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03/07/2015 | FRANCE | N°13/10759

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 03 juillet 2015, 13/10759


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 11



ARRET DU 03 JUILLET 2015



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/10759



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Avril 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 201103079





APPELANTES



SAS HERVE HUBERT, immatriculée au RCS de Paris sous le N° 508 559 309, représentée par son Présiden

t, EUZEBE PARTICIPATIONS, S.C. ayant son siège [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 03 JUILLET 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/10759

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Avril 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 201103079

APPELANTES

SAS HERVE HUBERT, immatriculée au RCS de Paris sous le N° 508 559 309, représentée par son Président, EUZEBE PARTICIPATIONS, S.C. ayant son siège [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Représentée par Me Gabrielle ODINOT de la SELARL ODINOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0271

SAS EUZEBE PARTICIPATIONS, immatriculée au RCS de Paris sous le N°499197275, agissant en la personne de son président domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Représentée par Me Gabrielle ODINOT de la SELARL ODINOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0271

INTIMEE

SAS FREMANTLEMEDIA FRANCE, immatriculée au RCS de Paris sous le N°404102402, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

Représentée par Me Olivier LOIZON de l'AARPI SCEMLA LOIZON VEVERKA & de FONTMICHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0564

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Mai 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, Président de chambre, chargée du rapport

Monsieur Paul André RICHARD, Conseiller hors classe

Madame Marie-Annick PRIGENT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Paul-André RICHARD, Conseiller Hors Hiérarchie, aux lieu et place de Madame Janick TOUZERY-CHAMPION, Président, empêché, et par Madame Patricia DARDAS, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Le 25 février 2009, la société par actions simplifiée Fremantlemedia France (dite par abréviation Fremantle) et la société par actions simplifiée Hervé Hubert ont signé un 'accord cadre relatif aux formats de jeu pour le groupe TF1', aux termes duquel elles se sont accordées une exclusivité réciproque portant sur le droit de présenter, pitcher, vendre et produire uniquement pour le groupe TF1 en France, l'ensemble des formats de jeux :

- dont ils détiennent respectivement ou auront acquis les droits auprès de tiers leur permettant leur adaptation audiovisuelle en France,

- qu'ils seraient amenées à créer ou acquérir conjointement à cette fin pendant la durée de l'accord allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.

Le 23 décembre 2009, en application de cet accord cadre, ces deux sociétés ont signé un contrat de coproduction portant sur une émission intitulée 'Le juste prix'.

Par lettre du 30 novembre 2010, la société Fremantle a informé la société Hervé Hubert de son intention de mettre fin à leur accord le 31 décembre suivant ; cette dernière a contesté par lettre du 7 décembre 2010 cette décision, en soutenant que les conditions de prolongation de l'accord visées à l'article 8 du contrat du 25 février 2009 étaient réunies.

Après la décision de la Cour d'appel de Paris du 25 novembre 2011, confirmant une ordonnance de référé rendue le 19 janvier 2011 par le juge du Tribunal de commerce de Paris par laquelle il a été constaté que l'accord cadre régularisé le 25 février 2009 a été renouvelé au 1er janvier 2011 pour une durée d'une année jusqu'au 31 décembre 2011, la société Fremantle a averti par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 novembre 2011 la société Hervé Hubert que l'accord-cadre viendrait à son terme le 31 décembre 2011, terme qui a été, une nouvelle fois, contesté par cette dernière ; elle a fait

assigner la société Fremantle devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris pour obtenir la désignation d'un expert judiciaire afin d'établir les comptes de production et le paiement d'une provision mais a été déboutée de toutes ses demandes.

Le 21 juin 2012 la société Hervé Hubert a, à son tour, notifié la rupture de l'accord à effet immédiat aux torts de la société Fremantle.

