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07/09/2015 | FRANCE | N°13/06733

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 07 septembre 2015, 13/06733


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 3



ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2015



(n° 15/ , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/06733



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mars 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/06444





APPELANTS



Monsieur [A] [W] agissant tant en son nom propre qu'es qualités de représentant légal de

sa fille mineure [L] [J] née le [Date naissance 2] 1997 à [Localité 1].

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Madame [V] [X] veuve [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentés par Me Nadia BOUZI...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3

ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2015

(n° 15/ , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/06733

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mars 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/06444

APPELANTS

Monsieur [A] [W] agissant tant en son nom propre qu'es qualités de représentant légal de sa fille mineure [L] [J] née le [Date naissance 2] 1997 à [Localité 1].

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Madame [V] [X] veuve [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentés par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Assistés de Me Pierre-Marie DURADE-REPLAT de la SCP DELSOL & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE

SA ALLIANZ IARD , prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée de Me Pierre JUNG, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS, toque R013 substituant Me Philippe BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque R013

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Mai 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Régine BERTRAND-ROYER, Présidente de chambre

Madame Catherine COSSON, Conseillère, entendue en son rapport

Madame Caroline FEVRE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Nadia DAHMANI

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prévue initialement au 29 juin 2015 et prorogée au 07 septembre 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Régine BERTRAND-ROYER, présidente et par Mme Nadia DAHMANI, greffier présent lors du prononcé.

****

Le 20 février 2002, Monsieur [A] [W] a été victime d'un accident de circulation alors qu'il était passager du véhicule appartenant à Madame [P] [R], assuré par la société AGF Iart, aujourd'hui dénommée Allianz Iard.

Monsieur [W] a fait l'objet d'un examen médical amiable effectué par le docteur [Y] qui a déposé un rapport daté du 11 mai 2004, dont il ressort que l'intéressé alors âgé de 34 ans, a présenté des suites de l'accident un traumatisme rachidien dorsal avec paraplégie complète d'emblée par fracture dislocation de D10/D11. L'ITT a été totale jusqu'au 11 mai 2004, date de la consolidation, l'incapacité permanente partielle a été chiffrée à 72 % du fait d'une paraplégie de niveau D10/D12 avec troubles vésicosphinctériens et génitosexuels, les souffrances à 5/7, le préjudice esthétique à 5/7. Le docteur [Y] a considéré que le handicap de Monsieur [W] d'une part lui permettait une autonomie pour les actes élémentaires de la vie quotidienne mais ne lui permettait pas de réaliser l'entretien du logement, certaines activités ménagères et l'entretien du jardin ce qui justifiait une aide humaine non médicalisée de 2 heures par jour, d'autre part ne l'autorisait plus à poursuivre l'activité professionnelle en cours le 20 février 2002 dans les conditions antérieurement exercées.

Sur la base de ce rapport, Monsieur [W] et la société AGF ont signé les 19 et 21 avril 2005, un procès verbal d'accord fixant l'indemnisation du préjudice à la somme totale de 1.300.284,90 € dont 750.000 € au titre du préjudice économique et professionnel. Etaient réservés l'aménagement du logement et les dépenses de santé futures.

Par actes en date des 21 mars et 1er avril 2008, Monsieur [W] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure [L] [J], et sa mère, Madame [V] [X] veuve [W], ont saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une demande d'annulation du procès verbal d'accord pour dol et de condamnation de la société AGF à leur payer diverses sommes.

Par jugement du 26 mars 2013, le tribunal :

- a débouté Monsieur [W] de sa demande de nullité de la transaction,

- a débouté la société Allianz venant aux droits de la société AGF, de sa demande de nullité de la transaction,

- a dit que la transaction du 21 avril 2005 conservait son autorité,

- a dit que les frais de santé futurs restaient réservés,

- a condamné la société Allianz à payer à Monsieur [W] la somme de 55.630 € à titre de réparation des frais d'aménagement de son logement, les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée à compter du 18 octobre 2006 et jusqu'au jugement devenu définitif, la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné la société Allianz à payer à Madame [X] la somme de 8.000 € au titre de son préjudice d'affection et celle de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné la société Allianz à payer à Mlle [L] [J] représentée par son père la somme de 12.000 € au titre de son préjudice d'affection et celle de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- a débouté la société Allianz de sa demande présentée au titre de ses frais irrépétibles,

- a déclaré le jugement commun à la CPAM de Lille-Douai,

- a condamné la société Allianz aux dépens dont distraction au profit des avocats en ayant fait la demande en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- a ordonné l'exécution provisoire.

