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25/06/2015 | FRANCE | N°14/07356

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 25 juin 2015, 14/07356


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 25 Juin 2015

(n° 297 , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07356



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Juin 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS - Section encadrement - RG n° F11/15330



APPELANT

Monsieur [L] [P] [O] [U] [T]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Nicolas

SAUVAGE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2240





INTIMEE

GIE GROUPE LA FRANCAISE anciennement dénommée GIE LA FRANCAISE AM

[Adresse 1]

[Localité 1]

représen...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 25 Juin 2015

(n° 297 , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07356

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Juin 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS - Section encadrement - RG n° F11/15330

APPELANT

Monsieur [L] [P] [O] [U] [T]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Nicolas SAUVAGE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2240

INTIMEE

GIE GROUPE LA FRANCAISE anciennement dénommée GIE LA FRANCAISE AM

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Marie-Cécile DE LA CHAPELLE, avocat au barreau de PARIS,

toque : G 0393 substitué par Me Karen DURAND-HAKIM, avocat au barreau de PARIS, toque : G0393

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 février 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Murielle VOLTE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Courant 2008, des discussions se sont engagées entre l'entité dénommée UFG, filiale du groupe Crédit Mutuel Nord Europe, et Sarasin Asset Management France, alors filiale française de la banque Sarasin de Bâle. Un protocole d'accord a été signé le 8 décembre 2008, par lequel l'UFG, devenue par la suite UFG-LFP, puis La Française AM et enfin le Groupe La Française, a pris le contrôle de Sarasin France, en rachetant les titres détenus par ses deux dirigeants, dont M. [T], président du directoire de cette entité. C'est ainsi qu'est née en France la filiale UFG-Sarasin AM. Le 1er avril 2009, M. [T] a été nommé membre et vice-président du directoire de cette filiale, et en septembre 2009, président. Le même jour, il a signé avec le GIE Groupe La Française, structure intercalée entre plusieurs sociétés du Groupe La Française, un contrat de travail en qualité de secrétaire général du groupe UFG, statut cadre dirigeant, chargé de superviser diverses fonctions au sein du GIE, et d'assurer le lobbying de l'activité ISR du Groupe, tant en interne que vis-à-vis des clientèles de l'UFG, avec reprise de son ancienneté au sein du groupe Sarasin.

A compter du 1er mai 2010, il a été nommé au poste de directeur du développement ISR (Investissement Socialement Responsable) au sein du Groupe UFG LFP (qui deviendra La Française), à temps partiel, abandonnant ses fonctions de secrétaire général.

Par avenant du 2 novembre 2010, les parties sont convenues de modifier les conditions de la collaboration de M. [T] au sein du Groupe pour tenir compte des évolutions de ses fonctions depuis le 1er mai 2010, stipulant notamment une 'Garantie de Fonction' et une indemnité contractuelle de rupture.

M. [L] [T] a été licencié pour faute lourde par lettre du 1er décembre 2011.

Il avait saisi préalablement, le 4 novembre 2011, le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, et également de demandes indemnitaires au titre de son licenciement, dans le dernier état de la procédure.

Par jugement du 5 juin 2014, notifié le 17 juin suivant, le conseil, statuant en formation de départage, a :

- débouté M. [T] de sa demande de résiliation judiciaire,

- constaté que le licenciement de M. [T] pour faute lourde est fondé ,

- débouté M. [T] de ses demandes,

- débouté les parties de leurs demandes reconventionnelles, plus amples ou contraires et notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à assortir le jugement de l'exécution provisoire,

- condamné M. [T] aux dépens.

M. [L] [T] a interjeté appel le 30 juin 2014.

Il demande à la cour de :

à titre principal :

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts du GIE Groupe La Française,

- juger que cette résiliation produira les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse, à la date d'envoi de la lettre de licenciement, soit le 1er décembre 2011,

à titre subsidiaire :

- constater que les faits invoqués à l'appui du licenciement étaient prescrits au moment du déclenchement de la procédure de licenciement,

à titre infiniment subsidiaire :

- juger que les faits invoqués à l'appui du licenciement n'étaient pas établis et, en tout état de cause, pas constitutifs d'une faute lourde,

- en déduire que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence, sachant que son salaire mensuel moyen, calculé sur les 12 mois précédant la rupture, est égal à 13 846 euros :

- condamner le GIE Groupe La Française à lui verser les sommes suivantes :

* 41 538 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 4 153 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 62 174 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 477 825 euros au titre de l'indemnité contractuelle de rupture,

* 997 euros bruts au titre du solde de 13ème mois pour l'exercice 2011,

* 99 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 2 427 euros au titre du prorata de 13ème mois pour l'exercice 2012,

