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10/09/2015 | FRANCE | N°13/01215

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 10 septembre 2015, 13/01215


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 10 Septembre 2015

(n° 368 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/01215



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Janvier 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - Section encadrement - RG n° 11/04659





APPELANTE

Me [F] [T] - Administrateur judiciaire de SAS CESAR

[Adresse 4]

[Localité 3]

Me [S] [M

] - Mandataire judiciaire de SAS CESAR

[Adresse 3]

[Localité 3]

SAS CESAR

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentés par Me Camille TONIOLO, avocat au barreau de PARIS, toq...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 10 Septembre 2015

(n° 368 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/01215

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Janvier 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - Section encadrement - RG n° 11/04659

APPELANTE

Me [F] [T] - Administrateur judiciaire de SAS CESAR

[Adresse 4]

[Localité 3]

Me [S] [M] - Mandataire judiciaire de SAS CESAR

[Adresse 3]

[Localité 3]

SAS CESAR

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentés par Me Camille TONIOLO, avocat au barreau de PARIS, toque : C0883

INTIME

Monsieur [Y] [P]

[Adresse 5]

[Localité 1]

représenté par Me Nathalie TOUATI SITBON, avocat au barreau de PARIS, toque : C0433

PARTIE INTERVENANTE :

AGS CGEA IDF EST

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Vanina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985 substitué par Me Garance COURPIED, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 mars 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Murielle VOLTE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère pour le Président empêché et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [Y] [P] a été engagé par la société César, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, par contrat à durée indéterminée à compter du 12 octobre 2005, en qualité de directeur général adjoint-finance, catégorie cadre autonome. Il est devenu membre du directoire par décision du conseil de surveillance du 17 novembre 2005, puis directeur général par décision de ce conseil du 11 mai 2010.

Par jugement du 10 août 2011, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société César. Par ordonnance du 8 septembre 2011, le juge commissaire a autorisé le licenciement économique de 29 salariés, dont celui de M. [P]. Le 29 septembre 2011, ce dernier a accepté le contrat de sécurisation professionnelle adressé le 14 septembre 2011.

Par courrier du 29 septembre 2011, Maître [T] [F], administrateur judiciaire et M. [K], président du directoire, ont contesté l'existence d'un contrat de travail consenti à M. [P]. Dans ces circonstances, par décision du 8 décembre 2011, Pôle emploi a refusé de l'admettre au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi.

M. [Y] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny afin de voir fixer au passif de la société César diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 23 janvier 2013, notifié le 2 février 2013, le conseil a :

- reconnu le statut de salarié de M. [P] au sein de la société César,

- fixé sa rémunération moyenne mensuelle brute à 13 632 euros,

- fixé la créance de M. [P] au passif de la société César, représentée par Maître [T] [F], administrateur judiciaire, et Maître [M] [S], mandataire judiciaire, aux sommes suivantes :

* 22 446,13 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 81 792 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 000 euros au titre de la nullité de la clause de non concurrence,

* 40 896 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 4 089,60 euros au titre des congés payés afférents,

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la remise des bulletins de paie et de l'attestation Pôle emploi conformes,

- débouté M. [Y] [P] du surplus de ses demandes,

- débouté les représentants légaux de la société César de leurs demandes reconventionnelles,

- dit que les dépens de l'instance seront inscrits au passif de la société César représentée par Maître [T] [F], administrateur judiciaire, et Maître [M] [S], mandataire judiciaire,

- dit le jugement opposable à l'AGS CGEA IDF Est, à l'exception de l'article 700 du code de procédure civile.

La société César, représentée par Maître [T] [F], ès qualités d'administrateur judiciaire, et par Maître [M] [S], ès qualités de mandataire judiciaire, ont interjeté appel le 8 février 2013.

La société César, redevenue in bonis, Maître [T] [F], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de continuation et Maître [S], ès qualités de mandataire judiciaire, demandent à la cour de :

- constater que M. [Y] [P] n'a aucun lien de subordination juridique avec la société César,

- dire et juger que M. [Y] [P] n'est pas lié à la société César par un contrat de travail,

- en conséquence, infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter M. [Y] [P] de l'ensemble des ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [Y] [P] à payer à la société César la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, infirmer le jugement en ce qu'il a fixé au passif une indemnité légale de licenciement au profit de M. [P] et débouter ce dernier de cette demande,

- confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions.