Monsieur [W] a relevé appel de la décision.

Par dernières conclusions signifiées le 30 juillet 2014, il demande à la cour :

- de réformer la décision entreprise en ce qu'elle l'a débouté de sa demande d'annulation de la transaction du 21 avril 2005 sur le fondement du dol,

- de dire que la transaction du 21 avril 2005 est nulle pour avoir été viciée par le comportement dolosif de la société Allianz,

- de constater qu'il ne remet cependant pas en cause l'ensemble des sommes versées mais seulement celle censée réparer le préjudice économique et professionnel,

- de constater que la société Allianz dans sa demande de nullité du protocole transactionnel ne remet en cause aucune des sommes qu'elle a pu verser hors celle relative au préjudice professionnel,

- en tout cas mais également pour le cas où la cour ne retiendrait pas l'existence de manoeuvres dolosives à la charge de la société Allianz, de constater que l'indemnité réglée au titre du préjudice économique et professionnel à hauteur de 750.000 € ne saurait réparer l'entier préjudice professionnel et les pertes de revenus subis en suite de l'accident,

- de condamner en conséquence la société Allianz à lui payer :

- au titre des pertes de gains professionnels actuelles : 666.575 €

- au titre des pertes de gains professionnels futures : 10.951.200 €

- au titre de l'incidence professionnelle : 1.095.120 €

soit une somme totale de 11.962.895 € après déduction de la somme de 750.000 € déjà versée, avec intérêts au double du taux légal à compter du 11 octobre 2004 jusqu'à la date de la décision à intervenir,

- de condamner la société Allianz à lui payer la somme de 30.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 6 octobre 2014, la société Allianz, anciennement dénommée AGF Iart, sollicite à titre principal le débouté de Monsieur [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions et la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.

A titre subsidiaire et à titre infiniment subsidiaire, elle demande à la cour :

- de dire et juger que le protocole transactionnel a été signé par Monsieur [W] en toute connaissance de cause,

- de prononcer la nullité du protocole, aux torts exclusifs de Monsieur [W],

- de dire et juger que Monsieur [W] n'est pas dans l'incapacité d'exercer une activité professionnelle,

- à défaut de lui donner acte de son accord pour que le taux de change de référence pour la fixation du préjudice de Monsieur [W] soit celui au jour de la signature du protocole transactionnel, soit le 21 avril 2005, et à défaut celui du jour de la consolidation intervenue le 11 mai 2004,

- d'ordonner le versement d'une rente annuelle nette versée trimestriellement et à terme échu et à défaut de rente, de faire application du barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais des 7 et 9 novembre 2004,

- de débouter Monsieur [W] de sa demande de doublement des intérêts légaux sur la somme qu'il réclame,

- la désignation, aux frais avancés de Monsieur [W], d'un expert financier, avec pour mission de quantifier le préjudice réellement subi.

En tout état de cause, elle réclame la condamnation de Monsieur [W] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui seront directement recouvrés par la SCP Grappotte Benetreau dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Monsieur [W] soutient que les articles L 211-9 et suivants du code des assurances imposent à l'assureur d'intervenir rapidement et de manière loyale pour proposer à la victime d'un accident de la circulation une indemnisation complète, indemnisation qui ne peut être inférieure au montant auquel celle-ci pourrait prétendre selon les dispositions légales en vigueur. Il prétend que les transactions encourent la nullité dès l'instant où il est démontré qu'en raison d'un comportement volontairement dolosif, la compagnie d'assurance n'a pas indemnisé la victime à hauteur de ses droits réels en lui dissimulant un certain nombre d'informations.

