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08/09/2015 | FRANCE | N°13/08655

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 08 septembre 2015, 13/08655


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 08 SEPTEMBRE 2015



(n° 395 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/08655



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 28 Mars 2012 -Cour d'Appel de PARIS - RG n° 11/05466





APPELANTE

SCI SCI LES DIX ARPENTS Agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse

2]

[Localité 1]



Représentée par Me CARLE Mathilde, de la SCP FTPA, avocat au barreau de PARIS, Toque : P010 substituant Me Antoine GAUTIER SAUVAGNAC de la SCP FOUCAUD TC...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 08 SEPTEMBRE 2015

(n° 395 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/08655

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 28 Mars 2012 -Cour d'Appel de PARIS - RG n° 11/05466

APPELANTE

SCI SCI LES DIX ARPENTS Agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me CARLE Mathilde, de la SCP FTPA, avocat au barreau de PARIS, Toque : P010 substituant Me Antoine GAUTIER SAUVAGNAC de la SCP FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0010

INTIMEE

SCP [O] & [N] agissant en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour avocat plaidant Me Laurent DEVAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : R225

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Mai 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jacques BICHARD, Président de chambre

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère (rapporteur)

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Elodie PEREIRA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Elodie PEREIRA, greffier.

La SCI des dix arpents est propriétaire d'une maison située à [Adresse 3] (94) qu'elle a donnée à bail commercial à monsieur [H], marchand de tableaux et d'objets d'art.

Les loyers n'étant plus réglés, la SCI Les dix arpents a été autorisée à procéder à une expulsion par une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil du 16 décembre 2002.

La SCI des dix arpents a chargé la SCP de [O] [N] de l'exécution de cette décision, Après signification de l'ordonnance le 10 février 2003 et d'un commandement de quitter les lieux le 7 juillet 2003, un procès-verbal d'expulsion a été établi les 6 et 8 août, 10, 11 et 12 septembre 2003.

Constatant la présence de nombreux objets de valeur, oeuvres et livres d'art, la SCP de [O] [N] a fait procéder à leur enlèvement.

Le 6 juin 2006, le président du tribunal de grande instance de Créteil a rendu une ordonnance de taxe, confirmée par une décision du 1er président de la cour d'appel de Paris du 13 novembre 2006, fixant à la somme de 1 633, 40 € la somme due à la société d'huissiers de justice au titre de ses frais et débours et la condamnant à payer la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La SCP de [O] et [N] a fait procéder à une saisie-attribution le 15 novembre 2006 afin d'obtenir paiement de sa créance et elle a obtenu la somme de 1066, 15 €.

La SCP de [O] [N] exerçant un droit de rétention sur les clés de la maison ainsi que sur diverses pièces en original, la SCI des dix arpents a saisi en 2007 le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil afin d'obtenir la restitution des clés, la désignation d'un expert et le paiement de dommages-intérêts provisionnels. Par une ordonnance du 21 mai 2007, le juge des référés a ordonné sous astreinte la restitution des clés et la remise des pièces originales et a désigné un expert chargé d'examiner l'état du bien. Certaines pièces n'ayant pas été remises, le juge des référés a liquidé l'astreinte à la somme de 1 860 € par une ordonnance du 16 décembre 2009.

L'expert a déposé son rapport le 15 février 2009 et la SCI des dix arpents a fait assigner la SCP de [O] [N] devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité et indemnisation. Par un jugement du 8 décembre 2010, le tribunal a condamné la SCP de [O] [N] à payer à la SCI des dix arpents la somme de 15 000 €, en réparation de son préjudice matériel et a rejeté les autres demandes des parties.

La SCI des dix arpents a formé appel de cette décision. Une radiation est intervenue le 27 mars 2012 et le 9 avril 2013, l'appelante a procédé à l'assignation en reprise d'instance de la SCP de [O] [N].

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 30 avril 2015, la SCI des dix arpents réclame la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la faute de la SCP de [O] [N] et l'infirmation pour le surplus, la condamnation de la SCP de [O] [N] à lui payer les sommes de :

- 52 608, 45 € au titre des travaux de remise en état des lieux,

- 453 141, 13 € au titre de la privation de jouissance,

- 50 000, 00 € au titre du préjudice commercial,

à remettre sous astreinte, l'inventaire réalisé lors des opérations d'expulsion d'août et septembre 2013,

rejeter les pièces 10 à 13 communiquées par la SCP de [O] [N],

condamner la SCP de [O] [N] à lui payer une indemnité de 30 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 20 avril 2015, la SCP de [O] [N] conclut à la réformation du jugement, au rejet de l'ensemble des demandes de la SCI des dix arpents et à sa condamnation à lui payer les sommes de 10000€ à titre de dommages-intérêts et de 10 000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le rejet des pièces 10 à 13 de la SCP de [O] et [N] :

Ces pièces sont constituées d'attestations rédigées par le commissaire priseur ainsi que des personnes auxquelles l'huissier de justice a fait appel lors de la procédure d'expulsion ou ultérieurement pour l'assister dans ses opérations, notamment des serruriers.

