La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/09/2015 | FRANCE | N°14/10982

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 02 septembre 2015, 14/10982


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 02 Septembre 2015

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/10982 EMJ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Décembre 2011 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section RG n° 09/01033







APPELANT

Monsieur [I] [T]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1971 à [

Localité 2]

représenté par Me Luc BERGEROT, avocat au barreau de MARSEILLE







INTIMEE

SA DCNS

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Hélène SAID, avocat au barreau de PARIS, toque ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 02 Septembre 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/10982 EMJ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Décembre 2011 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section RG n° 09/01033

APPELANT

Monsieur [I] [T]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 2]

représenté par Me Luc BERGEROT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA DCNS

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Hélène SAID, avocat au barreau de PARIS, toque : B0989

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Mai 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère, Madame Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente étant empêchée et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur [I] [T] a été engagé par la SA DCNS en qualité de responsable des ressources humaines avec une ancienneté reprise au 19 avril 2004 date de son embauche au sein du siège parisien de la société.

A compter de 2007, il a occupé les fonctions de 'chargé de communication du porte-avions Charles-de-Gaulle'.

Le contrat est régi par les dispositions de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Le 24 novembre 2008, Monsieur [I] [T] est convoqué à un entretien préalable fixé au 1er décembre 2008, en vue de son licenciement.

Par courrier du 8 décembre 2008, son licenciement pour faute grave lui est notifié.

Contestant notamment le bien fondé de son licenciement, Monsieur [I] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement en date du 15 décembre 2011 auquel la Cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné au paiement des dépens et à payer à la SA DCNS les sommes suivantes :

* 3 200,88 euros à titre de remboursement d'actions souscrites, avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2010,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Monsieur [I] [T] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 13 janvier 2012.

.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 26 mai 2015.

Monsieur [I] [T] soutient que les faits qui lui sont reprochés sont prescrits, sont contestés et ne reposent que sur les propres déclarations de la stagiaire largement infirmées par les multiples attestations.

En conséquence il demande à la cour :

' infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Paris,

' condamner la société au paiement des sommes suivantes :

*4 541,53 euros à titre d'indemnité de licenciement,

*14 863,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

*1 486,32 euros de congés payés afférents,

*120 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L 1235 ' 3 du code du travail,

*60 000 euros à titre de préjudice personnel et moral au regard des circonstances vexatoires de la rupture et des atteintes portées à son honorabilité tant personnelle que professionnelle

*3 129,37 euros au titre de la prime sur objectif de l'année 2008,

*2 000 euros résultant du préjudice subi du fait de la demande par la société du remboursement total de ses actions souscrites,

'apprécier le préjudice résultant du défaut de mention du DIF et en fixer le montant,

' condamner la société à lui délivrer les documents de rupture et bulletins de salaire rectifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard avec faculté de liquidation,

-condamner la société au paiement de la somme de 3 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

'dire que ces condamnations porteront intérêts de droit à compter de la saisine avec capitalisation.

En réponse, la SA DCNS fait valoir qu'elle apporte les éléments permettant de démontrer qu'elle n'avait pris connaissance de la situation que le 23 octobre 2008 et plus entièrement encore qu'après le dépôt du rapport d'enquête du 14 novembre 2008 de sorte que le licenciement intervenu ne repose pas sur des faits prescrits; que sur le fond il est justifié par le comportement inadmissible d'un salarié qui a eu des faits et gestes obscènes ayant conduit à la dégradation de l'état de santé d'une stagiaire qui partageait son bureau; que du fait de ce licenciement elle est en droit de solliciter le remboursement du solde des souscriptions d'actions.

En conséquence, la SA DCNS conclut :

' confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

' débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes,

' condamner, Monsieur [I] [T] au versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la prescription des faits

Par courrier du 8 décembre 2008, Monsieur [I] [T] a été licencié pour faute grave au motif ainsi exposé :

'nous avons été informés le 22 octobre 2008, que vous avez eu des comportements inadmissibles, tenu des propos vulgaires, et à connotation sexuelle à Melle [P] qui a travaillé avec vous dans le cadre de son apprentissage à compter de janvier 2008.

Les propos tenus étaient notamment 'ton piercing ça fait pute' ajoutant parfois des allusions à ses relations avec son copain,'tu te bouges le cul', 'tu me fais un café et une pipe'..