Il indique qu'en ce qui le concerne, il exerçait la profession de chef d'entreprise spécialisé dans le commerce international, était totalement ignorant de ses droits en matière d'indemnisation, n'était pas assisté dans le cadre de la transaction et était encore extrêmement diminué tant physiquement que psychologiquement au moment des discussions entreprises avec l'inspecteur des AGF.

Il fait valoir :

- que compte tenu de son incapacité absolue à reprendre une activité professionnelle, il ne pouvait qu'envisager de réaliser des investissements susceptibles de lui procurer des revenus ce qui ne peut être assimilé à l'exercice d'une activité professionnelle,

- qu'il avait élaboré un projet en calculant qu'une somme investie d'environ 1.000.000 € pourrait lui rapporter des revenus de l'ordre de 50.000 € par an ce qui lui aurait permis de survivre tout en constituant un préjudice professionnel particulièrement conséquent eu égard à ses revenus au moment de l'accident de 300.000 € par an,

- que profitant de cette information, les AGF ont feint de prendre en considération ses besoins et lui ont proposé une indemnisation à hauteur de 750.000 € au titre du préjudice professionnel,

- qu'il a ainsi été mené sur la voie d'une approche de son préjudice corrélé à ses 3 ans d'ITT et n'a à aucun moment été prévenu que la notion de préjudice professionnel englobait une acception bien plus large que la simple indemnisation de ces 3 années,

- que la société AGF aurait dû calculer son préjudice en fonction des critères dont elle disposait : âge, revenus, impossibilité de développer une nouvelle activité similaire, perte de revenus annuelle ...,

- que le rapport établi par le cabinet EQUAD le 25 mars 2005, à la demande de l'assureur, qui expliquait qu'une indemnisation de 1 million qui ne correspondait qu'à 3 ans de perte de revenu alors que la victime pourrait prétendre à 4.800.000 €, n'était pas exagérée, ne lui a pas été communiqué,

- que c'est sur ce point de la rétention des informations précieuses contenues dans ce rapport que l'inspecteur des AGF a fait naître le dol à son encontre,

- que c'est avec mauvaise foi que les AGF qui auraient dû être convaincus par les conclusions du docteur [Y] que privé de sa mobilité, il ne pouvait plus espérer exercer une activité lui procurant ses revenus antérieurs, ont ignoré la suggestion du cabinet Equad relative à l'indemnisation d'un préjudice professionnel total à hauteur de 4.800.000 €.

Il conclut qu'il n'a été indemnisé que de la perte de revenus subie avant la consolidation, qu'aucune somme n'a été versée au titre d'un préjudice professionnel futur et que les AGF ont commis un dol en ne l'informant pas de son droit d'être indemnisé pour sa perte de revenu future et pour l'incidence professionnelle.

La société Allianz en réponse fait valoir :

- que Monsieur [W] a poursuivi sa carrière de chef d'entreprise dans un autre domaine d'activité et qu'il voulait obtenir le plus rapidement possible un règlement pour financer son projet,

- qu'il ne justifie pas que cette activité lui a rapporté moins de revenus que la précédente du fait de son handicap,

- qu'il tente de lui faire supporter l'aléa lié à toute activité entrepreneuriale,

- qu'elle n'avait pas à communiquer le rapport de ses experts financiers qui est confidentiel.

Elle explique que désireuse de ne pas aller plus avant dans cette affaire, elle demande à la cour de confirmer le jugement renonçant à cette occasion à un examen approfondi de la réalité de la situation de Monsieur [W] au jour de son accident tout comme de sa situation postérieure à l'accident qui aurait notamment obligé ce dernier à préciser ce qu'il était advenu de la somme de plus d'un million d'euros versée en exécution du protocole.