Par acte du 8 avril 2011, cette dernière a fait assigner la société Hervé Hubert devant le Tribunal de commerce de PARIS, qui par jugement du 16 avril 2013 a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- dit recevable l'intervention de la Sas Euzebe Participations en qualité d'associé unique de la société Hervé Hubert ,

-dit que l'accord-cadre relatif aux formats de jeux du 25 février 2009 pour le Groupe TF 1 a été automatiquement reconduit pour une durée d'un an au 1er janvier 2011, puis au 1er janvier 2012,

- dit que la société Hervé Hubert a valablement résilié l'accord-cadre relatif aux formats de jeux du 25 février 2009 pour le Groupe TF1 à effet du 21 juin 2012 aux torts de la société Fremantlémedia France,

- condamné la société Fremantlémedia France à verser à la société Hervé Hubert la somme de 140.000€ à titre de dommages et intérêts et la somme de 50.000€en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions signifiées le 16 avril 2015 les sociétés Hervé Hubert et Euzebe Participations, appelantes, sollicitent :

- la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a débouté la société Fremantlémedia France, de ses demandes tendant à voir constater le non renouvellement de l'accord-cadre d'abord au 31 décembre 2010, puis au 31 décembre 2011, en ce qu'il a constaté que l'accord-cadre n'est pas un accord perpétuel et a débouté la société Fremantlémedia France de sa demande en résiliation de l'accord à ses torts exclusifs ainsi que de sa demande de communication de l'accord d'exclusivité conclu le 10 juin 2010 entre la société TF1 et le groupe Endemol, en ce qu'il a constaté qu'elle a valablement résilié l'accord cadre du 25 février 2009 à effet du 21 juin 2012 aux torts et griefs de la société Fremantlémedia France, en ce qu'il a condamné cette dernière à lui verser la somme de 140.000€ à titre de dommages et intérêts et celle de 50.000€ en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'infirmation du surplus,

- la condamnation de la société Fremantlémedia France à lui réparer le préjudice inhérent au dol affectant le contrat d'application realtif à l'émission 'Le Juste Prix' d'un montant de 9.056€ par émission diffusée depuis juillet 2009 et aussi longtemps que cette émission restera à l'antenne,

- la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 24.715.959€ à titre de dommages et intérêts au titre de l'appropriation de son fonds de commerce, outre la somme de 250.000€en réparation de son préjudice moral et d'image,

- à titre subsidiaire,

la désignation d'un expert avec pour mission d'évaluer alternativement la valeur du fonds de commerce dont la société Hervé Hubert a été spoliée et le préjudice inhérent à la perte d'exploitation et aux gains dont cette dernière a été privée en raison du comportement dolosif de la société intimée,

dans cette hypothèse la condamnation de la société Fremantlémedia France à lui verser une somme provisionnelle de 10.000€ dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert,

Sur la demande de la société Euzebe Participations :

la condamnation de la société Fremantlémedia France à lui payer la somme de 18.871.991€ au titre d'une perte de chance de réaliser une plus value sur ces titres et du manque à gagner résultant de l'impossibilité de percevoir des dividendes après le terme de l'accord d'exclusivité,

subsidiairement l'organisation d'une mesure d'expertise pour chiffrer son préjudice,

Sur la demande de la société Fremantlémedia France :

le rejet de toutes les prétentions de cette dernière,

l'irrecevabilité de la demande de condamnation de la société Fremantlémedia France à son égard à verser la somme de 37.647,12€ représentant sa quote-part des résultats d'exploitation de l'émission 'Pouch Le Bouton', s'agissant d'une demande nouvelle en cause d'appel,

la confirmation de la condamnation de la société Fremantlémedia France à lui verser la somme de 50.000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'une condamnation supplémentaire à lui régler la somme de 30.000€ sur le même fondement.

