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10/09/2015 | FRANCE | N°11/05953

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 10 septembre 2015, 11/05953


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 10 Septembre 2015



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05953



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Janvier 2011 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section commerce - RG n° 08/06791





DEMANDEUR AU CONTREDIT

Monsieur [K] [X]

Elisant domicile chez Me Eric MOUTET

[Adresse 1]

[Localité 1]
>représentés par Me Eric MOUTET et par Me Katia BITTON, avocats au barreau de PARIS, toque : E1543





DEFENDERESSES AU CONTREDIT

SA COMILOG INTERNATIONAL

prise en la personne de son rep...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 10 Septembre 2015

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05953

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Janvier 2011 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section commerce - RG n° 08/06791

DEMANDEUR AU CONTREDIT

Monsieur [K] [X]

Elisant domicile chez Me Eric MOUTET

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentés par Me Eric MOUTET et par Me Katia BITTON, avocats au barreau de PARIS, toque : E1543

DEFENDERESSES AU CONTREDIT

SA COMILOG INTERNATIONAL

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Antoine VALÉRY, avocat au barreau de PARIS, toque : R180

SA COMILOG FRANCE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Antoine VALÉRY, avocat au barreau de PARIS, toque : R180

SARL COMILOG HOLDING prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Antoine VALÉRY, avocat au barreau de PARIS, toque : R180

COMPAGNIE MINIERE DE L'OGOOUE COMILOG

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 3] GABON

représentée par Me Justin TATY, avocat au barreau de [Localité 4]

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

FEDERATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIERE DES CHEMINOTS

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me William BOURDON, avocat au barreau de PARIS, toque : R143 substitué par Me Sandrine RICHER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0076

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 juin 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Nicolas BONNAL, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

MINISTERE PUBLIC :

Représenté lors des débats par Madame Annabel ESCLAPEZ, avocat général, qui a fait connaître son avis

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Nicolas BONNAL, Président et par Madame FOULON, Greffier .

**********

Statuant sur le contredit formé par M. [K] [X] contre un jugement rendu le 26 janvier 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS qui, saisi par l'intéressé de demandes en paiement visant la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG et de demandes en production de diverses pièces visant les sociétés COMILOG INTERNATIONAL et COMILOG FRANCE, demandes également formées en présence de la société COMILOG HOLDING, la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS intervenant volontairement aux débats, s'est déclaré territorialement incompétent, a renvoyé les parties à mieux se pourvoir et a condamné le demandeur aux dépens';

Vu le précédent arrêt rendu par cette chambre le 20 juin 2013, auquel il est expressément référé pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens et arguments des parties antérieurs, qui a':

- dit les juridictions françaises compétentes pour statuer sur la demande de M. [K] [X] dirigée contre les sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL,

évoquant du chef de cette demande,

- rejeté les moyens d'irrégularité de la procédure devant le conseil de prud'hommes, tirés de la litispendance et de l'autorité de la chose jugée,

- ordonné aux sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL de communiquer à M. [K] [X], pour chacune d'entre elles, leurs statuts, les procès-verbaux des réunions de leur conseil d'administration, les rapports des assemblées plénières ordinaires et extraordinaires, les rapports de gestion du conseil d'administration, les bilans consolidés et les conventions intergroupe, pour les années 1957 à 1960 et 1988 à 1993,

- renvoyé la cause et les parties à une audience ultérieure pour conclusions à la suite de cette communication de pièces,

- sursis à statuer sur le moyen d'incompétence opposé par la société COMILOG,

- sursis à statuer sur les autres demandes,

- réservé les dépens';

Vu l'arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 28 janvier 2015 qui a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt du 20 juin 2013 par les sociétés COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, COMILOG INTERNATIONAL, COMILOG FRANCE et COMILOG HOLDING et condamné celles-ci aux dépens';

Vu les conclusions transmises à la cour et soutenues à l'audience du 11 juin 2015 pour M. [K] [X], auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions du demandeur au contredit, qui sollicite de la cour qu'elle':

sur le contredit,

- réforme le jugement entrepris, constate l'irrecevabilité de l'exception pour défaut de mention de la juridiction estimée compétente et dise les juridictions françaises compétentes,

sur l'évocation,

- rejette l'ensemble des exceptions soulevées en défense,

- constate que le licenciement est intervenu le 23 octobre 1992,

- constate que les sociétés COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, COMILOG INTERNATIONAL et COMILOG FRANCE sont ses co-employeurs,

- condamne in solidum ces trois sociétés ou, si le co-emploi n'était pas reconnu, la seule société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG à lui payer les sommes, avec intérêts à compter de la saisine et capitalisation des dits intérêts, de':

- 17'306,29 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 957,74 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 957,74 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés,

- 478,87 euros à titre de prime de fin d'année,

- 22'985,66 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif,

- 11'492,88 euros à titre de dommages et intérêts sur le préjudice moral distinct,

