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02/09/2015 | FRANCE | N°12/12116

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 02 septembre 2015, 12/12116


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 02 Septembre 2015

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/12116 MPDL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Novembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/15679





APPELANTE

Madame [X] [K]

[Adresse 1]

[Localité 2]

née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 3]

représe

ntée par Me Catherine ROUSSELOT SANSON, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE







INTIMEE

SA DESPORT GERANCE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Jean LAFITTE, avocat au barrea...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 02 Septembre 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/12116 MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Novembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/15679

APPELANTE

Madame [X] [K]

[Adresse 1]

[Localité 2]

née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 3]

représentée par Me Catherine ROUSSELOT SANSON, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

INTIMEE

SA DESPORT GERANCE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Jean LAFITTE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mars 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine BRUNET, Conseillère, Madame Marie-Pierre DE LIEGE présidente étant empêchée et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Les faits

Mme [X] [K] a été engagée le 1er décembre 2008 , suivant contrat à durée indéterminée, par la SA DESPORT Gérance en qualité de gestionnaire locatif.

Le 16 juin 2011 Mme [X] [K] signait une rupture conventionnelle avec son employeur, qui était ensuite homologuée par la DIRECCTE.

Le 15 novembre 2011 la salariée saisissait le conseil de prud'hommes de [Localité 4] sollicitant notamment, la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle ni sérieuse, l'indemnité de préavis et de licenciement en découlant , ainsi que des dommages-intérêts pour rupture de son contrat de travail, alléguant une absence d'exécution de bonne foi du contrat de travail.

Par décision du 21 novembre 2012, ce conseil de prud'hommes, section commerce chambre 1, rappelant que c'était Mme [X] [K] qui avait demandé par écrit le 15 mars 2011 à la SA DESPORT Gérance de bénéficier d'une rupture conventionnelle à laquelle la SA DESPORT Gérance avait répondu favorablement, disait que cette rupture n'avait pas lieu d'être requalifiée en licenciement sans cause réelle ni sérieuse et déboutait la salariée de l'ensemble de ses demandes.

Mme [X] [K] a régulièrement formé le présent appel contre cette décision.

Soutenant que les faits de harcèlement dont elle a été victime caractérisaient une violence morale affectant la validité de la convention de rupture conventionnelle, elle demande à la cour de :

-ordonner la nullité de la convention,

-prononcer la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle ni sérieuse

-condamner l'employeur à lui verser :

*5946 € d'indemnité compensatrice de préavis avec congés payés de 10 % en sus,

*2160 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,

*35 673 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle demande que soit opérée une compensation entre les sommes qui lui seront allouées et l'indemnité qu'elle a perçue au titre de la rupture conventionnelle de son contrat de travail dont la requalification est sollicitée.

Elle demande également 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA DESPORT Gérance qui plaide que la rupture conventionnelle a été signée « à la demande pressante de Mme [X] [K] et sur les conseils de l'inspectrice du travail » sans que la salariée n'use de sa faculté de rétractation et la rupture ayant alors fait l'objet d'une demande d'homologation auprès de la DIRECCTE, dit que le contrat a effectivement été rompu à la date du 19 juillet 2011, la salariée ayant expressément demandé à être dispensée du préavis.

Elle demande à la cour de débouter Mme [X] [K] de son appel et de la condamner à lui payer 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'entreprise compte plus de 11 salariés.

Le salaire brut moyen mensuel de Mme [X] [K] est de 2973 €.

La convention collective de l'immobilier est applicable à la relation de travail.

Les motifs de la Cour

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la rupture du contrat de travail de Mme [X] [K]

La rupture conventionnelle entre les parties a été évoquée et signée lors d'un entretien le 16 juin 2011. En l'absence de contestation ultérieure, elle était homologuée le 19 juillet 2011. Ce jour-là il était remis à la salariée un certificat de travail, un chèque et un solde de tout compte dont il n'est pas produit de version signée (pièces 49 à 52).

Selon l'employeur l'action engagée par la salariée est abusive et découle d'une démarche préméditée, mise en 'uvre depuis le mois de février 2011 pour imposer à son employeur une rupture de son contrat de travail.

Selon la salariée, elle n'a adhéré à la rupture conventionnelle que sous la pression alors que l'employeur, depuis son retour d'arrêt maladie voulait lui imposer un changement de poste et ne respectait pas ses droits.

