RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 04 septembre 2015 après prorogation
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11309
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 06 juillet 2009 par le conseil de Prud'hommes de BOBIGNY - RG n° 08/00298 confirmé par la cour d'appel de Paris (chambre 6-8) par arrêt du 02 février 2012, dont la décision a été cassée par arrêt de la Cour de cassation en date du 25 septembre 2013 qui a ordonné le renvoi devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
APPELANT
Monsieur [C] [C] né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1]
[Adresse 1]
non comparant, représenté par Me Emilie LACOSTE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0137
INTIMEE
SA AIR FRANCE - SKYTEAM
[Adresse 2]
représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 avril 2015, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Marie-Luce CAVROIS, présidente de chambre
Madame Evelyne GIL, conseillère
Madame Isabelle DOUILLET, conseillère
Qui en ont délibéré
Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, présidente et par Mademoiselle Flora CAIA, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [C] [C] a été embauché par Air France en qualité de mécanicien révision moteur, à compter du 1er avril 1997.
Il a été promu technicien moteur 2 puis technicien maintenance avion.
En octobre 2002, il a bénéficié d'un congé formation et a obtenu en octobre 2003 un certificat de qualification de technicien qualité, catégorie C niveau III de la convention collective de la métallurgie.
Le 1er juillet 2004, M. [C] a signé une convention de formation-immersion à l'issue de laquelle il a, le 1er janvier 2006, été promu technicien maintenance avion 4 niveau B4, coefficient 319.
En mai 2006, il a été affecté à la direction qualité-sécurité-environnement et développement durable auprès du coordonnateur-comité projets, en qualité d'expert méthode-management de projets (poste « conseil »).
Lors d'un entretien d'évaluation le 6 juin 2007, son supérieur hiérarchique, M. [N] lui a indiqué que son passage en statut cadre n'était pas envisagé.
Par courrier du 19 novembre 2007, M. [C] a sollicité une régularisation de sa situation.
Par courrier du 28 janvier 2008, le PDG de la société AIR France maintenait la position de refus de lui accorder le statut de cadre.
Le 23 janvier 2008, M. [C] saisissait le conseil de prud'hommes de Bobigny d'une demande de requalification de poste de non cadre en poste cadre position II A 420 (articles 1 et 2 annexe convention annexe « cadres » à la convention collective), de paiement de diverses sommes dont une indemnité pour discrimination en raison de l'origine ethnique et d'une demande de publication dans deux quotidien de la décision à intervenir.
Par décision du 6 juillet 2009, le conseil de prud'hommes a rejeté toutes ses demandes ainsi que la demande reconventionnelle de la société AIR France ;
Par arrêt du 2 février 2012, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement en toutes ses dispositions.
Par arrêt du 25 septembre 2013, la Cour de cassation a cassé ce dernier arrêt au visa des articles L.1132-1 et L.1134-1 du Code du Travail et a jugé que :
« Attendu que pour rejeter sa demande au titre de la discrimination, l'arrêt retient que le salarié ne soumet à la cour « aucun élément de faits » susceptibles d'établir qu'il aurait été victime d'une discrimination en raison de son origine ethnique ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié soutenait qu'au sein de l'équipe de collaborateurs intervenant sur le projet Six Sigma, il était le seul à être d'origine étrangère et que tous les autres salariés exerçant les mêmes fonctions que lui étaient classés cadres tandis que lui ne l'était pas, ce dont il résultait qu'il présentait des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
La Cour de cassation ayant renvoyé l'affaire devant la cour de Paris autrement composée, c'est dans ces conditions que l'affaire est venue devant la chambre 6-11 à l'audience du 16 avril 2015 ;
A cette date, les parties ont soutenu leurs conclusions, visées par le greffier, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de leur prétentions et moyens, par application de l'article 455 du Code de procédure civile.