- 5'746,42 euros à titre de prime de départ à la retraite,

- 6'225 euros au titre du chômage technique,

- 12'929,44 euros à titre de prime spéciale de bonne séparation,

- 29'881,36 euros à titre de dommages et intérêts sur la perte de retraite,

- 3'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens';

Vu les conclusions transmises à la cour et soutenues à l'audience pour la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de cette partie, qui demande à la cour de':

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- lui donner acte de son intervention volontaire au soutien des demandes formées par M. [K] [X],

- la déclarer recevable en la dite intervention volontaire,

- condamner solidairement les sociétés défenderesses à lui payer un euro à titre de dommages et intérêts,

- les condamner aux dépens';

Vu les conclusions transmises à la cour et soutenues à l'audience pour les sociétés COMILOG INTERNATIONAL, COMILOG FRANCE et COMILOG HOLDING, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de ces défenderesses au contredit, qui demandent à la cour de':

- dire que les sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL n'avaient pas la qualité de co-employeur de M. [K] [X],

- rejeter le contredit formé par ce dernier, et dire ses demandes irrecevables ou mal-fondées,

- constater le désistement de M. [K] [X] à l'égard de la société COMILOG HOLDING,

- condamner M. [K] [X] à leur payer à chacune un euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- dire l'intervention volontaire de la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS irrecevable,

- condamner cette fédération syndicale à leur payer à chacune un euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [K] [X] et la FÉDÉRATION FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS aux dépens';

Vu les conclusions transmises à la cour et soutenues à l'audience pour la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de cette autre défenderesse au contredit, qui demande à la cour de':

- constater que le litige relève de la seule compétence des juridictions congolaises du travail,

- constater qu'elle est une société de nationalité gabonaise et de droit gabonais,

- dire les juridictions françaises incompétentes pour statuer et renvoyer les parties à mieux se pourvoir,

- constater en tant que de besoin que le tribunal compétent est le tribunal du travail de POINTE-NOIRE (République du Congo),

- rejeter le contredit formé contre le jugement déféré,

subsidiairement, faisant application du droit congolais,

- dire prescrite la demande formée par M. [K] [X],

plus subsidiairement,

- dire irrecevables les justificatifs inexploitables et rejeter les demandes,

encore plus subsidiairement,

- surseoir à statuer sur les demandes jusqu'à production des justificatifs, en tant que de besoin, enjoindre au demandeur de les produire ou ordonner une expertise sur la situation du demandeur au regard des paiements effectués au Congo,

- dire irrecevable l'intervention volontaire de la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS,

- dire en tout état de cause irrecevables les demandes de cette fédération syndicale,

- condamner M. [K] [X] et la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS chacun à lui payer la contre-valeur en francs CFA au jour de l'arrêt d'un euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et les condamner aux dépens';

Vu les observations du ministère public soutenues à l'audience, tendant au rejet des demandes visant les sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL, et à l'incompétence sur les demandes formées à l'encontre de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG';

Vu la possibilité offerte aux parties à l'audience de reprendre la parole après les observations du ministère public';

SUR CE, LA COUR

Sur les faits constants et la procédure antérieure

Les faits ont été exposés dans l'arrêt du 20 juin 2013 susvisé.

Il suffira de rappeler que':

- la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG a été constituée en 1953 pour exploiter un gisement de manganèse situé à proximité de [Localité 3] au Gabon, le minerai étant ensuite transporté jusqu'au port [Établissement 1] au Congo, par une ligne de chemin de fer, et ce à partir de 1962,

- les relations entre cette société, et les nouveaux États du Gabon et du Congo, ayant pris la suite des territoires du Gabon et du Moyen-Congo jusque là intégrés à l'Afrique équatoriale française, et ce dans le cadre de la Communauté instituée par la Constitution du 4 octobre 1958, puis ayant accédé à l'indépendance respectivement les 17 et 15 août 1960, ont été réglées par la convention relative à l'établissement et au fonctionnement de cette société dans les territoires du Gabon et du Congo, conclue entre elle, les gouvernements du Gabon et du Congo et le chef du groupe de territoires de l'Afrique équatoriale française, les 24 décembre 1958 et 26 et 27 février 1959, puis par le protocole des 3 et 9 juillet 1959, conclu entre la République du Gabon, la République du Congo et la société,

- M. [K] [X], de nationalité congolaise, a été engagé le 2 novembre 1965 par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG,

- à la suite d'un grave accident ferroviaire survenu sur la ligne de chemin de fer à [Localité 6], à proximité de [Localité 7], le 5 septembre 1991, dans lequel une locomotive de la COMILOG était impliquée, le ministre des transports de la République gabonaise a décidé, le 19 septembre suivant, de «'suspendre à partir d'aujourd'hui la desserte ferroviaire du Congo par COMILOG'»,