Selon les dispositions de l'article L 1237 ' 11 du code du travail « l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions [du code du travail ]destinées à garantir la liberté de consentement des parties »

L'existence d'un litige entre les parties n'affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture, celle-ci ne pouvant être imposée par l'une ou l'autre des parties, le consentement de chacune devant être libre et non équivoque.

Il relève toutefois du pouvoir souverain du juge du fond d'apprécier les circonstances dans lesquelles la rupture a été convenue et d'en déduire si le consentement du salarié était libre et éclairé ou au contraire résultait de menaces ou de pression de la part de l'employeur.

En dépit des affirmations de l'employeur aucun élément n'est produit étayant le fait que l'initiative de la rupture conventionnelle aurait appartenu à la salariée qui l'aurait réclamée pendant plusieurs mois.

En réalité, outre le document de rupture conventionnelle datée du 19 juillet, le seul document produit au dossier signé par la salariée concernant cette rupture conventionnelle est un courrier remis en main propre, daté du 16 juin 2011 dans lequel Mme [X] [K] écrit « je vous adresse ce courrier afin de solliciter, suite à la signature ce jour de la rupture conventionnelle de mon contrat de travail, de ne pas effectuer le préavis du délai de rétractation' »

En revanche, le solde de tout compte produit par chacune des parties n'est pas signé, ce qui, en soi, suffit à attester d'un certain désaccord.

Des courriers échangés entre Mme [X] [K] la SA DESPORT Gérance à compter du 2 février 2011, résultent les éléments suivants :

La lettre de la salariée datée du 2 février 2011 et la réponse de son employeur datée du 3 février font apparaître, que lors de son retour après un arrêt de travail de deux mois et demi consécutifs à une opération, et alors qu'aucune visite préalable de reprise n'avait été organisée par l'employeur, la salariée qui occupait depuis son embauche une fonction de gestionnaire locatif avec un portefeuille de logements qui lui était attribué, fonction pour laquelle elle disposait de l'aide d'une assistante, s'est vue demander par son employeur de changer de bureau au motif qu' elle aurait dorénavant en charge un poste de chargé du suivi des travaux « en assistance avec une autre salariée », ce qui d'ailleurs ne signifie pas que cet autre salarié était l'assistante de Mme [X] [K] .

La salariée manifestant son étonnement de se voir imposer une modification alors que son poste initial était toujours existant et occupé par une personne embauchée en contrat à durée déterminée pendant son arrêt maladie, refusait ces changements et, son employeur l'ayant mise à pied, prenait la décision elle-même de se rendre auprès des services de la médecine du travail qui la déclarait inapte.

Ces circonstances n'étant pas contestées par l'employeur, celui-ci indique dans le courrier du 3 février 2011, qu'il a interprété l'attitude de Mme [X] [K] comme une «insubordination caractérisée » et lui a notifié immédiatement une mise à pied conservatoire lui demandant de rejoindre son domicile et de se rendre à une visite de reprise auprès de la médecine du travail.

Dans un courrier en réponse à son employeur du 7 février 2011 la salariée disant qu'elle n'avait nullement refusé d'occuper son poste, antérieur à son arrêt de travail, disait la mise à pied injustifiée et rappelait avoir toujours effectué son travail avec sérieux et diligence, réitérant « son souhait de pouvoir reprendre ses fonctions de gestionnaire locative en charge d'un portefeuille déterminé avec le concours d'une assistante ».

Le 11 février l'employeur répondait que « le service de gérance fait l'objet d'une restructuration et l'ensemble des tâches à accomplir est désormais réparti entre cinq gestionnaires et non plus quatre comme au printemps 2010. Trois gestionnaires assureront la gestion locative et deux seront chargés de gérer plus spécifiquement certains aspects de la gestion locative tels que les travaux et interventions techniques. » Il poursuivait « en conséquence nous vous avons informée de votre affectation au poste de gestionnaire locatif chargé des travaux, fonction que nous vous demandons d'exercer dans les mêmes conditions que Madame [J] A et en collaboration avec elle. Nous ne doutons pas que vous disposez des compétences nécessaires pour exercer de telles fonctions qui correspondent à votre qualification de gestionnaire locatif étant précisé que votre contrat de travail, votre qualification, votre coefficient hiérarchique et votre salaire restent inchangés. Quant à vos conditions de travail, elles restent les mêmes sauf à occuper un bureau différent situé au même étage. Nous réfutons formellement votre affirmation selon laquelle vous seriez victime d'une sanction, et attirons votre attention sur le fait que vous n'êtes pas seule concernée par cette restructuration, qui impacte tous vos collègues et que vos nouvelles fonctions sont identiques à celles d'une autre salariée. Nous réfutons également les termes de votre courrier du 7 février concernant le déroulement de la matinée du 2 février puisque c'est bien votre refus catégorique de vous asseoir à votre bureau qui nous a conduit à vous notifier une mise à pied conservatoire' nous prenons acte de votre intention de vous rendre à la visite de reprise du 11 février à 9h30 et de vous présenter à votre poste à la suite de cette visite ; nous vous invitons fermement à accepter de prendre vos fonctions au poste de gestionnaire locatif chargé des travaux ».