M. [C], demande à la cour, au visa des articles L.1222-1, L.1132-1 et suivants et L.3221-4 du Code du travail de :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de BOBIGNY du 6 juillet 2009, en toutes ses dispositions,
A titre principal :
- juger que M. [C] [C] a été victime d'une différence de traitement injustifiée au sens de l'article L.3221-4 du Code du travail et la jurisprudence y afférente,
- juger qu'en l'absence de justifications objectives fournies par la Société Air France, cette différence de traitement s'analyse en une discrimination en raison de son origine ethnique, au sens de l'article L.1132-1 du Code du travail,
En conséquence,
- Ordonner à la société Air France de reconnaître la qualité de cadre Groupe 1, position C2 puis Cadre niveau 1,1-2 en application de la nouvelle classification de M. [C] depuis le 1er mars 2006 et ordonner la rectification des bulletins de paie de M. [C] en conséquence,
- Condamner la société Air France à réparer l'entier préjudice subi par M. [C] [C],
- Condamner la société Air France à verser à M. [C] [C] les sommes suivantes :
- Au titre du préjudice moral et physique : 50 000 €
- Au titre du préjudice résultant de la perte de chance de bénéficier du dispositif de temps de travail applicable aux salariés cadres : 10.000 €
- Au titre du préjudice financier et professionnel : A titre principal juger que la rémunération brute mensuelle de M. [C] ne saurait être inférieure à la rémunération moyenne de sa catégorie, soit à la somme de 4.798 €, En conséquence, condamner la société Air France à la somme de 136.244,18 € en réparation du préjudice professionnel et financier subi pour la période du 1er mars 2006 au 15 avril 2015, fixer la rémunération mensuelle brute de M. [C] à 4.798 € à compter du 16 avril 2015, et condamner la société Air France aux rappels de salaire résultant d'une telle fixation de la rémunération de M. [C] et ce, sous astreinte de 250 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir,
A titre subsidiaire ordonner la désignation de deux juges rapporteurs assisté d'un expert indépendant et l'ouverture d'une enquête aux fins d'accéder à tous les documents que ces derniers estimeront utiles pour permettre un chiffrage précis du préjudice de M. [C] [C],
A titre subsidiaire :
- juger que M. [C] [C] a été victime d'une différence de traitement injustifiée au sens de l'article L.3221-4 du Code du travail et la jurisprudence y afférente,
En conséquence,
- Ordonner à la société Air France de reconnaître la qualité de cadre Groupe 1, position C2 puis Cadre niveau 1,1-2 en application de la nouvelle classification de M. [C] depuis le 1er mars 2006 et ordonner la rectification des bulletins de paie de M. [C] en conséquence,
- Condamner la société Air France à réparer l'entier préjudice subi par M. [C] [C],
- Condamner la société Air France à verser à M. [C] [C] les sommes suivantes :
- Au titre du préjudice moral et physique : 50 000 €
- Au titre du préjudice résultant de la perte de chance de bénéficier du dispositif de temps de travail applicable aux salariés cadres : 10.000 €
- Au titre du préjudice financier et professionnel : A titre principal juger que la rémunération brute mensuelle de M. [C] ne saurait être inférieure à la rémunération moyenne de sa catégorie, soit à la somme de 4.798 €, en conséquence, condamner la société Air France à la somme de 136.244,18 € en réparation du préjudice professionnel et financier subi pour la période du 1er mars 2006 au 15 avril 2015 ; fixer la rémunération mensuelle brute de M. [C] à 5.798 € à compter du 16 avril 2015 et condamner la société Air France aux rappels de salaire résultant d'une telle fixation de la rémunération de M. [C] et ce, sous astreinte de 250 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir,
A titre subsidiaire ordonner la désignation de deux juges rapporteurs assisté d'un expert indépendant et l'ouverture d'une enquête aux fins d'accéder à tous les documents que ces derniers estimeront utiles pour permettre un chiffrage précis du préjudice de M. [C] [C],
En tout état de cause :
- Condamner la société AIR France à payer à M. [C] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- La condamner aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution forcée,
- Juger que l'ensemble des condamnation en argent seront assorties des intérêts légaux.
Pour sa part la société AIR France, demande à la cour de :
- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,
- débouter M. [C] de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [C] au paiement de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- laisser à sa charge les dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'inégalité de traitement et la discrimination alléguée
La règle « à travail égal, salaire égal » oblige l'employeur à assurer l'égalité de rémunération entre les salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.
L'article L.3221- 4 du code du travail dispose que :
« Sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse. »
En application de l'article L.1132- 1 du Code du travail, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de promotion professionnelle en raison de son origine, ... de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une race, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ...
La discrimination consiste à traiter une personne de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable et pour un motif prohibé.