La SCI Les dix arpents qui fait valoir que ces personnes ne sont pas suffisamment indépendantes de la SCP de [O] et [N], a déposé une plainte auprès du procureur de la République puis une plainte avec constitution de partie civile auprès du juge d'instruction le 5 juin 2012 pour faux témoignage.

Néanmoins ces plaintes qui n'ont pas à ce jour prospéré, ne justifient pas que ces pièces soient écartées alors qu'elles sont soumises à un débat contradictoire devant la juridiction civile.

Cette demande de rejet sera donc écartée ainsi que l'a fait le jugement du 8 décembre 2010.

Sur le fond :

La SCI Les dix arpents reproche à SCP de [O] et [N] de ne pas avoir effectué d'état des lieux et d'inventaire lors de l'expulsion, d'avoir outrepassé son mandat en déplaçant les meubles, d'avoir adressé le montant de ses frais et honoraires avec retard alors qu'elle conditionnait la remise de clés à leur paiement, d'avoir retenu les clés du bien pendant un délai 4 ans au cours duquel celui-ci s'est dégradé. Elle fait valoir que la SCP de [O] et [N] ayant engagé des frais de déplacement des meubles sans son accord, elle était bien fondée à contester les sommes qui lui étaient réclamées par l'huissier et que la rétention exercée par celui-ci a présenté un caractère abusif.

La SCP [O] et [N] conteste avoir commis une faute en ayant déplacé les meubles sans mandat compte tenu de leur valeur. Elle considère également qu'il n'y a pas de faute à avoir conserver les clés dans l'exercice de son droit de rétention pour obtenir le paiement de ses frais et honoraires qui, à ce jour, selon elle, n'ont pas été payés en totalité.

L'huissier de justice doit user de son droit de rétention prévu par l'article 22 du décret du 12 décembre 1996, avec discernement et mesure.

Le 16 octobre 2003, la SCP de [O] et [N] a adressé à la SCI Les dix arpents une lettre par laquelle elle lui réclamait paiement de la somme de 13 639, 73€ au titre de ses frais, honoraires et débours, après déduction d'une provision versée de 518,46 € et lui indiquait qu'elle remettrait les clés de la maison après règlement.

Les décisions de justice du 6 juin et 13 novembre 2006 ayant constaté l'absence d'accord de la SCI Les dix arpents, ont laissé à la charge de l'huissier de justice les frais liés au déménagement des objets d'art et fixé à 1 633, 40 € la somme due au titre des frais et débours, après déduction de la provision.

La SCP [O] et [N] fait également mention de ce que ses honoraires n'ont pas été payés néanmoins elle ne justifie d'aucun accord de son mandant ni d'aucune décision de justice pour asseoir sa créance.

Elle a restitué les clés de la maison le 19 juin 2007 à la suite de l'ordonnance de référé du 21 mai précédent.

En exerçant la rétention des clés d'un bien immobilier qui avait été loué à M [H] pour un loyer annuel de 27 440, 82 €, pendant plusieurs années et dans un contexte où sa créance en définitive fixée à 1 633, 40 €, faisait l'objet d'une contestation sérieuse, la SCP [O] et [N] n'a pas fait preuve de mesure et proportion et elle ne peut donc valablement invoquer les dispositions de l'article 22 du décret du 12 décembre 1996 pour faire échec à la demande de la SCI Les dix arpents.

L'expert chargé par ordonnance du 21 mai 2007 de décrire l'état actuel du bien et de dire si son état est la conséquence de déprédations commises depuis l'expulsion de M [B] (employé de M [H]) en 2003, a visité les lieux le 11 octobre 2007, a constaté qu'il n'avait pas été établi d'état des lieux lors de l'expulsion et en l'absence d'un tel document, a considéré que l'ensemble du pavillon présentait des peintures très vétustes au moment de l'expulsion en 2003 qui semblent avoir été récemment très dégradées par l'humidité, et que les autres déprédations décrites ( fils et câbles dénudés pour récupérer le cuivre, disparition de toute la robinetterie, décollement des papiers peints, carreaux de faïence cassés...) étaient à son avis postérieures à l'expulsion.

