de la conception de produits financiers, pour une rémunération annuelle forfaitaire de 728.495,92F (111.058,49€) dans le dernier état des relations contractuelles régies par la Convention collective de la bourse, outre des primes spécifiques au département « vente de produits dérivés et convertibles » dirigé par M. [U], son responsable hiérarchique.

Le 31 janvier 2000, la Caisse Autonome Nationale de Compensation d'Assurance Vieillesse Artisanale (CANCAVA) , arguant du caractère excessif des marges réalisées par le CAIC sur des opérations exercées pour son compte en février 1999, a saisi le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE aux fins de désignation d'un expert, en l'espèce la Commission des Opérations de Boursese (COB).

A la suite du dépôt du rapport du contrôle interne du 27 avril 2000, parallèlement saisi par le CAIC aux fins de vérifications approfondies sur les transactions effectuées pour les clients les plus importants du service convertibles, mettant en évidence de nombreuses anomalies pour des opérations effectuées, non seulement pour le compte de la CANCAVA, mais également pour d'autres clients, le CAIC a informé le Conseil des Marchés Financiers (CMF) et mandaté M. [D] en qualité d'expert pour évaluer le préjudice subi par les clients du service convertibles, à la suite d'opérations réalisées pour leur compte.

M. [O] a fait l'objet le 28 avril 2000 d'une mise à pied conservatoire assortie d'une convocation à un entretien préalable à licenciement, qui s'est tenu le 10 mai 2000 avant d'être licencié par lettre du 18 mai 2000 pour faute grave constituée par des manquements très graves à la déontologie commerciale s'appliquant à l'activité de l'équipe à laquelle il appartient.

Le 30 juin 2000, M. [O] saisissait le Conseil de prud'hommes de PARIS aux fins de faire juger que le licenciement intervenu le 18 mai 2000 était dénué de cause réelle et sérieuse et faire condamner la CIAC à lui payer :

- 4.428.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 44.258,09 € à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire ;

-182.123,97 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

-18.212,97 € au titre des congés afférents ;

-242.831,39 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

-121.415 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral lié aux conditions vexatoires du licenciement ;

Outre le versement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, M. [O] demandait au Conseil de prud'hommes d'ordonner la publication de la décision à intervenir dans les quotidiens "LES ECHOS" et "LA TRIBUNE" aux frais du CAIC.

La Cour est saisie d'un appel formé par M. [O] contre le jugement du Conseil de prud'hommes de PARIS en date du 20 février 2001 qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et débouté le CAIC de sa demande de reconventionnelle en répétition d'un indu de 2.070.000 €.

Le Conseil des Marchés Financiers, dans sa séance du 26 septembre 2001, a suspendu l'activité du CAIC d'exécution d'ordres pour compte de tiers sur les titres de créances négociables référencées sur des actions ou indices d'actions et sur les obligations convertibles pour une durée d'un mois, assorti d'une sanction pécuniaire de 7.622.451 €, a notifié à M. [P] [G] un blâme assorti d'une sanction pécuniaire d'un montant de 60.979 €, a procédé au retrait de la carte professionnelle de M. [K] [U] pour une durée de 5 ans, assorti d'une sanction pécuniaire de 3.719.756 €, a notifié un blâme assorti d'une sanction pécuniaire de 838.469 € à l'encontre de M. [S] [J], a notifié à M. [D] [V] un blâme en l'assortissant d'une sanction pécuniaire d'un montant de 60.979 € et a notifié à M. [O] un avertissement.

A titre de sanction complémentaire, le Conseil des Marchés Financiers a diffusé un communiqué dans la revue mensuelle du Conseil des Marchés Financiers, relatif aux sanctions nominatives précitées, à l'exception de la sanction prise à l'encontre de M. [O] anonymisée.