* 242 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 6 488 euros bruts au titre du solde de bonus garanti pour l'exercice 2011,

* 648 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 15 780 euros bruts au titre du prorata de bonus garanti pour l'exercice 2012,

* 1 578 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 837 508 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause contractuelle de garantie d'emploi, ou en réparation de la faute constituée par les manoeuvres dolosives dans les modifications de l'avenant du 2 novembre 2010,

* 617 760 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 270 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 1 098 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier du DIF,

* 10 871 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier de la portabilité des garanties complémentaires prévoyance santé,

- condamner le GIE à lui remettre des bulletins de salaire rectifiés pour les mois de novembre 2011 à févier 2012,

- condamner le GIE aux intérêts de droit avec capitalisation, depuis la saisine au fond du conseil de prud'hommes, sur toutes les sommes à caractère salarial,

- condamner le GIE à lui verser 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Le GIE Groupe La Française demande à la cour de confirmer le jugement et de débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Attendu que M. [T] demande, à titre préliminaire, que la cour constate l'existence d'une clause de garantie d'emploi contenue dans l'avenant à son contrat de travail du 2 novembre 2010;

Attendu que la clause litigieuse est ainsi libellée :

'GARANTIE DE FONCTION

Le Groupe UFG LFP souhaite continuer à bénéficier de votre expertise en matière d'Investissement Socialement Responsable (ISR) et de votre notoriété personnelle dans ce segment de marché. Vous avez, quant à vous, exprimé le souhait de pouvoir jouir d'une situation stable pour les dernières années de votre vie professionnelle.

Le GIE UFG s'engage donc à vous maintenir dans votre fonction actuelle définie au présent avenant, et dans les conditions du présent avenant, au moins jusqu'au 31 décembre 2014.

En conséquence, vous ne pourrez être affecté durant cette période à aucune autre fonction sans votre accord, que celle-ci constitue ou non la modification d'un élément essentiel de votre contrat de travail.' ;

Attendu que M. [T] soutient que cette clause ne peut être interprétée que comme une garantie d'emploi aux motifs qu'il ne peut y avoir de garantie de fonction - qui au demeurant n'existerait pas dès lors que l'employeur ne peut la modifier sans son accord - sans garantie d'emploi, et que, si tel n'était pas le cas, l'employeur aurait manqué à son obligation d'information de son salarié et d'exécution loyale du contrat de travail par des manoeuvres dolosives destinées à vider subrepticement de sa substance la clause de garantie d'emploi ;

Attendu qu'en application des dispositions de l'article 1156 du code civil, les stipulations exprimées en termes clairs et précis ne peuvent donner lieu à interprétation ; qu'il convient de relever que la clause litigieuse fait référence en termes ne laissant place à aucune ambiguïté à la fonction occupée par M. [T] au jour de la signature de l'avenant, qui se définit comme le rôle occupé par le salarié au sein de l'entreprise, et non à l'emploi, notion qui définit l'utilisation de personnes à des activités économiques contre rémunération ;

qu'en outre, il ressort des pièces versées aux débats que, si dans un premier temps, M. [T] a adressé à M. [M], représentant le GIE, un projet d'avenant à son contrat de travail prévoyant une clause de garantie d'emploi afin de le maintenir en poste ainsi rédigée:

'Le GIE UFG s'engage donc vis-à-vis de vous à maintenir dans votre fonction actuelle définie au présent avenant (...), au moins jusqu'au 31 décembre 2014, date à laquelle vous nous avez indiqué pouvoir - en l'état actuel de la législation - demander la liquidation de votre retraite à taux plein.

Le GIE UFG s'engage donc à ne pas rompre votre contrat de travail pour quelque cause que ce soit (hors cas de faute lourde) jusqu'à cette date;', ce dernier alinéa a disparu de l'avenant signé par les parties, après que l'employeur ait exprimé, par voie de mails échangés entre les dirigeants, son désaccord sur ce point du projet de M. [T] ; que ce dernier, en raison de ses hautes attributions, ne peut prétendre avoir ignoré la portée de la clause qu'il a finalement signée ; qu'enfin, cette clause n'est pas dépourvue de cause dès lors qu'elle prévoit qu'aucune modification même d'un élément non essentiel de son contrat de travail ne peut lui être imposée, étant relevé que la clause qui suit immédiatement concerne l'allocation au salarié d'une indemnité contractuelle de rupture du contrat de travail, ce qui induit nécessairement que la possibilité d'une telle rupture restait envisagée par les parties ; que M. [T] ne peut prétendre dans ces conditions avoir bénéficié d'une clause de garantie d'emploi, et doit être débouté de sa demande de paiement de la somme de 837 508 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre ;