Suivant écritures signifiées le 15 avril 2015, la société Fremantlémedia France, intimée formant appel incident :

- à titre principal, estime qu'elle avait le droit de ne pas renouveler l'accord -cadre au delà du 31 décembre 2010,

- à titre subsidiaire,

dans l'hypothèse où la Cour considèrerait que l'accord-cadre a été renouvelé pour une année au delà du 31 décembre 2010, fait valoir que l'émission 'Pouch Le Boutton' est un divertissement,

en conséquence argue que la vente de l'émission Pouch Le Bouton n'a pas entraîné le renouvellement de l'accord-cadre au delà du 31 décembre 2011 et ne constitue pas une violation de l'exclusivité contractuelle,

-à titre très subsidiaire,

dans l'hypothèse où la Cour devait décider que l'accord-cadre a été renouvelé pour une année au delà du 31 décembre 2010, puis pour une nouvelle année au delà du 31 décembre 2011, allègue que l'accord cadre présente un caractère perpétuel en sorte qu'elle pouvait valablement y mettre fin,

-en conséquence et dans tous les cas,

souhaite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 140.000€ au titre d'une violation d'exclusivité et la somme de 50.000€ en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

réclame le rejet des prétentions des appelantes,

- à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour rejetterait tous ses arguments,

estime que la production de l'émission Pouch Le Bouton a généré une perte d'un montant de 75.294,24€,

demande l'infirmation du jugement entrepris, en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 140.000€ eu titre des résultats d'exploitation de cette émission,

exige la condamnation de la société Hervé Hubert à lui payer une somme de 37.647,12€ représentant sa quote-part des résultats d'exploitation de cette émission,

-en tout état de cause,

soutient que les demandes en dommages et intérêts formées par les sociétés appelantes ne sont pas fondées,

sollicite le rejet de toutes leurs prétentions et leur condamnation in solidum à lui régler la somme de 100.000€sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société Hervé Hubert reproche, en premier lieu, à la société Fremantle d'avoir abusivement mis un terme à l'accord cadre du 25 février 2009, alors que cette dernière estime, à titre principal, qu'elle avait le droit de ne pas renouveler l'accord cadre au-delà du 31 décembre 2010, dès lors que, selon elle, les conditions de renouvellement automatique n'étaient pas remplies à l'issue de la période initiale.

L'article 8 de ce contrat relatif à la 'Durée et conditions de renouvellement' est ainsi libellé :

'Le présent accord cadre est conclu rétroactivement à compter du 1er janvier 2009 et se poursuivra jusqu'au 31 décembre 2010 (durée initiale).

Il prendra fin automatiquement le 31 décembre 2010 si aucune commande d'un programme basé sur un format objet des présentes n'a été obtenue de TF1.

Il sera ensuite renouvelé automatiquement chaque fois pour une durée d'un an sous réserve que :

soit un nouveau format ait été vendu sur la période des 12 mois précédents,

soit le Diffuseur a renouvelé sa commande sur un programme au cours des 12 derniers mois et qu'un nouveau format a été vendu lors des précédents 36 mois'.

Il ressort de la simple lecture de cette clause que le contrat est en principe conclu pour une durée initiale de deux années s'achevant le 31 décembre 2010, mais que deux clauses très spécifiques y ont été ajoutées, l'une d'extinction automatique, si aucune commande d'un programme basée sur un format n'a été obtenu de TF1, l'autre de renouvellement automatique si un nouveau format a été vendu au cours des 12 mois précédents ou si le diffuseur a renouvelé sa commande et qu'un nouveau format a été vendu lors des précédents 36 mois.

En conséquence, au 31 décembre 2010, les parties ne sont pas libres de décider de ne pas renouveler le contrat, puisqu'elles doivent alors déterminer si, d'abord, la clause d'extinction automatique a pu jouer, ensuite, si la clause de renouvellement automatique a pu être mise en oeuvre, sans que soit expressément précisé le moment où il convient de se placer pour examiner chacune des hypothèses d'extinction ou de renouvellement automatique.

Toutefois, aucune des parties ne conteste que pour apprécier les effets de la clause d'extinction automatique, il convient de se placer au 31 décembre 2010.

