Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9
ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2015
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/17397
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Septembre 2012 -Tribunal paritaire des baux ruraux de MEAUX - RG n° 54-10-000004
APPELANTS
Monsieur [L], [Y], [B] [W], comparant en personne
né le [Date naissance 4] 1965 à [Localité 3]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représenté et assisté de Me Pierre DUPEUX, avocat au barreau de COMPIEGNE
Monsieur [N], [G], [M] [W], non comparant en personne
né le [Date naissance 6] 1966 à [Localité 3]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représenté et assisté de Me Pierre DUPEUX, avocat au barreau de COMPIEGNE
INTIMES
Monsieur [O] [F], non comparant en personne
né le [Date naissance 1] 1935 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté et assisté de Me Thierry COURANT, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 233
Madame [P] [I] épouse [F], non comparante en personne
née le [Date naissance 5] 1934 à [Localité 2]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée et assistée de Me Thierry COURANT, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 233
Monsieur [Y], [K] [R], non comparant en personne
né le [Date naissance 3] 1937 à [Localité 4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Emilie DECHEZLEPRETRE DESROUSSEAUX de la SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1155
Assisté de Me Catherine BISSONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1155
Monsieur [S] [T], non comparant en personne
né le [Date naissance 2]1927 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Grégoire FRISON de la SCP FRISON et ASSOCIES , avocat au barreau d'AMIENS
Assisté à l'audience de Me Laëtitia RICBOURG de la SCP FRISON et ASSOCIES substituant de Me Grégoire FRISON, avocat au barreau d'AMIENS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Juin 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Président de chambre
Madame Patricia GRASSO, Conseillère
Madame Françoise JEANJAQUET, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Catherine MAGOT
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Pierre GIMONET, président et par Madame Catherine MAGOT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****************
Par acte sous seing privé du 31 octobre 1989, conclu avec l'entremise de M. [Y] [R], agent immobilier, les époux [O] [F] et [P] [I] ont cédé à messieurs [L] [W] et [N] [W] (les consorts [W]) divers éléments d'exploitation agricole pour le prix total de 3 400 000 francs ; une clause de l'acte énonçait que : ' les cédants et les cessionnaires s'en sont remis à l'égard de la valeur des biens mobiliers compris dans la présente cession à l'expertise effectuée par M [T]' ;
Par acte authentique du 6 décembre 1989, le groupement foncier agricole de la Croix Saint-Jean -dont le gérant est monsieur [O] [F] et les époux [F] ont consenti à messieurs [L] [W] et [N] [W] des baux ruraux pour une durée de 21 années à compter du 11 novembre 1989, portant sur différentes parcelles de terre situées à [Localité 1] dont 182 ha 17 a 97 ca loués par le GFA de la Croix Saint-Jean et 1 ha 57 a loué par les époux [F], soit une superficie totale de 183 ha 74 a 97 ca ;
Les bailleurs ont délivré en mai 2009 aux consorts [W] un congé pour reprise à l'issue du bail consenti à ces derniers ; la contestation de la régularité de ces congés a été définitivement rejetée ;
Les consorts [W] ont sollicité en 2009 du tribunal paritaire des baux ruraux de Meaux qu'il condamne les époux [F] à leur payer diverses sommes au titre de la cession d'exploitation, notamment au titre des améliorations du fonds et des drainages indûment exigés ainsi qu'au titre de la surévaluation de plus de 10 % des matériels et installations cédés outre la restitution d'une somme d'argent de 60 980 € indûment perçue;
Ils ont demandé que l'ensemble des sommes indûment perçues, sujettes à répétition, soient majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement, égal au taux pratiqué en 1989 par la Caisse Régionale de Crédit Agricole pour les prêts à moyen terme ; ils ont fait valoir en effet qu'à l'occasion du changement d'exploitant, il leur avait été imposé la reprise de biens mobiliers ne correspondant pas à leur valeur vénale qui justifiait leur action en répétition sur le fondement de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ;
Par jugement du 16 décembre 2010, le tribunal paritaire des baux ruraux de Meaux s'est déclaré compétent pour connaître du litige opposant les consorts [W] aux époux [F] ;
Les époux [F] avaient fait convoquer le 25 février 2010 messieurs [R] et [T] devant ce tribunal pour obtenir leur condamnation à garantie ;
Par jugement du 7 septembre 2012, le tribunal paritaire des baux ruraux de Meaux a:
- débouté monsieur [L] [W] et monsieur [N] [W] de l'intégralité de leurs demandes ;
- dit ne plus y avoir lieu de statuer sur les demandes de garantie formées par monsieur [O] [F] et madame [P] [F] à l'encontre de monsieur [Y] [R] et monsieur [S] [T] ;
- débouté monsieur [Y] [R] et monsieur [S] [T] de leurs demandes reconventionnelles ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes respectives, y compris celles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné solidairement monsieur [L] [W] et monsieur [N] [W] aux dépens ;
Monsieur [L] [W] et monsieur [N] [W] ont relevé appel de cette décision ;
Par conclusions déposées le 16 janvier 2013, les époux [F] ont sollicité la saisine de la Cour de cassation pour transmission au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire portant sur la constitutionnalité de la disposition de l'article L 411-74 du code rural et de la pêche maritime qui énonce que ' les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition. Elles sont majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux pratiqué par la Caisse régionale du crédit agricole pour les prêts à moyen terme ' ;
Sur transmission de cette question prioritaire de constitutionnalité par la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel a, par avis du 27 septembre 2013, considéré que : « les mots 'est égal au taux pratiqué par la Caisse Régionale du Crédit Agricole pour les prêts à moyen terme' figurant à la deuxième phrase du 2ème alinéa de l'article L.411-74 du code rural et de la pêche maritime devaient être déclarés contraires à la Constitution. » ;
Le Conseil a précisé ensuite 'qu'afin de permettre au législateur de tirer des conséquences de la déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions contestées, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2014 la date de leur abrogation ; qu'afin de préserver l'effet utile de la présente décision à la solution des instances actuellement en cours, il appartient, d'une part, aux juridictions de surseoir à statuer jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi ou au plus jusqu'au 1er janvier 2014 dans les instances dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et, d'autre part, au législateur de prévoir une application des nouvelles dispositions à ces instances en cours à la date de la présente décision.' ;
