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09/09/2015 | FRANCE | N°13/15576

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 09 septembre 2015, 13/15576


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2015



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/15576



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juillet 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/00225





APPELANTE



SCI SIMRA prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par Me Françoise HERMET LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0716





INTIMÉES



SARL MGC DIFFUSION prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Ad...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2015

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/15576

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juillet 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/00225

APPELANTE

SCI SIMRA prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Françoise HERMET LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0716

INTIMÉES

SARL MGC DIFFUSION prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Séverine VALADE de la SELARL BARBIER ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C0987

Madame [S] [W]

Intervenante volontaire

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Madame [R] [W], ès-qualités d'héritière de [J] [N] [W], décédée

Intervenante volontaire

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentées par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053, avocat postulant

Ayants pour avocat plaidant Me Bruno CECCARELLI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mai 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Chantal BARTHOLIN, présidente

Madame Brigitte CHOKRON, conseillère

Madame Caroline PARANT, conseillère

Greffier : lors des débats : Madame Orokia OUEDRAOGO

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, et par Madame Orokia OUEDRAOGO, greffière.

********

EXPOSE DU LITIGE

Faits et procédure

Par acte sous seing privé en date du 27 décembre 1994, Mme [J] [W] aux droits de qui sont venus Mme [S] [W] et Mme [R] [W], le 6 octobre 2007, du fait du décès de Mme [J] [W], a donné à bail à la société Alquié et Cie aux droits de laquelle se trouve la SARL MGC Diffusion, divers locaux commerciaux, dépendant d'un immeuble situé [Adresse 3] pour une durée de 9 ans, pour une activité de coiffure et parfumerie ; les locaux loués se composent d'une boutique au rez-de-chaussée et d'un appartement de 3 pièces au premier étage.

La SARL MGC Diffusion est devenue locataire des locaux après ordonnance du juge commissaire près le tribunal de commerce de Paris le 27 avril 2006 ayant autorise la cession des éléments d'actif de la société Alquié et cie, décision qui a été contestée par Mme [J] [W] mais la cession du fonds de commerce a été réalisée le 17 novembre 2006.

Mme [S] [W] et Mme [R] [W] ont fait délivrer à la SARL MGC Diffusion, une sommation le 1er décembre 2009 la mettant en demeure de remettre en état les locaux d'habitation du 1er étage, de n'utiliser le premier étage qu'à usage exclusif d'habitation, de supprimer tout aménagement de bureau et de se conformer plus généralement aux prescriptions du bail.

Par acte huissier en date du 2 décembre 2009, Mme [S] [W] et Mme [R] [W] ont signifié un congé à la SARL MGC Diffusion pour le 30 juin 2010, avec refus de renouvellement et refus d'une indemnité d'éviction .

Par acte d'huissier en date du 23 décembre 2009, la SARL MGC Diffusion a saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une demande de nullité de la sommation qui lui a été délivrée le 1er décembre 2009 par Mme [S] [W] et Mme [R] [W].

Mme [S] [W] et Mme [R] [W] ont vendu les murs à la SCI Simra, le 19 janvier 2011 ; cette dernière est intervenue volontairement à la présente procédure.

Par jugement en date du 4 juillet 2013, le tribunal de grande instance de paris a :

-débouté Mme [S] [W] et Mme [R] [W] de leurs demandes tendant à être mises hors de cause

-dit que le congé sans offre de renouvellement délivré le 2 décembre 2009 par Mme [S] [W] et Mme [R] [W] à la SARL MGC Diffusion a mis fin à compter du 30 juin 2010 au bail renouvelé en date du 4juin 2003 portant sur les locaux situés [Adresse 3],

-dit que le refus de renouvellement signifié par Mme [S] [W] et Mme [R] [W] ouvre droit au profit de la SARL MGC Diffusion à une indemnité d'éviction et au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de cette indemnité,

-dit que le maintien dans les lieux de la SARL MGC Diffusion justifie le versement par elle à la SCI Simra d'une indemnité d'occupation à compter de la date d'effet du congé et jusqu'à libération des locaux,