A juste titre, la société Hervé Hubert soutient que le contrat n'a pas pu prendre fin automatiquement à cette date, puisque avant le 31 décembre 2010, fin de la durée initiale, TF1 a fait une première commande le 16 septembre 2009 avec effet rétroactif au 31 juillet 2009 d'un format, à savoir le 'Juste Prix' portant sur 24 émissions, puis une seconde commande afférente à 40, puis 16 émissions supplémentaires avant de signer le 14 septembre 2010 un contrat d'achat de droits pour deux saisons en 2011 et 2012 avec option pour une troisième saison en 2013. Pour sa part, la société Fremantle reconnaît en page 24 de ses conclusions que cette clause d'extinction automatique n'a pas pu jouer, puisque TF1 avait avant le 31 décembre 2010 commandé des émissions issues du format le 'Juste Prix'.

En revanche les parties s'opposent sur la date à laquelle les effets de la clause de renouvellement automatique doit s'apprécier, soit à la fin de la période initiale au 31 décembre 2010, soit à l'issue de la première période de renouvellement au 31 décembre 2011.

Conformément aux dispositions de l'article 1161 du code civil, toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier.

La clause de renouvellement automatique, qui prévoit une alternative soit un nouveau format a été vendu sur la période des 12 mois précédents, soit le Diffuseur a renouvelé sa commande sur un programme au cours des 12 derniers mois et un nouveau format a été vendu lors des précédents 36 mois, peut être applicable qu'à l'issue du premier renouvellement, donc après le 31 décembre 2011, puisque le contrat aurait alors duré 24 mois, auxquels s'ajoutent les 12 mois de renouvellement, soit 36 mois qui est la période alternative de référence convenue pour vérifier si les conditions de renouvellement d'une année sont réunies. Une interprétation différente de cette période de référence de 36 mois amènerait à porter cette période un an avant même la conclusion du contrat-cadre, ce qui n'aurait aucun sens, alors que prévoir des conditions d'extinction automatique à l'issue

d'une première période et des conditions de renouvellement automatique à l'issue d'une seconde période a un sens logique.

En toute hypothèse en vertu de l'article 1162 du code civil, dans le doute la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation, de sorte que cette clause de renouvellement automatique (dont la société Fremantle ne conteste pas être la rédactrice) doit s'interpréter en faveur de la société Herve Hubert, à qui il est opposé le fait que le renouvellement automatique du contrat devrait s'apprécier non au 31 décembre 2011 mais au 31 décembre 2010.

Il en résulte que l'accord cadre s'est renouvelé le 31 décembre 2010 pour une année jusqu'au 31 décembre 2011, puisqu'ainsi qu'il a déjà été retenu TF1 a fait une première commande d'un programme basé sur un format le 16 septembre 2009 ; la société Fremantle n'était donc pas fondé à ne pas renouveler l'accord au 31 décembre 2010.

A titre subsidiaire, la société Fremantle fait valoir que la vente de l'émission 'Pouch le Bouton' à la société TF1 n'a pas pu entraîner le renouvellement de l'accord cadre au-delà du 31 décembre 2011, dans la mesure où ce format n'est pas un jeu mais un divertissement et comme tel est exclu du périmètre de l'accord d'exclusivité souscrit constitué de 'l'ensembles des formats de jeux' ; elle conteste en conséquence avoir commis une violation de l'exclusivité contractuelle.

Il ressort des pièces produites que la société Fremantle a passé un contrat d'achat des droits du format 'Pouch Le Bouton' avec TF1 en 2011 (dont il n'est pas contesté qu'il s'agit d'un nouveau format) et l'a diffusé sur les antennes de cette chaîne les 7 mai et 11 juin 2011.

Par des motifs pertinents que la Cour adopte les premiers juges ont retenu que l'émission 'Pouch Le Bouton' était bien un jeu. Il est ajouté que les caractéristiques permettant de qualifier cette émission de jeu sont réunies en ce sens que les règles conventionnelles d'un jeu comportant gagnant et perdant, participation à des épreuves, où interviennent les qualités physiques, intellectuelles, l'adresse, l'habileté ou le hasard et attribution d'un gain au vainqueur sont bien présentes dans ce jeu. En outre l'accord du 25 février 2009 ne contient aucune définition conventionnelle des formats de jeux, de sorte que le classement fait sur le site de TF1, tiers au contrat, présentant cette émission comme un divertissement ne saurait avoir une incidence juridique dans le présent litige. Enfin que la circonstance que cette émission soit un divertissement n'exclut nullement qu'elle puisse être un jeu.

L'argumentation développée par la société Fremantle ne peut donc tenir en échec la reconduction automatique du contrat au delà du 31 décembre 2011 en application de l'article 8 du contrat cadre.

A titre très subsidiaire, la société Fremantle oppose le caractère perpétuel de l'accord cadre, de sorte qu'elle pouvait valablement y mettre fin.

Un contrat revêt un caractère perpétuel, dès lors qu'il est conclu pour une durée illimitée ou une durée approchant la durée de vie du débiteur, sans que celui-ci puisse se délier de cette convention et mettre fin aux obligations mises à sa charge.

Tel n'est pas le cas de l'accord cadre du 25 février 2009 ,puisqu'il avait été prévu pour une durée déterminée de 2 ans et que son extinction comme son renouvellement étaient soumises non pas à la seule volonté de l'un des contractants mais à des conditions dépendant de tiers, à savoir des nouvelles commandes ou de ventes passées avec TF1. La société Fremantle ne justifie par aucun élément tangible que la probabilité de renouvellement d'une commande est importante dans le domaine empreint de précarité des émissions télévisuelles.

Il s'ensuit que la vente de l'émission 'Pouch Le Bouton' par la société Fremantle (qu'elle a au demeurant expressément déniée devant le magistrat des référés, ainsi qu'il ressort de l'ordonnance du 19 janvier 2011 page 3) à la société TF1 constitue une violation de l'exclusivité consentie à la société Hervé Hubert, qui entraîne par la gravité du manquement, la résiliation de l'accord cadre du 25 février 2009 aux torts de la première, ainsi que le demande l'appelante.

Cette dernière estime par ailleurs avoir été victime d'un dol dans la formation du contrat de production du 23 décembre 2009 portant sur l'émission 'Le juste prix', en application de l'accord cadre et réclame la réparation du préjudice inhérent à ce dol, au motif qu'elle aurait accordé à sa partenaire des avantages économiques considérables qu'elle n'aurait pas consentis si elle avait su que cette dernière n'avait pas eu l'intention d'exécuter l'accord cadre comprenant un engagement d'exclusivité et de reconduction.

Toutefois, elle ne verse pour établir les manoeuvres dolosives de sa cocontractante antérieures au contrat cadre aucun élément de nature à démontrer l'intention préalable de la société Fremantle de ne pas l'exécuter, alors même que la première lettre de résiliation émanant de celle-ci date seulement du 30 novembre 2010.

La société Hervé Hubert n'établit pas davantage que les conditions du contrat de février 1998 pour l'émission le 'Bigdil' étaient comparables à celles de l'émission du 'Juste prix'.

Dans ces conditions, l'ensemble de ses développements sur les préjudices liés au dol sont inopérants, puisqu'elle n'a pas apporté la preuve des manoeuvres dolosives, dont elle se prévaut. Par ailleurs l'absence d'obligation pour chaque partie dans le contrat du 25 février 2009 de présenter des formats de jeux (qui ne sont que des droits de les présenter) rend totalement hypothétiques les préjudices invoqués par la société Hervé Hubert tirés d'une perte de chance ou d'un manque à gagner. En effet en se consentant un droit exclusif de présenter ensemble des jeux à la société TF1, les parties se sont interdites de présenter seule des jeux à cette dernière, mais ne se sont nullement obligées à se présenter mutuellement des formats de jeux à vendre à la société TF1.

En tout état de cause, la vente et la diffusion de l'émission le Juste Prix ont été réalisées sans que la société Hervé Hubert soit associée à la coproduction de ce format. Les parties versent aux débats des éléments contradictoires sur le préjudice en résultant qui ne permettent pas de les départager.

Il en est de même pour le préjudice résultant de l'exploitation du format 'Pouch le Bouton' qui devait être réalisée selon un partage des recettes visé à l'article 5 du contrat du 25 février 2009, cette demande n'étant pas une demande nouvelle en cause d'appel, qui en tout état de cause peut être soumise à la Cour en vertu de l'article 564 du code de procédure civile.

Dans ces conditions une mesure d'expertise s'avère indispensable avec la mission figurant au dispositif de la présente décision. L'avance des frais de l'expertise sera à la charge de la société Hervé Hubert demanderesse à la mesure d'instruction et qui y a seule intérêt. En l'état des pièces produites aucune provision ne peut être allouée à cette dernière.

La société Euzebe Participations, en sa qualité d'associé unique de la société Hervé Hubert, qui se prévaut des mêmes manquements de sa partenaire que la société Hervé Hubert, ne démontre pas avoir subi un préjudice personnel dont l'origine est distincte de celle-ci ; en conséquence, la décision des premiers juges sera confirmée de ce chef.

Il sera sursis à statuer sur le préjudice moral, le préjudice d'image allégués par la société Hervé Hubert et les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement,

Confirme le jugement du 16 avril 2013 en ce qu'il a retenu que l'accord cadre du 25 février 2009 s'est renouvelé pour un an au 31 décembre 2010 et à nouveau pour un an au 31 décembre 2O11, en ce qu'il a retenu que cet accord cadre du 25 février 2009 ne présente pas un caractère perpétuel, en ce qu'il a constaté la résiliation de l'accord cadre du 25 février 2009 à effet du 21 juin 2012 aux torts de la sociétés Fremantlmedia France,

Infirme pour le surplus,

Ajoutant,

Dit que la société Hervé Hubert n'a pas été victime d'un dol dans la formation du contrat du 23 décembre 2009,

Avant dire droit sur le surplus des demandes, désigne :

M. [P] [M],

[Adresse 3]

[Localité 1]

tél : 01.42.36.01.04

Fax : 06.86.84.93.08

Mail : cabinet@fiduciairedelaseine.fr

en qualité d'expert avec mission, en se faisant communiquer tous documents nécessaires à l'accomplissement de cette dernière, de calculer :

1) pour l'émission du 'Juste Prix', le partage des recettes et des charges entre les sociétés Fremantlmedia France et Hervé Hubert tel que prévu au contrat de production du 23 décembre 2009, en prenant en considération la dernière diffusion par TF1 de cette émission dans le format prévu par les parties,

2) pour l'émission 'Pouch Le Bouchon' le partage des recettes entre les sociétés Fremantlmedia France et Hervé Hubert tel que prévu au contrat cadre du 25 février 2009

3) donner tous éléments utiles sur le litige, notamment la valeur actuelle du fonds de commerce de la société Hervé Hubert

Dit que la société Hervé Hubert consignera pour les frais d'expert une somme de 8.000€ avant le 30 septembre 2015, au service de le Régie de la Cour, faute de quoi la présente expertise sera caduque,

Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions de l'article 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au secrétariat greffe de la Cour et des copies aux parties avant le 30 avril 2016, sauf prorogation dûment sollicitée auprès du Président de cette chambre ou tout autre délégué,

Sursoit à statuer sur les autres demandes en paiement,

Dit n'y avoir lieu en l'état à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Réserve les dépens.

Le Greffier, Pour le Président empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 13/10759
Date de la décision : 03/07/2015

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°13/10759 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-07-03;13.10759 ?
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