L'affaire, venue à l'audience de la cour du 10 décembre 2014, a été renvoyée en raison de la journée nationale de la profession d'avocat au 3 juin 2015 ; l'affaire a donc été examinée à l'audience du 3 juin 2015 à laquelle étaient présents le conseil des appelants ainsi que les conseils des intimés ;
Le conseil des consorts [W] a soutenu oralement à l'audience les conclusions visées par le greffier le 3 juin 2015;
Sur question de la cour, il a indiqué se référer auxdites conclusions à l'exclusion de toutes autres écritures et précisé que ses déclarations orales devant la cour ne contiendraient pas d'autres demandes que celles consignées dans cet écrit ;
Les consorts [W] demandent à la cour :
Vu les articles L. 411-1 à L. 411-5, L. 411-69 à L. 411-76, L. 415-12 du code rural et de la pêche maritime, 6, 546, 1131,1133,1146,1147, 1236,1293,1315,1372 et 2222 du code civil , 3, 33, 42,122, 138, 331, 334 et suivants, 566 ;
- d'infirmer le jugement ;
- de débouter monsieur et madame [O] [F] et messieurs [R] et [T] de toutes leurs demandes, sauf à la cour à se déclarer non compétente pour connaître de l'action en garantie des époux [F] contre ces derniers et de rejeter toutes les demandes reconventionnelles ;
- de condamner monsieur et madame [O] [F] à la répétition des sommes suivantes :
* 166 169 € au titre des améliorations du fonds ;
* 131 106 € au titre des drainages ;
* 60 980 € au titre des sommes exigées en espèces ;
- de juger que l'ensemble des matériels et installations cédées a été surévalué de plus de10 % et d'ordonner la répétition d'une somme totale de 120 206 € HT et, subsidiairement, de commettre tout expert agricole et foncier pour procéder à la détermination de cette surévaluation, plus subsidiairement, d'ordonner la répétition de la somme de 9 830 € constatée lors de la revente des matériels surévalués dont il a été fourni les factures ;
- d'évaluer leur préjudice relatif à la non-production de betteraves sucrières à la somme de 154 560 € et, subsidiairement, de commettre tout expert agricole et foncier pour procéder à la détermination de ce préjudice ;
- de juger que l'ensemble des sommes sujettes à répétition sera majoré d'un intérêt calculé à compter de leur versement en 1989 et égal au taux d'intérêt légal de 1989, majoré de 3 % et ce, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter de la même date et, subsidiairement, à compter de leur demande en justice du 9 juillet 2009 ;
- de condamner en tout état de cause monsieur et madame [O] [F] à leur payer à titre de dommages-intérêts pour les honoraires qu'ils ont versés au taux de 6 % sur les sommes sujettes à répétition, la somme de 28 708 €, ou subsidiairement la somme retenue par la cour, majorée du taux d'intérêt légal de 1989 et ce, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter de son versement en 1989 et, subsidiairement, à compter de leur demande en justice du 9 juillet 1989 ;
- de condamner monsieur et madame [O] [F], et subsidiairement solidairement monsieur [Y] [R], à leur payer à titre de dommages-intérêts les honoraires qu'ils ont versés à l'expert [T] majorés du taux d'intérêt légal de 1989 et ce, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter de leur versement en 1989 et, subsidiairement, à compter de leur demande en justice du 9 juillet 1989 ;
- de condamner monsieur et madame [O] [F], et subsidiairement solidairement monsieur [S] [T], à leur payer à titre de dommages-intérêts compensant l'impossibilité de produire des betteraves la somme de 154 560 € majorée du taux d'intérêt légal de 1989 et ce, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter de leur versement en 1989 et, subsidiairement, à compter de leur demande en justice du 9 juillet 1989 et, si la cour n'y faisait pas droit, de commettre tout expert agricole et foncier pour procéder à la détermination de ce préjudice ;
- de condamner 'respectivement solidairement' monsieur [Y] [R] et monsieur [S] [T] à leur verser à chacun la somme de 8 000 € au titre du défaut de conseils et de leur participation aux agissements de monsieur et madame [F] ;
- très subsidiairement, si la cour ne retenait pas le taux légal de1989, de juger que le taux légal retenu sera celui de chaque année majorée de 3 % avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter du versement en 1989 et, subsidiairement, à compter de leur demande en justice du 9 juillet 1989 ;
- de juger que le nouveau taux d'intérêt légal applicable pour les années postérieures au 1er janvier 2015 sera celui relatif aux personnes physiques professionnelles ;
- en tout état de cause, de condamner 'les intimés' à leur payer la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et de condamner monsieur [R] et monsieur [T] à leur payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le conseil des époux [F] a soutenu oralement à l'audience les conclusions visées par le greffier le 3 juin 2015 ;
Sur question de la cour, il a indiqué se référer auxdites conclusions à l'exclusion de toutes autres écritures et précisé que ses déclarations orales devant la cour ne contiendraient pas d'autres demandes que celles consignées dans cet écrit ;
Les époux [F] demandent à la cour :
Vu les articles L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, 1372 et s., 2219 et s. du code civil ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel du 27 septembre 2013 ;
- de confirmer le jugement ;
- de débouter les consorts [W] de toutes leurs demandes ;
- de leur donner acte de ce qu'ils doivent une somme de (166 169,43 €- 45 000 €) =121 169 € aux consorts [W] au titre de la gestion d'affaires des améliorations culturales présentes en 1989 sur les terres objet du bail ;
- de condamner monsieur [R] à leur payer la somme de 113 205 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de conseil ;
- subsidiairement, de condamner messieurs [Y] [R] et [S] [T] à les garantir des sommes réclamées par les consorts [W] en principal et intérêts qui seraient mises à leur charge ;
- de dire, s'il y a lieu à répétition, que les sommes sujettes à répétition du fait des dispositions de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime produiront intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2007 jusqu'au 16 octobre 2014, taux augmenté de 3 % à compter de cette date, et que lesdits intérêts antérieurs sont prescrits par application de l'article 2224 du code civil ;
- de débouter messieurs [Y] [R] et [S] [T] de leurs demandes de dommages-intérêts ;