Attendu que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à être à son service, et qu'il est licencié ultérieurement, il convient d'abord de rechercher si la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail était justifiée et si tel est le cas, de fixer la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement, et dans le cas contraire seulement, de se prononcer sur le licenciement ;

Attendu que M. [T] soutient qu'il aurait été remplacé à son poste de responsable ISR par Mme [Q], gérante obligataire qui travaillait auparavant avec lui chez Sarasin France, sans l'en informer préalablement, et qu' il ne l'a été que le 19 octobre 2011, au cours d'une réunion de travail avec la société Novethic, agence délivrant les labels ISR, en présence de la responsable de cette société, au surplus rédactrice en chef du périodique 'L'Essentiel de l'ISR', qui s'est empressée de publier cette annonce ; qu'il produit aux débats l'article de presse publié dans ce magazine du 30 novembre 2011 dans ces termes:

' [Z] [Q] devient Madame ISR de la Française AM (ex UFG-LFP)

Depuis le 1er novembre, la Française AM a désigné [Z] [Q] pour être responsable de l'ISR pour l'ensemble de la maison. Elle sera rattachée à [V] [N], directeur de la gestion. (...)', ainsi qu'un article du journal Les Echos intitulé :

'La Française AM crée un nouveau poste dédié à l'ISR.

Révélée par Novethic dans sa publication 'L'Essentiel de l'ISR', la Française AM (...) a confié le nouveau poste responsable analyse et développement ISR à [Z] [Q]. Cette nomination s'inscrit dans une réorganisation de la maison.' ;

Attendu que la description de poste de M. [T] annexée à l'avenant du 2 novembre 2010 permet de retenir que, en qualité de directeur du développement ISR, il lui incombait les missions suivantes :

- le suivi des offres existantes et de tous projets de développement d'une offre nouvelle de produits ISR, quelles que soient les classes d'actifs et les clientèles concernées,

- la contribution à la définition/redéfinition des stratégies globales de développement du Groupe dans le domaine de l'ISR (Marketing Stratégique) et la responsabilité des politiques de communication afférentes (Marketing Opérationnel et Communication),

- la mise en oeuvre d'une réflexion spécifique relative à l'évolution éventuelle des moyens du Groupe dans le domaine de la recherche extra-financière,

- la formation, la sensibilisation des forces de vente (...) et plus particulièrement, le positionnement spécifique de l'offre du Groupe en la matière,

- la coordination de toute communication externe sur l'ISR quelle que soit la forme de cette communication en ce compris la fonction de porte-parole du Groupe sur ces sujets,

- la responsabilité de coordonner les actions du Groupe en matière d'ISR avec celles du Groupe Crédit Mutuel et plus spécifiquement le Crédit Mutuel Nord Europe,

- la participation étroite à toutes instances destinées à mettre en oeuvre une politique de Responsabilité sociale (RES) au niveau du Groupe,

- la représentation du Groupe UFG-LFP dans toutes les instances de Place ou de Marché traitant de l'ISR (...) ;

qu'il ressort d'un courriel adressé le 20 octobre 2011 par Mme [V] [N] à M. [T] en réponse à son courriel de la veille lui exprimant son étonnement dans les termes suivants :

'Je suis également extrêmement choqué de ton initiative d'informer ces personnes (dirigeants de Novethic) d'un nouveau positionnement qui aurait été accordé à [Z] [Q]. J'ai écouté avec stupeur tes explications quant à la définition de son nouveau poste. Sauf à avoir mal entendu, j'y ai reconnu la totalité de mes propres attributions telles qu'elles ont été redéfinies il y a moins d'un an et telles que le marché les connaît. A ma connaissance et jusqu'à ce matin, aucune décision définitive de cette nature n'avait été prise la concernant, ni me concernant a fortiori.', que les attributions de Mme [Q] à cette date étaient les suivantes :

' quant au poste d'[Z], dont le contenu est nettement plus opérationnel et technique que le tien d'une part, et rattaché à la gestion d'autre part, il devrait te réjouir car il matérialise pleinement la volonté de La Française d'avancer avec encore davantage d'efficacité sur l'ISR en gestion. C'est dans cet esprit que je l'ai annoncé à Novethic. [Z] a accepté ce poste, il a été présenté en CE pour avis et a été approuvé. Je vais lui confier dans l'immédiat la charge de diriger les travaux du Copil Notations ISR pour aboutir rapidement à un satisfecit sur le reporting extra financier, celle d'établir avec Bâle une relation plus régulière sur la décomposition des notes qui nous offre davantage de transparence, et d'ouvrir très vite la réflexion sur les dettes d'Etats. Sur les missions plus transversales au Groupe elle travaillera plus particulièrement avec le marketing et j'ai précisé à Novethic qu'elle serait à tes côtés sur les missions de place.' ;