-condamné la SARL MGC Diffusion à payer à la SCI Simra la somme de 1.273,30 euros concernant les travaux de remise en état et branchements des WC au rez-de-chaussée,

-débouté la SCI Simra du surplus de ses demandes,

Avant dire droit au fond sur l'indemnité d'éviction et sur l'indemnité d'occupation, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard,

-désigné en qualité d'expert : Monsieur [Y] [A],

-dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport avant le 30 juin 2014,

-fixé à la somme de 3.000 (trois mille) euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, somme qui devra être consignée par la SARL MGC Diffusion à la Régie du tribunal de grande instance de Paris (escalier D 2ème étage) jusqu'au 4 septembre 2014,

-dit que, faute de consignation de la provision dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet,

-dit qu'un des magistrats de la chambre sera délégué au contrôle de cette expertise,

-renvoyé l'affaire pour reprise des débats après dépôt du rapport de l'expert, à l'audience du juge de la mise en état de la 18 ème chambre 2ème section de ce tribunal à la date qui sera fixée ultérieurement par le greffe,

-ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

-réservé les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI Simra a interjeté régulièrement appel de ce jugement. Par ses dernières conclusions signifiées le 29 avril 2015 elle demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf la condamnation prononcée à l'encontre de la société MGC Diffusion au profit de la SCI Simra,

Constater que nonobstant la sommation, la société MGC Diffusion a laissé perdurer les manquements visés dans ladite sommation, à savoir :

- qu'elle n'a pas réparé les dégradations causées par des travaux, notamment en remettant en état les locaux du 1er étage et les dégradations sur façade dans le mois de ladite sommation,

- qu'elle n'a pas davantage justifié avoir exploité les lieux conformément à leur destination, à savoir une activité de coiffeur-parfumeur n'utilisant les locaux que pour le commerce de vente au détail et en gros de produits capillaires,

Constater que le congé du 2 décembre 2009 vise à juste titre des motifs légitimes et sérieux de refus d'indemnité d'éviction, à savoir les manquements visés dans la sommation, dès lors qu'ils perdurent un mois après délivrance et les infractions instantanées suivantes :

- réalisation de travaux de démolition et de travaux portant atteinte aux parties communes de l'immeuble sans autorisation préalable du bailleur et de la copropriété,

- incivilité vis-à-vis du bailleur par les manquements de son gérant, lequel a utilisé des procédés déloyaux pour tenter d'acquérir les murs du commerce,

Constater qu'en outre, le preneur, postérieurement au congé, en 2011, a aggravé ses manquements, passant outre le refus de la copropriété d'accepter son projet de modification de façade du fait d'un quorum insuffisant et réalisant une « devanture provisoire », selon ses dires, sans aucune autorisation,

En conséquence,

Dire et juger fondé le congé avec refus de renouvellement et refus d'indemnité d'éviction, Ordonner l'expulsion de la société MGC Diffusion occupante sans droit ni titre depuis le 30 juin 2010, ainsi que celle de tous occupants dans les lieux de son chef,

Ordonner la séquestration des meubles et objets mobiliers pouvant se trouver dans les lieux, dans tel garde-meubles du choix de la concluante aux frais risques et périls de la société MGC Diffusion,

Débouter la société MGC Diffusion de l'intégralité de ses demandes,

Rejeter sa demande nouvelle tendant à voir forclose l'action du bailleur au titre de l'indemnité d'occupation statutaire,

Condamner la société MGC Diffusion à payer à la SCI Simra une indemnité d'occupation à compter du 19 janvier 2011 jusqu'à libération effective de lieux à concurrence de 6.000 euros par mois, indexée annuellement au 1er juillet de chaque année sur la base de l'indice INSEE dernier publié au jour de la prise d'effet du congé, et ce sous déduction des indemnités payées à concurrence des anciens loyers, soit 1.000 euros par mois, charges non comprises,