- de condamner les consorts [W] à leur payer la somme de 31 608,65 € et d'ordonner la compensation de cette somme avec les sommes qu'ils pourraient devoir aux consorts [W] ;
- de condamner solidairement messieurs [W], [R] et [T] à leur payer la somme de 17 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Le conseil de monsieur [S] [T] a soutenu oralement à l'audience les conclusions visées par le greffier le 3 juin 2015 ;
Sur question de la cour, il a indiqué se référer auxdites conclusions à l'exclusion de toutes autres écritures et précisé que ses déclarations orales devant la cour ne contiendraient pas d'autres demandes que celles consignées dans cet écrit ;
Monsieur [T] demande à la cour :
- in limine litis, de dire la juridiction saisie incompétente au profit du tribunal de grande instance de Laon ;
Subsidiairement, vu les articles L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, 1382 du code civil et 6, 9,15, 32-1, 42, 564 du code de procédure civile :
- de confirmer le jugement ;
- de déclarer les époux [F] 'irrecevables, prescrits et mal fondés' en leurs demandes ;
- de déclarer les consorts [W] 'irrecevables et mal fondés' en leurs demandes ;
Plus subsidiairement :
- si le jugement devait être infirmé sur la demande de garantie des époux [F] ou la recevabilité des demandes de messieurs [W], d'ordonner avant dire droit aux consorts [W] de produire l'ensemble des pièces bancaires (accord de prêt, tableau de financement etc..) et comptables (bilan, état des emprunts, état des immobilisations etc..) justifiant du traitement fiscal et comptable de la reprise litigieuse dont il est réclamé le remboursement en original ;
- en tout état de cause, de condamner les époux [F] ou la partie perdante à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de condamner les consorts [W] à lui payer celle de 12 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Le conseil de monsieur [Y] [R] a soutenu oralement à l'audience les conclusions visées par le greffier le 3 juin 2015 ;
Sur question de la cour, il a indiqué se référer auxdites conclusions à l'exclusion de toutes autres écritures et précisé que ses déclarations orales devant la cour ne contiendraient pas d'autres demandes que celles consignées dans cet écrit ;
Monsieur [Y] [R] demande à la cour :
Vu les articles L. 491-1 et L 411-74 du code rural et de la pêche maritime, 1134,1147, 1382 et 2224 et suivants du code civil, L. 110-4 du code de commerce et 6, 9, 15, 32-1, 42, 564 du code de procédure civile ;
A titre liminaire :
- de constater que l'action intentée à son encontre est prescrite ;
- de juger irrecevables les demandes formulées contre lui comme nouvelles en cause d'appel ;
Sur le fond :
- de confirmer en tous ses termes le jugement entrepris ;
Subsidiairement :
- de constater qu'il n'est pas démontré de manquement dans l'exécution de ses obligations ;
- de dire que les biens ont été évalués par un expert choisi par le cédant et le cessionnaire et que l'évaluation a été agréée par ces derniers ;
- de constater l'existence d'une clause de subrogation entre le bailleur et le preneur cédant ;
- de constater que c'est à juste titre que monsieur [F], preneur cédant, a perçu la valeur correspondant à l'amélioration du fonds ;
- de constater que la cession relative au drainage est valable ;
- de débouter les consorts [W] de leur demande relative à la répétition d'une somme en espèces qu'ils ne prouvent pas avoir versée ;
- de débouter les consorts [W] de leur demande en dommages et intérêts ;
- de rejeter l'appel en garantie formulé à son encontre comme aboutissant à un enrichissement sans cause au profit des consorts [F] ;
- de dire que la répétition d'un indu ne saurait constituer un préjudice ;
- de rejeter l'ensemble des demandes formées à son encontre ;
A titre reconventionnel :
- de condamner monsieur [O] [F] et madame [P] [F] à lui verser la somme de 1 500 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive ;
- de condamner tout succombant à lui payer la somme de 7 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
SUR CE,
Considérant que, monsieur [F], souhaitant vendre en 1988 divers éléments d'une exploitation agricole sise commune de [Localité 7], a donné mandat exclusif pour ce faire à monsieur [Y] [R], agent immobilier ; que pour l'essentiel des terres dépendant de l'exploitation, le bailleur était le GFA de la Croix Saint-Jean, monsieur [F] étant bailleur de moins de deux hectares de terres ; qu'en mars 1989, monsieur [R] a écrit à monsieur [F] que l'exploitation était bien tenue mais que les clients potentiels craignaient une reprise de bail par un des petits-enfants de monsieur [F] ;
Considérant que les premiers contacts ont été pris entre monsieur [V] [W], agissant pour ses fils, et monsieur [F] ;
Qu'ainsi, monsieur [V] [W] a écrit à monsieur [F] pour lui proposer la reprise des éléments de l'exploitation pour une somme totale de 3 800 000 francs et le paiement des honoraires de monsieur [R] égaux à 6 % de ce montant ;
Considérant que monsieur [T] a établi le 1er septembre 1989 une estimation de tous les éléments de la ferme des époux [F] commune de [D] se décomposant comme suit :
matériel : 1 040 000 francs
matériel d'atelier : 10 000 francs
matériel de stockage : 400 000 francs
Qu'en ce qui concerne les 'améliorations culturales-potentiel de productivités', il est mentionné dans ce document :
'Monsieur [W], après avoir pris connaissance des apports d'éléments fertilisants et des récoltes des neuf dernières années, estime que les améliorations du fonds représentent une somme de 1 090 000 francs' ;
Que concernant les drainages, il est mentionné dans ce document :
'Monsieur [W], après avoir pris connaissance des plans et factures de drainage de la ferme [D] demande à l'expert de faire figurer cette somme ci-dessous indiquée à l'inventaire
Il reconnaît être parfaitement au courant de l'état et du fonctionnement du drainage tel qu'il le déclare après avoir vu et visité différentes reprises
Il donne tant à monsieur [F] qu'à l'expert décharge à cet effet
Drainages ............................................................................860 000 F';
Que cette estimation, signée par les parties à la cession, s'élève donc à un total de 3 400 000 francs ;
Considérant que, le 28 septembre 1989, messieurs [N] et [L] [W] ont donné mandat à monsieur [R] d'acquérir les éléments d'exploitation agricole en cause moyennant une rémunération de 6 % ;
Considérant que, par courrier du 31 octobre 1989, messieurs [N] et [L] [W] ont écrit à monsieur [R] :
'..nous vous confirmons que nous avons eu une entrevue avec notre centre de gestion qui nous a conseillé utilement et nous avons décidé de reprendre l'exploitation de monsieur [F] . Voici l'estimation faite par nos conseils :
- matériel 1 450 000 F
- améliorations culturales potentielles 1 090 000 F
- drainages 860 000 F
total 3 400 000 F
Nous tenons essentiellement à cette exploitation.