Que M. [T] ne peut comparer les missions attribuées à cette date à Mme [Q] avec celles qui l'ont été après son départ, détaillées dans le courriel adressé le 20 décembre suivant au personnel par M. [K], président du directoire de La Française, et [W] [M], directeur général du Groupe dans le cadre de la mise en place d'une nouvelle organisation autour de l'ISR ;

qu'au 19 octobre 2011, Mme [Q] occupait un poste d'exécution technique rattaché à Mme [N], directrice de gestion, et ne s'était pas vu confier les mêmes responsabilités que celles de M. [T], en charge notamment de la communication sur les ISR, de la représentation du Groupe dans toutes les instances les traitant, et d'une manière plus générale de la promotion de ces produits ; que si au mois d'avril 2011, M. [K] avait proposé par courriel à M. [T] de recruter et former son successeur, ce dernier ne peut considérer que son employeur aurait manqué à cet engagement à son égard, alors que d'une part, cet engagement n'est pas de nature contractuel, et que d'autre part, Mme [Q], lors de sa présentation aux dirigeants de Novethix le 19 octobre 2011, ne remplissait pas les mêmes fonctions que lui ; que pour ce même motif, il ne peut prétendre que l'employeur aurait modifié son contrat de travail ou ses responsabilités en rattachant hiérarchiquement Mme [Q] à Mme [N], alors que les attributions de Mme [Q] concernaient la gestion des ISR et que Mme [N] remplissait à cette date la fonction de directrice gestion de l'entreprise ; qu'il en résulte que c'est à juste titre que le jugement l'a débouté de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

2. Sur le licenciement

Attendu que M. [T] invoque en premier lieu l'irrégularité de son licenciement aux motifs que le GIE s'est abstenu de préciser dans la lettre de convocation à l'entretien préalable, et surtout au cours de cet entretien, que le licenciement était envisagé pour faute lourde ;

Attendu que l'article L.1332-2 du code du travail dispose que 'lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.' ;

qu'en l'espèce, la lettre recommandée du 18 novembre 2011 convoquant M. [T] à un entretien le 28 novembre 2011 l'informe que l'employeur est amené à envisager à son égard une mesure de licenciement, indique au salarié qu'il pourra, s'il le désire, et au visa de l'article L. 1332-2 du code du travail, se faire assister par un membre du personnel de son choix, et l'informe que pendant la durée de la procédure, il sera dispensé d'activité, cette dispense prenant effet à compter de la remise de la lettre de convocation, sa rémunération étant maintenue ; qu'au cours de l'entretien préalable, M. [T] s'est fait assister de la secrétaire du CE, Mme [X] ; que la lecture du compte rendu de l'entretien que cette dernière a rédigé, permet de vérifier que les griefs faits au salarié et repris dans la lettre de licenciement, ont été évoqués et discutés par les parties ; que la Cour constate que l'employeur a indiqué que l'objet de la convocation était un éventuel licenciement et n'avait pas à préciser le degré de gravité de la faute éventuellement retenue ni dans la lettre de convocation, ni au cours de l'entretien préalable ; que l'ensemble des règles légales protectrices des droits du salarié qui encadrent la procédure de licenciement disciplinaire ont donc été respectées, l'employeur n'ayant pas recouru, en le dispensant d'activité tout en continuant de le rémunérer, à une sanction de mise à pied disciplinaire nécessitant une procédure préalable ; que M. [T] a donc été à juste titre débouté de cette prétention ;

Attendu que la lettre de licenciement fixant les limites du litige, il convient de rappeler que M. [T] a été licencié par courrier du 1er décembre 2011 aux motifs suivants :

'Vous exercez au sein du GIE La Française AM les fonctions de Directeur du Développement ISR depuis le 1er mai 2010, statut cadre dirigeant et vous reportez directement au Président du Groupe, Monsieur [K].

A ce titre, et conformément à votre fiche de fonctions du mois de novembre 2010, il vous appartient notamment de contribuer à la définition des stratégies du groupe dans le domaine de l'ISR, notamment de contribuer à la définition des stratégies du Groupe dans le domaine de l'ISR, de mettre en oeuvre une réflexion spécifique sur l'évolution éventuelle des moyens du Groupe dans le domaine, de coordonner toute communication externe sur l'ISR, de coordonner toutes les actions du Groupe en matière d'ISR avec celles du CMNE,...

Non seulement vous vous êtes montré sciemment défaillant dans la réalisation de vos missions, cette défaillance ayant eu des conséquences graves pour le Groupe, mais vous avez adopté délibérément une attitude de nature à nuire aux intérêts du Groupe dans le domaine de l'ISR (...)