- dès le 28 août 1992, plusieurs salariés de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG ont saisi le tribunal du travail de [Localité 7], pour voir tirer les conséquences de l'absence de fourniture d'activité par leur employeur,

- la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG a annoncé à la République du Congo par lettres des 20 et 26 octobre 1992 sa décision «'d'arrêter le transit de ses minerais par la République du Congo'», précisant que «'la date de cessation totale de [ses] activités a[vait] été fixée au 31 octobre 1992,

- parallèlement, par lettres du 23 octobre 1992, elle informé les divers salariés concernés, au nombre desquels, ainsi qu'il n'est pas contesté, M. [K] [X], de ce qu'au 31 octobre suivant, la société, «'dans l'impossibilité tant financière que technique de reprendre ses activités antérieures'», était «'contrainte de procéder au licenciement de son personnel'», chaque lettre annonçant le paiement d'indemnités de préavis et de licenciement, dont le règlement serait, compte tenu de sa situation financière, réparti sur cinq ans, avec un premier versement dans le courant du premier semestre 1993 et des intérêts de 8'%,

- par jugement du 16 juillet 1993, le tribunal du travail de [Localité 7], écartant l'exception d'incompétence territoriale soumise par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, a ordonné à celle-ci de conclure sur le fond, renvoyé l'affaire à cette fin et réservé les dépens,

- sur appel de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, la cour d'appel de POINTE-NOIRE, par arrêt en date du 21 septembre 1994, a déclaré l'appel irrecevable et renvoyé le dossier au tribunal du travail de POINTE-NOIRE pour qu'il soit jugé au fond,

- un pourvoi en cassation a été formé contre cet arrêt, sur lequel la Cour suprême du Congo n'a pas encore statué,

- le 21 mai 2008, M. [K] [X] et 866 autres anciens salariés de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG ont saisi le conseil de prud'hommes de PARIS de la procédure dans le cadre de laquelle a été rendue la décision déférée.

Dans son précédent arrêt, la cour, accueillant de ce chef le contredit de M. [K] [X], a dit que les juridictions françaises étaient compétentes pour connaître des demandes de production de pièces qui étaient alors les seules réclamations formées par l'intéressé à l'encontre des sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL. Elle n'a pas statué sur l'existence d'une situation de co-emploi de M. [K] [X] par ces deux sociétés, d'une part, et par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, d'autre part.

Elle a relevé que les productions de pièces sollicitées étaient destinées à établir la réalité du co-emploi allégué, et ajouté qu'au cas où celui-ci serait établi, les juridictions françaises seraient également compétentes à l'égard de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, par application des dispositions de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile, étant rappelé que ce texte dispose que, «'s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit à son choix la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux'» et que cette règle s'étend à l'ordre international.

Certaines des pièces dont la production avait été ordonnée ont été produites pendant le cours du délibéré au terme duquel a été rendu l'arrêt du 20 juin 2013. Tout en critiquant le caractère incomplet de cette communication, M. [K] [X] ne sollicite plus aucune production de pièces mais forme maintenant des demandes en paiement fondées sur l'exécution et la rupture de son contrat de travail, in solidum contre les deux sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL, d'une part, et la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, d'autre part.

Il y a donc lieu d'examiner d'abord, à la fois dans le cadre de l'évocation décidée par l'arrêt susvisé à l'égard des deux sociétés COMILOG FRANCE etCOMILOG INTERNATIONAL et pour statuer sur le contredit formé sur la question de la compétence des juridictions françaises à l'égard de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, l'existence ou non d'une situation de co-emploi de M. [K] [X] par ces trois sociétés.

Sur l'intervention volontaire de la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS

La déclaration d'irrecevabilité de l'intervention volontaire de cette fédération syndicale est sollicitée par les sociétés COMILOG FRANCE, COMILOG INTERNATIONAL et COMILOG HOLDING, qui ne motivent pas cette fin de non-recevoir, et par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, qui discute des conditions d'application de l'article L'2132-3 du code du travail.

La présence de la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS à l'instance de contredit n'est l'objet d'aucune contestation, étant observé que cette fédération syndicale, qui n'a pas formé elle-même contredit, ne soumet à la cour à titre personnel aucune contestation sur la compétence, se contentant de demander qu'il lui soit donné acte de son intervention au soutien des demandes formées par M. [K] [X].

Aux termes de l'article L'2132-3 du code du travail, les syndicats peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

Il résulte des statuts de cette fédération syndicale, dont la dernière modification a fait l'objet d'une déclaration régulière à la mairie de son siège social, qu'elle est formée entre les syndicats des travailleurs des chemins de fer, et qu'elle adhère à la FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES OUVRIERS DU TRANSPORT, laquelle se propose elle-même, aux termes de ses statuts, d'«'aider les travailleurs et travailleuses du transport et des industries connexes à défendre et à favoriser leurs intérêts économiques, sociaux, professionnels, éducatifs et culturels'» et, à cette fin, d'établir et de maintenir «'des relations étroites entre les organisations syndicales de travailleurs et travailleuses des transports et secteurs connexes, et plus particulièrement entre ses affiliés et sur les plans nationaux et internationaux'».