L'article 1116 du code civil dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Monsieur [W], né le [Date naissance 1] 1967, inscrit à l'EDHEC [Localité 2], a interrompu ses études à l'âge de 22 ans lorsqu'il a perdu son père. Il indique qu'il a commencé sa carrière dans le commerce international en créant une société en Côte d'Ivoire. En 1997, alors qu'il était âgé de 30 ans, il était directeur de la société MEIC/O et son unique actionnaire puisqu'il en détenait toutes les parts sociales.

Cette société était spécialisée dans l'intermédiation financière et le montage de plans de financement. Inscrite au registre des sociétés de l'île de Nevis et répondant aux critères légaux de la Fédération des Iles de Saint Kitts et Nevis, elle n'était pas redevable de l'impôt. Elle disposait d'une adresse postale au Luxembourg où elle n'était pas davantage redevable de l'impôt. Monsieur [W] pour sa part était résident à Aruba, île des Caraïbes qui ne prélève pas d'impôt sur les revenus des personnes physiques. Il ne déclarait pas de revenus à l'administration fiscale française.

Les AGF et Monsieur [W] ont commencé à discuter du préjudice de ce dernier avant le 4 septembre 2003 puisque c'est à cette date que Monsieur [C], inspecteur des AGF, a mandaté le cabinet EQUAD, relevant la situation atypique de la victime et la nécessité de vérifier ses affirmations selon lesquelles il tirait de son activité un revenu de l'ordre de 180.000 à 250.000 $ par an. Ce cabinet a tenu 3 réunions en présence de Monsieur [W] les 8 octobre 2003, 4 novembre 2004 et 15 mars 2005 et a rendu ses conclusions à son mandant dans une note du 25 mars 2005. Conformément à sa mission qui lui demandait de déterminer la perte de revenu pendant la période d'arrêt de travail, précisant que la question se poserait ensuite, lorsque la situation médicale de l'intéressé serait définitivement fixée et son potentiel résiduel déterminé, de chiffrer l'incidence économique de l'invalidité, le cabinet EQUAD a considéré que le préjudice financier subi pendant les 3 années ayant précédé la consolidation pouvait être évalué sur la base d'une somme annuelle de 300.000 € (retenant une parité de 1 € - 1 $), soit au total 900.000 € auxquels il faudrait ajouter les frais médicaux permanents et les frais d'aide à domicile et que 'dès lors, eu égard au jeune âge de la victime, la somme d'un million d'euros réclamé ne semble pas exagérée.'

Il ajoutait Il convient en outre d'indiquer, pour information, que, sur la base d'un revenu annuel de 300K€ par an, le montant qu'il conviendrait de verser à Monsieur [W] si celui-ci se retrouvait dans l'incapacité totale de retrouver une activité professionnelle, pourrait être évaluée à environ 4.800 K€.

Moins d'un mois après, le préjudice a été transigé pour une somme totale de 1.300.284,90 €, soit :

- 14.663 € au titre de la gêne dans la vie courante subie pendant l'ITT,

- 252.000 € au titre de l'IPP,

- 750.000 € au titre du préjudice économique et professionnel,

- 20.000 € au titre des souffrances,

- 15.000 € au titre du préjudice esthétique,

- 35.000 € au titre du préjudice d'agrément,

- 35.000 € au titre du préjudice sexuel,

- 152.219,24 € au titre de la tierce personne depuis le 1er février 2003,

- 20.573,10 € au titre de l'aménagement du véhicule, renouvellement compris,

- 5.829,55 € au titre de l'achat et du renouvellement du fauteuil roulant.

Les séquelles de Monsieur [W] sont constituées par une paraplégie de niveau D10-D12 avec troubles vésicosphinctériens et génitosexuels qui ne le rend pas totalement dépendant d'autrui. Il ressort en effet des pièces du dossier que Monsieur [W] vit seul dans une maison située à [Localité 3], qu'il s'habille seul, prépare ses repas, utilise le lave linge et le lave vaisselle, dort dans un lit ordinaire, effectue seul les autosondages et sa toilette dans la baignoire après transfert sur une planche de transfert, peut se tenir assis seul et peut se mettre debout et faire quelques pas avec un déambulateur. Il emploie un jardinier 6 heures par semaine, une femme de ménage 8 heures par semaine et est aidé par sa mère qui habite à 15 km de chez lui, notamment pour les courses.