Ainsi, à l'occasion de votre retour à plein temps au sein de l'entreprise au mois de novembre 2010, vous avez, après de multiples critiques très vives sur la situation existante de l'ISR au sein du Groupe, élaboré avec une collaboratrice du marketing une 'feuille de route' qui devait permettre, selon vous, de redonner une image forte des produits ISR Groupe.

Or, il s'est avéré que vous n'avez mis en place aucune des actions préconisées et ce, alors que, de par vos fonctions, votre niveau de responsabilité et le niveau particulièrement élevé de votre rémunération, vous devez être proactif en termes de communication, de stratégie et de développement de l'ISR au sein du Groupe. Or, vous vous êtes contenté d'un rôle passif sans jamais proposer d'actions concrètes à entreprendre ou de solutions à mettre en oeuvre. Vous n'avez rien mis en oeuvre pour réellement promouvoir les fonds ISR gérés par le Groupe et placer ce dernier comme un acteur incontournable de ce secteur.

C'est ainsi que vous transmettiez des informations d'ores et déjà connues sans même les accompagner d'aucune analyse ou sans intérêt, soit vous lanciez des interrogations sur des sujets sans émettre d'opinion, et alors qu'il s'agit de questions relevant de votre domaine de compétences (ex : fin du FRR, Comité semestriel du fonds AASI).

Vous évoquez également des sujets sans y donner de suite, vous suggérez de 'lancer des chantiers' sans le faire,...(ex : conséquences des dispositions de la loi du 20 juillet 2010 sur les fonds ISR ; évocation de la participation du Groupe à l'assemblée générale de l'ICGN du mois de septembre 2011 sans organiser celle-ci, suites de l'étude NOVETHIC du 3 février 2011, en mai 2011 revue des codes de transparence au regard d'études récentes menées).

Egalement, l'un des axes de votre mission consistait en votre participation étroite à la mise en oeuvre d'une politique de responsabilité sociale (RSE) au niveau du Groupe.

Or, vous avez fait preuve d'une totale inertie sur ce sujet, la Direction Organisation et Partenariats ayant été contrainte de prendre le leadership sur ce projet sans même avoir bénéficié de votre soutien actif.

Dès que des questions précises et/ou techniques vous sont posées, vous vous empressez de les transmettre à un tiers alors même qu'il vous appartient de les traiter puisqu'elles ressortent de votre domaine (ex : dossier Sodexo).

Vous ne cherchez pas à faire avancer les dossiers, allant même jusqu'à refuser de présenter, lors du comité stratégique du 9 mars 2011, la partie concernant les aspects RSE. Vous n'avez d'ailleurs même pas contribué à la préparation du document de présentation contrairement aux autres intervenants. Compte tenu de votre refus, Monsieur [K] a dû assurer la prestation orale de cette partie.

Plus généralement, vous n'avez mis en place aucune politique de communication sur l'implication du Groupe dans l'ISR, cette absence de promotion engendrant des difficultés de positionnement sur le marché.

Vous avez fait l'objet de recadrages, notamment aux mois de mai et de juin 2011, mais cela est resté sans effet. Vous n'avez pas réagi et ne vous êtes pas montré plus actif, notamment sur le recrutement d'une personne pour vous épauler et prendre à terme votre succession lors de votre départ en retraite alors que vous avez répondu à Monsieur [K] 'Je m'y mets'.

Surtout, alors que vous aviez été alerté depuis plusieurs mois de ce que NOVETHIC, agence de notation des fonds ISR en ce qui concerne la gestion extra-financière de ces fonds, envisageait de retirer le label des fonds ISR du Groupe, vous vous êtes contenté de transférer cette information en interne sans prendre part active dans le règlement de cette situation.

Plus grave !

Vous êtes entré en conflit ouvert avec l'agence NOVETHIC qui délivre les labels ISR des fonds. Ainsi, vous leur avez adressé un courriel en vos qualités de membre du Groupe La Française AM et de Président du Forum des Investissements Responsables (FIR), faisant part de votre désaccord profond et virulent avec les règles imposées par NOVETHIC. Vous êtes même allé jusqu'à déclarer que vous alliez saisir la commission ISR de l'Association Française de Gestion.

L'envoi d'un tel courriel en votre qualité de membre du Groupe La Française AM alors que celui[ci] exprime la seule position de FIR est particulièrement déplacé et ce d'autant plus que vous saviez parfaitement que le maintien du label NOVETHIC pour les fonds ISR du Groupe était en péril.

Vous auriez dû être conscient de ce que l'envoi d'un courriel aussi conflictuel ne pouvait qu'avoir des conséquences néfastes.

Le résultat ne s'est pas fait attendre puisque, par courriel du 23 septembre 2011, NOVETHIC nous a informés que tous nos fonds ISR (soit 10 fonds) du Groupe étaient 'déférencés' alors que sur l'ensemble de la place seulement 13 fonds l'ont été.