Vous nous avez fait part que les drainages et les améliorations culturales étaient chiffrées au maximum mais étant donné la durée du bail que nous avons obtenu et les renseignements que nous avons pris auprès de la direction départementale de l'agriculture et des services hydrauliques et après avoir visité de nombreuses exploitations, nous tenons à traiter cette affaire pour le prix de trois millions quatre cent mille francs.
Etant donné que vous avez négocié cette affaire et rédigé l'acte, l'ensemble de vos honoraires tenant compte des nombreuses démarches que vous avez effectuées au Crédit agricole et autres ont été fixés à la somme forfaitaire et inéluctable de deux cent vingt-huit mille francs plus TVA au taux de 8,69 %.' ;
Considérant que, le même jour, a donc été signé entre monsieur [O] [F] et madame [P] [I], son épouse, d'une part, et messieurs [N] et [L] [W], d'autre part, un acte par lequel les premiers cédaient aux seconds les éléments d'exploitation agricole pour le prix de 3 400 000 francs se décomposant conformément à la ventilation opérée par monsieur [T] ;
Que l'acte précisait que monsieur et madame [F], fermiers sortants, déclaraient que, dans la promesse de bail établie au profit des consorts [W], les bailleurs avaient autorisé les fermiers entrants à payer à leur place les montants des améliorations culturales dues aux fermiers sortants ; que les consorts [W], fermiers entrants, s'engageaient de leur coté à régler à monsieur [F] le montant des améliorations culturales et aménagements prévues par l'article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime effectués par lui ;
Que l'acte indiquait que les cédants et cessionnaires déclaraient ne pas contrevenir à l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime et qu'ils s'en étaient remis à l'égard de la valeur des biens à l'expertise de monsieur [T], 'tout en reconnaissant que celle-ci a été faite en tenant compte des prix normalement pratiqués pour semblables biens dans la région où ils sont situés' ;
Qu'enfin, l'acte précisait que l'exploitation ne bénéficiait pas d'un contingent betteravier ;
Que le même jour, le GFA de la Croix Saint-Jean, représenté par monsieur [O] [F], s'est engagé à consentir à messieurs [L] [W] et [N] [W] un bail rural pour une durée de 21 années à compter du 11 novembre 1989, portant sur différentes parcelles de terre situées à [Localité 1] pour une superficie de plus de 180 hectares, monsieur et madame [F] donnant également à bail aux consorts [W] des parcelles de terre d'une superficie 1 ha 57 ; que dans cet acte les consorts [W], intervenant en qualité de successeurs de monsieur [F], 'ont déclaré accepter la subrogation aux lieu et place dudit bailleur de l'obligation de verser à monsieur [F] les indemnités' prévues à l'article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime ;
I] LES DEMANDES EN RÉPÉTITION DES PRENEURS ENTRANTS
Considérant que les consorts [W] sollicitent des époux [O] [F], preneurs sortants, la répétition de diverses sommes, ce, sur le fondement de l'article L 411-74 du code rural et de la pêche maritime ;
Considérant qu'aux termes de cet article dans sa rédaction en vigueur au jour de l'arrêt, sont passibles de sanctions pénales : '...tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura directement ou indirectement, à l'occasion d'un changement d'exploitant, soit obtenu ou tenté d'obtenir une remise d'argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d'imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci.
Les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition. Elles sont majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux de l'intérêt légal mentionné à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points.
En cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci, l'action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur vénale de plus de 10 %
L'action en répétition exercée à l'encontre du bailleur demeure recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d'exercice du droit de reprise, pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d'effet du congé' ;
SUR LES AMÉLIORATIONS CULTURALES ET LE DRAINAGE
Considérant qu'il est constant que les consorts [W] ont versé aux preneurs sortants la somme de 166 169 € au titre des améliorations du fonds et la somme de 131 106 € au titre des drainages ;
Considérant que l'indemnisation des améliorations du fonds ne peut, sauf dans les hypothèses, étrangères à la cause, prévues par l'article L.411-75 du code rural et de la pêche maritime en cas de cession du bail en application des articles L. 411-35 ou L. 411-38 du code rural et de la pêche maritime, être mise à la charge du preneur entrant ; qu'en effet, l'article L. 411-69 met cette indemnisation à la charge du bailleur ;
Considérant que les drainages sont des améliorations du fonds incorporées au sol ;
Considérant par ailleurs que l'action en restitution de la somme indûment versée ne suppose pas que le preneur entrant démontre qu'il ait payé sous l'effet de la contrainte ;
Qu'il n'importe que l'acte de cession indiquait que les cédants et cessionnaires déclaraient ne pas contrevenir à l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ;
Que la clause du bail selon laquelle les consorts [W], intervenant en qualité de successeurs de monsieur [F], ont déclaré accepter la subrogation aux lieu et place du bailleur de l'obligation de verser à monsieur [F] les indemnités prévues à l'article L. 411-69 du code rural et de la pêche maritime, est inopérante ;
Qu'est pareillement inopérante la clause de l'acte de cession invoquée par monsieur [R] selon laquelle les cessionnaires 'ne pourront exercer aucun recours contre les cédants pour quelque cause que ce soit..' ;
Que c'est encore en vain que les époux [F] invoquent désormais la théorie de la gestion d'affaires ;
Qu'il convient au contraire, et par application de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime qui porte prohibition du 'pas de porte' en droit rural, de condamner les époux [F] à restituer aux consorts [W] les sommes de 166 169 € et de 131 106 €, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une compensation avec des sommes pouvant être dues dans les relations des consorts [W] avec leurs bailleurs ni d'ordonner aux consorts [W] de verser aux débats leurs bilans et compte d'exploitation ;
Qu'il n'y a pas plus lieu de condamner les consorts [W] au paiement de la même somme de 131 106 € au titre d'un enrichissement sans cause allégué par les époux [F] et résultant d'un 'avantage fiscal grâce aux drainages cédés de par l'amortissement qu'ils ont pratiqué' et du fait qu'ils 'avaient accepté de régler par substitution aux bailleurs' les sommes représentant les améliorations culturales et les drainages, cette substitution étant justement considérée comme contraire à l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime par la cour ;
SUR LES SOMMES RÉGLÉES EN ESPÈCES
Considérant que les consorts [W] soutiennent que les époux [F] leur ont demandé de leur verser en mains propres une somme de 400 000 francs en espèces (60 979 €) ; qu'ils demandent la répétition de cette somme ;
Mais considérant que, si la proposition initiale d'acquisition des éléments d'exploitation en cause formée par monsieur [V] [W] était faite pour un montant de 3 800 000 francs et que le montant de cette cession a été ramené à 3 400 000 francs pour messieurs [L] et [N] [W] après l'évaluation opérée par monsieur [T], il reste que la preuve du versement occulte de 400 000 francs par ces derniers n'est pas établie par l'attestation des époux [V] [W], père et mère des preneurs entrants ;
Qu'il convient donc de débouter les consorts [W] de cette demande ;
SUR LE MATÉRIEL
Considérant que la vente par le preneur sortant du matériel ou du cheptel au preneur entrant est possible sous réserve de ne pas dépasser la valeur réelle des éléments cédés ; que l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ouvre une action en répétition au preneur entrant si la reprise de ces biens mobiliers s'est faite à un prix excédant leur valeur vénale de plus de 10 % ;
Considérant que, pas plus que devant le premier juge, les consorts [W] ne rapportent la preuve devant la cour de ce que le matériel qu'ils ont acquis des époux [F] en 1989 leur aurait été cédé à un prix surévalué de plus de 10 % ;
Qu'en effet, ces biens avaient été estimés antérieurement par monsieur [T] le 1er septembre 1989 comme suit :
matériel : 1 040 000 francs
matériel d'atelier : 10 000 francs
matériel de stockage : 400 000 francs
Que cette estimation porte la signature des consorts [W] qui l'ont donc approuvée ;
Que, par courrier du 31 octobre 1989, messieurs [N] et [L] [W] ont de surcroît écrit à monsieur [R] :
'..nous vous confirmons que nous avons eu une entrevue avec notre centre de gestion qui nous a conseillé utilement et nous avons décidé de reprendre l'exploitation de monsieur [F] . Voici l'estimation faite par nos conseils :
- matériel 1 450 000 F..' ;
Qu'enfin, dans l'acte de cession, les cédants et les cessionnaires ont indiqué qu'ils s'en étaient remis à l'égard de la valeur des biens mobiliers à l'expertise effectuée par monsieur [T] 'tout en reconnaissant que celle-ci a été faite en tenant compte des prix normalement pratiqués pour semblables biens dans la région où ils sont situés ;
Considérant que les consorts [W] se limitent à verser aux débats deux factures de revente d'une faible partie du matériel cédé qui montrent qu'ils en ont obtenu un prix inférieur à celui auquel ils l'avait acquis ; que cette revente, effectuée dans des conditions inconnues de la cour, n'établit cependant pas la preuve d'une surévaluation de ces biens par l'expert [T] et encore moins d'une surévaluation de l'ensemble des biens cédés ; que la valeur pour laquelle ils ont fait le choix d'assurer les biens cédés n'est pas de nature établir la valeur réelle desdits biens ;
Qu'il convient donc, sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expertise sollicitée par les consorts [W], dont le résultat serait illusoire 26 ans après la cession et alors qu'il n'appartient pas à la cour de pallier leur carence probatoire, de débouter ceux-ci de leurs demandes afférentes au matériel cédé ;
SUR LA FIXATION DES INTÉRÊTS