À cela vous avez ajouté des comportements totalement déplacés, notamment en mimant de vous déshabiller devant elle, et faisant des commentaires sur ses tenues vestimentaires et son physique, et pour la dissuader de parler vous ajoutiez que 'tout ce qui se disait dans le bureau ne doit pas en sortir, cela n'a pas d'intérêt à se savoir, car sortis du contexte, les gens ne comprendraient pas', et que votre épouse était la meilleure avocate du Var et que vous sauriez vous défendre.

Les paroles et comportements que vous avez eus à l'égard de [A], dont vous étiez le responsable, sont inadmissibles et injustifiables. En outre ils sont corroborés par l'attitude que vous avez eue avec d'autres femmes de l'entreprise.

Lors de l'entretien vous avez contesté tous ces faits nous indiquant notamment que :

*sur les propos relatifs au piercing : vous auriez conseillé à [A] de ne pas le conserver parce que cela la faisait zozoter et que cela lui nuierait pour trouver un emploi,

*vous aviez peut-être dit 'bouge tes fesses'mais à des fins professionnelles pour qu'elle progresse,

*sur les propos qui ne devaient pas sortir de votre bureau : vous auriez visé la confidentialité de la teneur des dossiers traités, et non les propos vulgaires et tendancieux que vous adressiez à [A].

Après avoir entendu vos explications qui ont consisté à nier les faits, tenté de les justifier en détournant leur sens, et à affirmer que tout n'était que mensonge, invention, au regard de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.'.

Le salarié invoque la prescription des faits fautifs invoqués au soutien de son licenciement.

Selon l'article L. 1332-4 du code du travail: « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement des poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ».

Le point de départ court à compter de la connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'importance des faits fautifs du salarié par l'employeur.

Celui ci s'entend comme la personne ayant le pouvoir de sanctionner ou d'engager des poursuites disciplinaires et ne se limite donc pas au représentant légal de l'entreprise mais inclut toute personne ayant délégation, tout supérieur qui aurait qualité pour prendre l'initiative d'une action disciplinaire à l'égard du salarié fautif.

En l'espèce, M.[T],à compter de septembre 2007, a occupé les fonctions de chargé de communication du porte avions Charles de Gaulle (PACdG) sous la direction de M.[J] directeur des ressources humaines et de M.[S], directeur du projet PACdG.

Son entretien de développement professionnel le 10 septembre 2008 a été tenu par son manager opérationnel et fonctionnel M.[S], cadre dirigeant de haut niveau, qui à la lecture de l'organigramme produit est nommé directement par le président de la société DCNS et a sous sa direction notamment M.[J], directeur des ressources humaines.


M.[S] a dès lors la qualité de supérieur hiérachique de M.[T], autorisé à représenter la direction, à prendre l'initiative d'une sanction disciplinaire et à mener toutes investigations pour avoir une parfaite connaissance de la réalité, de la nature et de l'importance des faits.

Il faut donc considérer que le point de départ du délai de prescription des faits fautifs court à compter de la date à laquelle il en a eu connaissance

Il est constant et il résulte du compte rendu des entretiens des 27 et 28 octobre, et 7 novembre 2008, tenus par Monsieur [V] [H], président du CHSCT à DCNS Toulon, et par Madame [W] [E], service DRH siège, qui avaient souhaité rencontrer des personnes travaillant ou ayant travaillé dans l'entourage de [A] [P] et Monsieur [I] [T] que :

' le 22 octobre 2007, [A] [P] , inscrite en première année de BTS en alternance assistante RH, a été embauchée en tant que stagiaire par l'entreprise DNCS Toulon pour une période de 2 ans,

-quelle a été affectée auprès de l'équipe PACDG, sa tutrice de stage étant [J] [W] RRH,

'qu'elle a travaillé d'abord avec [D] [F], assistante RH, chargée de la logistique, de l'organisation et de la mobilité qui atteste qu'elle l'a trouvée volontaire, dynamique et motivée, s'intégrant rapidement,

'qu'en décembre 2007, Madame [F] ayant fait part à sa tutrice du désir de la stagiaire de connaître autre chose, celle-ci lui a proposé de travailler avec Monsieur [I] [T], chargé de la communication du PACDG,