Enjoindre la société MGC Diffusion de communiquer les factures de travaux qu'elle a réalisés pour reconstituer les sols, portes, plinthes, carrelages arrachés et démolis par elle, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard huit jours après prononcé de la décision à intervenir,

Subsidiairement,

Débouter la société MGC Diffusion de toute demande d'indemnité d'éviction en l'absence de justification du préjudice allégué,

En tout état de cause, que le principe de l'indemnité d'éviction soit reconnu ou infirmé,

Condamner la société MGC Diffusion à payer une indemnité d'occupation à compter de la prise d'effet du congé et par provision de 6.000 euros par mois, indexée annuellement au 1er juillet de chaque année, en fonction de l'indice de référence dernier publié au 30 juin 2010,

Plus subsidiairement, à minima et sous toutes réserves,

Condamner la société MGC Diffusion à payer par provision depuis le 19 janvier 2011 à la SCI Simra, une indemnité d'occupation annuelle de 39.989 euros indexée annuellement au 1er juillet de chaque année depuis la prise d'effet du congé, en fonction de l'indice de référence dernier publié au 30 juin 2010,

Condamner la société MGC Diffusion à payer à la SCI Simra la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel recouvrés, conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile,

Par ses dernières conclusions signifiées le 24 avril 2015, la SARL MGC Diffusion demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

-débouté Mme [S] [W] et Mme [R] [W] de leurs demandes tendant à être mises hors de cause.

-dit que le congé sans offre de renouvellement délivré le 2 décembre 2009 par Mme [S] [W] et Mme [R] [W] à la SARL MGC Diffusion a mis fin à compter du 30 juin 2010 au bail renouvelé en date du 4 juin 2003 portant sur les locaux situés [Adresse 3],

-dit que le refus de renouvellement signifié par Mme [S] [W] et Mme [R] [W] ouvre droit au profit de la SARL MGC Diffusion à une indemnité d'éviction et au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de cette indemnité.

-désigné Monsieur [Z] [U] (en remplacement de Monsieur [Y] [A])

- dit qu'un magistrat de la chambre sera délégué au contrôle de cette expertise,

-donner acte à la société MGC Diffusion de ce qu'elle a consignée la somme de 3.000 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert,

-renvoyer l'affaire pour reprise des débats après dépôt du rapport de l'expert, à l'audience du juge de la mise en état de la 18ème Chambre 2ème section du Tribunal à la date du 4 mai 2015 à 11 heures déjà fixée par le greffe,

Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que le maintien dans les lieux de la SARL MGC Diffusion justifie le versement par elle à la SCI Simra d'une indemnité d'occupation à compter de la date d'effet du congé et jusqu'à libération des locaux,

- condamné la SARL MGC Diffusion à payer à la SCI Simra la somme de 1.273,30 euros concernant les travaux de remise en état et branchements des WC au rez-de-chaussée,

Et statuant à nouveau,

Débouter Madame [R] [W], Madame [S] [W] et la SCI Simra de l'ensemble de leurs plus amples demandes, fins et conclusions.

Déclarer la SCI Simra irrecevable en sa demande tendant à faire valider le congé du 2 décembre 2009 en raison de la prétendue incivilité de M. [G].

Sur l'indemnité d'éviction :

Donner acte à la société MGC Diffusion de ce qu'elle demande la fixation de l'indemnité d'éviction qui lui est due dans la procédure pendante devant le Tribunal de grande instance de Paris, 18ème Chambre, 2ème section sous le numéro de RG 10/00225.

En conséquence, réserver les droits et moyens des parties sur le montant de l'indemnité d'éviction compte tenu de l'expertise ordonnée et renvoyer les parties devant le Tribunal de grande instance de Paris, 18ème Chambre, 2ème section (RG 10/00225) afin de la faire fixer.

Sur l'indemnité d'occupation de droit commun,

Débouter la Sci Simra de sa demande tendant au paiement d'une indemnité d'occupation de droit commun depuis le 19 janvier 2011.

Subsidiairement, en l'absence de preuve de tout préjudice distinct de la seule occupation des locaux, dire que l'indemnité d'occupation ne saurait excéder le montant du dernier loyer facturé, soit 11.782,28 € l'an depuis le 19 janvier 2011.