Si Monsieur [W] est fondé à soutenir ainsi que l'ont indiqué tant le docteur [Y] que le docteur [I], chef du service du centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelles spécialisées L'Espoir, qu'il n'est plus en mesure d'exercer sa profession antérieure qui nécessitait disponibilité et mobilité compte tenu des nombreux déplacements à effectuer et des contacts personnels à nouer, il ne démontre pas l'impossibilité alléguée dans laquelle il se trouverait d'exercer toute activité professionnelle et notamment celle de chef d'entreprise dans des domaines et des conditions différents.

Il a au demeurant créé avec un associé, Monsieur [Z], la société Green Energy Producer dont il a été le gérant et qui est évoquée dans les termes suivants par le Cabinet EQUAD :

'Aujourd'hui, il (Monsieur [W]) organise le lancement et le fonctionnement de sa nouvelle société qui a pour objet de retraiter, pour le compte d'exploitants agricoles, le lisier chargé de nitrate qu'ils produisent. En contre partie, la nouvelle société de Monsieur [W] percevra une rémunération de la part de ces exploitants. Le traitement de ce lisier permettra la production de deux nouveaux produits : - de l'énergie verte (gaz méthane) ; - de l'engrais. Ces deux produits seront ensuite récupérés et vendus par la société de Monsieur [W] ce qui constitue donc pour elle une source complémentaire de revenus. [...].'

Les éléments versés aux débats ne permettent pas de retenir comme le soutient Monsieur [W], qu'il ne s'agissait pas là de la reprise d'une activité professionnelle et qu'il agissait en tant que prête nom de Monsieur [Z]. A ce titre, le courrier dont la teneur est reprise ci-dessous, qu'il a envoyé le 20 juin 2005 à Monsieur [C], outre qu'il ne caractérise pas un état de faiblesse, est particulièrement éloquent quant à son implication dans le projet, sa pugnacité et sa volonté d'obtenir rapidement une indemnisation :

'Cher Monsieur [C],

Suite à nos différentes conversations téléphoniques, je vous signale que le paiement de votre chèque a été effectué le 17 juin 2005 ! Surréaliste, la banque a autorisé la levé des fonds à partir du 16/06/05 !

Cumulé aux atermoiements de vos services entre autorisation et transmission de l'information, on obtient un retard de 30 jours auquel j'ai du faire face en urgence via un emprunt de

200 000 E et un découvert de 50 000 E, afin de poursuivre le rythme des investissements dans l'affaire dont je vous avais longuement parlé avec mon associé et sur laquelle reposait notre accord de règlement rapide de l'affaire nous concernant.

Les conséquences pourraient en rester là si le retard de 1 mois pris dans la réalisation du chantier auquel il convient d'ajouter une perte sèche d'exploitation de 50 000 € (charge d'exploitation fixe d'une équipe qui attend le matériel) perturberait l'inauguration avec les autorités politiques Flamande programmée le 03 octobre 2005.

J'ose espérer que nous trouverons lors de notre prochaine rencontre une issue appropriée aux conséquences de ce retard.'

S'il est établi que Monsieur [W] n'est plus gérant de la société Green Energy Producer depuis le 17 août 2005 et qu'il n'en a perçu aucun revenu, aucune explication n'est fournie sur ce point étant relevé qu'il n'est communiqué aucune pièce comptable et fiscale relative à cette société immatriculée en Belgique. En outre, le tribunal a justement relevé que si Monsieur [W] soutenait avoir vendu ses parts sociales le 20 décembre 2006 à Monsieur [Z] pour une somme de 17.500 €, il ne justifiait, et ne justifie toujours pas devant la cour, de la réalité de cette cession. En effet, la seule communication des photocopies des 3 chèques émis les 19 et 20 décembre 2006 par Monsieur ou Madame [N] (3.700 €), et la SCI de la Garenne Maintenon (13.100 € et 900 €) ne font pas cette preuve.