Le 29 novembre 2013, le T.G.I. de NANTERRE a condamné les consorts [U], [V] [Z] à des peines d'emprisonnement et d'amendes et a relaxé M. [O] poursuivi du chef de recel d'escroquerie et de faux et usage par un jugement aujourd'hui définitif à l'égard de ce dernier.

Vu les écritures du 04 juin 2015 au soutien des observations orales par lesquelles M. [O] demande à la cour, à titre principal, de juger prescrites les fautes qui lui sont reprochées et à titre subsidiaire de juger la mesure de licenciement prononcée à son égard ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et à titre infiniment subsidiaire de juger que la mesure de licenciement prononcée constituait une sanction totalement disproportionnée au regard de la faute mineure et contestée retenue à son encontre par l'instance disciplinaire.

En toute hypothèse, M. [O] demande à la cour :

' de condamner le CIAC à lui payer les sommes suivantes avec intérêts aux taux légal et anatocisme, à compter du 30 juin 2000 :

-1.350.088,50 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 6 747,10 € à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire ;

- 27 764,62 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 2 776,46 € au titre des congés afférents ;

- 37 019,49 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 150.415 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral lié aux conditions vexatoires du licenciement ;

' de juger irrecevable en toutes hypothèses, mal fondées et/ou prescrites les demandes du CAIC fondées sur les articles 1235, 1376 et 893 et suivants du Code Civil et l'en débouter,

' de l'autoriser à produire en délibéré l'arrêt à venir de la Cour d'appel de VERSAILLES et le cas échéant, une note en délibéré complémentaire,

' de condamner en outre le CAIC au paiement d'une indemnité d'un montant de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les écritures du 4 juin 2015 au soutien de ses observations orales au terme desquelles le CAIC, conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [O] de l'ensemble de ses demandes ainsi qu'à son infirmation en ce qu'il a débouté le CAIC de sa demande reconventionnelle en répétition de l'indu, et demande à la cour de condamner M. [O] à lui verser la somme de 370.314 € correspondant au trop-perçu sur sa rémunération variable avec intérêts au taux légal capitalisés année par année et portant eux-mêmes intérêt au même taux à compter du 31 mars 2000, ainsi que la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile , renvoie aux conclusions déposées et soutenues l'audience ;

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour précise que s'estimant suffisamment éclairée à l'issue des débats, elle n'a pas autorisé en application des articles 442 et 445 du Code de procédure civile, la production de notes ou de pièces en délibéré, de sorte que la pièce et les notes produites par les parties postérieurement à la clôture des débats, n'ont pas lieu d'y être intégrés.

Par ailleurs, il résulte des articles'L.1234-1 et L.1234-9 du Code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle fait obstacle au maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis.

En application des dispositions de l'article L1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut, à lui seul, donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; lorsqu'un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter lui-même la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire.

Il résulte notamment de ces principes que seuls les faits dénoncés dans la lettre de licenciement doivent être pris en compte à condition qu'ils ne soient pas antérieurs de plus de deux mois à l'engagement de la procédure, exclusion faite de faits relevant éventuellement du même comportement s'ils n'ont pas été invoqués, exclusion faite plus encore de faits relevant d'un autre comportement, spécialement s'ils sont antérieurs de plus de deux mois.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige et qui lie le juge, est ainsi rédigée :

"Lors de notre entretien en date du 10 mai 2000, nous vous avons exposé les raisons qui nous conduisaient à envisager à votre encontre une mesure de licenciement pour fautes graves. Cette procédure est justifiée par les faits portés à notre connaissance par les conclusions de l'audit qui nous a été remis le 27 avril 2000 par le service de Contrôle interne à la suite des investigations conduites dans te cadre du litige nous opposant à la CANCAVA, l'un des principaux clients de l'équipe «Vente Convertibles et Produits Dérivés » et qui a donné lieu à une assignation en référé le 6 mars 2000 de Crédit Agricole Indosuez Cheuvreux devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre, aux fins de désignation d'un expert.