La société César fait valoir que le mandat attaché à la qualité de membre du directoire exclut toute notion de subordination au sens du droit du travail ; que le mandat de directeur général renforce l'exclusion du lien de subordination car ce mandataire social est investi du même pouvoir de représentation de la société que celui du président du directoire, conformément à l'article L. 225-66 du code de commerce et à l'article 17 des statuts qui prévoit que les décisions du directoire, qui comprenait deux membres, devaient être prises à l'unanimité ; que dans les faits, M. [P] a concrètement exercé les pouvoirs de direction et de gestion de la société jusqu'au dépôt de bilan ; que M. [P] était le supérieur hiérarchique de l'ensemble des directeurs de fonction de la société, lui-même n'exerçant pas de fonctions techniques distinctes de son mandat social.

L'AGS CGEA Ile de France Est demande à la cour :

- au principal, sa mise hors de cause dès lors qu'un plan de continuation a été arrêté par le tribunal de commerce de Bobigny, et que la société César est donc redevenue in bonis,

- à titre subsidiaire, lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte aux arguments, moyens, fins et conclusions de la société César pour voir débouter M. [P] de ses demandes,

- à titre plus subsidiaire, ramener à de plus justes proportions la demande indemnitaire liée à la rupture,

- à titre infiniment subsidiaire, dire que sa garantie est limitée selon les prescriptions légales.

M. [Y] [P] demande à la cour de :

Au principal :

- confirmer les dispositions du jugement qui ont retenu qu'il avait été lié à la société César par un contrat de travail et licencié pour un motif dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- infirmer les quanta retenus par les premiers juges, et

- fixer sa rémunération brute mensuelle à la somme de 20 083,33 euros,

- condamner ne conséquence la société César représentée par ses représentants légaux au sommes suivantes :

* 6 904,80 euros à titre de rappel de salaire du 1er au 12 octobre 2011,

* 690,48 euros au titre des congés payés afférents,

* 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 60 249,99 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,

* 6 024,99 euros au titre des congés payés afférents,

* 24 769,43 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

* 50 000 euros à titre de rappel de bonus sur la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2011,

* 5 000 euros au titre des congés payés afférents,

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la nullité de la clause de non concurrence,

A titre subsidiaire, si la cour ne devait pas condamner la société César au paiement du rappel de bonus :

- fixer sa rémunération brute mensuelle à la somme de 15 916,66 euros,

- condamner en conséquence la société César aux sommes suivantes :

* 6 904,80 euros à titre de rappel de salaire du 1er au 12 octobre 2011,

* 690,48 euros au titre des congés payés afférents,

* 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 47 749,98 euros à titrer de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,

* 4 774,99 euros au titre des congés payés afférents,

* 19 630,54 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la nullité de la clause de non concurrence,

A titre infiniment subsidiaire, si la cour devait considérer que le mandat social a absorbé son contrat de travail :

- dire et juger que le courrier du 29 septembre 2011 de la société César l'obligeait à poursuivre le contrat de travail ou à y mettre un terme,

- constater que la société César n'a fait ni l'un ni l'autre, selon les formes légales prescrites,

- dire et juger qu'en raison du préjudice ainsi subi, il demeure fondé à maintenir ses demandes indemnitaires ci-dessus évoquées, compte tenu du préjudice financier, moral et de carrière dont il a été victime et dont il rapporte la preuve,

En tout état de cause :

- dire et juger, en tant que de besoin, la décision opposable à l'AGS CGEA IDF Est et la condamner à garantir les condamnations à intervenir en cas de défaillance de la société César,

- ordonner à la société César la remise d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de paie récapitulatif, conformes à l'arrêt à intervenir,