Monsieur [W] était par ailleurs administrateur depuis le 25 août 2004 de la société anonyme luxembourgeoise Holdinveer SA, créée le 30 décembre 2003, dont l'objet était la prise d'intérêts sous quelque forme que ce soit dans d'autres entreprises luxembourgeoises ou étrangères et dont il indique dans ses conclusions qu'elle a été initialement créée en tant que holding des actions de la société Green Energy Producer. Cette société a été dissoute suite à une assemblée générale extraordinaire du 24 janvier 2007. S'il est justifié par un document émanant de l'agent domiciliataire et de teneur de comptabilité de la société que Monsieur [W] n'a perçu aucune rémunération (salaire, jetons de présence, tantièmes '), il n'est fourni aucune autre information notamment d'ordre comptable la concernant.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il s'ensuit :

- que postérieurement à la consolidation de son état, Monsieur [W] a repris une activité professionnelle,

- que la société AGF ne s'est pas rendue coupable d'une rétention d'information puisque l'hypothèse envisagée par le cabinet EQUAD ne s'était pas réalisée à la date du dépôt du rapport,

- que l'indemnité de 750.000 € réparant le préjudice économique et professionnel, eu égard au montant allégué (entre 180.000 et 300.000 $) des revenus de la victime avant l'accident ne correspond pas à la réparation d'un préjudice professionnel total,

- que compte tenu des montants à partir desquels les parties ont transigé, il n'est pas établi que ce poste de préjudice, intitulé économique et professionnel, ne comportait pas une part relative à l'incidence professionnelle comme l'a écrit Monsieur [C] au conseil de Monsieur [W] le 3novembre 2006, étant relevé qu'à la date de la signature du protocole le rapport issu des travaux de la commission Dintilhac n'avait pas été diffusé et la loi du 21 décembre 2006 n'existait pas.

Le jugement qui a rejeté la demande d'annulation de la transaction pour dol est en conséquence confirmé.

Monsieur [W] considère en tout état de cause qu'il est fondé à solliciter un complément d'indemnisation au titre du préjudice professionnel futur non réparé au motif qu'il n'est plus en mesure de travailler.

Cependant, il ressort des développements ci-dessus que Monsieur [W] avait repris après l'accident une activité professionnelle et que la cause de l'échec de la société Green Energy Producer à le supposer établi ce qui n'est pas le cas, est inconnue de sorte que le lien de causalité avec les séquelles n'est pas démontré.

Il sera ajouté en outre que le fait que Monsieur [W] ne déclare aucune somme à l'administration fiscale française ne peut suffire à faire considérer qu'il ne dispose d'aucun revenu issu d'une activité professionnelle dans la mesure où :

- la société MEIC/O existe toujours,

- si la société Holdinveer a été dissoute, la cour ignore ce qu'il est advenu de la société belge Green Energy Producer étant rappelé que la cession de ses parts sociales par l'intéressé n'est pas démontrée,

- Monsieur [W] n'a pas démenti que le montant des indemnités versées par la société AGF a été encaissé en Belgique et au Luxembourg,

- il ne conteste pas que même non imposable en France, la législation lui imposait de déclarer ses revenus ce qu'il n'a jamais fait antérieurement à l'accident.

Le jugement qui a rejeté les demandes est confirmé. Le surplus de la décision n'est pas critiqué et mérite confirmation.

Les dépens d'appel sont mis à la charge de Monsieur [W] qui est condamné à payer, en cause d'appel, à la société Allianz la somme de 2.000 €. Sa demande présentée du même chef est rejetée.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 mars 2013 par le tribunal de grande instance de Paris,

Y ajoutant,

Rejette la demande présentée par Monsieur [A] [W] au titre de ses frais irrépétibles,

Condamne Monsieur [A] [W] à payer à la société Allianz Iard, en cause d'appel, la somme de 2.000,00 (deux mille) euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [A] [W] aux dépens d'appel,

Dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 13/06733
Date de la décision : 07/09/2015

Références :

Cour d'appel de Paris C3, arrêt n°13/06733 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-07;13.06733 ?
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