Les motifs évoqués concernent des manquements très graves à la déontologie commerciale s'appliquant à l'activité de l'équipe à laquelle vous appartenez.

En votre qualité de Responsable de la Recherche et Ingénierie du Département «Vente Convertibles et Produits Dérivés », vous avez manqué aux règles de déontologie commerciale régissant vos activités sur les points qui suivent :

Vous avez contribué à la pratique à l'égard d'un nombre limité de clients de même nature, de marges exorbitantes aux usages de marché, violant le règlement général du CMF qui stipule que les activités de réception, de transmission et d'exécution d'ordres pour le compte de tiers et de placement «sont assurés en privilégiant l'intérêt des clients» (article 3-3-1 du Titre III du CMF) ainsi que le principe d'égalité de traitement des clients (article 3-1-1 du Titre III du CMF). Ces pratiques ont concerné aussi bien le marché secondaire que primaire.

Sur le marché secondaire, à titre d'exemple, plus de 40 % des opérations à l'achat de la CANCAVA ont été effectués sur une base supérieure à 4 %.

Sur le marché primaire des taux de marge de l'ordre de 20 % ont été régulièrement pratiqués avec les clients ayant la nature de mutuelles ou des caisses de retraites, telle que la CANCAVA.

Vous avez, fait ou laissé adresser à ces mêmes clients des valorisations que vous n'avez pas pu valablement nous justifier. Il a été ainsi constaté des écarts de 20 à 30 % entre les valorisations qui vous étaient transmises par l'institution financière à laquelle étaient achetés les produits et celles que vous adressiez aux clients à qui ils étaient vendus.

A titre d'exemple, s'agissant d'une des opérations faisant l'objet du contentieux avec CANCAVA, à savoir le BMTN 2014, il a été systématiquement adressé aux clients de mars 1999 à décembre 1999 une valorisation égale à la valeur d'émission ou extrêmement proche alors que la banque AIG qui avait vendu le produit nous adressait par ailleurs des valorisations inférieures au mieux de 23 %, au pire de 38 %.

En fait, lorsque les prix qui vous étaient envoyés étaient en-dessous de 100 les valorisations que vous adressiez aux clients étaient toujours voisines de 100 %.

Cette pratique est d'une gravité extrême car elle induit les clients en erreur et est susceptible d'engager la responsabilité de la société.

Vous avez en la matière une responsabilité directe indiscutable du fait que les valorisations communiquées par l'institution financière qui vous fournissait les produits vous étaient adressées personnellement.

En qualité de Responsable de la Recherche et Ingénierie vous étiez directement en charge de la valorisation des produits distribués aux clients et vous ne pouviez donc rien ignorer des pratiques contraires aux règles de marché de votre équipe. Votre fonction associée à votre niveau d'expérience constitue en la matière une circonstance aggravante car en qualité d'expert il vous revenait de vous opposer aux dérives constatées ou à tout le moins d'en informer la Direction Générale.

Au cours de notre entretien, vous avez nié la réalité des faits que nous vous reprochions, refusant même de reconnaître l'existence des notes que vous aviez transmises au Contrôle interne pour valider a posteriori les pratiques de marge de votre équipe.

Vous n'avez opposé aucun commentaire à la lecture des différents passages du rapport du Contrôle interne mettant directement en cause les pratiques de valorisation relevant de votre domaine de compétence, vous bornant à souligner avec cynisme la «naïveté» de l'entreprise.