Les difficultés rencontrées par un grand nombre de salariés du secteur des transports ferroviaires à faire valoir leurs droits à l'égard de leur employeur, à la suite de la cessation partielle d'activité de celui-ci consécutive à un grave accident de chemin de fer, sont susceptibles de porter un préjudice direct à l'intérêt collectif de la profession, peu important à cet égard que ces salariés soient de nationalité congolaise et aient été employésau Congo, dès lors qu'ils ont choisi de saisir une juridiction française.

L'intervention devant les premiers juges de la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS sera, en conséquence, déclarée recevable.

Sur la recevabilité de l'exception d'incompétence

M. [K] [X] soutient à tort que l'exception d'incompétence soulevée par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG serait irrecevable, au motif que, contrairement à ce qu'exige à peine d'irrecevabilité l'article 75 du code de procédure civile, cette société n'aurait pas fait connaître devant quelle juridiction elle demandait que l'affaire fût portée. Cette fin de non-recevoir, qui n'avait pas été opposée en première instance ni lors des débats qui ont donné lieu à l'arrêt du 20 juin 2013, est néanmoins recevable, dès lors que ce moyen de défense peut être proposé en tout état de cause, ainsi que l'autorise l'article 123 du même code.

Il résulte cependant du jugement frappé de contredit et des écritures développées devant les premiers juges que la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG qui, soutenant la compétence d'une juridiction étrangère, n'avait pas à désigner précisément la juridiction compétente, mais à indiquer seulement le ou les pays dont les juridictions étaient compétentes, a satisfait à cette obligation.

Sur la situation de la société COMILOG HOLDING

Si M. [K] [X] ne s'est pas expressément désisté à l'égard de la société COMILOG HOLDING, il ne forme pour autant aucune demande contre cette société.

Il ne saurait donc être fait droit à la demande de cette société tendant à se voir donner acte du désistement à son égard. Il sera cependant constaté qu'aucune demande n'est formée contre elle.

Sur le co-emploi

Ainsi qu'il résulte de ce qui précède, M. [K] [X] et la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG ont été unis par un contrat de travail. Il n'en est pas de même s'agissant des sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL, dont il n'est pas contesté, non seulement, qu'elles n'ont jamais conclu de contrat de travail avec M. [K] [X], mais aussi qu'elles n'ont jamais exercé directement à l'égard de ce dernier les prérogatives de l'employeur, et notamment le pouvoir de direction, de contrôle et de sanction constituant le lien de subordination caractéristique du contrat de travail.

Pour autant, la situation de co-emploi peut être caractérisée même en l'absence de lien de subordination, à la condition qu'il existe entre les sociétés concernées une confusion d'activité, d'intérêts et de direction et que la ou les sociétés qui n'exercent pas directement les pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction à l'égard du salarié s'immiscent à leur profit dans la gestion économique et sociale de la société qui les assume effectivement, en privant celle-ci de toute autonomie industrielle, commerciale et administrative, ce qui suppose que cette société soit leur filiale et que cette immixtion aille au delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre des sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer.

La dite immixtion doit être caractérisée pendant la période de l'exécution et de la rupture du contrat de travail au titre desquelles agit le salarié.

Il ne résulte d'aucune des pièces versées aux débats que la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG aurait été la filiale des sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL ou de l'une de ces deux sociétés seulement.

Ainsi que l'observe lui-même M. [K] [X], il résulte au contraire des pièces produites relativement à la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE MINIÈRE «'SAMAF'» devenue COMILOG INTERNATIONAL que cette société détenait au mois de mai 1989 (procès-verbal des réunions du conseil d'administration des 10 novembre 1988 et 12 mai 1989) seulement 7,09'% du capital de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, participation ensuite portée à 10,01'% (procès-verbaux des réunions du conseil d'administration des 23 novembre 1989, 28 novembre 1990, 29 novembre 1991 et 2 décembre 1992), avant de redescendre à 5'% en 1993 (procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 17 janvier 1994).

Une telle participation maximale de 10'% pendant la période pertinente est inférieure au seuil de la moitié du capital qui, au sens de l'article L'233-1 du code de commerce, doit conduire à considérer qu'une société est la filiale d'une autre.

Il résulte même, à l'inverse, du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 9 décembre 1993 que l'entrée de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG au capital de la société SAMAF à hauteur de 44'500 actions sur un total de 105'000 a été agréée, et d'un procès-verbal en date du 7 novembre 2013 qu'à cette date, la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG était devenue l'associée unique de la société COMILOG INTERNATIONAL.

Il n'est pas soutenu par M. [K] [X] que la société COMILOG FRANCE, précédemment dénommée SOCIÉTÉ DU FERROMANGANÈSE DE PARIS-OUTREAU «'SFPO'», aurait détenu une portion du capital de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG.