- débouter intégralement la société César des demandes dirigées à son encontre, notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société César au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Il soutient qu'il a bien exercé des fonctions techniques distinctes de son mandat, qu'il a toujours perçu un salaire à ce titre, et a été placé, pendant toute l'exécution de son contrat de travail, sous la subordination du président du directoire.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu qu'un mandat social n'est pas incompatible avec un contrat de travail ; que toutefois, pour que le cumul soit possible, il faut que le contrat de travail corresponde à un emploi effectif, s'entendant de fonctions techniques distinctes de celles de direction, donnant lieu en principe à rémunération distincte, exercées dans le cadre d'un lien de subordination vis à vis de la société et dans des conditions exclusives de toute fraude à la loi ; que ces règles sont applicables aux fonctions de dirigeant ;

Attendu que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;

que s'il appartient au dirigeant social qui se prévaut d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve, en revanche, en présence d'un contrat de travail écrit ou apparent, c'est à celui qui entend en contester l'existence de démontrer son caractère fictif ;

Attendu que la société César produit nombre de documents - procès verbaux du directoire et du conseil de surveillance, de l'assemblée générale, contrats financiers conclus par la société représentée par M. [P], pouvoir de signature bancaire sur les comptes de la société - destinés à démontrer l'implication de M. [P] dans la représentation et la direction de la société, ce qui n'est pas le débat dès lors que sa qualité de membre du directoire n'est pas discutée, et que les fonctions de dirigeant ne sont pas incompatibles avec le maintien d'un contrat de travail ; que le 10 octobre 2005, elle a consenti à M. [P] un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de directeur général adjoint-finance du groupe César, lui confiant les responsabilités de l'administratif, le financier, le juridique, le fiscal, l'informatique et les ressources humaines du groupe ; qu'il lui incombe au vu des règles ci-dessus rappelées, de démontrer le caractère fictif de ce contrat ;

Attendu que le conseil de surveillance du 26 août 2007comme l'assemblée générale mixte du 7 février 2011 ont adopté la poursuite du contrat de travail de M. [P] ; que les bulletins de salaire de M. [P] de 2010 et 2011 indiquent que sa qualification est 'directeur général-finances' ; que l'organigramme fonctionnel du groupe César place le président du directoire comme responsable hiérarchique du DGA Finance, lui-même responsable hiérarchique des directeurs financiers Europe Nord, Espagne, Italie et Madagascar et du responsable logistique ; qu'aucun lien de subordination ne lie le DGA Finance aux autres directeurs Développement, Marketing, et Filiales, sous l'autorité hiérarchique directe du président du directoire ; que des nombreux courriels produits aux débats, il ressort que M. [P] a continué de travailler sur des sujets précis :

- en juin 2011, réalisation des documents préparatoires à l'augmentation de capital,

- remise à jour hebdomadaire des états de trésorerie et de l'endettement de la société,

- suivi des achats et des marges prévisionnelles sur les différents marchés,

- analyse des tarifs commerciaux et coût d'achats prévisionnels afin de permettre la validation des tarifs préparés par les équipes commerciale ; que M. [I], président du directoire jusqu'en janvier 2011, remplacé par la suite par M. [K], atteste :

'Il a, jusqu'à mon départ, toujours travaillé sous ma responsabilité et devait régulièrement me rendre des comptes concernant les divers aspects de ses fonctions techniques, comme par exemple la production du reporting financier, le suivi budgétaire, les achats, la gestion des ressources humaines ou la correcte mise en place des outils informatiques' ; que les relations, qualifiées d'amicales par la société César, qui unissent M. [P] à M. [I] ne nuisent en rien à la crédibilité de ce témoignage dès lors qu'il est corroboré par celui de Mme [L], responsable développement produits Europe, qui confirme 'Toutes les prises de décision (développement ou non d'un produit, lieu de fabrication des packagings ou même, passation ou annulation de commandes fournisseurs...) appartiennent à M. [K] uniquement' ; que M. [G] [H], président du conseil de surveillance de novembre 2007 à janvier 2011, atteste également que M. [P] occupait 'des fonctions opérationnelles (finances, ressources humaines, etc)' au sein de la société, dans le cadre desquelles il agissant sous la responsabilité du président ;

qu'il résulte encore des pièces produites aux débats que M. [P] rendait compte de ses activités à M. [K], à qui il remettait un compte rendu hebdomadaire relatant l'avancement des dossiers dans lesquels il intervenait ; que le fait que le nouveau président du directoire résidait à l'Ile Maurice est sans incidence dès lors qu'il est établi qu'il le faisait à l'égard des présidents qui l'ont précédé ; que le style utilisé par M. [P] pour certains de ces courriels démontre la relation hiérarchique à l'égard de M. [K] :(dommage que tu n'aies pas indiqué la date, car c'est surtout après le 11 mai 2010 que le lien de subordination pose pb)

'Bonjour M. [K]

Je vous transmets comme promis la proposition tarifaire pour vos conteneurs imports FOB de Chine et Madagascar, jusqu'à [Localité 5].