En conséquence, l'accumulation des manquements à la réglementation et à la déontologie professionnelle que nous avons été amenés a constater ainsi que l'inconséquence de votre comportement nous contraignent à vous notifier votre licenciement pour fautes graves entraînant la cessation immédiate de votre contrat de travail. "

Sur la prescription :

Pour infirmation, s'agissant de la prescription de l'article L. 122-44 du code du travail applicable au moment des faits et de l'article 9 du règlement intérieur limitant à un mois le délai de prescription, M. [O] reprenant l'argumentation développée devant les premiers juges, fait essentiellement valoir que le contrôle interne, avait une parfaite connaissance du déroulement de chacune des opérations réalisées, que l'opération critiquée contrôlée par le CAIC, en février 1999, a suscité de sa part des félicitations à l'ensemble de l'équipe de convertibles, que le CAIC avait connaissance des doléances de la CANCAVA depuis le 31 janvier 2000 et que la remise d'une note à M. [B] par le contrôle interne lui a en toute hypothèse donné une parfaite connaissance dès le 16 mars 2000 des manquements qui lui sont reprochés alors que la procédure de licenciement n'a été initiée que le 28 avril 2000.

Le CAIC réfute les arguments développés par M. [O], arguant de ce qu'antérieurement au dépôt du rapport du Contrôle interne du 27 avril 2000, la direction du CAIC, ne pouvait avoir pris connaissance de l'ensemble des faits préjudiciables à ses clients, et a dès le 28 avril 2000, engagé à l'encontre des salariés fautifs une procédure de licenciement.

Les arguments développés par M. [O] ne font que réitérer mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels, se livrant à une exacte appréciation des faits de la cause, et à une juste application des règles de droit s'y rapportant, ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation, de sorte que le moyen tiré de la prescription des faits qui lui sont reprochés, ne peut être accueilli.

Sur le fond

Pour infirmation de la décision déférée, M. [O] soutient notamment qu'il n'a jamais participé aux opérations incriminées, qu'il n'a en rien suscitées et qu'en voulant le sanctionner pour défaut d'alerte, le CAIC lui impute ses propres déficiences d'information et de contrôle.

M. [O] ajoute qu'il n'avait aucune relation de clientèle et soutient que les conditions de valorisation appliquées constituaient une pratique répandue et que n'ayant aucune responsabilité de contrôle, il n'était pas à même de considérer comme suspecte et n'avait donc à dénoncer aucune irrégularité évidente.

M. [O] indique en outre que les faits qui lui sont imputés ne constituaient pas, en l'état de la législation applicable à l'époque, des manquements à des obligations déontologiques auxquelles il aurait été assujetti.

Le CAIC rétorque que contrairement à ce que voudrait faire croire M. [O], il prenait une part active dans la politique d'estimation des valorisations transmises à la clientèle et que compte tenu de son niveau de rémunération variable en 1998, il ne peut soutenir qu'il ignorait tout des pratiques de l'équipe convertibles et qu'il aurait du veiller à ce que son action respecte en particulier la primauté de l'intérêt des clients et leur égalité de traitement.

S'agissant du grief tenant à la contribution de M. [O] à la pratique des marges exorbitantes à l'égard d'un certain nombre de clients en violation du règlement du Conseil des Marchés Financiers imposant de privilégier l'intérêt des clients ainsi que le principe d'égalité de traitement entre eux et du grief d'avoir fait ou laisser adresser aux sept clients concernés des survalorisations trompeuses presque systématiques des produits vendus lorsque ces produits avaient une valeur théorique en dessous du pair, les premiers juges, en retenant que le niveau des fonctions exercées par M. [O], qui avait en charge la conception de produits financiers et l'analyse des valorisations adressées aux clients du CAIC, le mettait en relation directe et permanente avec son supérieur hiérarchique M. [U] et qu'il ne pouvait de ce fait ignorer les pratiques commerciales de l'équipe, d'ailleurs restreinte puisque composée d'une dizaine de collaborateurs, à la quelle il appartenait et au sein de laquelle son autorité était reconnue au regard notamment de son niveau de rémunération et qu'au surplus la transcription d'une conversation téléphonique en date du 25 octobre 1999 entre M. [O] et M. [U] à propos d'une demande de valorisation de BMTN faite par la CAVEC faisait apparaître, sans ambiguïté, qu'il prenait part à des contacts directs avec la clientèle en matière de fixation des valorisations, pour considérer établies à son encontre la faute grave rendant impossible la poursuite de son contrat de travail, y compris pendant le préavis, ont par des motifs, dont les débats devant la cour n'ont pas altéré la pertinence, fait une juste application de la règle de droit et une exacte appréciation des faits et documents de la cause et ce, sans que l'intéressé ne puisse prétendre que la prise en compte d'éléments du rapport d'inspection du Conseil des Marchés Financiers, régulièrement communiqué dans le cadre des différentes procédures et partie intégrante de la décision disciplinaire rendue publiquement le 26 septembre 2011 puisse constituer une violation du secret professionnel.