Débouter la SCI Simra de sa demande d'indexation de l'indemnité d'occupation de droit commun qui serait éventuellement due par la société MGC Diffusion depuis le 19 janvier 2011.

Sur l'indemnité d'occupation statutaire,

Déclarer la SCI Simra, Madame [S] [W] et Madame [R] [W] irrecevables en leur demande de fixation d'une indemnité d'occupation statutaire sur le fondement de l'article L.145-28 du code de commerce.

Subsidiairement, réserver les droits et moyens des parties sur le montant de l'indemnité d'occupation statutaire compte tenu de l'expertise ordonnée et renvoyer les parties devant le Tribunal de grande instance de Paris, 18ème Chambre 2ème section (RG10/00225), afin de la faire fixer.

Très subsidiairement, débouter la SCI Simra de sa demande de fixation d'une indemnité d'occupation provisionnelle.

Sur la demande de dommages-intérêts de la SCI Simra,

Donner acte à la SCI Simra de ce qu'elle a renoncé à sa demande d'indemnisation concernant la remise en état des WC.

En tout état de cause,

Condamner solidairement Madame [S] [W], Madame [R] [W] et la SCI Simra au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner solidairement Madame [S] [W], Madame [R] [W] et la SCI Simra aux entiers dépens, et autoriser Maître [T] [C] à les recouvrer directement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions signifiées le 7 mars 2014 les consorts [W] demandent à la cour de:

Réformer le jugement entrepris en mettant hors de cause les concluantes au visa de l'acte de vente du 19 janvier 2011, de l'arrêt du 7 juin 2012 et au motif que leur obligation est dépourvue de cause en application de l'article 1131 du code civil

Le réformer sur la question du congé sans indemnité et statuant a nouveau le valider avec toutes conséquences de droit

Fixer l'indemnité d'occupation à la date d'effet du congé et condamner MGC Diffusion à la régler aux concluantes jusqu 'à la date de la vente sous déduction des loyers encaissés,

En tout état de cause, dire que la SCl Simra garantira les concluantes de toutes conséquences pécuniaires pouvant résulter de la décision à intervenir.

Mettre les dépens à la charge de la partie qui succombe.

Condamner MGC Diffusion qui a attrait les concluantes devant la Cour a leur verser une somme de 5.000 € par moitié entre elles en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

I Sur la mise en cause de Mmes [W] :

Celles ci font valoir qu'elles ne sont plus propriétaires des lieux loués à la suite à la vente intervenue le 19 janvier 2011 après promesse du 21 mars 2008, en raison de ce que les conséquences de la sommation et du congé ont été transmises dans le cadre d'une subrogation conventionnelle au profit de l'acquéreur, opposable au preneur, qu'elles sont dépourvues depuis la vente des prérogatives du bailleur au nombre desquelles figurent celle de renouveler le bail ou d'exercer un repentir en cas de fixation d'une indemnité d'éviction.

Elles demandent à la cour de réformer le jugement entrepris et les mettre hors de cause.

Or la cour approuve totalement les motifs du jugement qui a dit que l'indemnité d'éviction est une dette personnelle du bailleur qui a délivré congé, et que la clause de l'acte de vente du 19 janvier 2011 qui prévoit la subrogation de l'acquéreur dans les droits et actions du vendeur ne peut produire effet qu'entre les parties contractantes et ne saurait décharger le vendeur de son obligation à l'égard du locataire, n'instituant qu'une délégation imparfaite conformément à l'article 1277 du code civil .

Les consorts [W] seront déboutés de leur demande de mise hors de cause par confirmation du jugement déféré sur ce point .