' qu'ils occupaient à compter du mois de janvier 2008 le même bureau,

' qu'en juin 2008, Madame [V], responsable des stages, mandatée par le centre de formation (CFA), a envoyé un texto à la tutrice, Madame [W], lui faisant part de problèmes relationnels existant entre la stagiaire et une personne de son entourage professionnel et a sollicité un rendez-vous qui sera annulé du fait de l'absence de la stagiaire en arrêt maladie pour une semaine,

-que le 26 juin 2008 la tutrice a rencontré Madame [L], directrice du CFA qui l'informe du malaise profond ressenti par la stagiaire, du fait de propos perturbants tenus par Monsieur [I] [T],

- que M.[S] atteste ' que le lendemain 27 juin 2008 Mme [W] lui a rendu compte de sa conversation téléphonique avec la directrice du CFA, qui lui a indiqué que [A] [P] s'est plainte auprès de son professeur de communication que M.[T] s'adressait à elle de façon brutale et qu'elle ne savait pas comment lui en faire part; que ceci a semblé traumatiser Melle [P]; que Mme [W] lui a alors indiqué qu'il serait préférable de ne plus laisser Melle [P] travailler avec M.[T] et ceci dès son retour dans l'entrepris.; qu'il a approuvé cette décision d'autant qu'il était prévu de longue date que Melle [P] assure le remplacement de la secrétaire de l'équipe de projet pendant les congés de cette dernière et ceci avec l'accord de Melle [P]'

- qu'à son retour d'arrêt maladie, soit du 7 juillet à fin juillet, la stagiaire a été changée de poste et a effectué divers remplacements de [D] [F] et d'[N] [X],

' que du 1er août au 22 août, Melle [P] était en congé pour 3 semaines,

-que du 25 août au 29 août elle a repris son travail mais n'a pas eu de poste défini et que ne sachant pas où s'installer, elle est hébergée par [D] [F]; qu'elle s'adapte au gré des demandes, aide [X] [C] qui constatant sa disponibilité lui propose de traiter les livrables clients; que sa tutrice l'ignore est très énervée par tout ce qui la concerne,

-que le lundi 1er septembre, alors que Melle [P] essayait encore vainement de parler à [J] [W] pour obtenir un poste et une place, elle a selon ses termes 'craqué ' face au comportement de cette dernière, se retrouvant accusée au lieu d'être reconnue en sa qualité de victime,

' que du 1er au 21 septembre 2008 elle est en arrêt maladie et prévient [D] [F] ; qu'elle est prolongée de 2 semaines et n'avait pas repris lors de la rédaction du compte rendu d'enquête le 14 novembre 2008,

' que le 22 octobre 2008, [U] RRH a appris lors de l'entretien avec [E] [Y], qu'une stagiaire du PACDG, était absente depuis plusieurs semaines et faisait état de problèmes relationnels importants; qu'il a alerté [U] [Z], assistante carrière stage, qui a contacté l'école; que parallèlement [P] [G] qui avait précédé Madame [Z] dans ses fonctions, a contacté la famille de Madame [P] en lui conseillant de rencontrer l'assistante sociale,

' que le 23 octobre 2008, Madame [Z], [B] [R] responsable MDH , [D] [K] responsable emploi carrière, ont rencontré au centre de formation pour adultes, Madame [L] et devant l'importance des faits révélés, en ont référé au DRH.

Le même jour Madame [P] et sa mère sont reçus en entretien par [D] [D] (assistante sociale) à l'extérieur de l'entreprise,

- que le 24 octobre 2008, après concertation de l'équipe RH, Madame [P], ses parents, sont reçus avec l'assistante sociale par [G] [A], responsable environnement social, Madame [Z] , Monsieur [N], représentant du personnel,

-que le 24 novembre 2008 M.[T] est convoqué à un entretien préalable à son licenciement pour les faits dénoncés par Melle [P].

Il apparaît ainsi que le manquement le plus récent reproché au salarié remonte au mois de juin puisqu'à compter du mois de juillet la stagiaire a changé de service. D'ailleurs l'audition de celle ci démontre que si elle a 'craqué' en septembre lors de son retour de congé, la faute repose sur d'autres faits qui ne sont imputables qu'à Mme [W] qui ne lui a pas reconnu la qualité de victime qu'elle revendiquait, ne lui a pas attribué de bureau et de nouvelles fonctions, l'a menacée en l'appelant à son domicile en lui reprochant de s'être plainte.