Le retrait de ce label est fort susceptible d'avoir des répercussions extrêmement importantes pour le Groupe. En effet, la crédibilité et le sérieux de La Française AM sur le marché sont sérieusement entamés, les acteurs du marché étant bien entendu informés de ce que le Groupe avait perdu le label sur la totalité de ses fonds ISR.

Par ailleurs, la détention du label facilite grandement la promotion des fonds ISR. Ainsi que vous le savez, les clients, notamment les institutionnels, portent une grande attention à la labellisation des fonds.

Dès lors, le déférencement est de nature à compromettre la commercialisation de nos fonds ISR.

Plus grave encore !

Après avoir appris la perte des labels sur la totalité de nos fonds, Madame [N], Directrice Générale de la société LFP Sarasin AM, a organisé une réunion avec NOVETHIC pour échanger avec eux sur nos axes de progrès en vue de l'ouverture du chantier interne aux fins de nous porter candidat pour l'obtention des labels 2012, réunion qui s'est tenue le 19 octobre 2011.

Lors de cette réunion, organisée à l'initiative de Madame [N], et sur laquelle vous lui aviez donné votre accord de principe, vous avez fait preuve d'une très grande agressivité vis-à-vis des représentants de NOVETHIC.

En effet, dès le début de cette réunion, une fois que Madame [N] eût annoncé l'ordre du jour, vous avez attaqué 'bille en tête' les représentants de NOVETHIC et particulièrement Monsieur [J]. Malgré les tentatives de Madame [N] mais aussi de Madame [B], Directrice Marketing Communication Groupe, pour recentrer le débat, vous avez poursuivi votre attitude d'agression.

Cette perte de contrôle a été calamiteuse pour notre image vis-à-vis de NOVETHIC.

En outre, toujours lors de cette réunion, lorsque Madame [N] a annoncé à NOVETHIC l'arrivée de Madame [Q] au sein de l'équipe ISR pour la renforcer, vous avez ouvertement simulé l'ignorance d'une telle nomination alors que vous étiez parfaitement informé !

Vous avez ensuite exigé de vous entretenir en tête à tête avec les représentants de NOVETHIC sans en énoncer les raisons et vous ne nous en avez donné aucune retour.

De tels faits sont inadmissibles et ne peuvent être tolérés surtout de la part d'un cadre de votre niveau, placé dans les niveaux hiérarchiques les plus élevés du Groupe.

Ceux-ci démontrent votre intention délibérée de nuire au Groupe La Française AM, intention confirmée par le déroulé de votre 'carrière' au sein du Groupe.

Ainsi, après avoir dans un premier temps occupé les fonctions de Secrétaire Général pendant un an, vous avez souhaité en être dégagé afin de développer à titre personnel une expertise dans le domaine de l'immobilier commercial (centre commerciaux). Vous avez été fort persuasif et vous nous avez convaincu de votre volonté de vous impliquer dans une telle activité. C'est la raison pour laquelle le Groupe a pris une participation dans la société Convergence, société spécialisée dans l'immobilier commercial. Nous avons en conséquence accepté que vous travailliez à temps partiel en qualité de Directeur Développement ISR à compter du 1er mai 2010 afin de vous dégager du temps pour le développement de la société Convergence.

Seulement six mois plus tard, vous nous avez demandé de reprendre à temps complet, demande que nous avons acceptée une fois encore et qui nécessitait une adaptation de votre contrat et de vos missions, concrétisée par un avenant conclu le 2 novembre 2010, lequel prévoyait une garantie de fonctions jusqu'au 31 décembre 2014.

Dans le même temps, vous avez tenu des propos critiques et déplacés concernant certains dirigeants du Groupe remettant en cause leurs compétences et la qualité de leur travail !

Il résulte clairement de tout ce qui précède que vous n'avez jamais entendu prendre en charge réellement la promotion de l'ISR au sein du Groupe, n'avez jamais entendu vous impliquer dans quelque activité que ce soit, bâclant délibérément votre travail, votre seule finalité étant de chercher à créer des conditions avantageuses de sortie dans la mesure où vous pensiez avoir conclu une clause de garantie d'emploi et non de fonction. Nous considérons à la lumière des faits ci-dessus exposés, que vous avez orchestré votre licenciement.

Et ceci est conformé par le comportement que vous avez adopté ultérieurement, notamment lors de la réunion avec NOVETHIC, le 19 octobre dernier, comportement qui, vous le saviez, ne pouvait être que nuisible au Groupe La Française AM et nous pousser à vous licencier.

