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04/09/2015 | FRANCE | N°11/07991

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 04 septembre 2015, 11/07991


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 04 septembre 2015 après prorogation

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07991

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Mai 2011 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 08/15493







APPELANT

Monsieur [N] [Q]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Mathieu QUEMERE, avocat au barreau d'ESSONNE<

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INTIMEE

BETC anciennement dénommée BETC EURO RSCG

[Adresse 2]

représentée par Mme [I] [G] (DRH) munie d'un pourvoir et Me Anne-laure BÉNET, avocat au barreau de PARIS, t...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 04 septembre 2015 après prorogation

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07991

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Mai 2011 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 08/15493

APPELANT

Monsieur [N] [Q]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Mathieu QUEMERE, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMEE

BETC anciennement dénommée BETC EURO RSCG

[Adresse 2]

représentée par Mme [I] [G] (DRH) munie d'un pourvoir et Me Anne-laure BÉNET, avocat au barreau de PARIS, toque : J095

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel régulièrement formé par [N] [Q] contre un jugement du conseil de prud'hommes de PARIS en date du 30 mai 2011 ayant statué sur le litige qui l'oppose à son ancien employeur, la société BETC anciennement dénommée BETC EURO RSCG ;

Vu le jugement déféré ayant :

- condamné la société BETC EURO RSCG à payer à [N] [Q] la somme de 5'000€ à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité et de visite médicale de reprise, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- débouté [N] [Q] du surplus de ses demandes et la société BETC EURO RSCG de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné cette dernière aux dépens ;

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :

[N] [Q], appelant, poursuit :

- la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a constaté que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité de résultat,

- son infirmation pour le surplus,

- la fixation de sa rémunération brute à la somme de 4 833,70 €,

- la constatation du manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles,

- la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts,

- la nullité de la mesure de licenciement notifiée le 22 janvier 2009, subsidiairement,

la constatation de l'absence de cause réelle et sérieuse justifiant ce licenciement,

- la condamnation de la société BETC EURO RSCG à lui payer, avec intérêts légaux et anatocisme, les sommes de :

- 10'000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à la violation de l'obligation de sécurité,

- 30'000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l'attitude déloyale de l'employeur, le harcèlement et la mise en oeuvre vexatoire de la procédure de licenciement,

- 314'189 € au titre des salaires dus pour la période du 22 avril 2009 au 22 octobre 2014,

- 31'419 € au titre des congés payés afférents,

- 4 833,70 € par mois jusqu'à sa réintégration,

subsidiairement, 200'000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 500 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la restitution de l'ouvrage lui appartenant 1842, une histoire de la publicité $gt;$gt;, sous astreinte définitive de 50 € par jour de retard, passé le délai de 8 jours à partir de la décision à intervenir,

- le remboursement par l'employeur des prestations de chômage,

- sa condamnation aux entiers dépens comprenant les frais éventuels d'exécution de la décision à intervenir ;

La société BETC anciennement dénommée BETC EURO RSCG, intimée, conclut :

- à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il porte condamnation au paiement de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité et de visite médicale de reprise,

- à sa confirmation en ce qu'il a débouté [N] [Q] du surplus de ses demandes,

- à la condamnation de celui-ci à lui payer la somme de 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société BETC EURO RSCG est une agence de communication et de publicité. Appartenant au groupe HAVAS, elle est filiale à 100 % de la société EURO RSCG WORLDWIDE, la holding du groupe, elle-même détenue à 100 % par HAVAS.

Elle applique la convention collective des entreprises de publicité et occupe plus de 10 employés.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée signé le 1er juillet 2006, elle a engagé [N] [Q] à compter du 10 juillet 2006, en qualité de directeur adjoint du département Droits relevant du statut cadre, avec la classification 3.4, moyennant un salaire annuel brut de 57'600 €, réparti en 12 mensualités d'égal montant (4 800 €), pour 216 jours de travail par année civile complète. En son dernier état, la rémunération brute mensuelle du salarié s'élevait à 4 800 €, outre 37,90 € d'avantage en nature pour la mise à sa disposition d'une voiture de fonction.

[N] [Q] a été placé en arrêt de travail pour cause de maladie du 27 novembre au 24 décembre 2008.