Par ailleurs courant du mois de juin et encore au cours de l'été, l'affaire a connu un certain écho dans le service dans lequel plusieurs personnes ont été informées des difficultés rencontrées par la stagiaire avec M.[T]:

- puisque Madame [L], directrice du centre de formation, informé par un de ses professeurs, d'un différend entre une stagiaire et son référent de stage relatif à des propos déplacés à caractère sexuel tenus par celui ci depuis plusieurs mois, a rencontré sur le lieu du stage pour en discuter, sa tutrice, [J] [W], qu'elle pensait être l'interlocuteur qualifié de l'employeur;

-puisque la tutrice explique qu'elle a mené prélablement une enquête interne auprès de Monsieur [S], Monsieur [C], et des collègues pour savoir si la stagiaire avait eu des difficultés dans la période récente, a téléphoné à Madame [V] responsable des stages du centre de formation et reçu la directrice du centre de formation. Mme [W] explique : '[A] voulait que l'école lui donne des conseils pour qu'elle puisse dire à Monsieur [I] [T] que les propos brutaux qu'il tenait devant elle, la perturbait, qu'elle voulait que ça cesse mais qu'elle désirait continuer à travailler avec lui'.

-puisque Mme [W] en a ensuite immédiatement référé à M.[S] et décidé avec son accord de la retirer immédiatement du bureau de Monsieur [I] [T]

-puisque [D] [F], assistante mobilité au sein du servoce DRH, indique qu'elle avait eu connaissance des difficultés de [A] qui luien avait parlé au cours de l'été, et lui avait relaté les propos qu'auraient tenus Monsieur [I] [T]; qu'elle se sentait accusée alors qu'elle était victime et avait l'impression que la faute était reportée sur elle,

-puisque du 25 août au 29 août Mme [P] reprend son travail sans poste défini, ne sachant pas où s'installer, et est 'hébergée' par [D] [F],

qu'elle s'adapte au gré des demandes, et aide notemment [X] [C] travaillant dans le service qui, constatant sa disponibilité, lui a proposé de traiter les livrables clients,

-puisque dès le 1 septembre et de manière continue elle sera en arrêt maladie.

En outre M.[S] estime qu'au mois de juin, les mesures adéquates ont été prises puisqu'entendu le 7 novembre par la direction il confirme 'qu'il a été informé de la situation, sans détails, en juin par [J] [W]; qu'il en a été surpris; qu'il pense que [A] manquait un peu de maturité et qu'elle avait besoin d'être cadrée ; qu'il n'a pas perçu son malaise et a donné son accord à la tutrice pour un changement de poste; qu'il pensait que tout était réglé'.Il précise que 'les propos attribués à Monsieur [I] [T] par la stagiaire ne correspondent pas à l'image qu'il se fait de lui.'

Ainsi donc si M.[S] a mal perçu le mal-être de la stagiaire et a mal appréhendé la gravité des faits, ceux ci lui étaient dès le mois de juin parfaitement connus, ou auraient pû l'être si il avait entendu en être plus amplement informé, ce qui lui incombait en sa qualité de DDP PACdG .

En conséquence même si d'autres personnes, bénéficiant d'une place moins haute dans la hiérarchie, dont Monsieur [U], responsable des ressources humaines, Monsieur [Y], membre de l'équipe PACCDG, Mme [U] [Z], assistante carrière stage, M.[B] [R] responsable MDH, Mme [D] [K] responsable emploi carrière, M.[G] [A], responsable environnement social, ou Monsieur [N], représentant du personnel n'ont été informés de la situation que fin octobre et ont décidé de lancer une enquête sérieuse, le point de départ du délai de precription des faits n'en remonte pas moins au mois de juin soit à la date où l'employeur avait tous les éléments nécessaires pour décider de la manière dont il allait apréhender la gravité des faits qui lui étaient soumis.

En conséquence lors de l'interruption du délai par la convocation du salarié a un entretien préalable le 25 novembre 2008, les faits étaient prescrits et ne pouvaient servir de fondement à un licenciement pour faute.

Le licenciement de M.[T] est dès lors sans cause réelle et sérieuse et le jugement du conseil de prud'hommes doit être infirmé sur ce point.

Sur les démandes subséquentes

Sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail, considérant les éléments de son préjudice développés par le salarié, tenant notamment compte de sa perte de rémunération, de son ancienneté au moment du licenciement, de ses difficultés à retrouver un emploi de niveau équivalent, la cour trouve les éléments pour lui attribuer un montant de 35 000 euros.

