Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRÊT DU 03 JUILLET 2015
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/05094
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Février 2015 -Tribunal d'Instance de [Localité 3] - RG n° 1113000876
APPELANTS
Monsieur [Q] [J]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Madame [L] [I] épouse [J]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentés et assistés de Me Frédéric GUERREAU de la SCP BOUAZIZ - GUERREAU - SERRA - AYALA, avocat au barreau de MELUN
INTIMES
Madame [O] [E] veuve [Z]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Monsieur [R] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Assistés de Me PAPPAS Jérome, de la SELARL CABOUCHE GABRIELLI MARQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0531
PARTIES INTERVENANTES :
Monsieur [Q] [J]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Madame [L] [I] épouse [J]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP SCP NABOUDET - HATET, à la Cour, toque : L0046
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Frédéric CHARLON, président
Madame Evelyne LOUYS, conseillère
Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, conseillère
Qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Patricia PUPIER
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Frédéric CHARLON, président et par Mme Patricia PUPIER, greffier.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 11 octobre 2000, la SCI B de M, représentée par son mandataire M. [R] [Z], a donné à bail à Mme [L] [I] épouse [J] et la SARL TRIGGER des locaux dépendant d'un immeuble sis [Adresse 4].
Par acte du 18 décembre 2001, l'immeuble a été cédé par la SCI B de M à M. [F] [Z] et à son épouse Mme [O] [Z] née [E] qui, le 22 décembre 2011, ont fait donation de la nue-propriété du bien à leurs enfants, Mme [Y] [Z] et MM. [C] et [R] [Z].
M. [F] [Z] est ensuite décédé, laissant pour seule usufruitière du bien donné à bail Mme [O] [E] veuve [Z].
Par acte 23 octobre 2013, M. [Q] [J] et Mme [L] [I] épouse [J] ont assigné Mme [O] [E] veuve [Z] et M. [R] [Z] devant le tribunal d'instance de Fontainebleau afin de condamner Mme [E], usufruitière de l'immeuble et bailleresse, à leur délivrer les quittances de loyers rectifiées, libellées à leurs deux noms à compter du mois de février 2001, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de huitaine à compter de la signification du jugement à intervenir, condamner Mme [E] à leur payer 1 500 euros au titre du préjudice moral subi et 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déclarer le jugement commun et opposable à M. [R] [Z].
Mme [O] [E] veuve [Z] et M. [R] [Z] ont soulevé l'incompétence matérielle du tribunal d'instance de Fontainebleau au profit du tribunal de grande instance de Fontainebleau.
Par jugement contradictoire du 20 février 2015, le tribunal d'instance de Fontainebleau :
- s'est déclaré être incompétent pour connaître du présent litige,
- a désigné le tribunal de grande instance de Fontainebleau comme juridiction compétente pour en connaître,
- a dit que, à défaut de contredit dans le délai légal, le dossier de l'affaire sera transmis à la juridiction compétente par le greffe du tribunal d'instance, avec copie de la présente décision de renvoi,
- a rappelé que dès réception du dossier, les parties seront invitées par le greffe de la juridiction désignée à poursuivre l'instance et s'il y a lieu, à constituer avocat,
- a réservé les demandes des parties.
M. [Q] [J] et Mme [L] [I] épouse [J] ont formé contredit le 6 mars 2015.
Dans leur contredit, complété par des écritures du 4 juin 2015, reprises oralement à l'audience, M. [J] et Mme [I] épouse [J] demandent à la Cour de :
- dire que le tribunal d'instance de Fontainebleau est compétent pour se prononcer sur les demandes formées par eux suivant assignation en date du 23 octobre 2013 et conclusions récapitulatives et additionnelles subséquentes contre Mme [E] et M. [R] [Z],
- infirmer en conséquence le jugement en date du 20 février 2015 par lequel le tribunal s'est déclaré incompétent pour en connaître,
- les déclarer recevables et bien fondés en leur contredit de compétence,
- et y faisant droit, renvoyer l'affaire devant le tribunal d'instance de Fontainebleau pour qu'il statue sur la demande conformément à la loi,
- condamner solidairement Mme [E] et M. [Z] au remboursement au profit des époux [J] des frais du contredit.
Ils font valoir que le bail dont s'agit n'est pas un bail commercial mais initialement un bail d'habitation, et accessoirement un bail professionnel ; qu'un tel bail est exclu de la compétence du tribunal de grande instance et relève de la compétence du tribunal d'instance, le caractère d'habitation l'emportant.