Dans un courrier en réponse du 15 février 2011 et alors que la salariée se trouvait en réalité encore en arrêt de travail, elle indiquait à son employeur « si je comprends parfaitement que pendant mon absence vous ayez mis en place une restructuration du service gérance, en répartissant l'ensemble des tâches à accomplir entre cinq gestionnaires et non plus quatre comme au printemps, je ne m'explique pas que vous ayez fait le choix de me demander d'assumer le poste de gestionnaire locatif chargé des travaux alors que cette fonction aurait parfaitement pu être occupée par la personne qui m'a remplacée pendant mon absence »; la salariée y soulignait qu'elle travaillait jusqu'alors avec l'aide d'une assistante, mais elle s'en trouvait privée dans le cadre de la nouvelle organisation mise en place.

Le 2 mars 2011 la salariée adressait un nouvel arrêt de travail à son employeur affirmant que l'accueil qui lui avait été réservé à son retour d'hospitalisation avait affecté son état de santé et son moral, indiquant « suite à tout cela, élevant seule mes deux enfants, je tiens à vous informer que je rencontre de sérieuses difficultés morales et financières ».

En réponse le 4 mars l'employeur contestait toute responsabilité dans l'inaptitude temporaire prolongée de la salariée affirmant l'avoir « accueilli tout à fait normalement », prétendant, sans apporter à cet égard le moindre élément de preuve, qu'en octobre 2010 elle avait fait part à Monsieur J mais aussi à d'autres membres du personnel de son intention de quitter la SA DESPORT Gérance, ajoutant avoir reçu le 24 février un appel de Maitre RS, avocat de Mme [X] [K] qui « désirait négocier les conditions financières de son départ ».

Le 9 mars 2011, l'avocate de Mme [X] [K] adressait un courrier à l'employeur affirmant que celui-ci dénaturait son propos pour ne relater qu'une partie de la conversation. Elle indiquait qu'ayant fait part de l'état de fragilité dans laquelle les conditions de son retour avaient placé Mme [X] [K], elle avait indiqué à l'employeur que son premier propos était de pouvoir retrouver son emploi initial, précisant que le refus de la SA DESPORT Gérance d'aller dans ce sens ne pouvait être compris que comme caractérisant une volonté de se séparer de Mme [X] [K] et invoquant dans cette hypothèse une possible rupture conventionnelle du contrat de travail dans des conditions permettant à la salariée de se retourner pour trouver un emploi satisfaisant.

Le 18 mars la SA DESPORT Gérance répondait pour dire qu'elle n'avait pas la même analyse de cette conversation ; qu'elle avait indiqué qu'elle ne souhaitait absolument pas le départ de Mme [X] [K] et était au contraire très « étonnée du caractère artificiel de sa contestation concernant une prétendue modification de son contrat de travail alors même qu'elle n'a aucunement repris ses fonctions ». Elle ajoutait « nous avons compris de vos propos que vous la confortiez dans cette tentative de forcer la rupture du contrat de travail avec l'espoir d'obtenir un avantage financier et une prise en charge par l'assurance chômage. C'est vous en effet qui très rapidement avez évoqué la possibilité d'un licenciement ou d'une rupture conventionnelle que nous ne souhaitons pas ».

Entre-temps, le 15 mars Mme [X] [K] disant que la situation lui était très difficile à vivre psychologiquement alors que financièrement elle avait des soucis ajoutant « je sais que je ne vais pas m'en sortir et que je ne retrouverai pas mon poste d'avant mon hospitalisation », demandait à son employeur d'établir une rupture conventionnelle favorable pour les deux parties.