II Sur la validité du congé du 2 décembre 2009 :

A/ Sur les travaux portant atteinte aux parties communes sans autorisation préalable du bailleur et de la copropriété

L'appelante reproche à la société MGC Diffusion d'avoir réalisé des travaux portant atteinte aux parties communes de l'immeuble sans autorisation ni du bailleur, ni de la copropriété, à savoir la pose d'un climatiseur en façade cour ayant entraîné une modification de la fenêtre sur cour, et d'avoir modifié en 2010 l'aspect extérieur de la façade de la boutique sur rue après refus de l'assemblée générale de la copropriété .

Le congé ne fait pas figurer la pose d'un climatiseur en façade comme contrevenant au règlement de copropriété ; une sommation a été délivrée la veille du congé par les bailleurs soit le 1er décembre 2009 et le congé rappelle que les manquements visés dans la sommation, à défaut d'exécution, constitueront des motifs de congé , ce qui rend recevable l'allégation de ce grief comme motif de refus de renouvellement et de paiement d'une indemnité d'éviction.

La sommation reproche au preneur d'avoir fait installer un climatiseur en façade arrière de l'immeuble, en perçant celle-ci, une partie de la fenêtre du premier étage ayant été sciée pour les besoins de l'installation; elle indique que depuis, le climatiseur a été retiré, mais les dégradations de la façade et les modifications de la fenêtre persistent ; la sommation met donc en demeure le preneur de remettre en état la fenêtre extérieure dans son état d'origine et de supprimer les traces de travaux .

Or il résulte des pièces versées aux débats et notamment des constatations de l'expert désigné à la demande du syndicat de la copropriété , que la fenêtre a été sectionnée horizontalement et son tiers inférieur déposé pour permettre la mise à l'air libre du climatiseur; l'expert souligne que les travaux modifient la fenêtre et partant l'aspect de la façade et qu'ils ont été réalisés sans observation des règles d'urbanisme et sans aucun souci de l'harmonie de la façade ; le climatiseur était déposé à la date de la visite de l'expert qui a préconisé la pose d'une nouvelle fenêtre identique à celle qui existait, la pose d'une grille à fine maille dans les carreaux extérieurs de celle-ci pour permettre le passage de l'air du climatiseur et le contrôle des nuisances acoustiques susceptibles d'être engendrées par cet appareil ; des travaux de remise en état avaient été réalisés à la date de l'expertise mais l'expert a jugé ceux ci sommaires, sans étude sérieuse ni garantie de pérennité, modifiant considérablement l'aspect extérieur de l'immeuble ; la société MGC Diffusion avait proposé en mars 2007 de faire effectuer les travaux de remise en état de la fenêtre et de la façade sous le contrôle d'un architecte ; l'assemblée générale de la copropriété a refusé cette proposition du preneur ;

L'infraction est constituée dès lors que le preneur ne pouvait procéder à aucun percement de la façade sans l'autorisation de la copropriété et sans avoir obtenu les autorisations administratives nécessaires ; elle n'est cependant pas d'une gravité suffisante pour voir supprimer le droit du preneur au paiement d'une indemnité d'éviction bien que le désordre persistait au 1er septembre 2010 dans un contexte de litige entre les parties au sujet d'autres travaux refusés par l'assemblée générale de la copropriété sans qu'il soit possible de déterminer si les refus sont justifiés par un défaut de conformité des ouvrages proposés.

La bailleresse allègue à cet égard que la locataire a procédé à la modification de la façade de la boutique en contravention avec le refus d'autorisation de l'assemblée générale alors que le preneur soutient au contraire que ses projets successifs de modification de la façade se heurtent aux refus de l'assemblée générale de la copropriété et qu'il s'est alors contenté de faire des travaux provisoires de peinture et de pose d'un bandeau.

Quoiqu'il en soit ni la sommation ni le congé ni aucun autre acte ne contient de grief au sujet de la façade de la boutique de sorte que la bailleresse ne peut opposer un tel motif au demeurant postérieur au congé pour refuser le paiement de l'indemnité d'éviction.

B/ Sur les travaux dans les parties privatives :

Le congé fait grief au preneur d'avoir fait réaliser des démolitions et percements (enlèvement des parquets qui étaient en point de Hongrie et des tomettes et percements en trois endroits du plancher) sans autorisation du bailleur ni du syndicat des copropriétaires en méconnaissance de la fragilité de la structure signalée dès janvier 2007 par son propre Architecte, M. [D].