Il sera ajouté, que M. [O] qui se prévaut à juste titre de sa compétence en ingénierie financière, ne peut sérieusement soutenir qu'il ne pouvait percevoir le caractère irrégulier du dispositif de survalorisation mis en place par M. [U] en particulier sur le marché primaire, aboutissant à une double facturation aux sept clients institutionnels concernés et que les carences du dispositif de contrôle du CAIC, ne pouvaient l'exonérer de son obligation d'en informer sa hiérarchie, étant de surcroît précisé que la circonstance que cette attitude n'ait été sanctionnée que par un avertissement par le Conseil des Marchés Financiers que l'intéressé invoque pour minimiser son degré de responsabilité, n'est pas de nature à conférer à la mesure de licenciement pour faute grave prise à l'encontre de M. [O] un caractère disproportionnée, compte tenu des manquements qui lui sont imputables.

Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer la décision attaquée de ce chef et de débouter M. [O] des demandes formulées à ce titre.

Sur la demande reconventionnelle.

En application de l'article 1235, alinéa 1er du Code civil "Tout payement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition. "

Pour infirmation de la décision ayant rejeté la demande formulée à ce titre, le CAIC expose que M. [O] a indûment perçu au titre de l'exercice 1999, un intéressement calculé sur des résultats fondés sur des marges indues qui ont fait l'objet de restitutions auprès des différents clients et soutient qu'en percevant les sommes versées à ce titre, l'intéressé avait souscrit à la stipulation pour autrui, résultant de la convention conclue le 29 juin 1998 entre M. [P] [G], Président Directeur Général du CAIC et M. [K] [U], définissant le mode de calcul du bonus attribué à l'équipe et estime transposable à M. [O] les décisions judiciaires rendues à l'encontre de M. [U] sur ce point.

M. [O] soutient que l'attribution de l'intéressement litigieux n'avait à son égard aucun caractère contractuel et revêtait un caractère discrétionnaire, la convention invoquée par l'employeur ne lui étant pas opposable.

Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il est constant que le contrat de travail de M. [O] ne comporte aucune disposition relative au paiement d'un bonus lié à son activité ou à celle de son service, hormis de celle relative au bonus exceptionnel devant être versé au terme de sa première année au sein du CAIC, supposé compenser la perte des bonus acquis au titre de l'exercice 1996, induite par sa démission de son précédent emploi avant son versement.

En outre, la convention du 29 juin 1998 invoquée par le CAIC fixant les modalités de versement d'un bonus à l'équipe dirigée par M. [U], dont rien n'établit que M. [O] qui n'y était pas partie, en ait eu connaissance ou y ait souscrit, ne peut être opposée à ce dernier, l'acceptation de la stipulation pour autrui alléguée ne pouvant ni se présumer, ni résulter de la perception par le salarié de l'intéressement litigieux.

Dans ces conditions, les sommes perçues par M. [O] en mars 2000 au titre de prime, ne présentent aucun caractère contractuel, revêtent par conséquent un caractère discrétionnaire, dont le lien avec les résultats obtenus par l'équipe de M. [U] ne peut être établi, de sorte qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise de ce chef.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Ni l'équité ni la situation économique respective des parties ne justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

DÉCLARE recevable l'appel formé par M. [E] [O],

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [E] [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 13/06309
Date de la décision : 10/09/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°13/06309 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-10;13.06309 ?
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