Le 16 décembre 2008, la société BETC EURO RSCG l'a convoqué à se présenter le 5 janvier 2009 à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement. Cette convocation comportait également la notification de sa mise à pied à titre conservatoire pour la durée de la procédure, la mise en demeure de lui restituer, immédiatement et pour la durée de la procédure, l'ordinateur qui lui a été confié pour l'exercice de ses fonctions, et à défaut de restitution avant le 18 décembre à 18 heures, l'avis de présentation à son domicile, le 19 décembre 2008 à 9 h 30, de Me [Z] [X], huissier de justice, chargé de reprendre cet ordinateur, de se faire communiquer ses codes personnels et de vérifier en sa présence le contenu, chargé également de se faire remettre pour la durée de la procédure toutes clefs, badges et pass en sa possession. À la demande du salarié, l'entretien préalable a été reporté au 8 janvier 2009.

Le 22 décembre 2008, [N] [Q] a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS de ses demandes tendant à la résiliation de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et au paiement des indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat et harcèlement moral.

Le 22 janvier 2009, la société BETC EURO RSCG lui a notifié son licenciement sans toutefois ' retenir la faute grave ', le dispensant de l'exécution de son préavis d'une durée de 3 mois, néanmoins rémunéré, de même que la période de mise à pied conservatoire.

C'est dans ces circonstances que le conseil de prud'hommes a prononcé le jugement déféré du 30 mai 2011.

Les parties ont développé à l'audience leurs moyens et présenté leurs demandes, tels que formulés dans leurs conclusions respectives.

SUR CE

- Sur l'exécution du contrat de travail

[N] [Q] se plaint de plusieurs manquements de la société BETC EURO RSCG à ses obligations découlant du contrat de travail, manquements qui lui ont causé des préjudices dont il réclame réparation.

Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat

Le salarié fait valoir qu'après 21 jours d'arrêt de travail prescrit pour cause de maladie, la société BETC EURO RSCG s'est abstenue de le faire examiner par le médecin du travail, contrairement à l'obligation imposée par l'article R. 4624-21 du Code du travail dans sa rédaction alors en vigueur.

[N] [Q] a été placé en arrêt maladie du 27 novembre au 24 décembre 2008. Il n'a pas repris son poste après le 24 décembre 2008 puisqu'il faisait l'objet d'une mise à pied conservatoire depuis le 16 décembre 2008 qui n'a pas été levée et que son licenciement a été prononcé le 22 janvier 2009. L'employeur soutient qu'en l'absence de reprise, une visite auprès du médecin du travail n'était pas nécessaire.

L'arrêt de travail prescrit pour maladie a pour effet de suspendre le contrat de travail. Cependant, la convocation de l'employeur à un entretien préalable au licenciement envisagé du salarié place celui-ci en situation d'activité pour la durée de l'entretien s'il décide de s'y rendre. Par ailleurs, l'article R. 4624-23 du Code du travail impose à l'employeur, dès qu'il a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, de saisir le service de santé au travail afin d'organiser l'examen de reprise dans un délai de 8 jours à compter de la reprise du travail.

La dernière prolongation d'arrêt de travail a été prescrite à [N] [Q] le 10 décembre 2008 jusqu'au 24 décembre 2008. La société BETC EURO RSCG, dès lors qu'elle convoquait le salarié à un entretien préalable qui devait se tenir le 5 janvier 2009, soit après la date de reprise du 26 décembre 2008, aurait dû pour respecter son obligation de sécurité de résultat saisir le service de santé au travail, peu important la notification au salarié de sa mise à pied à titre conservatoire. La constatation par le conseil de prud'hommes du non-respect de cette obligation doit en conséquence être confirmée. Toutefois, [N] [Q] ne justifie pas avoir subi de ce fait un préjudice exigeant une réparation excédant la somme de 500 €. La décision sera donc réformée en ce sens.

Sur le harcèlement moral et l'exécution exempte de bonne foi et déloyale de son contrat de travail par l'employeur

[N] [Q] reproche à la société BETC EURO RSCG de lui avoir promis un poste de directeur juridique adjoint et de lui avoir fait signer un contrat de travail mentionnant l'emploi de directeur adjoint département Droits.