Par ailleurs si les faits sont prescrits, le comportement tendancieux de M.[T] avec la jeune stagiaire n'en est pas moins établi. En effet il reconnait lui même tout au moins avoir tenu quelques propos déplacés, et les déclarations constantes et étayées de la stagiaire sont corroborrées par l'impact de la situation sur son état de santé et par l'attestation du médecin du travail qui a recueilli les plaintes du même type d'une précédente stagiaire, de sorte que les circonstances justifiaient sans préjudice moral particulier pour M.[T] que soit menée une enquête approfondie au sein du service, sur son comportement.

En conséquence aucun préjudice moral en lien avec une faute de l'employeur ne peut donner lieu à réparation.

En revanche le salarié licencié pour faute grave n'a pas perçu le préavis et l'indemnité conventionnelle de licenciement auxquels il pouvait prétendre.

Aussi en vertu des dispositions de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie lui sont dus les montants qu'il réclame et qui ne sont pas contestés dans leur calcul par la société soit 3 mois de salaire correspondant à la durée du préavis conventionnel soit 14 863,20 euros, outre au regard de son ancienneté de 4 ans et 7 mois et de sa rémunération moyenne sur les 12 derniers mois, un montant de 4541,53 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Sur le remboursement des actions

Par courrier du 4 septembre 2009 la SA DCNS a exigé de M.[T] le paiement de la somme de 3 200,88 euros correspondant au solde de ses actions DCNS qui, jusqu'à son licenciement, s'effectuait par prélevement mensuel de 100 euros.

Il estime en avoir subi un préjudice dont il réclame réparation à hauteur de la somme de 2 000 euros.

Si en cas de départ volontaire d'un salarié celui ci est tenu de s'acquitter du règlement global des actions, l'obligation au paiement de la totalité du montant restant dû ne résulte en l'espèce que de l'existence d'un licenciement infondé.

Ainsi le préjudice découlerait de la privation pour le salarié, de la faculté de payer le solde 3 200 euros en mensualités de 100 euros.

Mais le salarié ne justifie pas du paiement du solde réclamé à plusieurs reprises par la société et encore le 4 septembre 2009, de sorte qu'il s'est octroyé les délais de paiement auxquels il aurait pû prétendre en l'absence de licenciement.

En conséquence il ne justifie d'aucun préjudice.

En revanche M.[T] reste débiteur de la somme de 3 200,88 euros au tire du solde de souscriptions d'actions DCNS afin que la procédure contractuelle de liquidation puisse être menée à son terme.

En conséquence il est fait droit à la demande reconventionnelle de la société en condamnation de M.[T] au paiement du solde de souscription des actions de 3 200,88 euros, avec intérêts à compter de la date d'échéance des mensualités qui auraient dû être suivies si le contrat s'était poursuivi.

Sur l'absence de mention du DIF

L'article L 6323-18 du code du travail dans sa version en vigueur au moment des faits imposait à l'employeur d'informer chaque salarié sur les droits dont il dispose en matière de droit individuel à la formation sauf en cas de faute lourde et grave.

Dans la mesure où en raison de la prescription des faits, celles ci n'ont pas été retenues, l'employeur ne pouvait se dispenser de son obligation d'information.

Or la lettre de licenciement ne fait pas de référence au DIF.

L'absence de mention de ces droits constitue un manquement qui cause nécessairement un préjudice au salarié.

[I] le salarié ne fixe pas le montant du préjudice dont il entend obtenir réparation.

Or, sur le fondement de l'article 4 du code de procédure civile, les prétentions des parties doivent être formulées expressément de sorte qu'à défaut d'avoir chiffré sa demande et de fournir au juge des éléments de nature à évaluer le montant, il n'a saisi celui ci d'aucune prétention.

En conséquence le salarié est débouté de sa demande en réparation de son préjudice.

Sur la prime sur objectif 2008

M.[T] expose qu'il a perçu chaque année une prime sur objectifs au mois d'avril, calculée sur les objectifs fixés pour l'année précédente; qu'il a perçu 3 588,21 euros en avril 2007 et 3 129,37 euros en avril 2008; qu'il a été licencié le 8 décembre 2008 sans percevoir sa prime d'objectifs 2008 alors que ses objectifs annuels étaient forcément atteints à cette date.