Il n'est pas contesté que la société MGC Diffusion a fait procéder suivant descriptif joint à sa demande d'autorisation adressée à la société gérant les locaux la dépose des revêtements de sols existants signalés comme étant vétustes et leur remplacement par une chape légère et la pose de carrelage .

L'expert désigné en référé à la demande de la copropriété à la suite de l'effondrement du plafond de la pharmacie relève que les travaux ont consisté en la dépose des revêtements de sols, des plinthes et le descellement des portes, qu'il n'y a eu ni changement de distribution, ni démolition de murs ou de cloisons, mais l'expert note que la dépose des revêtements de sols constitue un acte de démolition, observation étant faite selon lui que le sol était constitué d'un parquet au point de Hongrie ; quoique cette dépose ait été faite sur 8 à 9 cm et 12 cm au droit des poutres ou saignées, il n'y a eu selon l'expert aucune altération de la structure de l'immeuble .

L'expert conclut néanmoins que la dépose des revêtements de sols a été faite de manière brutale, ce qui est attesté par la visite des lieux qui révèle que les menuiseries n'ont pas été démontées mais arrachées ainsi que le montrent les épaufrures profondes des cloisons au droit des baies, que la dépose des lambourdes n'a pu se faire que par piochage car elles sont scellées comme les tomettes , que la brutalité des démolitions des planchers et du carrelage a été à l'origine d'une importante onde de choc qui a fragilisé le faux plafond de la pharmacie située au-dessous de l'appartement, qui s'est effondré en partie, sans compter la chute de gravats .

Pareils travaux de démolition nécessitaient l'accord du bailleur conformément aux dispositions du bail qui prévoit en son article 5° que le preneur ne pourra faire dans les lieux aucune modification, percement, démolition sans l'accord exprès et par écrit du bailleur ; toutefois, il est constant que la société MGC Diffusion a adressé le 22 novembre 2006 à la société Finorgest dont il n'est pas contesté qu'elle était la mandataire de la bailleresse, une demande d'autorisation de travaux de remise aux normes, réparations, chauffage et climatisation, réfection de la décoration et de la façade à laquelle étaient joints les plans de travaux de la nouvelle façade; les consorts [W] contestent qu'ait été joint à la demande un devis descriptif des travaux du magasin et du rez de chaussée qui n'est effectivement pas visé dans la lettre du 22 novembre 2006; il n'en demeure pas moins qu'au visa des travaux annoncés, il appartenait au mandataire de la bailleresse de solliciter le descriptif des travaux pour permettre d'en déterminer l'ampleur exacte s'il ne l'avait en sa possession et donner une autorisation en toute connaissance de cause; que des pièces produites aux débats, il ressort au contraire que la société Finorgest a accusé bonne réception de cette demande le 30 novembre 2006, indiqué adresser au syndic l'autorisation de la copropriété et le même jour transmis par fax à la société MGC Diffusion une confirmation de l'autorisation de travaux 'tels qu'ils ressortent du descriptif' ce qui suppose qu'elle l'avait en mains, sous réserve de l'autorisation de la copropriété, qu'un plan sommaire des travaux intérieurs dressé par l'architecte M [D] a d'ailleurs ensuite été communiqué à la société Finorgest.

Il ne peut donc être soutenu que la société MGC Diffusion aurait celé l'existence de travaux dans les locaux comme l'affirment les bailleurs d'autant que la bailleresse résidait dans les lieux ; hormis les travaux de climatisation pour lesquels une autorisation de la copropriété était nécessaire et que la société MGC n'a pas attendue, la société MGC Diffusion pouvait légitimement se croire, en raison de la réponse donnée par la mandataire de la bailleresse, autorisée à pratiquer les travaux ne requérant pas l'autorisation de la copropriété.