En conséquence, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute lourde.' ;

Attendu que la faute lourde, comme la faute grave, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis, commise au surplus avec une intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise ; que la charge de la preuve incombe à l'employeur qui l'invoque ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, 'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance (...)' ; qu'en l'espèce la convocation à l'entretien préalable date du 18 novembre 2011 ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que la lettre de licenciement fasse état de faits fautifs pour partie prescrits, dès lors qu'ils n'en constituent pas à eux seuls le fondement, et qu'ils ont été suivis d'autres faits fautifs commis dans un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; qu'il convient dès lors d'analyser les griefs postérieurs au 18 septembre 2011 avant de vérifier si l'employeur pouvait ou non faire état des faits antérieurs ;

que s'agissant du grief relatif à l'absence de mise en place d'une politique de communication sur l'implication du Groupe La Française dans l'ISR, l'employeur produit des échanges de courriels du mois d'octobre 2011 ; que l'un d'entre eux, émanant de M. [C], dont les responsabilités au sein de l'entreprise ne sont pas précisées, déplore qu'au cours d'un interview de M. [T] sur 'BFM', il n'avait 'pas vraiment cité 'La Française'...il faut que tu sois présent dans les medias pour faire la promo de l'ISR auprès du 'grand public' ; qu'un courriel du 25 octobre 2011 lui a été adressé en sa seule qualité de président du FIR par l'organisatrice d'une réunion publique au cours de laquelle le salarié devait animer une conférence ; que néanmoins ces deux seuls éléments sont insuffisants pour caractériser une défaillance de M. [T] dans la mission de communication dont il était investi ;

que s'agissant de son comportement au cours de la réunion du 19 octobre 2011, l'employeur explique que M. [T] n'ayant pas réagi à l'annonce du déférencement de 10 de ses fonds par Novethic, agence de notation qui se positionne comme un média sur le développement durable et un centre de recherche sur l'investissement socialement responsable et la responsabilité sociale des entreprises et qui a mis en place des labels destinés à identifier les fonds d'investissement répondant à certains critères en matière d'ISR servant de repères aux investisseurs, déférencement consécutif au conflit qui a opposé le salarié à cette agence en sa qualité de président du FIR, association regroupant les différents acteurs de l'ISR ayant pour objet de promouvoir le concept et les bonnes pratiques de l'ISR, Mme [N] a pris l'initiative d'organiser cette réunion avec l'agence Novethic pour comprendre ce qui s'était passé et surtout préparer le dossier de labellisation des fonds en 2012 ;

que le GIE verse aux débats l'attestation de Mme [V] [N] qui indique :

'Lors de la réunion du 19/10/11 avec NOVETHIC, [L] [T] a autoritairement bousculé l'ordre du jour prévu pour prioriser certains points qui lui tenaient à coeur.

Il l'a fait sans respect pour les collaborateurs présents, organisateurs de cette réunion, et sur un ton agressif totalement inapproprié vis à vis de NOVETHIC et en dépit de mes rappels répétés à davantage de courtoisie.

A l'issue de cette réunion, il a unilatéralement convié M. [J] et Mme [F] (salariés de Novethic) à un debriefing dans son bureau, excluant de fait tous les autres participants';

ainsi que l'attestation de Mme [V] [B], directrice marketing et communication du GIE qui indique :

' Lors de la réunion avec Novethic le 19/10/2011, [L] [T] s'est montré particulièrement agressif vis à vis de nos interlocuteurs externes, se posant 'en juge' par rapport aux pratiques de Novethic et remettant en cause leur technicité et leur capacité à établir les règles des Labels.

Par ailleurs, il n'a montré aucune cohésion interne vis à vis du groupe et des équipes, annonçant ouvertement son désaccord avec nos pratiques internes.

Enfin, un de mes collaborateurs m'a rapporté les propos d'un consultant avec lequel nous travaillons sur l'ISR, disant que 'La Française AM était selon la place, rentrée en guerre contre Novethic' ;

que M. [T] produit de son côté l'attestation de Mme [D] [A], directrice générale de Novethic, datée du 30 septembre 2014, qui indique :

'Après avoir pris connaissance du jugement à l'encontre de M. [L] [T], je tiens à exprimer ma stupéfaction sur son contenu.

Novethic, l'entreprise que je dirige, attribue chaque année un label ISR. Lors de l'été 2011, l'équipe chargée d'examiner les candidatures a constaté que les processus de gestion ISR mis en place à cette époque par la Française AM ne leur permettaient pas d'obtenir le label qu'ils avaient auparavant pour l'ensemble de leur gamme.

Nous avons annoncé cette décision début septembre à [L] [T] et La Française. La réunion organisée le 19 octobre 2011 à la demande de la société de gestion avait pour but de voir quelles seraient les conditions dans lesquelles La Française pourrait obtenir à nouveau notre label l'année suivante. Je m'y suis rendue accompagnée de [G] [J], le directeur de la recherche chargé de la labellisation.