J'ai détaillé autant que possible les lignes de coûts.

Si vous aviez besoin de plus d'explications, n'hésitez pas.

Je peux aussi vous proposer de faire des pro forma pour que cela donne un montant final, plus facile à comparer..

J'espère que ces taux vous sembleront attractifs (..)' ; que le 3 mai 2011, il proposait à M. [K] une note concernant les congés et les ponts et lui demandait de statuer sur sa proposition visant à fermer le vendredi 15 juillet afin d'imposer un jour de congé ; que le ton des ces courriels établit que la décision revenait au président du directoire ;

Attendu qu'il résulte de ces éléments, et sans qu'il soit utile d'analyser de façon exhaustive l'ensemble des pièces versées aux débats, que M. [P] a occupé au sein de la société César, cumulativement avec son mandat social, un emploi effectif, donnant lieu à rémunération, exercé dans un lien de subordination vis à vis de la société ; que dès lors le jugement sera confirmé de ce chef ;

Attendu que par courrier du 29 septembre 2011, Maître [F], ès qualités d'administrateur judiciaire, qui dans un premier temps, par requête du 8 septembre 2011, avait sollicité du juge commissaire le licenciement pour motif économique du directeur général-finances, et l'avait obtenu par ordonnance du même jour, et M. [K], président du directoire, ont écrit à M. [P] :

'(...) après avoir étudié votre dossier, nous vous confirmons que nous contestons la substance réelle de votre contrat de travail et donc son existence réelle.

Votre mandat social avait une telle étendue et vos pouvoirs tels que la notion de lien de subordination n'est pas démontrée.

Dans ces conditions, vous ne recevrez pas de lettre de licenciement parce que sans objet';

que toutefois, le 14 septembre 2011, la société César avait adressé à M. [P] un courrier lui proposant d'adhérer au CSP, sans motivation sur les motifs économiques de la rupture de son contrat de travail ; que le 29 septembre 2011, M. [P] a accepté la proposition; que la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse ; que l'appréciation de cette cause ne peut résulter que des motifs énoncés par l'employeur ; que la société César n'a adressé à M. [P] aucun document écrit énonçant le motif économique de la rupture ; que dès lors La rupture est dépourvue de cause réelle et sérieuse;

Attendu que M. [P] sollicite un rappel de bonus à concurrence de 50 000 euros au titre de l'année 2011 ; que son contrat de travail prévoit une rémunération annuelle brute de 140 000 euros payable en douze mensualités égales à laquelle s'ajoute une rémunération variable, versée en fonction de l'atteinte d'objectifs qui seront définis chaque exercice et qui feront l'objet d'un accord avec le président du directoire, d'un montant annuel brut maximum égal à 50 000 euros de la rémunération annuelle brute fixe ; que pour l'année 2005/2006 la rémunération variable a été fixée à 25 000 euros ; qu'il indique avoir perçu une 'prime exceptionnelle' de 40 000 euros au titre de l'exercice clos le 31 mars 2009, mais en vertu de la délibération du conseil de surveillance du 26 août 2009, qui précise que sa rémunération au titre de l'exercice clos le 31 mars 2009 s'est élevée à 224 080 euros, et 40 000 euros au titre de l'exercice clos le 31 mars 2010 ; que la cour relève qu'il ressort du bulletin de salaire du mois de décembre 2010 que M. [P] a perçu un total de rémunération brut de 207 999,96 euros, et au 31 août 2011 de 140 666,64 euros, soit un montant mensuel brut de 12 583,33 euros ; qu'il résulte de ces constatations, d'une part que M. [P] ne justifie pas de sa demande de rappel de bonus, ayant perçu au cours des 8 premiers mois de l'année 2011 une rémunération mensuelle brute de 17 583,33 euros ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande ; que d'autre part, la moyenne mensuelle brute des 12 mois ayant précédé la rupture de son contrat de travail s'élève à la somme de 17499,99 euros et non 20 083,33 euros comme il le prétend ;