Par écritures reprises oralement à l'audience, signifiées le 17 avril 2015 et déposées le 26 avril 2015, Mme [E] veuve [Z] et M. [R] [Z] demandent à la Cour de :
- rejeter le contredit de compétence de M. et Mme [J],
- débouter M. et Mme [J] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal d'instance de Fontainebleau en date du 20 février 2015,
- renvoyer en tant que de besoin l'affaire devant le tribunal de grande instance de Fontainebleau pour qu'il statue conformément à la loi,
- condamner solidairement Mme [V] et M. [J] à payer à Mme [E] veuve [Z] et à M. [R] [Z] une somme de 3 500 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement Mme [V] et M. [J] aux entiers dépens et frais du contredit.
Ils répliquent que le tribunal d'instance n'est compétent que pour les seuls locaux d'habitation et non pour les baux mixtes à usage commercial et d'habitation ; que pour les baux mixtes à usage professionnel et d'habitation, comme en l'espèce, le tribunal de grande instance a une compétence exclusive ;
Qu'il résulte des termes du bail conclu que les locaux loués ne sont pas à usage d'habitation principale et n'ont pas été loués pour cet usage ; qu'aucune novation ne peut être admise en dehors des cas de l'article 1271 du code civil et sans accord de toutes les parties résultant d'actes positifs non équivoques.
SUR CE, LA COUR
Sur la recevabilité :
Considérant que le contredit, élevé dans les conditions de forme et de délais prévues par l'article 82 du code de procédure civile, est recevable ;
Sur la compétence :
Considérant que selon l'article R. 221-8 du code de l'organisation judiciaire, sous réserve de la compétence de la juridiction de proximité en matière de dépôt de garantie prévue à l'article R. 231-4, le tribunal d'instance connaît des actions dont un contrat de louage d'immeubles à usage d'habitation ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion, ainsi que des actions relatives à l'application de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement ;
Que l'article R. 211-4 du même code, dans sa rédaction issue du décret n°20098-1693 du 29 décembre 2009, non modifiée sur ce point par le décret n°2012-1515 du 28 décembre 2012, le tribunal de grande instance a compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et règlements, au nombre desquelles figurent les matières suivantes :
11° Baux commerciaux à l'exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, baux professionnels et conventions d'occupation précaire en matière commerciale ;
Que comme l'a justement retenu le tribunal d'instance, il s'évince de la lecture de ces textes que le tribunal de grande instance est la seule juridiction compétente pour connaître des litiges relatifs aux baux à double usage, dits « mixtes », commercial et d'habitation, mais aussi professionnel et d'habitation, peu important la part respective de l'usage, commercial ou professionnel d'une part, d'habitation d'autre part ;
Que le caractère d'une location résulte de l'affectation que lui ont donnée les parties dans le contrat et que la novation ne se présume point ; il faut, selon l'article 1273 du code civil, que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte ;
Considérant que le bail litigieux du 11 octobre 2000 mentionne qu'il est à usage « professionnel et habitation » ;
Qu'il relève ainsi de la compétence exclusive du tribunal de grande instance, nonobstant la mention de son assujettissement aux dispositions de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 ;
Que les consorts [J] ne démontrent par aucune pièce la volonté expresse et non équivoque des parties de nover l'usage du bail, tel que convenu, preuve qui ne résulte pas du fait que le bailleur leur aurait facilité l'habitation à titre principal de la maison louée, ou que Mme veuve [Z] aurait reconnu que M. [Q] [J] était co-titulaire du bail, que les quittances de loyer ont été établies au nom de M. et Mme [J], que la société TRIGGER aurait disparu, que l'immeuble dont il s'agit constituerait leur résidence principale, où ils vivent avec leur fille [U] [J] et leur petit-fils [T] ;
Que l'ensemble de ces éléments n'exclut pas le caractère professionnel du bail, en sus de son caractère d'habitation, et ne prouve en aucune façon la manifestation univoque de la volonté du bailleur de consentir à conférer au bail un usage exclusif d'habitation, alors, notamment, que le 29 décembre 2013, Mme [L] [V], en qualité de « Responsable gestion », écrivait encore au service des impôts des entreprises (SIE) de [Localité 3] sous l'entête « JP Marca-Consulting Archipel Conseil 8, [Adresse 5] », soit l'adresse des lieux loués, ce qui corrobore l'exercice par le locataire d'une activité professionnelle d'ingénieur conseil dans ces lieux ;
Qu'en conséquence, le contredit est mal fondé et sera rejeté ;
Qu'il n'y a lieu à évocation ;
PAR CES MOTIFS
Déclare le contredit recevable,
Le rejette,
Condamne in solidum M. [Q] [J] et Mme [L] [I] épouse [J] à payer à Mme [O] [E] veuve [Z] et M. [R] [Z] la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [Q] [J] et Mme [L] [I] épouse [J] aux frais du contredit sur le fondement de l'article 88 du code de procédure civile.
Le Greffier,
Le Président,