Il ressort de cette expertise que la dégradation importante de la peinture et les autres dommages causés au bien sont postérieurs à l'expulsion, sans qu'il soit néanmoins possible de déterminer à quelle date ces différents dommages sont apparus.

Or, la SCP [O] et [N] verse aux débats une lettre des conseils de la SCI Les dix arpents du 26 mars 2004 dans laquelle ils déclarent que celle-ci reprend possession matériellement de la maison à compter du 1er avril suivant. Par ailleurs, la SCI a été en mesure de faire établir par l'entreprise GIM un devis de remise en état du bien daté du 30 mai 2005, qui démontre qu'elle a eu un accès intégral aux lieux.

En outre, la SCI Les dix arpents a produit une attestation de M. [R] qui déclare, en sa qualité d'artisan serrurier, être intervenu à maintes reprises à la demande de la gérante de la SCI pour changer des serrures forcées et notamment à la suite de sa plainte pour tentative de vol avec effraction déposée le 14 octobre 2003, et avoir 'pu pénétrer à l'intérieur de la villa pour vérifier chaque fenêtre et persienne métallique des diverses pièces intérieures et ce jour là n'avoir 'rien constaté d'anormal la maison semblait très confortable intérieurement à part le fouillis dû à la fouille des meubles bibliothèques et armoires'. Il ajoute 'cette maison a fait l'objet constamment d'effractions et d'entrées de squatters année après année. A chaque fois la SCI Les dix arpents m'a appelé pour intervenir dans les meilleurs délais et réparer les dégâts.'.

Il ressort de ces différents éléments qu'outre le fait que la SCI Les dix arpents a elle-même expressément déclaré reprendre possession des lieux au 1er avril 2004, elle a eu accès à l'intérieur de la maison bien avant cette date et notamment en octobre 2003 où elle a effectué une visite complète des pièces avec son serrurier qui procédait au changement des serrures forcées des portes d'entrée, garage et portail.

Dès lors il n'y a pas lieu de retenir un lien de causalité entre la rétention exercée par la SCP de [O] et [N] et les dégradations postérieures à l'expulsion relevées par l'expert dès lors que la SCI Les dix arpents avait une maîtrise des lieux qui lui permettait d'en assurer la conservation et l'entretien, en faisant intervenir diverses entreprises artisanales.

La demande en paiement de la somme de 52 608, 45 € au titre des travaux de remise en état des lieux, doit donc être écartée et le jugement du 8 décembre 2010 sera infirmé en ce qu'il a alloué à la SCI Les dix arpents la somme de 15 000 €.

Celle-ci réclame également l'indemnisation de la privation de jouissance qui a engendré un manque à gagner de 453 141, 13 € sur la base du loyer consenti à M [H] et d'un préjudice commercial tenant à son impossibilité d'exercer son activité de loueur de biens.

Néanmoins l'impossibilité de relouer les lieux après l'expulsion tient à leur mauvais état qui s'est aggravé avec le temps et il n'existe pas de lien de causalité avec la faute reprochée à la SCP de [O] et [N].

Le jugement du 8 décembre 2010 sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes d'indemnisation.

La SCI Les dix arpents sollicite la remise sous astreinte de l'inventaire réalisé lors des opérations d'expulsion d'août et septembre 2013 mais il ne ressort pas de la lecture du jugement que cette demande ait été formulée en 1ère instance. Par ailleurs, les biens présents dans les lieux lors de l'expulsion appartenaient au locataire et la SCI Les dix arpents n'expose pas son intérêt à obtenir ce document que l'article R433-1 du code des procédures d'exécution prévoit en vue de protéger les intérêts de la personne expulsée. Cette demande doit donc être déclarée irrecevable, faute de qualité pour agir.

La SCP de [O] et [N] sollicite la condamnation de la SCI Les dix arpents à des dommages-intérêts pour procédure abusive, néanmoins il n'est démontré ni intention de nuire ni légèreté blâmable dans le droit d'agir en justice de la part de la SCI Les dix arpents qui a pu se méprendre sur les conséquences de la faute de l'intimée. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande en dommages-intérêts.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du 8 décembre 2010 en ce qu'il a rejeté la demande de rejet des attestations, la demande d'indemnisation du trouble de jouissance et du préjudice commercial de la SCI Les dix arpents et la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive de la SCP de [O] et [N],

Y ajoutant :

Déclare irrecevable la demande de communication de l'inventaire,

L'infirme pour le surplus,

Rejette la demande en indemnisation du préjudice matériel de la SCI Les dix arpents,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Les dix arpents aux dépens de 1ère instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de maître Baechlin, selon l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 13/08655
Date de la décision : 08/09/2015

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°13/08655 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-08;13.08655 ?
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