En application de l'article L. 1134-1 du Code du travail, en matière de discrimination la preuve est aménagée et « le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ». « Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ».
En l'espèce, M. [C] allègue avoir été moins bien traité que ses collègues, à raison des son origine étrangère ou de son activité syndicale, il expose avoir fait l'objet d'un refus de passage dans la catégorie cadre malgré la formation qu'il a suivie alors que tous ses collègues appartenant à la même équipe que lui, à savoir l'équipe du projet Six Sigma sont cadres. Il fait valoir que le traitement défavorable se traduit par une rémunération moindre et le fait que le statut de cadre ne lui est pas reconnu ce qui a un impact sur le nombre de jours de RTT qui lui est accordé qui est de 11 au lieu de 21 pour ses collègues et sur le fait qu'alors que les autres membres de l'équipe voyagent en 1ère classe, il n'y est pas autorisé et doit voyager en 2nde classe.
M. [C] indique appartenir au groupe B, Maîtrise et techniciens, alors que tous les collaborateurs d'Air France occupant un poste de Conseil-qualité sont classés dans le groupe C, correspondant à un statut de cadre et il précise qu'il en est de même des 21 accompagnateurs-méthodologique au sein de la société Air France alors que lui-même est le seul à être classé non cadre.
Il fait encore valoir qu'il est incompréhensible que sa rémunération corresponde à celle d'un technicien de maintenance d'avion, alors qu'il n'exerce plus ces fonctions depuis le 6 mai 2006, qu'en effet son supérieur hiérarchique validait le 28 avril 2006 son nouveau poste de Conseil qualité, que dès cette date il était présenté comme « Expert Méthode ' Management de Projets » comme en attestent ses cartes de visites et que le 26 juin 2006, une fiche de poste conforme à ses fonctions d'expert méthode-management de projets (poste « conseil ») lui était adressée par sa hiérarchie.
Il estime avoir versé les éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination à son encontre tandis que la société Air France est incapable de justifier cette situation par des éléments objectifs étrangers à toute forme de discrimination.
Il n'est pas contesté que M. [C] soit d'origine étrangère ni même qu'il ait eu des activités syndicales en tant que membre du CHSCT, membre de la Commission économie et production du Comité d'Etablissement et Assesseur auprès du TASS et il est exact que les éléments de fait versés par lui, laissent supposer une inégalité de traitement en sa défaveur, il incombe donc à son employeur, Air France, d'apporter la preuve que sa décision de refus de faire passer cadre M. [C], est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
A cet égard, Air France fait valoir que M. [C] n'était pas cadre avant son accès à l'équipe alors que les autres membres l'étaient déjà avant leur entrée dans la société ou bénéficiaient d'une ancienneté supérieure à celle de M. [C] ; Air France ajoute que M. [C] a régulièrement fait l'objet d'avancements dans sa carrière ; que le fait d'avoir suivi une formation interne en 2004 ne lui permettait pas d'accéder de plein droit à un poste de qualification cadre, que les règles de la société Air France ne prévoient aucune promotion automatique, qu'enfin il n'a pas atteint une maîtrise suffisante de son poste pour passer cadre comme cela lui a été indiqué dès le 23 mai 2007 et confirmé par la suite ;
Cependant la cour observe qu'il n'est pas contesté que M. [C] se soit vu refuser l'accès à la catégorie cadre alors que tous les membres de son équipe sont cadres ni qu'il occupe un poste de conseil-qualité sans que ne lui soit reconnu le statut de cadre alors que tous les salariés occupant un tel poste sont cadres.
Pourtant Air France n'explique pas cette différence par une comparaison des postes occupés et ne produit aucun élément permettant de contredire M. [C] lorsqu'il affirme effectuer le même travail que les autres membres de son équipe.
De même Air France, alors que M. [C] effectue le même travail que les salariés cadres de son équipe, n'explique pas pourquoi il est toujours classé dans la catégorie des techniciens de maintenance avion alors qu'il n'exerce plus ces fonctions depuis 2007. A cet égard la cour observe qu'Air France ne justifie d'aucun élément permettant de prouver que M. [C] remplirait des fonctions différentes et de moindre valeur que celles de ses collègues au sein de l'équipe Six-Sigma, alors que M. [C] produit les différents organigrammes (pièces 42 à 51) sur lesquels il figure au sein de l'équipe Six-Sigma sur le même plan que les autres membres de l'équipe et sans distinction particulière.