Il soutient qu'il a été victime de harcèlement moral de janvier 2008 à janvier 2009, y compris pendant son absence pour maladie. Ce harcèlement s'est illustré par l'attitude critique de contestation systématique, les pressions pour obtenir son départ et les agissements de sa supérieure hiérarchique, [U] [K], directrice juridique, la surcharge de travail qui lui a été imposée due notamment à l'accroissement de sa tâche et au sous-effectif, sa mise à l'écart et l'éviction de ses collaborateurs.

Aucune promesse d'embauche n'ayant été produite, l'appelant dont l'emploi correspondait à la situation professionnelle d'un cadre autonome ne justifie pas la déloyauté qu'il reproche à l'employeur lors de son engagement.

Un membre de l'équipe d'[N] [Q] a quitté l'entreprise courant 2008 sans être remplacé, la surcharge de travail qui en est résultée pour l'appelant ainsi que l'augmentation excessive de ses tâches ne sont cependant pas démontrées.

Les courriels échangés et les pièces du dossier montrent qu'une mésentente s'est installée cours de l'année 2008 entre [N] [Q] et sa supérieure hiérarchique, au point que le premier a sollicité son changement de poste pour un service de production. Toutefois, l'examen des documents fait apparaître des demandes réitérées de travaux de la part de la directrice juridique à son collaborateur mais non pas, les pressions incessantes, l'attitude systématiquement critique, le traitement désobligeant, la mise à l'écart, la remise en question systématique et humiliante de son autorité, l'éviction de ses collaborateurs et de ses fonctions dont se plaint [N] [Q].

Il est établi par les pièces du dossier que [U] [K] a demandé à plusieurs reprises la mise à jour de la base de données juridiques, que ne l'ayant pas obtenue, elle a fait état, dans un courriel adressé le 25 novembre 2008 à son collaborateur de ses ' insuffisances ' et de celles des personnes dont il était responsable, lui enjoignant de faire le nécessaire pour le 15 décembre au plus tard. Dans ce même courriel, elle lui a demandé d'être à son poste à 9 heures le matin, ce qui lui permettrait de faire face à la ' surcharge ' de travail qu'il évoquait.

Ce courriel qui exprime l'exaspération du chef de service ne parvenant pas à obtenir l'exécution de tâches qu'il estime nécessaire n'est cependant pas de nature, de même que les autres pièces du dossier, à laisser présumer des agissements répétés ayant pour eu objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité de son collaborateur, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En revanche, si la supérieure hiérarchique pouvait demander occasionnellement à son collaborateur d'arriver le matin à 9 heures pour régler une affaire exigeant sa présence ou participer à une réunion, elle ne pouvait lui imposer une prise de poste quotidienne à 9 heures tous les matins dès lors que son contrat de travail lui faisait bénéficier d'une indépendance et d'une autonomie dans son emploi du temps et son temps de travail correspondant à celles d'un cadre autonome, lui laissant toute latitude pour déterminer les dates et l'amplitude de ses journées de travail. En lui demandant à plusieurs reprises, ainsi que cela résulte du courriel du 15 décembre 2008, de prendre son poste le matin à 9 heures, la société BETC EURO BSCG a méconnu son obligation contractuelle de respecter l'autonomie de son directeur adjoint du département Droits.

Par ailleurs, alors qu'[N] [Q] se trouvait en arrêt maladie depuis le 27 novembre 2008, l'employeur a fait procéder à la reprise à son domicile, le 19 décembre 2008, par ministère d'huissier de justice, de son ordinateur, de ses clés et cartes magnétiques d'accès, avec communication de ses codes personnels. La lettre recommandée du 16 décembre 2008 le mettant en demeure de rapporter son ordinateur portable avant le 18 décembre 18 heures dans les locaux de la société, en présence d'un responsable, ne lui laissait que 24 heures pour s'exécuter. Par ailleurs, si l'ordinateur du salarié et ses codes personnels pouvaient être nécessaires à la poursuite de l'activité de l'entreprise, il n'en est pas de même des clés et cartes magnétiques d'accès à l'entreprise. Il apparaît que la reprise des matériels a été opérée avec une précipitation injustifiée et de façon vexatoire en ce qui concerne la restitution des clés et cartes d'accès, alors que l'entretien préalable au licenciement ne s'était pas encore tenu.