La circonstance que ceux- ci ont été effectués avec brutalité, sans soin particulier, sans respect des règles de l'art ou encore que la vétusté alléguée du parquet en point de Hongrie ne justifiait pas sa démolition n'autorise les bailleurs qu'à solliciter soit des réparations soit la restitution à l'identique lors du départ des lieux en conformité avec les dispositions du bail mais ne saurait ainsi qu'il a été jugé constituer une cause de gravité suffisante pour priver la locataire du bénéfice de l'indemnité d'éviction.

S'agissant par ailleurs de l'existence de percements dans le plancher haut des locaux, l'expert a conclu que ces percements étaient d'origine ancienne et existaient au moment de la création du plancher de sorte que leur existence ne peut être imputée au preneur en place .

Il convient de souligner que les parties s'accordent enfin pour dire que la société MGC Diffusion a mis à profit le délai de la procédure d'appel pour remettre en leur état d'origine les parquets en point de Hongrie et tomettes;

C/ Sur l'incivilité du gérant de la société MGC Diffusion

Le congé rappelle que M. [G], gérant de la société MGC Diffusion a tenté de forcer la vente des locaux à son profit en prétendant avoir obtenu un accord définitif sur une offre qu'il avait formulée, et tenté de se constituer en outre des preuves à l'encontre des consorts [W] en enregistrant sans leur consentement des conversations privées téléphoniques.

Les consorts [W] et la société Simra estiment que cette attitude viole la confiance qui doit présider aux relations bailleur-preneur et justifie le refus de renouvellement et de versement d'une indemnité d'éviction. .

Or l'enregistrement des conversations téléphoniques à l'insu de la bailleresse a été écarté par le juge de la mise en état par décision du 19 octobre 2009 et n' a pas donné lieu à indemnisation des bailleurs les consorts [W] ; ceux ci ont cependant obtenu par jugement du 9 novembre 2010, l'octroi d'une somme de 10 000 € à titre de dommages intérêts réparant l'entier préjudice subi du fait de l'abus du droit d'agir en justice commis par M [G] ayant conduit notamment à l'immobilisation de leur bien pendant plus de deux années alors qu'ils avaient signé une promesse de vente .

La société Simra n'était pas partie au jugement du 9 novembre 2010, n'étant devenue acquéreur des locaux que le 19 janvier 2011 de sorte qu'elle est mal fondée à se prévaloir d'une perte de confiance vis à vis du preneur causée par des faits dont elle n'a pas été directement victime .

En estimant que l'attitude de M [L] [G] à l'égard de ses anciens bailleurs avait été sanctionnée par le jugement mais ne pouvait donner lieu au surplus à la privation pour la société locataire de l' indemnisation de son préjudice résultant de l'éviction, le tribunal a fait une juste appréciation des éléments de la cause d'autant que le motif du congé a été invoqué alors que l'issue de la procédure n'était pas encore connue à la date de délivrance du congé .

D/ Sur le changement de destination des lieux :

La sommation délivrée le 1er décembre 2009 fait grief au preneur d'avoir transformé le premier étage, tel que décrit dans le bail, en bureau et d'exercer dans les locaux une activité de vente de produits cosmétiques, esthétiques et capillaires pour la beauté , la santé et la coiffure au lieu d'y exercer l'activité de coiffeur parfumeur prévue dans le bail .

Le bail décrit les locaux du premier étage ainsi qu'il suit :entrée, cuisine et trois pièces,

Le bail est commercial par nature et ne contient aucune disposition réservant l'usage de l'appartement du 1er étage exclusivement à l'habitation du preneur ou du gérant de la société locataire de sorte qu'il ne peut être prétendu que la société locataire enfreindrait les dispositions du bail en faisant un usage contraire au bail, aucune description de l'usage prétendument contraire au bail n'étant faite ni aucun constat des lieux concernant cet usage produit aux débats par les bailleurs .