Il résulte cependant du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de la SFPO du 22 septembre 1989 qu'une prise de participation de cette société dans la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG à hauteur de 1'% de son capital a été approuvée. Une telle participation n'est pas davantage supérieure au seuil de l'article L'233-1 susvisé. La décision de céder cette participation a été prise lors de la réunion du conseil d'administration du 1er avril 1993.

Inversement, il résulte des procès-verbaux des réunions du conseil d'administration de la SFPO en date des 30 septembre 1988 (point 6) et 5 août 1993 (point III) que la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG était un des actionnaires de la société, les sociétés COMILOG FRANCE, COMILOG INTERNATIONAL et COMILOG HOLDING n'étant pas contredites lorsqu'elles indiquent que cette participation s'élevait à 4,88'% du capital de la SFPO, M. [K] [X] soutenant même pour sa part qu'en 1992, cette participation s'élevait à 20'%. Il sera ajouté que, lors d'une réunion du conseil d'administration de la société SFPO en date du 10 décembre 1993, il a été évoqué la nécessité que «'COMILOG et SONADIG («'la partie gabonaise'») détiennent ensemble, directement, le contrôle du capital de la SFPO'».

La société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, dont le rôle dominant au sein du groupe résulte au contraire de ce qui précède, ne saurait donc être considérée comme ayant été, pendant la période litigieuse, une filiale ni de la SOCIÉTÉ DU FERROMANGANÈSE DE PARIS-OUTREAU «'SFPO'» devenue COMILOG FRANCE, ni de la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE MINIÈRE «'SAMAF'» devenue COMILOG INTERNATIONAL.

Il sera ajouté que M. [K] [X], qui allègue qu'il aurait existé entre ces trois sociétés une confusion d'activités, d'intérêts et de direction, ne soutient à aucun moment que les sociétés devenues COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL se seraient immiscées à leur profit dans la gestion économique et sociale de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, en privant celle-ci de toute autonomie industrielle, commerciale et administrative.

Aucune des pièces produites aux débats ne démontre en tout état de cause une telle immixtion.

Sont ainsi dénués de pertinence':

- les éléments relatifs aux dirigeants de ces différentes sociétés, dont l'identité partielle ne dépasse pas les liens unissant des sociétés appartenant à un même groupe,

- le fait que les réunions des conseils d'administration des sociétés SAMAF et SFPO aient eu lieu dans les locaux du principal établissement de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG en France,

- les relations commerciales existant entre la COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG et la société SFPO, celle-ci achetant le minerai produit par celle-là, étant au contraire observé qu'il résulte du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de la SFPO du 1er avril 1993 (point V «'Approvisionnement en manganèse'») que les conditions de ces transactions semblaient imposées plus par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG que par la SFPO, et du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 27 septembre 1993 (point 3.3) qu'en diversifiant ses sources d'approvisionnement en minerai, notamment dans le cadre d'un projet de coopération avec la société sud-africaine SAMANCOR, la SFPO prenait grand soin de ne pas remettre en cause «'les principes d'approvisionnement en minerai gabonais en vigueur depuis de nombreuses années'».

Il en résulte que c'est en vain que M. [K] [X] soutient l'existence d'une situation de co-emploi à son égard, par son employeur effectif, la COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, et par les sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL.

Les demandes qu'il forme contre ces deux dernières sociétés seront donc rejetées.

Par voie de conséquence, la compétence des juridictions françaises pour connaître des demandes en tant qu'elles visent la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG ne saurait résulter des dispositions de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile.

Sur la nationalité de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG

Pour affirmer encore la compétence des juridictions françaises, M. [K] [X] invoque les dispositions de l'article 15 du code civil, aux termes desquelles «'un Français pourra être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger'», et soutient que la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG est française au sens de ce texte.

La nationalité d'une société résulte, en principe, de la localisation de son siège réel, défini comme le siège de sa direction effective et présumé par le siège statutaire. Pour l'application de l'article 15 susvisé relatif à la compétence juridictionnelle, elle s'apprécie au moment de l'engagement de la procédure judiciaire.

Ainsi qu'il résulte de ses statuts, le siège social de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG est fixé à [Localité 3], au Gabon. Cette société est inscrite au registre du commerce de FRANCEVILLE (Gabon). Il n'est pas même soutenu que le siège de sa direction effective serait situé en France, ce qu'aucune des pièces produites aux débats ne vient suggérer.

C'est en vain que M. [K] [X] fait valoir le fait qu'à la création de la société, celle-ci, située dans un territoire placé sous souveraineté française, était une société de droit français, régie par les règles particulières à l'Afrique équatoriale française.