Le préjudice causé au salarié par le non-respect de sa liberté d'horaires et par les conditions de reprise de ses clés et cartes doit être réparé comme il sera dit ci-après.

Sur le défaut de restitution par l'employeur d'un livre appartenant au salarié

Il n'est pas contesté qu'[N] [Q] a prêté à son collègue [W] [D], pour les besoins de l'entreprise, le livre intitulé ' 1842, une histoire de la publicité ' que son précédent employeur, la société PUBLICIS, lui avait offert dans une édition spéciale destinée à ses salariés.

L'appelant en demande la restitution dans les 8 jours de la décision intervenir, sous peine d'astreinte définitive de 50 € par jour de retard.

La société BETC justifie avoir acheté un nouvel exemplaire du livre prêté et égaré et l'avoir expédié, le 9 septembre 2014, à [N] [Q] qui l'a reçu le 10 septembre 2014.

Par lettre jointe au livre neuf, la société reconnaît que l'exemplaire prêté a été égaré.

Aucune lettre ou attestation émanant du bénéficiaire du prêt, [W] [D], n'ayant été produite, il convient d'enjoindre la société BETC à entreprendre des recherches sérieuses pour retrouver le livre prêté dans les deux mois de la notification du présent arrêt, sous peine d'astreinte provisoire de 5 € par jour de retard pendant une durée de deux mois.

- Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences

[N] [Q] a saisi le conseil de prud'hommes de sa demande tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, le 29 décembre 2008, soit avant la notification de son licenciement, le 22 janvier 2009. Il convient en conséquence de statuer sur cette demande en premier lieu, avant tout examen éventuel du licenciement

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur

À l'appui de sa demande, [N] [Q] fait valoir la violation par la société BETC EURO RSCG des différentes obligations lui incombant telles qu'examinées ci-avant.

La cour n'a relevé au préjudice de l'appelant aucun agissement caractérisant le harcèlement moral, ni aucun élément de nature à laisser présumer un tel harcèlement.

Elle a retenu en revanche l'inexécution par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat par abstention de saisine de la médecine du travail à l'issue de la dernière prolongation de l'arrêt de travail du salarié, le non-respect de l'autonomie d'horaire contractuellement reconnue à ce dernier, la reprise dans des conditions précipitées de l'ordinateur mis à sa disposition et la reprise de ses clés dans des conditions vexatoires.

Ces manquements préjudiciables au salarié ne revêtent cependant pas une gravité telle qu'ils interdiraient la poursuite de l'exécution du contrat de travail, il n'y a donc pas lieu d'en prononcer la résiliation aux torts de l'employeur.

Sur le licenciement et ses conséquences

S'agissant d'une procédure de licenciement engagée au cours d'un arrêt de travail pour cause de maladie et d'un licenciement non motivé par la maladie, il n'y a pas lieu d'en prononcer la nullité.

Aux termes de sa lettre de licenciement du 22 janvier 2009, la société BETC EURO RSCG reproche [N] [Q] :

- son manque de professionnalisme et sa démotivation illustrés par la non-exécution de la mise à jour de la banque de données de droits, par l'absence de classement et de sauvegarde sur réseau des dossiers informatiques ayant provoqué des difficultés pour retrouver des dossiers pendant son arrêt maladie, par l'absence de traitement de demandes anciennes émanant de commerciaux,

- des dysfonctionnements dans l'accomplissement de sa mission, une faible activité et un comportement dégradé envers les collaborateurs et les tiers,

- le refus de restituer l'ordinateur portable mis à sa disposition.

Le défaut d'exécution de la mise à jour de la banque de données ne peut être reproché au salarié dès lors que sa supérieure hiérarchique lui a demandé, par courriel du 25 novembre 2008, d'effectuer cette tâche pour le 15 décembre 2008 au plus tard et qu'il n'a pu procéder à cette exécution en raison de l'arrêt maladie qui lui a été prescrit à partir du 27 novembre 2008.

Aucun état des dossiers introuvables, incomplets, anciens ou non signés n'ayant été dressé, le grief adressé de ce fait ne paraît pas justifié, de même que l'absence de classement des dossiers dont il n'est pas démontré qu'elle était exclusivement imputable à l'appelant, de même également, pour un motif identique, que l'absence de sauvegarde des dossiers sur le réseau, sauvegarde qui aurait dû être prévue et demandée par sa hiérarchie et par la direction de l'entreprise.