Considérant que, si les intérêts sont dus à compter du versement des sommes sujettes à répétition, sans nécessité d'une mise en demeure de payer, conformément aux dispositions de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, il n'existe cependant aucune disposition faisant échapper l'action en répétition au délai de prescription extinctive de droit commun ; qu'ainsi, les intérêts sont dus sur les sommes de 166 169 € et de 131 106 € à compter du 9 juillet 2004, date antérieure de 5 ans à la première demande en justice des consort [W] dont il n'importerait qu'elle ne soit pas chiffrée, les intérêts étant dus de droit depuis le versement des sommes répétibles et non pas à compter d'une mise en demeure de payer ; qu'en tout état de cause, ladite requête en justice porte demande de répétition des sommes de 166 169 €, 131 106 €, 79 578 € et 60 980 € augmentées des intérêts prévus par l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 octobre 2014 ;
Considérant que le Conseil constitutionnel a, par décision du 27 septembre 2013, considéré que : « les mots 'est égal au taux pratiqué par la Caisse Régionale du Crédit Agricole pour les prêts à moyen terme' figurant à la deuxième phrase du 2ème alinéa de l'article L.411-74 du code rural et de la pêche maritime devaient être déclarés contraires à la Constitution. » ;
Que le Conseil constitutionnel a précisé ensuite qu'afin de permettre au législateur de tirer des conséquences de la déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions contestées, il y avait lieu de reporter au 1er janvier 2014 la date de leur abrogation et qu'afin de préserver l'effet utile de sa décision à la solution des instances alors en cours, il appartenait, d'une part, aux juridictions de surseoir à statuer jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi ou au plus jusqu'au 1er janvier 2014 dans les instances dont l'issue dépendait de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et, d'autre part, au législateur de prévoir une application des nouvelles dispositions à ces instances en cours ;
Considérant que la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 a modifié la deuxième phrase du 2ème alinéa de l'Article L.411-74 du code rural et de la pêche maritime en substituant au taux d'intérêt alors prévu le ' taux de l'intérêt légal mentionné à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points.' ;
Considérant toutefois que cette loi précisant qu'elle est applicable immédiatement aux instances en cours, elle ne peut s'appliquer rétroactivement à la répétition de sommes versées antérieurement à la date de son entrée en vigueur ;
Qu'ainsi, le taux légal majoré de trois points ne trouve à s'appliquer qu'à compter du 13 octobre 2014 ;
Considérant qu'entre le 1er octobre 2013, date de publication de la décision du Conseil constitutionnel, et le 1er janvier 2014 s'est écoulé le délai de report durant lequel le juge judiciaire devait surseoir à statuer et le législateur prévoir une application de nouvelles dispositions aux instances en cours ;
Qu'il ne peut être fait application que du taux légal durant cette période mais aussi à compter du 9 juillet 2004, étant observé qu'aucune des parties n'a sollicité l'application pour la période antérieure au 1er octobre 2014 du taux reconnu inconstitutionnel à cette date ;
Que la somme de 166 169 € doit donc porter intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2014 et au taux légal majoré de trois points à compter du 3 octobre 2014 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-2 du code monétaire et financier, le taux de l'intérêt légal a toujours été défini périodiquement par la loi et actuellement, depuis l'ordonnance du 20 août 2014, semestriellement ; qu'il ne saurait donc être fait droit à la demande des consorts [W] tendant à retenir le taux défini pour une année déterminée afin de l'appliquer également aux années suivantes ;
Considérant qu'il convient de juger qu'à partir de l'année 2015 doit s'appliquer le taux légal applicable entre un créancier et un débiteur étant l'un et l'autre une personne physique agissant pour des besoins professionnels ;
Considérant enfin que les consorts [W] sollicitent la capitalisation annuelle des intérêts à compter de leur versement ;
Que toutefois, il convient de juger que la capitalisation des intérêts ne pourra intervenir dans les conditions de l'article 1154 du code civil qu'à compter de leur première demande sollicitant ladite capitalisation des intérêts, soit le 9 juillet 2009 ;
II] LES DEMANDES EN INDEMNISATION DES PRENEURS ENTRANTS
SUR LES QUOTAS BETTERAVIERS
Considérant que les consorts [W] sollicitent l'indemnisation du préjudice qu'ils ont subi du fait des preneurs sortants qui ont refusé de leur céder leur quota de betteraves pour en garder le bénéfice, alors qu'en cas de transfert d'exploitation, le contingent betteravier doit être automatiquement transféré au nouvel exploitant des terres ; que les époux [F] rétorquent qu'il n'y avait pas de quota betteravier sur l'exploitation cédée ;
Considérant que l'acte de cession précisait que l'exploitation ne bénéficiait pas d'un contingent betteravier ;
Considérant que, pour preuve de leur allégation, les consorts [W] ne versent aux débats qu'une attestation établie le 18 juin 2010 par monsieur [Z] [Q] qui déclare avoir été embauché comme cadre d'exploitation agricole au service des époux [F] de 1967 à 1982 et expose avoir cultivé des betteraves sucrières ; que cependant, il ressort de cette attestation que monsieur [Q] indique d'abord avoir été licencié sans que l'employeur lui adresse de certificat de travail ; qu'ainsi, la cour ne peut accorder de valeur probante aux dires de monsieur [Q] à l'égard de ses anciens employeurs l'ayant licencié ;
Qu'il convient donc de débouter les consorts [W] de leur demande d'indemnisation de ce chef ;
SUR LES SOMMES VERSÉES À L'AGENT IMMOBILIER
Considérant que les consorts [W] sollicitent le paiement à titre de dommages-intérêts par les époux [F] et monsieur [R] de la somme de 28 708 €, montant qu'ils estiment avoir été indûment versé à monsieur [R], intermédiaire immobilier ayant rédigé l'acte de cession ;
Que les consorts [W] faisant valoir que cette fraction d'honoraires serait assise sur la somme de 400 000 francs qu'ils auraient versée aux preneurs sortants à titre de dessous de table, la prescription, alors de 30 ans, a valablement été interrompue par la requête formée par eux le 9 juillet 2009 contre les époux [F], la cession ayant été signée le 30 octobre 2009 ;
Considérant que les époux [F], qui ne peuvent plaider par procureur, sont irrecevables à contester la recevabilité de l'action des consorts [W] à l'encontre de monsieur [R] ; que cette demande des époux [F] est tout autant irrecevable pour défaut d'intérêt à agir ;
Considérant par ailleurs que les consorts [W] n'ont agi à l'encontre de monsieur [R] que devant la cour, en formant une demande tout à la fois tardive, au regard de sa qualité de commerçant rendant applicable la prescription commerciale qui était de dix ans, et nouvelle en cause d'appel ;