Une convention a été conclue le 22 avril 1953, au moment de la création de la société, entre les cofondateurs de celle-ci et le gouverneur général de Afrique équatoriale française, réglant «'les conditions d'exercice des droits de recherche et, éventuellement, d'exploitation de mines susceptibles d'être attribuées'» à la dite société, convention soumettant notamment toute modification des statuts de la dite société à l'approbation du gouverneur général.

Ainsi qu'il a été déjà dit, une convention relative à l'établissement et au fonctionnement de la société dans les territoires du Gabon et du Congo a été conclue entre elle, les gouvernements du Gabon et du Congo et le chef du groupe de territoires de l'Afrique équatoriale française, les 24 décembre 1958 et 26 et 27 février 1959, convention qui garantissait à la société, en cas d'intervention de modifications législatives ou réglementaires en matière de concession minière et de droit des sociétés, le bénéfice des dispositions antérieures, et qui stipulait également que les éventuelles transformations constitutionnelles à venir «'ne modifier[aient] pas la consistance des droits et obligations de COMILOG telles qu'elles résult[ai]ent des actes législatifs et réglementaires, des délibérations et des conventions'» précédemment énumérés, à savoir des textes antérieurs à l'accession à l'autonomie dans le cadre de la Communauté des territoires du Gabon et du Congo.

Le protocole d'accord ultérieurement conclu les 3 et 9 juillet 1959 entre la République du Gabon, la République du Congo et la société a pour l'essentiel transféré à la République du Gabon les prérogatives précédemment dévolues au gouverneur général de l'Afrique équatoriale française à l'égard de la société.

Il résulte de ce qui précède que, si la société a été créée sur un territoire alors français, et si des accords sont ensuite intervenus pour lui garantir, au moment où le Gabon a accédé au statut d'entité autonome au sein de la Communauté, le maintien de certains aspects du droit qui lui était précédemment applicable, aucune disposition spécifique n'a été prise pour garantir, au moment où cette République a accédé à une indépendance pleine et entière, un statut dérogatoire à la société, dont le siège est demeuré en territoire gabonais, où elle a continué à exercer son activité et depuis lequel elle est restée effectivement dirigée.

En tout état de cause, lors de l'indépendance du Gabon, le droit français précédemment applicable a été incorporé au droit gabonais dont il est devenu partie intégrante.

Contrairement à ce que soutient M. [K] [X], ce régime particulier n'a donc pas eu pour effet de faire obstacle à la règle générale rappelée ci-dessus, qui fait dépendre la nationalité d'une société du lieu de son siège.

Il sera ajouté que, si les statuts de la société ont fait référence au droit de l'Afrique équatoriale française (lequel, ainsi qu'il vient d'être dit, était devenu le droit gabonais), y compris dans leur version adoptée en 1995, tel n'est plus le cas depuis l'entrée en vigueur au Gabon de l'acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales pris dans le cadre de l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA), ainsi qu'il résulte de la production des statuts mis à jour suite à l'assemblée générale mixte du 13 juin 2002. Il résulte en tout état de cause d'une note d'information sur une augmentation de capital par souscriptions reçues du 10 au 22 novembre 1975, note émise par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, que celle-ci se présentait bien, déjà en 1975, comme une «'société anonyme par actions, régie par la législation gabonaise'».

Il doit donc être considéré que, régie par le droit gabonais et ayant son siège au Gabon, la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG est une société de nationalité gabonaise.

La compétence des juridictions françaises ne saurait donc être acquise au bénéfice de l'article 15 du code civil.

Sur le déni de justice

Ainsi qu'il résulte du principe d'accès à la justice, notamment consacré par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et découlant également de l'article 4 du code civil, l'impossibilité pour une partie étrangère d'accéder au juge national naturellement chargé de se prononcer sur sa prétention, et donc d'exercer un droit qui relève de l'ordre public international, constitue un déni de justice qui fonde la compétence de la juridiction française lorsqu'il existe un rattachement avec la France.

M. [K] [X] estime le déni de justice caractérisé au motif que la procédure engagée au mois d'août 1992 devant le tribunal du travail de POINTE-NOIRE n'a pas encore donné lieu à une décision au fond. Il invoque également l'impossibilité que cette procédure ou une autre aboutisse en raison de l'intervention d'un protocole d'accord «'pour la reprise du transport sur le territoire congolais du minerai de la COMILOG entre le Gouvernement de la République gabonaise et le Gouvernement de la République du Congo'», et d'un protocole d'accord conclu à [Localité 4] le 19 (en fait le 20) juillet 2003 entre la République gabonaise, la COMILOG et la République du Congo relatif au règlement définitif du contentieux lié à la cessation des activités de la COMILOG au Congo.

M. [K] [X] ne produit pas la requête introductive de l'instance ouverte devant le tribunal du travail de POINTE-NOIRE. La société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG produit, pour sa part, la décision du président de cette juridiction, rendue le 7 septembre 1992, sur «'la requête introduite par Mr ou Mme [I] et autres c/ COMILOG'», faisant citer le directeur de cette société à l'audience du 16 septembre suivant, et des listes de noms suivies, ou non, d'un matricule et d'un émargement, qu'elle présente, sans être contredite, comme les listes des auteurs de la dite requête.