La faible activité du salarié alléguée par l'employeur ne peut être établie que par comparaison avec celle de ses collègues cadres ayant des responsabilités de même niveau et non par comparaison avec l'activité des membres de son équipe qui lui étaient subordonnés et qui n'avaient pas les mêmes tâches.

La dégradation de son comportement est insuffisamment justifiée par le seul courriel de protestation d'une entreprise tierce en relation commerciale avec l'employeur.

Enfin, le refus de restituer, à la demande de l'employeur, l'ordinateur portable et de communiquer ses codes personnels constitue une faute du salarié dans la mesure où il est établi que ces éléments sont nécessaires à la poursuite de l'activité de l'entreprise. En l'espèce, le refus exprimé par [N] [Q] dans sa lettre du 6 décembre 2008 ne saurait justifier à lui seul la rupture de son contrat de travail dès lors qu'il a accepté, par lettre du 18 décembre 2008, de remettre son ordinateur et ses codes à l'huissier de justice mandaté par son employeur et qu'il les lui a effectivement remis le 19 décembre.

Aucun des griefs développés dans la lettre de licenciement n'étant justifié ou de nature à rendre impossible, sans préjudice pour l'entreprise, la poursuite de la relation de travail, il y a lieu de constater que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le salaire moyen de référence d'[N] [Q] s'élève à 4 833,70 €.

Au vu des circonstances de la cause, la cour dispose au dossier des éléments nécessaires pour fixer à 40'000 € la réparation du préjudice résultant du licenciement injustifié.

L'appelant fait valoir à raison, en sus du préjudice causé par les manquements de l'employeur ci-avant constatés, le caractère un et injustifié et vexatoire de la mise à pied conservatoire qui lui a été notifiée alors qu'il se trouvait en arrêt maladie. Son préjudice moral sera réparé dans son ensemble par l'allocation de 10'000 €à titre de dommages et intérêts.

- Sur l'application d'office de l'article L. 1235-4 du Code du travail en faveur du

PÔLE EMPLOI

[N] [Q] ayant plus de deux années d'ancienneté et la société BETC EURO RSCG occupant habituellement au moins onze salariés, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement dans la limite de six mois en application de l'article L. 1235-4 du Code du travail.

- Sur la charge des dépens et les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

La société BETC, succombant à l'issue de l'appel, supportera les dépens de la procédure prud'homale.

Au vu des circonstances de la cause, il serait inéquitable de laisser à la charge d'[N] [Q] les frais non taxables qu'il a exposés à l'occasion de cette procédure. Il convient de lui allouer à ce titre une indemnité de 2 500 € et de rejeter la demande formée par la société BETC sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a constaté que la société BETC EURO RSCG a manqué à son obligation de sécurité et en ce qu'il a débouté [N] [Q] de sa demande tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement notifié à [N] [Q] le 22 janvier 2009 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société BETC SA anciennement dénommée BETC EURO RSCG à payer à [N] [Q] les sommes de :

- 500 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité,

avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2011, date du jugement,

- 40'000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10'000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par le non-respect de sa liberté contractuelle d'horaires et par les conditions vexatoires de la mise à pied conservatoire et de la restitution des clés et cartes d'accès à l'entreprise,

avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit que les intérêts courus sur les sommes allouées seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;

Condamne la société BETC à restituer à [N] [Q] l'exemplaire personnel du livre qu'il lui avait prêté, intitulé ' 1842, une histoire de la publicité ' dans les deux mois de la notification du présent arrêt, sous peine d'astreinte non définitive de 5 € par jour de retard pendant une durée de deux mois ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la société BETC SA anciennement dénommée BETC EURO RSCG à rembourser au PÔLE EMPLOI les indemnités de chômage payées au salarié licencié à compter du jour de son licenciement et dans la limite de six mois ;

La condamne aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront les éventuels frais d'exécution par ministère d'huissier de justice ;

La condamne à payer à [N] [Q] la somme de 2 500 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 11/07991
Date de la décision : 04/09/2015

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°11/07991 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-04;11.07991 ?
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