Finalement, la salariée reprenait son travail le 31 mars se voyant affecter par l'employeur au poste de gestionnaire travaux. Le 13 avril elle écrivait à son employeur, pour se plaindre de conditions matérielles dans lesquelles elle devait désormais travailler (petit bureau face à un mur, partagé avec une collègue, où étaient entreposées des boîtes d'archives et des dossiers partout, où il était difficile compte tenu du téléphone d'avoir une conversation avec un client). Une copie de ce courrier était adressée à l'inspection du travail qui le 18 avril rappelant l'employeur à ses obligations de sécurité et de protection de la santé mentale de l'employée, lui demandait de lui faire part de ses observations et intentions et d'indiquer les mesures qu'il avait prises pour remédier à cette situation, dénoncée comme étant source de souffrance au travail par l'employée.

Le 27 avril la SA DESPORT Gérance informait la salariée et l'inspection du travail de ce que le siège et le téléphone de l'intéressée avaient déjà été remplacés confirmant « malheureusement les locaux de la SA DESPORT Gérance ne permettent pas de vous affecter un bureau isolé ».

Le16 mai l'inspection sollicitait de l'employeur un ensemble de documents, qui pour l'essentiel lui était adressé le 1er juin.

Entre-temps le 18 mai, le directeur général de l'entreprise, en présence du délégué du personnel, dans le cadre d'une « enquête » interne entendait 14 salariés de la SA DESPORT Gérance sur les conditions de travail de Mme [X] [K], l'attitude de la direction à son égard, l'attitude et le comportement de celle-ci.

Selon le compte rendu de l'entretien qui a été dressé par le délégué du personnel, les salariés ont en général estimé que les conditions de travail de Mme [X] [K] étaient jugées normales mais qu'elle opposait mutisme, isolement et mécontentement, à propos de son changement de poste, se renfermant sur elle-même. Pour autant, la cour considère que les conditions dans lesquelles a été menée cette enquête limitent de manière importante la valeur probante des dires des salariés qui n'ont par ailleurs pas fait l'objet de témoignages en bonne et due forme.

L'employeur affirme ensuite dans ses conclusions, sans qu'aucun élément précis ne soit rapporté à cet égard, que « lors d'un entretien avec l'inspection du travail, la direction de la SA DESPORT Gérance s'était vue conseiller de faire droit à la demande de rupture conventionnelle pour tenir compte de la détermination absolue de Mme [X] [K] de quitter la SA DESPORT Gérance sans pour autant vouloir démissionner ».

Cet entretien était donc fixé au 15 juin 2011 et débouchait sur la « rupture conventionnelle du contrat de travail » sus mentionnée, contestée dans le cadre de la présente instance.

La cour rappellera tout d'abord qu'avant l'arrêt maladie de la salariée, aucune difficulté n'a manifestement marqué l'exécution de la relation de travail, la compétence professionnelle de Mme [X] [K] étant d'ailleurs confirmée par l'employeur notamment dans ses lettres des 11 février et 18 mars 2011.

Or, au vu des éléments ci-dessus rapportés, il ressort tout d'abord que rien n'établit que la salariée ait envisagé avant son arrêt maladie, ni réclamé de manière réitérée depuis son retour d'arrêt maladie une rupture conventionnelle de son contrat de travail, l'avocat expliquant dans son courrier du 9 mars 2011 que ce n'était que compte tenu du refus de l'employeur de prendre en compte la demande de la salariée en dépit de l'état de fragilité de celle-ci, qu'elle avait évoqué une possible rupture conventionnelle de la relation de travail, lors d'un échange téléphonique le 24 février. Un tel projet, qui s'apparente davantage à une « porte de secours », ne peut être qualifié de projet de rupture conventionnelle librement consenti.

Il ressort en effet des éléments produits en procédure et des débats :

-D'une part que le changement de poste n'a manifestement à aucun moment été discuté avec la salariée avant le début février 2011, date à laquelle elle devait reprendre son emploi, ni même qu'elle en ait été informée par l'employeur, ce qui en soi n'est pas révélateur d'une exécution de bonne foi du contrat de travail.

-D'autre part, que lors de son retour le 2 février 2011 la salariée s'est trouvée placée brutalement devant le « fait accompli », l'employeur tentant de lui imposer en force un nouveau bureau et de nouvelles fonctions, et décidant le jour même une mise à pied à titre conservatoire compte tenu des protestations de Mme [X] [K] .