Ainsi que le soutient exactement cette société, il résulte de l'examen de ces listes que M. [K] [X] n'y figure pas. Il n'est donc pas démontré que l'intéressé avait saisi la justice congolaise du litige l'opposant à son employeur.

Par ailleurs, ainsi que le fait également à juste titre observer la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, le premier protocole d'accord dont se prévaut M. [K] [X] n'est pas produit par lui dans une version signée par les deux chefs de Gouvernement concernés, étant observé qu'il résulte de l'article 14 de la version de ce document versée aux débats que le dit protocole devrait être soumis pour approbation aux Assemblées nationales des deux pays avant signature, et entrerait en vigueur dès la date de sa signature. Par ailleurs, le projet d'accord qu'il constitue devait organiser la «'reprise de l'évacuation du minerai de [Localité 3] par le Congo'» et rappelait, à ce titre et en son article 1er, que cette évacuation avait été suspendue depuis le 24 septembre 1991 à la suite de l'accident ferroviaire déjà évoqué. Or, il résulte de l'ensemble des pièces versées aux débats que cette reprise n'a jamais été effective, ce qui constitue précisément la cause du présent litige.

Il ne saurait donc être tenu compte de ce document et spécialement pas de l'engagement du gouvernement congolais de «'prendre toutes dispositions pour l'extinction des recours en indemnisation susceptibles d'être introduits par toute personne physique ou morale à l'encontre de l'État Gabonais ou de la COMILOG, du chef de l'accident de chemin de fer mentionné à l'article 1er ci-dessus ou de tous faits qui seraient la conséquence directe ou indirecte de la suspension du trafic en résultant'», qui est inscrit à l'article 7, alinéa 2, et dont se prévaut M. [K] [X].

Le protocole d'accord du 20 juillet 2003 enfin invoqué par M. [K] [X] est produit dans une version régulièrement signée, pour la «'partie gabonaise'», au sens de ce document, par le Premier ministre et plusieurs membres du Gouvernement de cet État, ainsi que par l'administrateur directeur général de la COMILOG, et pour la partie congolaise, par deux ministres du Gouvernement du Congo.

Le préambule évoque l'accident du 5 septembre 1991, l'arrêt subséquent du trafic, le patrimoine laissé au Congo par la société COMILOG, les pertes d'emploi et manques à gagner subis, du fait de la cessation des activités de COMILOG au Congo, par cet État et par «'toutes les personnes physiques, morales, publiques ou privées ayant été en relation directe ou indirecte avec les activités de la COMILOG ou ayant subi un préjudice quelconque du fait de ces activités en République du Congo'», l'impossibilité, malgré «'plusieurs années de négociations'», de trouver un compromis acceptable pour le règlement définitif des problèmes consécutifs à cette cessation d'activité'» et la volonté subséquente des parties de «'régler définitivement par le présent protocole d'accord tous les contentieux liés à cette cessation d'activités ou existant préalablement à celle-ci'».

L'article 1er consacre l'accord des parties qui «'décident de mettre définitivement fin aux contentieux liés aux activités de la COMILOG en République du Congo'», l'article 2 prévoit que «'la COMILOG accepte de payer à la partie congolaise, au titre des droits des travailleurs licenciés, toutes causes de préjudices confondues, le montant de un milliard deux cent millions de FCFA'», et l'article 3 consacre la cession à titre gracieux à l'État congolais de tout le patrimoine de la COMILOG «'resté sur place au Congo'».

L'article 4 est ainsi rédigé':

«'En contre partie, la partie congolaise renonce définitivement, pour quelque cause que ce soit, contre la partie gabonaise et plus particulièrement la COMILOG, à tous recours, réclamations, revendications et prétentions, présentes ou à venir, d'ordre financier, commercial, juridique ou technique qui auraient trait à tous différends antérieurs ou postérieurs à la cessation des activités de la COMILOG en République du Congo'».

Par l'article 5, la République du Congo «'reprend à son compte les obligations résultant des activités de la COMILOG en République du Congo à la date de la signature des présentes, notamment droits des travailleurs, indemnisations des victimes, sécurité sociale et charges patronales'».

Enfin, l'article 8 stipule que le protocole «'met fin définitivement, de manière irrévocable, à tous contentieux antérieurs ou postérieurs à la cessation des activités de COMILOG au Congo'», qu'il «'prend effet pour compter de sa date de signature par les deux parties et n'est susceptible d'aucune voie de recours'».