Que la demande des consorts [W] à l'encontre de monsieur [R] doit donc être déclarée irrecevable ;
Considérant, en ce qui concerne la demande dirigée contre les époux [F], que, le 28 septembre 1989, les consorts [W] ont passé avec monsieur [R] un mandat d'acquérir les éléments d'exploitation agricole en cause moyennant une rémunération de 6 %, alors que l'expert [T] avait déjà estimé à 3 400 000 francs les éléments objet de la cession ;
Que, par courrier du 31 octobre 1989, messieurs [N] et [L] [W] ont écrit à monsieur [R] qu'en considération du fait qu'il avait négocié cette affaire et rédigé l'acte, l'ensemble de ses honoraires 'tenant compte des nombreuses démarches .. effectuées au Crédit agricole et autres ..[ avaient été] .. fixés à la somme forfaitaire et inéluctable de deux cent vingt-huit mille francs plus TVA au taux d e 18,60 %.' ;
Qu'il apparaît donc que les consorts [W] ont entendu en définitive rémunérer les services rendus par monsieur [R] en lui versant une commission forfaitaire et non plus assise sur un pourcentage du montant de la cession ;
Que, dès lors, n'établissant pas que le paiement à monsieur [R] de ces honoraires était injustifié, ils ne peuvent qu'être déboutés de leur demande en paiement de dommages-intérêts à raison de ce paiement, en ce qu'elle est dirigée contre les époux [F] ;
SUR LES HONORAIRES VERSÉS À L'EXPERT
Considérant que les consorts [W] sollicitent le paiement à titre de dommages-intérêts par les époux [F] et subsidiairement solidairement monsieur [R] - ainsi que monsieur [T] dans le corps de leurs écritures-, de la somme correspondant au montant des honoraires de l'expert [T] qu'ils estiment avoir été indûment versés à ce dernier ;
Considérant que, comme le soutient in limine litis monsieur [T], celui-ci est expert foncier mais n'est ni bailleur ni preneur ; que le tribunal paritaire des baux ruraux n'était donc pas compétent pour connaître d'une action en responsabilité dirigée contre monsieur [T] au regard des règles de compétence d'attribution fixées par l'article L. 491-1 du code rural et de la pêche maritime ; que c'est donc à tort que ce tribunal s'est prononcé au fond sans d'ailleurs répondre au moyen déjà soulevé devant lui de son incompétence d'attribution ;
Qu'il convient donc de juger, par infirmation du jugement sur ce point, que le tribunal paritaire des baux ruraux de Meaux n'était pas compétent pour connaître de cette action ;
Considérant cependant qu'au regard des règles de compétence territoriale et notamment de l'article 46 du code de procédure civile qui offre une option de compétence au demandeur, monsieur [T] pouvait être attrait devant le juridiction du lieu de l'exécution de la prestation de service, comme cela a été fait en l'espèce par les époux [F] ; que dès lors se trouvait compétent le tribunal de grande instance de Meaux ;
Considérant qu'aux termes de l'article 79 du code de procédure civile, lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la décision attaquée est susceptible d'appel dans l'ensemble de ses dispositions et si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente ;
Qu'il incombe donc à cette cour, juridiction d'appel du tribunal de grande instance de Meaux, de statuer au fond ;
Considérant qu'il n'est pas établi que l'estimation de monsieur [T] aurait été effectuée pour répondre aux ordres des époux [F] et qu'elle serait fictive ; que l'expert ne peut voir par ailleurs sa responsabilité engagée pour l'intermédiation réalisée par le seul agent immobilier ;
Considérant que monsieur [R] n'a pas procédé à l'estimation des éléments d'exploitation objet de la cession ; que sa responsabilité ne peut donc être recherchée pour cette estimation qualifiée de fictive par les consorts [W] ;
Que les consorts [W] doivent être déboutés de leur demande dirigée contre les époux [F] ;
Considérant par ailleurs que les consorts [W], qui avaient la qualité de demandeurs en première instance, n'ont présenté aucune demande à l'encontre de monsieur [T] devant le tribunal paritaire des baux ruraux ; que leur demande est nouvelle en cause d'appel comme le soutient à juste titre ce dernier ;
Considérant par ailleurs que les consorts [W] n'ont agi à l'encontre de monsieur [R] que devant la cour en formant une demande tout à la fois tardive, au regard de sa qualité de commerçant rendant applicable la prescription commerciale qui était de dix ans, et nouvelle en cause d'appel, comme soutenu par ce dernier ;
Que les demandes des consorts [W] dirigées contre messieurs [R] et [T] doivent être déclarées irrecevables par application de l'article 564 du code de procédure civile ;
SUR LE DÉFAUT DE CONSEIL DE L'AGENT IMMOBILIER ET DE L'EXPERT
Considérant que les consorts [W] reprochent à messieurs [R] et [T] d'avoir manqué à leur obligation de conseil et sollicitent la condamnation de ces derniers à leur verser chacun la somme de 8 000 € à titre de dommages-intérêts ;
Mais considérant que, comme il a été dit, les consorts [W], qui avaient la qualité de demandeurs en première instance, n'ont présenté aucune demande à l'encontre de monsieur [T] devant le tribunal paritaire des baux ruraux ; que leur demande, nouvelle en cause d'appel doit être déclarée irrecevable ;
Considérant par ailleurs que, si la demande des consorts [W] à l'encontre de monsieur [R], auquel ils reprochent d'avoir mis au point un système permettant d'échapper à la prohibition du pas de porte, n'apparaît pas tardive au regard de la prescription commerciale qui était de dix ans en raison du point de départ de la prescription qui est à fixer au 15 juin 2005, date du revirement de jurisprudence portant abandon de l'exigence de la preuve d'une contrainte subie par le preneur sortant, il reste que cette demande est nouvelle en cause d'appel et doit être déclarée irrecevable ;
III] LES DEMANDES DES PRENEURS SORTANTS CONTRE L'AGENT IMMOBILIER ET L'EXPERT ET LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES
SUR LES DEMANDES DES ÉPOUX [F] CONTRE L'AGENT IMMOBILIER [R] ET L'EXPERT
Considérant que la demande des époux [F] contre monsieur [R] ne concerne que leur condamnation à restituer aux consorts [W] les sommes qu'ils ont indûment perçues de ces derniers au titre des améliorations culturales et drainages ; qu'ils considèrent en effet que, si l'acte de cession est contraire aux dispositions de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, monsieur [R] a commis une faute professionnelle en prévoyant une telle cession et doit leur payer la somme de 113 205 € à titre de dommages-intérêts ;
Considérant d'abord que la demande des époux [F] à l'encontre de monsieur [R], auquel ils reprochent d'avoir mis au point un système permettant d'échapper à la prohibition du pas de porte, n'apparaît pas tardive au regard de la prescription commerciale qui était de dix ans, ce, en raison du point de départ de la prescription qui doit être fixé à la date du revirement de jurisprudence du 15 juin 2005 portant abandon de l'exigence de l'établissement de la preuve d'une contrainte subie par le preneur sortant ;