-par ailleurs, force est de relever, que l'employeur n'explique en rien les raisons pour lesquelles il a choisi d'affecter Mme [X] [K] sur un autre poste que le sien qu'elle souhaitait conserver, poste qui continuait d'exister et n'avait été confié que provisoirement à un autre salarié engagé sous forme de CDD, alors que rien ne dit que ce salarié, si l'employeur voulait le conserver, ne pouvait pas être affecté sur le poste de gestionnaire locatif travaux.

Au contraire, l'employeur a opposé dès le 2 février et jusqu'au jour de l'entretien du 16 juin ayant débouché sur une « rupture conventionnelle », un refus catégorique de permettre à Mme [X] [K] de reprendre ses fonctions antérieures, bien que son poste reste disponible et ce sans invoquer un quelconque intérêt particulier pour l'entreprise de procéder à un tel changement. Une telle attitude s'analyse comme un abus de pouvoir de direction.

Enfin, la rupture conventionnelle contrairement aux affirmations de la SA DESPORT Gérance n'a donc pas été acceptée « suite à la demande insistante de la salariée (mais bien) sur les conseils de l'inspection du travail  »(conclusions), compte tenu de la situation créée et de la fragilité de la santé de la salariée, constatée par cette inspection du travail.

En conséquence de ces éléments, la cour, sans qu'il soit nécessaire de qualifier ces circonstances de harcèlement, dira que les conditions dans lesquelles est intervenue cette rupture conventionnelle du contrat de travail ne permettent pas de considérer que le consentement de Mme [X] [K] était libre, non équivoque et éclairé.

De manière évidente cette rupture du 16 mars était la conséquence de « l'impasse » dans laquelle se trouvait la salariée depuis le début février 2011, face à un employeur qui refusait manifestement tout dialogue sur le souhait exprimé par Mme [X] [K] de retrouver son poste d'origine, exerçant ainsi des pressions sur la salariée sans pour autant expliquer et justifier dans l'intérêt de l'entreprise la mutation qui lui était imposée.

Cette rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme [X] [K] obtenue dans de telles circonstances qui contredisent l'exigence de consentement libre et non équivoque, emporte donc les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Sur le versement des indemnités découlant de la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle ni sérieuse

La requalification en licenciement sans cause réelle ni sérieuse ouvre droit pour la salariée aux indemnités suivantes, pour les montants qui seront fixés par la cour comme suit:

-indemnité compensatrice de préavis : la somme de 5946 € correspondant à deux mois de salaire, à laquelle sera ajouté 594 € de congés payés afférents,

-indemnité conventionnelle de licenciement: 2160 €.

Ces sommes qui ne sont pas discutées par l'employeur, sont justifiées au regard des dispositions légales et conventionnelles applicables.

-indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse: la somme de 35 673 € sollicitée par la salariée est équivalente à 12 mois de salaire. La cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, de l'ancienneté dans son emploi de la salariée, inférieure à trois années, de son âge lors du licenciement, du fait qu'elle n'a retrouvé un emploi qu'une année après son licenciement et du préjudice qu'elle a en conséquence subi à la suite de celui-ci, la cour fixera à 25 000 € la somme due en application de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Sur les dépens et la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du CPC

La société qui succombe supportera la charge des dépens .

La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par Mme [X] [K] la totalité des frais de procédure qu'elle a été contrainte d'exposer. Il sera donc alloué, en application de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 2500 euros, à ce titre, pour l'ensemble de la procédure .

Décision de la Cour

En conséquence, la Cour,

INFIRME la décision du Conseil de prud'hommes et statuant à nouveau et y ajoutant :

REQUALIFIE en licenciement sans cause réelle ni sérieuse la rupture du contrat de travail de Mme [X] [K].

CONDAMNE la SA DESPORT Gérance à payer à celle-ci les sommes suivantes :

- 25 000 € à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en application de l'article L 1235-3 du code du travail,

somme avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

-5946 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 594 € de congés payés afférents,

-2160 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes,

DIT qu'il y aura compensation entre ces sommes et la somme perçue par la salariée dans le cadre de la rupture conventionnelle.

DÉBOUTE les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires.

CONDAMNE la SA DESPORT Gérance à régler à Mme [X] [K] la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.

CONDAMNE la SA DESPORT Gérance aux entiers dépens de l'instance.

LA GREFFIERE POUR LA PRESIDENTE EMPECHEE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 12/12116
Date de la décision : 02/09/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°12/12116 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-02;12.12116 ?
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