Il apparaît donc que les termes de ce protocole sont très larges, que l'accord concerne tous les différends liés à la présence de la société COMILOG au Congo, et pas seulement ceux résultant de la cessation des activités consécutives à l'accident du 5 septembre 1991, et inclut expressément tous les contentieux «'existant préalablement à celle-ci'». Il ne saurait cependant avoir pour effet de contraindre les anciens salariés de cette société à renoncer aux procédures judiciaires éventuellement engagées contre elle ni de leur interdire d'en engager de nouvelles, dès lors que ces salariés, au contraire de la société, n'y sont pas parties, et que ce protocole ne met en place aucune procédure alternative organisant, sous le contrôle d'un tribunal indépendant et impartial, l'indemnisation effective des différents créanciers de la société par l'État congolais.

La société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG produit, à cet égard, un arrêt rendu le 23 novembre 2007 par la Cour suprême du Congo, statuant, à la suite de précédents arrêts rendus par cette juridiction en date des 19 juin 2000 et 25 avril 2003 également produits, sur un pourvoi formé par plus de 500 de ses anciens salariés contre un arrêt de la cour d'appel de POINTE-NOIRE en date du 6 novembre 1996, lequel est encore versé aux débats.

Il résulte de l'examen de ces décisions que le différend soumis aux juridictions congolaises portait sur le calcul des indemnités et droits conventionnels de rupture de salariés mis à la retraite de façon anticipée ou licenciés pour motif économique en 1988, et que la Cour suprême a statué au fond sur les demandes des salariés, pour les rejeter, et ce postérieurement à l'entrée en vigueur du protocole du 20 juillet 2003, et sans que celui-ci ne soit opposé à aucun moment aux salariés alors même que l'action pouvait être concernée par celui-ci.

La société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG produit également le jugement du tribunal du travail de POINTE-NOIRE rendu le 6 août 1993, un arrêt de la cour d'appel de POINTE-NOIRE en date du 5 juillet 1995 et un arrêt de la Cour suprême du Congo du 28 septembre 2001 dans un litige opposant M. [S] [U], ancien salarié de la société, à son employeur relativement aux conditions dans lesquelles l'intéressé a été placé en chômage technique à la suite de la cessation d'activité consécutive à l'accident du 5 septembre 1991 puis a été licencié le 23 octobre 1992, soit un litige exactement similaire à celui soumis par M. [K] [X] aux juridictions françaises.

Même si l'arrêt du 28 septembre 2001 susvisé a prononcé une cassation avec renvoi, et qu'il n'est pas donné d'information sur la suite de la procédure, il en résulte que M. [K] [X], qui n'a pas saisi lui-même le tribunal du travail de POINTE-NOIRE et ne peut donc se prévaloir personnellement de la longueur de la procédure distincte initiée par d'autres salariés, ne démontre, ni en raison des difficultés rencontrées par ces derniers, ni du fait de l'intervention du protocole du 20 juillet 2003, l'impossibilité dans laquelle il se serait trouvé de soumettre le présent litige aux juridictions congolaises.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont accueilli l'exception d'incompétence opposée par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG.

Le contredit formé par M. [K] [X] sera rejeté et le jugement déféré confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

La demande formée par la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS sera rejetée, dès lors qu'au vu de ce qui précède, l'atteinte alléguée à l'intérêt collectif de la profession n'est pas caractérisée.

Le droit d'agir en justice et d'exercer les voies de recours prévues par la loi ne dégénère en faute qu'en cas d'abus caractérisé ou d'intention de nuire, dont la réalité n'est pas démontrée en l'espèce, le demandeur ayant pu légitimement espérer que les productions de pièces initialement sollicitées lui permettraient d'établir la réalité du co-emploi allégué.

Les demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive formées par les sociétés COMILOG FRANCE, COMILOG INTERNATIONAL et COMILOG HOLDING seront en conséquence rejetées.

Sur les frais irrépétibles et les frais de contredit

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a mis les dépens de première instance à la charge de M. [K] [X].

Ce dernier sera condamné aux frais du contredit.

Pour des raisons tirées de considérations d'équité, il ne sera pas fait droit aux demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile par les sociétés défenderesses au contredit.

PAR CES MOTIFS

Dit recevable l'intervention volontaire de la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS';

Rejette la demande en dommages et intérêts formée par cette fédération';

Constate qu'aucune demande n'est formée contre la société COMILOG HOLDING';

Rejette les demandes formées par M. [K] [X] contre les sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL';

Rejette la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive formée par les sociétés COMILOG FRANCE, COMILOG INTERNATIONAL et COMILOG HOLDING';

Dit recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG';

Rejette le contredit en tant qu'il vise la décision d'incompétence prise à l'égard de cette société';

Dit le conseil de prud'hommes incompétent pour connaître des demandes formées par M. [K] [X] contre la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG';

Renvoie M. [K] [X] à mieux se pourvoir';

Confirme le jugement déféré de ces chefs, et en ce qu'il a statué sur les dépens de première instance';

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne M. [K] [X] aux frais du contredit.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 11/05953
Date de la décision : 10/09/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-10;11.05953 ?
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