Le bail ne contient par ailleurs aucune destination et s'il comporte une clause prévoyant que le bailleur s'interdit de louer dans l'immeuble à aucune autre commerce identique à celui exercé 'actuellement' par la locataire, coiffeur parfumeur, cette clause d'exclusivité consentie au preneur et dont le terme'actuellement ' vise l'activité exercée au moment de la conclusion du bail, ne met d'obligation qu'à la charge du bailleur et doit être interprétée de façon restrictive ; elle ne se confond pas avec une clause qui limite la destination à une ou plusieurs activités commerciales définies.

Il s'ensuit que la demande de déspécialisation faite le 20 novembre 206 par la société MGC Diffusion à laquelle il n'a été donnée aucune suite est sans portée et qu'aucun changement de destination ne peut être reproché à la société MGC Diffusion.

III Sur les conséquences du congé :

A) Sur l'indemnité d'éviction :

La société MGC Diffusion peut donc prétendre au bénéfice d'une indemnité d'éviction ainsi qu'il a été jugé et le tribunal a justement désigné un expert pour procéder à son évaluation, le tribunal restant saisi de sa détermination, sans qu'il y ait lieu pour la cour d'évoquer ce point.

B) Sur l'indemnité d'occupation :

La SCI Simra fait valoir que la société MGC Diffusion a reconnu une valeur locative des locaux qu'elle exploite, qu'elle fixe à 7.500 euros par mois, alors qu'elle acquitte depuis la prise d'effet du congé en juin 2011 d'une indemnité de 1.000 euros par mois et qu'elle se refuse à payer l'indexation du dernier loyer, en dépit des demandes qui lui sont faites.

Rappelant qu'en application de l'article L.145-28 du Code de Commerce, le locataire maintenu dans les lieux ayant droit à une indemnité d'éviction est redevable d'une indemnité d'occupation déterminée au regard des dispositions des sections VI et VII , elle sollicite la condamnation de la société MGC Diffusion à lui payer une indemnité d'occupation calculée sur la base de la valeur locative des lieux, de 6.000 euros par mois, indexée annuellement, charges en sus.

La société MGC Diffusion demande de dire que la société Simra est forclose à solliciter pour son compte une telle indemnité, plus de deux ans s'étant écoulé depuis la fin du congé, au moment de sa demande par conclusions signifiées le 25 octobre 2013; cette demande n'est pas irrecevable en cause d'appel puisqu'elle tend au rejet des demandes adverses en paiement dune indemnité d'occupation .

Or la prescription de l'action en paiement d'une indemnité d'occupation fondée sur l'article L 145-28 du code de commerce ne commence à courir que du jour ou le droit à l'indemnité d'éviction est reconnu dans son principe par une décision de justice définitive.

Si le tribunal a jugé que la société MGC Diffusion pouvait prétendre à une indemnité d'éviction, sa décision a fait l'objet de l'appel sur lequel la cour statue de sorte que le droit à une indemnité d'éviction n'était pas consacré par une décision définitive à la date des conclusions de la société Simra ; elle n'est donc pas forclose à solliciter une telle indemnité .

C'est à bon droit que faute d'éléments d'appréciation suffisants, le tribunal a désigné un expert pour permettre de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction et celui de l'indemnité d'occupation .

IV Sur les autres demandes :

Il convient de constater que la société Simra ne forme plus de demande de dommages intérêts devant la cour et qu'elle déclare renoncer à toute demande concernant le raccordement des WC en rez de chaussée .

Le tribunal a à bon droit réservé les dépens et sursis à statuer sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile .

Chaque partie supportera les frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel, les dépens étant supportés par les consorts [W] et la société Simra qui succombent principalement .

PAR CES MOTIFS

Dit que l'action de la société Simra en paiement d'une indemnité d'occupation n'est pas prescrite,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, à l'exception de celle relative à la condamnation de la société MGC Diffusion à payer à la société Simra la somme de 1273, 30 € concernant la remise en état et branchement des WC en rez de chaussée,

Statuant à nouveau,

Donne acte à la société Simra de ce qu'elle renonce à sa demande de dommages intérêts de ce chef,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne les consorts [W] et la société Simra in solidum aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 13/15576
Date de la décision : 09/09/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°13/15576 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-09;13.15576 ?
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