La société répond que le système de rémunération tient compte, en dehors des résultats obtenus, du respect par le salarié des valeurs de l'entreprise qu'en l'espèce il a violées; qu'en conséquence il ne peut prétendre à aucun bonus.

Elle précise qu'en revanche il a obtenu en décembre 2008 une prime dont les conditions de versement sont exclusivement liées à la performance professionnelle.

Mais le versement de la prime en décembre 2008 évoquée par l'employeur correspond à la lecture du mail de M.[O] directeur général délégué à 'un complément de bonus exceptionnel compte tenu des enjeux et des difficultés et de la réussite collective exceptionnelle des équipes...'.

Ainsi son versement qualifié de complément, se distingue du bonus lui même et ne prive pas le salarié de son droit au versement du bonus annuel prévu par son contrat de travail dont l'attribution est 'subordonnée à la réalisation des objectifs (collectifs et individuels) et dont le montant et les règles d'acquisition sont déterminés annuellement'.

L'employeur ne conteste pas que le salarié a rempli ses objectifs de résultats ainsi qu'en atteste d'ailleurs le versement du complément de bonus. Par ailleurs si les conditions d'acquisition du bonus 2007 payé en 2008 prévoyaient l'introduction d'un coefficient modérateur, la note du 12 juillet 2007 de la direction qui l'instaure, qui le soumet au respect 'des recommandations à mettre en oeuvre par un responsable identifié...' ne permet pas d'établir un lien entre le comportement reproché à M.[T] par la société et le contenu de ces recommandations.

En conséquence le salarié est fondé à obtenir paiement du bonus annuel pour l'année 2008 qui, en l'absence de production par la société d'éléments justifiant qu'il aurait dû être inférieur à celui de l'année précedéente, sera fixé à ce montant soit à la somme de 3 129,37 euros réclamée par le salarié.

Sur le remboursement des prestations chômage à POLE EMPLOI

L'article L 1235-4 du code du travail prévoit que « dans les cas prévus aux articles 1235-3 et L 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. » Le texte précise que « ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. ».

Sur la base de ces dispositions, et compte tenu du licenciement sans cause réelle et sérieuse de M.[T], il y a lieu d'ordonner à la société de rembourser à POLE EMPLOI les indemnités de chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 1 mois d'indemnités.

Sur le cours des intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, l'indemnité de licenciement sera assortie d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit le 3 février 2009, et les dommages et intérêts alloués seront assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts est de droit, dès lors qu'elle est demandée et s'opérera par année entière en vertu de l'article 1154 du code civil.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

C'est à tort que les premiers juges ont condamné M.[T] à payer à la SA DCNS la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Leur décision sera infirmée à ce titre.

La société sera condamnée en revanche à lui payer la somme de 1 500 euros pour l'ensemble de la procédure d'appel sur ce fondement et déboutée de ses prétentions à ce titre.

Partie succombante, la société sera condamnée au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement en ce qu'il condamne M.[T] à payer à la SA DCNS la somme de :

-3 200,88 euros à titre de remboursement d'actions souscrites, si ce n'est en ce que les intérêts coureront au taux légal à compter de la date d'échéance des mensualités qui auraient dû être suivies si le contrat s'était poursuivi.

INFIRME le jugement pour le surplus, statuant à nouveau et rajoutant,

CONDAMNE la SA DCNS à payer à M.[T] les sommes suivantes :

*4 541,53 euros à titre d'indemnité de licenciement,

*14 863,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

*1 486,32 euros de congés payés afférents,

*3 129,37 euros au titre de la prime sur objectif de l'année 2008,

toutes sommes avec intérêt au taux légal à compter du 3 février 2009,

*35 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L 1235 ' 3 du code du travail avec intérêt au taux légal à compter de la décision,

DEBOUTE le salarié de sa demande d'appréciation du préjudice résultant du défaut de mention du DIF,

DEBOUTE le salarié de sa demande de réparation d'un préjudice moral et d'un préjudice lié à la demande de remboursement du solde des actions,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

CONDAMNE la société à lui délivrer les documents de rupture et bulletins de salaire rectifiés sans qu'il y ait lieu à astreinte,

CONDAMNE la société au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

DIT que la capitalisation des intérêts annuels est de droit,

CONDAMNE la société aux dépens.

LA GREFFIERE Pour la PRESIDENTE EMPECHEE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 14/10982
Date de la décision : 02/09/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°14/10982 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-02;14.10982 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award