Considérant que les époux [F] fondent l'ensemble de leurs demandes sur les articles L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, 1372 et s., 2219 et s. du code civil ; qu'aucune de ces dispositions ne permet d'agir sur le fondement du devoir de conseil entre deux parties liées par un contrat, alors que l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime n'ouvre une action qu'au profit du preneur entrant ;
Considérant de surcroît qu'il n'est pas établi que monsieur [R] ait jamais conseillé aux époux [F] de se placer sous le régime de la gestion d'affaires ; qu'en revanche il a rédigé un acte prévoyant une clause de substitution des preneurs entrants aux bailleurs déclarée inopérante par la cour comme contraire aux dispositions de l'article L 411-74 du code rural et de la pêche maritime ; que les époux [F], preneurs sortants, ont été en conséquence condamnés à restituer aux consorts [W], preneurs entrants, des sommes perçues de ces derniers au titre des améliorations culturales et drainages que seuls les bailleurs pouvaient leur régler ; que cependant, au moment où il a établi l'acte de cession, monsieur [R] n'a commis aucune faute au regard de l'état du droit à cette époque qui subordonnait la restitution des sommes versées à la preuve que le preneur entrant avait subi une contrainte lors de leur versement, contrainte non établie en l'espèce ;
Qu'il convient donc de débouter les époux [F] de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts dirigées contre monsieur [R] ;
Considérant que les époux [F] n'ayant pas été condamnés au profit des consorts [W] au titre de la surévaluation des biens, il n'y a pas lieu à recours en garantie de ceux-ci à l'encontre de l'expert ayant évalué les biens ;
SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES
1°) demande des époux [F]
Considérant que les époux [F] indiquent présenter une demande qu'ils qualifient de reconventionnelle en exposant qu'un précédent arrêt de cette cour a condamné les consorts [W] à payer une indemnité d'occupation équivalente au fermage qu'ils payaient pendant la durée du bail et en ajoutant que ceux-ci refuseraient de payer spontanément ladite indemnité d'un montant de 31 608,65 € pour la saison culturale 2012/2013 ;
Qu'ils demandent donc à la cour de condamner les consorts [W] à leur payer une telle somme en leur qualité de bailleurs et d'ordonner la compensation avec les sommes pouvant être dues par eux aux consorts [W] ;
Mais considérant que les époux [F] étaient parties à l'instance initiale en leur qualité de preneurs sortants et revendiquent la qualité d'intimés devant la cour ; que les indemnités d'occupation sont dues par les consorts [W] non pas aux preneurs sortants mais aux bailleurs c'est à dire essentiellement le GFA de la Croix Saint [Y] qui n'est pas à la cause ; que les époux [F] sont irrecevables à solliciter un tel paiement, étant observé par ailleurs que l'arrêt de cette cour rendu entre les bailleurs et les consorts [W] n'est ni versé aux débats ni mentionné dans un bordereau de pièces des époux [F] ;
2°) demande de monsieur [T]
Considérant que monsieur [T] sollicite la condamnation des époux [F] à lui payer des dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Considérant cependant que monsieur [T] n'établit pas en quoi le droit des époux [F] de soumettre leurs prétentions à l'examen des juridictions aurait dégénéré en abus ;
Qu'il convient donc de le débouter de sa demande ;
3°) demande de monsieur [R]
Considérant que monsieur [R] sollicite la condamnation des époux [F] à lui payer des dommages-intérêts pour procédure abusive sans cependant établir en quoi le droit des époux [F] de soumettre leurs prétentions à l'examen des juridictions aurait dégénéré en abus ; que monsieur [R] ne peut qu'être débouté de sa demande ;
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement du 7 septembre 2012 du tribunal paritaire des baux ruraux de Meaux ;
Statuant à nouveau :
Condamne monsieur et madame [O] [F] à payer à messieurs [L] et [N] [W] les sommes de :
* 166 169 € au titre des améliorations culturales,
*131 106 € au titre des drainages,
et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2014 et au taux légal majoré de trois points à compter du 3 octobre 2014 ;
Ordonne la capitalisation desdits intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter du 9 juillet 2009 ;
Dit applicable à partir de l'année 2015 le taux légal défini pour les relations entre un créancier et un débiteur, tous deux personnes physiques agissant pour des besoins professionnels ;
Déboute les consort [W] de leurs demandes en répétition afférentes au matériel cédé et à une somme de 400 000 francs ;
Déboute les consorts [W] de leur demande en paiement de dommages-intérêts pour non production de betteraves sucrières ;
Dit que le tribunal paritaire des baux ruraux de Meaux était incompétent pour connaître des actions dirigées contre monsieur [T] ;
Dit que le tribunal de grande instance de Meaux était compétent pour connaître desdites actions ;
Dit en conséquence que la cour doit statuer au fond sur ces actions ;
Déboute les consorts [W] de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts à raison du paiement d'honoraires à monsieur [R] et à monsieur [T], en ce qu'elles sont dirigées contre les époux [F] ;
Déclare irrecevables les demandes en indemnisation des consorts [W] à l'encontre de monsieur [R] et de monsieur [T] à raison des honoraires versés à ceux-ci ;
Déclare irrecevables les demandes en indemnisation des consorts [W] à l'encontre de monsieur [R] et de monsieur [T] à raison du manquement de ceux-ci à leur devoir de conseil ;
Dit recevable la demande en paiement de dommages-intérêts des époux [F] dirigée contre monsieur [R] ;
Déboute les époux [F] de cette demande en paiement de dommages-intérêts ;
Dit n'y avoir lieu à recours en garantie des époux [F] contre monsieur [T]
Déclare les époux [F] irrecevables en leur demande en paiement d'indemnités d'occupation d'un montant de 31 608,65 € dirigée contre les consorts [W] ;
Déboute messieurs [R] et [T] de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Décerne acte au conseil des époux [F] de ce que le conseil des consorts [W] a déclaré à l'audience que les bilans des cinq premières années ne seraient pas fournis ;
Déboute les parties de toutes autres demandes ;
Condamne les époux [F] à payer aux consorts [W] la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu à quelque autre condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne les époux [F] aux dépens de première instance et d'appel ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT