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30/06/2015 | FRANCE | N°13/00801

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 30 juin 2015, 13/00801


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 30 Juin 2015



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/00801



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Novembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F11/12461





APPELANTE

Madame [G] [B]-[T]

[Adresse 2]

[Localité 2]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 3]

comparante

en personne,

assistée de Me Christophe DELTOMBE, avocat au barreau de PARIS, toque : R129







INTIMEE

Association ALIANCE 1% LOGEMENT

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 783 329 ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 30 Juin 2015

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/00801

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Novembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F11/12461

APPELANTE

Madame [G] [B]-[T]

[Adresse 2]

[Localité 2]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 3]

comparante en personne,

assistée de Me Christophe DELTOMBE, avocat au barreau de PARIS, toque : R129

INTIMEE

Association ALIANCE 1% LOGEMENT

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 783 329 923 00032

représentée par Me Xavier BLUNAT, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mai 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère

Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [B]-[T] a été embauchée par l'Association Interprofessionnelle d'Aide à la Construction, devenue l'association ALIANCE 1%LOGEMENT le 22 novembre 1995 en qualité d'attachée de direction, statut cadre. Par avenant à son contrat de travail du 28 avril 2010, elle a été engagée pour 10% de son temps par la société ALIANCE DÉVELOPPEMENT, conservant ses fonctions de chargée de mission au sein de l'association ALIANCE 1%LOGEMENT à hauteur de 90%. Lors de son licenciement, son salaire brut moyen, au titre de ce temps partiel, incluant diverses primes et avantage en nature (dont un véhicule de fonction), était de 3.200,93 Euros.

Le 9 février 2011, madame [B]-[T] a demandé à son supérieur hiérarchique, monsieur [K], le remboursement de certains frais, ce que celui-ci a refusé. Le même jour vers 15 heures, alors qu'elle se trouvait dans son bureau, elle a été victime d'un malaise qui a été considéré par la CPAM comme un accident du travail, la date de guérison étant fixée par la caisse, après avis du médecin conseil, au 11 février 2011.

Le 13 février 2011, madame [B]-[T] a écrit à la Direction des Ressources Humaines, avec copie à l'inspecteur du travail, le courrier suivant :

" En fin de matinée, le mercredi 9 février 2011, j'ai porté pour la signature ma note de frais à monsieur [K].

Après consultation de celle-ci, il a commencé par tergiverser sur les justificatifs la composant, un par un, puis, malgré mes explications, il a décidé de refuser de la signer et fini par me menacer en ces termes : "si ça continue, on va vous retirer votre voiture de fonction (...)

Toutes ces remises en cause ont provoqué chez moi un très grand stress.

Aussi, au début de l'après-midi, j'ai été prise de violents malaises sur mon lieu de travail(...)

Malgré la prise en charge in situ par les pompiers et étant donné la gravité de mon état, ceux-ci ont décidé de m'évacuer vers le service des urgences (..). Après plusieurs examens cliniques, le médecin urgentiste de l'hôpital m'a prescrit un arrêt en accident de travail jusqu'au samedi 12 février 2011.

Cette attitude de mépris et de menace de monsieur [K] ne constitue pas une "première", j'ai déjà dû me rapprocher de monsieur [L], pour qu'il signe des notes de frais refusées par monsieur [K].

Je considère que le comportement de monsieur [K] est de nature à provoquer de réels préjudices sur mon état de santé, et constitue de fait un harcèlement moral, et par là même il nuit à l'efficacité, la cohésion et l'entente au sein de l'équipe de travail de notre direction parisienne.

Je demande ainsi une clarification de cette situation, dans le cas contraire, je me sentirai obligée d'exposer les faits devant les instances compétentes.'

Suite à ce courrier, une enquête été menée, à la demande de la direction, par le CHSCT qui a remis son compte-rendu le 28 avril 2011.

Par lettre du 31 mai 2011, madame [B]-[T] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s'est tenu le 10 juin.

Elle a été licencié pour faute par lettre du 17 juin 2011 pour les motifs suivants :

"Par courrier recommandé du 13 février 2011, dont vous avez adressé copie à l'Inspection du travail, vous avez accusé formellement votre supérieur hiérarchique, Monsieur [F] [K], de harcèlement moral à votre encontre.'

En regard de la gravité de ces accusations, après que vous les ayez réitérées verbalement, nous avons diligenté une enquête sous l'égide du CHSCT. Ce comité vous a auditionné ainsi que Monsieur [K] et 33 personnes salariées de l'entreprise': il est ressorti de ces entretiens, aux termes d'un compte rendu d'enquête édifiant du 28 avril 2011':

- qu'aucune des personnes écoutées n'a été témoin d'attitudes agressives ou de propos déplacés de la part de Monsieur [K] envers Madame [B].

- que les personnes entendues sont affligées par les accusations portées dans la lettre de plainte de [G] [B] du fait d'énoncer le terme «'harcèlement moral'» alors qu'il s'agit d'une demande de remboursement de notes de frais «'personnelles'», non justifiées et non validées par son responsable de service.

L'étude de votre dossier a révélé l'existence d'initiatives passées similaires à l'encontre de plusieurs de vos supérieurs hiérarchiques.

La relation de faits de harcèlement moral est fautive lorsqu'elle caractérise un abus, lequel résulte au cas présent des éléments ci-après (...)

C'est donc en toute connaissance de cause que vous accusez de la commission d'une infraction pénale un supérieur hiérarchique qui vous aura été désagréable en discutant de vos dates de repos, ou en n'acceptant pas de vous rembourser certaines rubriques de vos notes de frais. (...)

Vous avez au cas de Monsieur [K] modifié votre version des faits au gré de l'enquête diligentée.(...)

Connaissance prise de ces réactions de la part de vos collègues, vous avez, lors de votre propre audition par le CHSCT, maintenu malgré tout votre plainte pour harcèlement moral à l'encontre de Monsieur [K] et tenté de la renforcer notamment en lui reprochant, non plus seulement un «'mépris'», mais une réelle «'agressivité'».

La modification sensible de votre version illustre la mauvaise foi ayant gouverné vos accusations. (...)

Les termes de votre courrier du 13 février 2011, le fait que l'inspecteur du travail vous ait alors lue en copie, ou encore les propos très durs que vous avez tenus dans le cadre de l'enquête, manifestent sans équivoque votre souhait de discréditer votre supérieur hiérarchique. Vous l'accusez ainsi par courrier de «'nuire à la cohésion et l'entente de l'équipe de travail de notre direction parisienne'», puis vous indiquez devant le CHSCT qu'il «'n'est pas maître de ses pulsions'», termes très forts dont les différents sens ne peuvent vous avoir échappé.

Votre persistance à lui reprocher un comportement de harcèlement, même devant les conclusions contraires de plusieurs dizaines de vos collègues, ne peut s'expliquer que par la volonté de lui nuire. (...)

Vous êtes parfaitement avisée sur le plan juridique. Au-delà de vos «'expériences'» passées d'accusation de harcèlement moral, vous avez à maintes reprises démontré votre capacité à vous référer à des textes législatifs et réglementaires pour faire valoir vos positions dans vos relations professionnelles (ex': votre courrier RAR du 8 décembre 2005, votre courrier RAR du 9 décembre 2007, votre mail du 18 décembre 2007'). Il est ainsi totalement improbable que vous ne connaissiez pas l'arsenal juridique, à la fois pénal et social, relatif au harcèlement moral et notamment le principe d'immunité conféré par l'article L.1152-2 du Code du travail.'(...) Vous avez en quelque sorte sciemment érigé les accusations de harcèlement moral en un mode de gestion de vos difficultés professionnelles même dans des aspects tout à fait secondaires relevant de votre statut de salarié (...).

La répétition des accusations de harcèlement portées à l'encontre de supérieurs hiérarchiques différents (...), les motifs de relative importance en regard de la gravité des conséquences pouvant en découler dont vous aviez tout à fait conscience pour avoir été précédemment alertée sur ce point, sont autant d'éléments dont le rapprochement rend votre mauvaise foi évidente et votre abus de libre expression caractérisé.

Il n'est pas acceptable que les relations de travail soient dictées par la menace'; elles doivent rester vraies, spontanées et respectueuses.

En tant que chef d'entreprise, il apparaît de mon devoir de faire cesser de tels agissements. En effet le harcèlement moral est un fait grave, lequel doit être sanctionné lorsqu'il est avéré, mais cette protection légale et légitime du salarié victime ne doit pas pour autant être galvaudée et utilisée sans discernement à des fins personnelles de nuisance ou de vengeance ou encore comme le simple moyen d'obtenir gain de cause (..).'

Le 23 septembre 2011, madame [B]-[T] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris pour contester son licenciement et en paiement de diverses sommes.

Par jugement du 8 novembre 2012, notifié le 14 janvier 2013, le Conseil de Prud'hommes l'a déboutée de ses demandes et l'association ALIANCE 1%LOGEMENT de sa demande reconventionnelle.

Le 29 janvier 2013, madame [B]-[T] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions visées par le greffe le 18 mai 2015 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, madame [B]-[T] demande à la Cour de dire et juger son licenciement nul, de lui donner acte de ce qu'elle ne demande pas sa réintégration et de condamner l'association ALIANCE 1%LOGEMENT à lui payer les sommes suivantes :

- 140.892 Euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

- 127,89 Euros à titre de remboursement de frais ;

- 19.205 Euros à titre de dommages et intérêts pour attitude vexatoire et préjudice moral distincts ;

- 3.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile.

Par conclusions visées par le greffe le 18 mai 2015 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, l'association ALIANCE 1%LOGEMENT demande à la Cour de confirmer le jugement, de débouter madame [B]-[T] de ses demandes et de la condamner à lui payer 3.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile.

MOTIFS

Sur la prescription

En vertu des dispositions de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà de d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu, dans le même délai, à l'exercice de poursuites pénales ;

Madame [B]-[T] fait valoir que dans sa lettre du 13 février, elle s'était plainte de l'attitude menaçante (lui retirer son véhicule de fonction) et méprisante (refus de lui rembourser ses notes de frais) que son responsable hiérarchique avait manifestée à son encontre le 9 février, et qu'elle avait qualifiée de harcèlement moral, si bien que l'employeur avait connaissance exacte des faits dès cette date, sans qu'aucune enquête ne soit nécessaire pour établir le lien de causalité ; elle considère en conséquence que cette enquête réalisée par le CHSCT n'avait rien à voir avec le contenu de sa lettre et donc aucun effet sur la prescription ;

Toutefois, force est de constater que dans le courrier précité, la salariée ne se borne pas à reprocher à son supérieur les seuls faits du 9 février mais prétend que "cette attitude de mépris et de menace de monsieur [K] ne constitue pas une première" et demande une "clarification de la situation", si bien qu'il était légitime de la part de la direction de faire une enquête pour avoir une connaissance exacte de la réalité des faits dénoncés et notamment du comportement de monsieur [K] vis-à-vis de l'intéressée. Ce n'est qu'après avoir pris connaissance du compte rendu de l'enquête du CHSCT lequel a relevé que, de l'avis général des personnes entendues, monsieur [K] était "incapable d'exercer un quelconque harcèlement envers qui que ce soit", qu'il restait "à l'écoute de son équipe mais en aucun cas ne signera quelque document que ce soit si cela n'est pas justifié' et " qu'il ne semblait pas "y avoir eu de scènes de discordes avec ses collaborateurs ou toute autre personne", qu'elle a pu considérer que monsieur [K] n'avait pas adopté, à plusieurs reprises, un comportement méprisant et menaçant à l'égard de madame [B]-[T] ;

Ce compte rendu, en date du 28 avril 2011, constitue en conséquence, le point de départ du délai de prescription, peu important qu'aucune poursuite pénale n'ait été engagée ; dès lors, la prescription n'était pas acquise lors de la convocation à entretien préalable le 31 mai ;

Sur la dénonciation de faits de harcèlement

En vertu des dispositions de l'article 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; à défaut, sauf mauvaise foi du salarié, le licenciement est nul ;

Il ressort des pièces versées aux débats par l'employeur qu'au cours de l'année 2005, madame [B]-[T] avait dénoncé des faits de harcèlement moral à l'encontre de son supérieur hiérarchique qui avait tenté de la faire licencier, monsieur [P], dénonciation qui avait abouti au licenciement de l'intéressé, jugé sans cause réelle et sérieuse par le Conseil de Prud'hommes, décision confirmée en appel au motif, notamment, que les attestations produites étaient, "pour la plupart, rédigées par l'intéressée (madame [B]) elle-même" ;

Le 18 décembre 2007, alors qu'elle avait fait une demande de RTT refusée par son supérieur monsieur [J], elle lui avait écrit le mail suivant le 18 décembre 2007 : "Pour finir, vous avez exprimé un refus catégorique sur l'intégralité de mes demandes de congés et journées d'ARTT. Une fois de plus, je ne peux que constater l'opposition et les brimades systématiques envers moi. Selon l'article L 122-49 du code du travail, cela s'appelle du harcèlement moral" ;

Force est de constater que le même procédé est utilisé par madame [B]-[T], dans sa lettre du 13 février 2011 adressée la direction, à savoir l'utilisation d'une accusation de harcèlement moral contre l'auteur d'une décision qu'elle conteste ;

Certes, ni la demande de remboursement, ni le refus opposé par monsieur [K] ne sont matériellement inexacts, ni même la remarque de ce dernier, ("si ça continue on va vous retirer votre véhicule de fonction"), non contestée par l'employeur ; il reste que la salariée a ajouté dans ce courrier que cette attitude de "mépris" et de "menace" de monsieur [K] " n'était pas une "première", se plaçant ainsi délibérément sur le terrain du harcèlement moral, lequel n'est caractérisé qu'en cas d'agissements répétés ; or ni dans ses écritures ni lors de ses explications orales madame [B]-[T] ne fait état de ces précédents, lesquels ne résultent non plus d'aucune des pièces qui sont versées aux débats ; ses affirmations sont d'ailleurs contredites par le courrier du 23 avril 2011, dans lequel, en réponse à une lettre du directeur général qui lui avait rappelé ses problèmes de notes de frais avec ses divers supérieurs hiérarchiques (parmi lesquels monsieur [K] ne figure pas), elle souligne que c'est sur les indications de monsieur [K] lequel "ne savait pas comment faire pour régler les sujets évoqués" qu'elle s'est rapprochée de l'ancien DRH ; .

Elle explique, dans ses écritures, avoir fait une "appréciation extensive de la notion de harcèlement en considérant que le seul fait de refuser une note de frais constituait un harcèlement, ce qui ne constitue pas la répétition d'agissements " ; or précisément, elle a pris soin, dans son courrier, d'accuser fallacieusement monsieur [K] d'avoir eu d'autres comportements menaçants et méprisants, et de lui avoir opposé d'autres refus, manifestement dans le seul but de caractériser un harcèlement moral dont elle n'ignorait ni la définition, pour l'avoir déjà rappelée à d'autres interlocuteurs, ni les conséquences pour le prétendu harceleur;

C'est donc à juste titre que le Conseil de Prud'hommes a considéré que l'accusation de harcèlement avait été formulée de mauvaise foi ;

La demande de madame [B]-[T] visant à voir son licenciement déclaré nul sur le fondement des dispositions de l'article L 1152-2 du code du travail sera donc rejetée

Sur le licenciement

Madame [B]-[T] indique, dans ses écritures, que le seul but poursuivi en écrivant le courrier du 13 février était "que ses notes de frais soient réglées et rien d'autre" ; toutefois, il résulte de ce qui précède qu'elle ne s'est pas bornée, ainsi qu'elle le prétend, à saisir le directeur général après avoir essuyé une fin de recevoir ; comme elle l'avait déjà fait auparavant, elle a délibérément, pour obtenir satisfaction, inscrit sa revendication dans une dénonciation de faits de harcèlement, et ce non pas de façon informelle, par mail, comme en 2007, mais en adressant copie de son courrier à l'inspecteur du travail et en enjoignant son employeur d'effectuer une enquête, à défaut de quoi "elle se sentira obligée d'exposer les faits devant les institutions compétentes" ; lors de cette enquête, elle a renchéri en indiquant aux membres du CHSCT que monsieur [K] n'était pas "maître de ses pulsions", là encore sans établir, ni même alléguer la réalité d'une telle accusation proférée contre son supérieur hiérarchique, faisant ainsi un usage abusif de sa liberté d'expression ;

Les griefs formulés dans la lettre de licenciement étant établis, le licenciement de madame [B]-[T] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ; le jugement du Conseil de Prud'hommes sera donc confirmé en ce qu'il a débouté madame [B]-[T] de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail

Sur le préjudice moral

Madame [B]-[T] prétend que l'enquête du CHSCT, au cours de laquelle elle aurait été mise au pilori et en accusation de façon scandaleuse, ne se justifiait pas et n'avait pour seul objet que de la mettre à mort professionnellement pour s'en débarrasser ; outre le fait que cette enquête a été diligentée, non par l'employeur, mais par le CHSCT comme il est de règle lorsque des faits de harcèlement moral sont dénoncés, c'est l'intéressée elle-même qui a incité l'employeur à éclaircir la situation, si bien qu'elle est mal fondée à lui en faire le reproche du seul fait que les résultats ne la satisfont pas ; le jugement du Conseil de Prud'hommes sera également confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts distincts ;

Sur le remboursement des frais

Les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur, doivent lui être remboursés ;

Le contrat de travail de madame [B]-[T] précise :

- qu'elle dispose d'un véhicule de fonction facilitant ses déplacements fréquents auprès des entreprises et laissé à sa dispositions pour ses déplacements personnels selon des modalités qui sont fixées à l'annexe au contrat de travail ; conditions sont précisés dans un document

- que les frais professionnels raisonnablement engagés lui seront remboursés selon les modalités en vigueur au sein d'ALIANCE 1% sur présentation de notes de frais accompagnées des justificatifs ;

S'agissant des frais contestés à hauteur de 127,89 Euros (achat et pose d'une pile bouton pour une montre offerte à un client, lavage automatique et kit mains libres, achat du magasine l'Expansion), il ressort des échanges de courriers entre l'intéressée et monsieur [S] que celui-ci ne remet pas en cause la destination professionnelle de l'achat de la pile ; s'il explique que différentes notes excluent la prise en charge du lavage automatique, celles-ci ne sont pas versées au débats et les conditions de mise à disposition de véhicules de fonction précisent expressément qu'ALIANCE assure tous les frais d'entretien et d'assistance ; ces dépenses, dont les justificatifs son produits, exposées dans l'intérêt de l'entreprise et dont le coût n'apparaît pas déraisonnable, doivent être remboursés; en revanche, le caractère professionnel de l'achat d'un kit mains libres pour un véhicule de fonction, avantage en nature consenti à la salariée, et l'achat d'un magazine, fût-il de nature économique, n'est pas établi ;

Il convient en conséquence, de faire droit à la demande de madame [B]-[T] à hauteur de 69,39 Euros ;

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; madame [B]-[T] qui succombe pour l'essentiel en son appel, sera condamnée aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement du Conseil de Prud'hommes, sauf en ce qui concerne le remboursement des frais

Statuant à nouveau de ce seul chef ;

Condamne la société ALLIANCE 1% LOGEMENT à payer à madame [B]-[T] la somme de 69,39 Euros au titre des frais professionnels ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Met les dépens à la charge de madame [B]-[T].

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 13/00801
Date de la décision : 30/06/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°13/00801 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-30;13.00801 ?
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