Le fait que M. [C] ait bénéficié d'avancements au sein de la catégorie des techniciens de maintenance ne constitue pas une raison objective pour s'opposer à son repositionnement dans la catégorie cadre alors qu'il n'est pas contesté qu'il occupe un poste « conseil-qualité », au contraire cet élément témoigne de ce que M. [C] donnait satisfaction à son employeur.
Si Air France rappelle qu'il n'y a pas de passage automatique dans le statut de cadre à l'issue de la formation, cette société n'explique pas pourquoi alors que M. [C] remplit les mêmes fonctions que ses collègues, il lui a été refusé de passer cadre depuis mai 2007.
Enfin la cour observe que la société Air France produit des réserves formulées en 2007 par Messieurs [N] et [I] (doc 3, 4 et 5) mais celles-ci sont émises par des mails dont M. [C] n'a pas été destinataire et ne l'ont pas été dans le cadre de l'évaluation annuelle du salarié.
En outre il s'agit de réserves qui datent de plus de huit ans et Air France ne justifie d'aucune évaluation postérieure. En revanche l'évaluation produite par M. [C] réalisée le 13 octobre 2010 par M. [W] (doc 63) l'a été sur un formulaire « référentiel cadres-Évaluation » commun à tous les cadres ce qui tend à montrer que M. [C] était considéré par l'évaluateur comme un cadre ; en outre il résulte de cette évaluation d'une part que, au sein de l'équipe « conseil », M. [C] a la charge de plusieurs activités : l'accompagnement méthodologique de parcours et le coaching ou l'accompagnement de projets et d'autre part que toutes les appréciations de la manière de servir de M.[C] sont au niveau 3 ou 4 sur 5 ce qui correspond, d'après le formulaire au standard de la catégorie et à des comportements supérieurs à ceux de la catégorie de telle sorte que les éventuelles réserves sont de fait levées ; en outre M. [W] conclut que « Les compétences acquises dans ce poste ouvrent la porte à un panel de postes élargis ». Enfin le sponsor mentionne en fin d'appréciation de M. [C] que : « Son engagement total et sa capacité à prendre du recul en situation de crise ont permis de surmonter les différents aléas du projet. »
En conséquence, faute par Air France de produire des justifications objectives de son refus de faire passer M. [C] dans le statut cadre, la cour retient que ce dernier a fait l'objet d'une inégalité de traitement à raison de son origine étrangère et, ou de son engagement syndical ce qui constitue une discrimination prohibée, observation faite que le fait par la victime d'une discrimination de ne pas distinguer l'un ou l'autre critère de discrimination ne saurait empêcher la réparation de cette discrimination.
Sur la réparation de la discrimination
En application de l'article L. 1134-5 alinéa 3 du Code du travail, les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée.
Il convient donc conformément aux demandes de M. [C] d'ordonner à la société Air Franc de le repositionner sur un statut de cadre suivant les dispositions indiquées au dispositif de cet arrêt.
M. [C] sollicite la somme de 50.000 € au titre de son préjudice moral et physique ; il fait valoir que le fait de ne pas avoir été reconnu à sa juste valeur a entraîné pour lui des troubles d'ordre psychosomatiques avec angoisses et insomnies ; il justifie de ses difficultés par un certificat médical du 15 février 2008 (pièce 20) et un autre du 20 février 2014 (pièce 114).
Il ajoute que du fait de cette non reconnaissance de ses compétences, il s'est trouvé dans une situation de blocage professionnel l'empêchant de faire valoir son niveau à l'extérieur de l'entreprise.
Ces éléments ne sont pas sérieusement discutés par la société Air France.
Au regard des difficultés justifiées par M. [C], la cour juge qu'il y a lieu de réparer ce préjudice spécifique par l'allocation de la somme de 10.000 €.
M. [C] fait encore valoir qu'en n'étant pas reconnu cadre, il a perdu la chance de bénéficier du régime plus favorable des cadres pour les RTT et n'a pas pu adhérer à une convention de forfait jour ce qui est le cas de tous ses collègues.
Il est exact et non discuté qu'en application de ces dispositifs, la situation de M. [C] était la suivante :
- jusqu'au 1er avril 2013, durée de travail hebdomadaire de 35 h et 11 jours de RTT
- à partir du 1er avril 2013, durée de travail hebdomadaire de 35 h et 5 jours de RTT ;
en privant M. [C] du statut de cadre, Air France l'a privé de la possibilité d'adhérer à une convention de forfait 'jour emportant le bénéfice de 22 jours de RTT jusqu'au 1er avril 2013 et ensuite de 11 jours RTT.
M. [C] s'est donc vu privé de la chance d'obtenir 85 jours de RTT, dès lors il convient de faire droit à sa demande de dommages et intérêts de 10. 000 € de ce chef.
Sur le préjudice professionnel et financier
M. [C] fait valoir qu'il est en droit de prétendre à une rémunération correspondant aux fonctions réellement exercées, soit un niveau Cadre Niveau 1-1.2 à compter du 1er mars 2006, date de prise de ses fonction de conseil qualité ; que compte tenu de son travail, rien ne justifie qu'il perçoive une rémunération inférieure à la moyenne de sa catégorie ;
Il propose donc le calcul suivant :
Au titre de l'année 2013, la rémunération moyenne mensuelle de cadre du groupe 1, niveau 1.1 et 1.2 s'élève à 4.798 €
Au titre de l'année 2013, la rémunération brute moyenne de M. [C] a été de 36.371, 56 € soit une moyenne mensuelle de 3.031,05 €
Il rappelle qu'il a subi une discrimination du 1er mars 2006 au 15 avril 2015, soit pendant 9 ans et 1/8 d'années. Il établit donc le calcul de la somme réclamée comme suit :
(4.798 ' 3031,05) x13 x (9+1/8) /2 = 104.803,22 € ;
Il demande qu'il soit aussi tenu compte de l'impact de sa moindre rémunération sur les diverses primes qu'il n'a pas eu et sur la retraite ;
Il établit donc son préjudice à la somme de 136.244, 18 €.
La cour observe que ce calcul, fondé sur les pièces produites et non discutées, est pertinent et surtout qu'Air France qui s'oppose à la désignation d'un expert et conclut au débouté de cette demande, ne produit aucun élément pour contredire cette appréciation du préjudice.
En conséquence, et au vu de la durée de la discrimination et de la comparaison avec le salaire moyen de la catégorie, il y a lieu de faire droit à la demande de M. [C] de 136.244, 18 € au titre de son préjudice professionnel et financier.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
La société Air France succombant elle sera déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles et sera condamnée aux entiers dépens et à payer à M. [C] la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 6 juillet 2009, en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Juge que M. [C] [C] a été victime d'une différence de traitement injustifiée au sens de l'article L.3221-4 du Code du travail,
Juge qu'en l'absence de justifications objectives fournies par la Société Air France, cette différence de traitement constitue une discrimination, au sens de l'article L.1132-1 du Code du travail,
Ordonne à la société Air France de reconnaître la qualité de cadre Groupe 1, position C2 puis Cadre niveau 1,1-2 en application de la nouvelle classification de M.[C] [C] depuis le 1er mars 2006 et ordonne la rectification des bulletins de paie de M.[C] [C],
Condamne la société Air France à verser à M. [C] [C] les sommes suivantes :
- Au titre du préjudice moral et physique : 10 000 €,
- Au titre du préjudice résultant de la perte de chance de bénéficier du dispositif de temps de travail applicable aux salariés cadres : 10.000 €,
- Au titre du préjudice financier et professionnel : juge que la rémunération brute mensuelle de M.[C] [C] ne saurait être inférieure à la rémunération moyenne de sa catégorie, soit à la somme de 4.798€, En conséquence, condamne la société Air France à la somme de 136.244,18 € en réparation du préjudice professionnel et financier subi pour la période du 1er mars 2006 au 15 avril 2015,
Fixe la rémunération mensuelle brute de M. [C] [C] à 4.798 € à compter du 16 avril 2015,
Rejette toute autre demande,
Rejette la demande formée par la société Air France au titre de ses frais irrépétibles,
Condamne la société Air France à payer à M. [C] [C] la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la société Air France aux dépens de première instance et d'appel et aux éventuels frais d'exécution forcée.
Le Greffier,La Présidente,