Attendu que M. [P] a droit, en vertu des stipulations contractuelles, à un préavis de 3 mois ; que la société César lui est donc redevable de la somme de 52 499,97 euros à titre d'indemnité, outre la somme de 5 249,99 euros au titre des congés payés afférents ; que compte tenu de son ancienneté de 5 ans et 11 mois au jour de la rupture, l'indemnité de licenciement qui lui est due s'élève à la somme de 20 708,31 euros ; que le jugement sera réformé de ces chefs ; que le point de départ du préavis étant le 29 septembre 2011, la demande de rappel de salaire formée par M. [P] pour la période du 1er au 12 octobre 2011, qui se cumule avec l'indemnité allouée, n'est pas fondée ;

que compte tenu de son ancienneté et de l'effectif de l'entreprise au jour de la rupture, M. [P] peut prétendre à une indemnité sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail qui ne saurait être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que M. [P], âgé de 45 ans au jour de la rupture, n'a pu, en raison du déni de sa qualité de salarié, bénéficier ni des allocations de chômage, ni du dispositif CSP ; qu'il n'a retrouvé un poste en rapport avec ses compétences que 3 ans après son licenciement ; qu'il lui sera alloué dans ces conditions la somme de 175 000 euros à titre de dommages et intérêts ; que le jugement sera réformé de ce chef ;

Attendu que le contrat de travail stipule :

'Compte tenu de la nature et de l'importance de ses fonctions, Monsieur [P] s'interdit après la rupture du présent contrat et quelle qu'en soit la cause, pendant une période d'un an commençant à compter de la notification de la rupture, de s'intéresser directement ou indirectement à une entreprise ayant une activité concurrente de celle de CESAR SA.' ;

que cette clause qui apporte une restriction à la liberté de travail de M. [P] et qui lui interdit d'exercer une activité concurrente à celle de son ancien employeur est une clause de non-concurrence ; qu'en application du principe fondamental du libre exercice d'une activité professionnelle et des dispositions de l'article L. 1121-1 du code du travail, une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière sérieuse, ces conditions étant cumulatives ; qu'à défaut de limite et/ou de contrepartie financière, la clause stipulée entre les parties est illicite et le salarié doit être indemnisé du préjudice que le respect de cette clause illicite lui a nécessairement causé;

qu'en l'espèce, la clause insérée au contra de travail n'est pas limitée dans l'espace et ne prévoit pas de contrepartie financière ; qu'elle est donc nulle et a nécessairement causé un préjudice à M. [P] qui sera réparé par l'allocation de la somme de 35 000 euros ; que le jugement sera réformé de ce chef ;

Attendu que dès lors que les créances de M. [P] sont nées avant le jugement qui a arrêté le plan de continuation de la société César et après celui d'ouverture du redressement judiciaire, l'AGS ne peut demander sa mise hors de cause ;

Attendu que l'équité commande de faire bénéficier M. [P] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- reconnu le statut de salarié de M. [Y] [P],

- débouté M. [P] de ses demandes au titre d'un rappel de salaire pour la période du 1er au 12 octobre 2011 et de bonus pour la période d'avril 2010 à mars 2011 ;

Le réforme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Condamne la sa César à payer à M. [Y] [P] les sommes de :

- 52 499,97 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 5 249,99 euros au titre des congés payés afférents,

- 20 708,31 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 175 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 35 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la nullité de la clause de non concurrence ;

Dit que l'AGS CGEA IDF Est est tenue à garantie, en tant que de besoin, dans les limites fixées par la loi ;

Ordonne à la société César la remise d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision ;

Condamne la sa César à verser à M. [P] une indemnité de 4 000 € au titre de la première instance et l'instance d'appel.

Condamne la sa César aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Pour le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 13/01215
Date de la décision : 10/09/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°13/01215 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-10;13.01215 ?
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