La réunion s'est déroulée dans des conditions tout à fait normales puisque l'objectif que semblait avoir l'équipe de La Française présente à cette réunion était de retrouver la possibilité d'obtenir le label.

En revanche quand [L] [T] a découvert au cours de cette réunion qu'il était remplacé par [Z] [Q] en tant que responsable de l'ISR, il a été déstabilisé, mais ne s'en est pas pris à nous, l'équipe de Novethic, puisque nous n'étions pour rien dans cette décision. Je me suis alors tourné vers lui pour lui demander ce qu'il devenait dans ce cadre. Il n'a pas souhaité répondre et nous avons continué la réunion sur le mode précédent.' ;

que M. [G] [J] atteste également n'avoir constaté ni ressenti à son égard de la part de M. [T], aucun comportement non conforme aux échanges professionnels normaux ou qui ait pu lui paraître agressif ;

que la cour relève que, pour l'année 2012, le GIE a obtenu de Novethic la labellisation de cinq de ses produits, ce qui démontre que le comportement de M. [T] qu'elle dénonce dans la lettre de licenciement n'a pas été préjudiciable à son image ; que les liens privilégiés entre les deux responsables de Novethic, membre du FIR et M. [T], président du FIR, ne sont pas un argument pour décridibiliser leur témoignage alors qu'ils n'ont pas empêché Novethic de délabelliser la société représentée par M. [T], et que le GIE invoque par ailleurs la perte de ses labels en raison du conflit créé par M. [T] en septembre 2011 en sa qualité de président du FIR ;

que le grief tiré du comportement agressif du salarié n'est donc pas suffisamment prouvé par l'employeur à qui la charge de la rpeuve incombe ; que les autres griefs retenus par l'employeur à l'encontre du salarié dans la lettre de licenciement, antérieurs au 18 septembre 2011 :

- novembre 2010 : manque de proactivité en termes de communication, stratégie et développement ISR après l'élaboration de la feuille de route, propos critiques et déplacés à l'encontre des dirigeants du groupe,

- mars 2011 : inertie dans la mise en oeuvre d'une politique de responsabilité sociale (RSE),

- mai et juin 2011 : inactivité dans le recrutement de son successeur,

- 6 septembre 2011 : envoi d'un mail exprimant son désaccord profond et virulent avec les règles imposées par Novethic et ayant conduit à la perte des labels ;

dont les courriels qu'il produit destinés à faire la preuve des nombreuses défaillances de son salarié dans la réalisation de ses missions datés de septembre et décembre 2010, janvier, février, mars, avril, mai, juillet et août 2011, démontrent qu'il en avait connaissance étaient donc prescrits ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le licenciement de M. [T] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ; que dès lors il doit être fait application de la clause stipulant une indemnité contractuelle de rupture ainsi libellée : ' Dans l'hypothèse ou le GIE UFG serait amené à rompre votre contrat de travail pour un autre motif que la faute lourde, le décès, l'incapacité ou la démission (...) Vous percevrez une indemnité minimale de 2 années de rémunération brute (...) Le montant de cette indemnité sera réduit du montant des indemnités conventionnelles qui vous seront versées lors de votre départ' ;

qu'en application de l'article 38 de la convention collective nationale des sociétés financières applicable au GIE, M. [T] peut prétendre au versement d'une indemnité compensatrice de préavis représentant 3 mois de salaire ; qu'il résulte des bulletins de paie que sa rémunération mensuelle brute s'élevait à 13 846 euros , de sorte qu'il lui est dû la somme de 41 538 euros à ce titre, ainsi que les congés payés afférents, soit la somme de 4 153 euros ; que l'article 7 chapitre III de ladite convention collective prévoit le versement d'une indemnité conventionnelle de licenciement représentant un demi mois de salaire par année d'ancienneté ; qu'il résulte des bulletins de paie que la reprise d'ancienneté remonte au 14 mars 2003 ; qu'il est donc dû à M. [T], comptabilisant 8 ans et 9 mois d'ancienneté au jour de la rupture, la somme de 60 576 euros ; que le montant de l'indemnité contractuelle de rupture devant être réduite du montant des indemnités conventionnelles versées, il est dû à ce titre à M. [T] la somme de 226 037 euros ;

Attendu que conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, le salarié est en droit de percevoir une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que M. [T] comptabilisait près de 9 années d'ancienneté et était âgé de 57 ans au jour de la rupture de son contrat de travail ; qu'il indique avoir été admis au bénéfice de l'indemnisation au titre du chômage à compter du 27 décembre 2011 ; qu'il lui sera versé dans ces circonstances la somme de 125 000 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre ;

que M. [T] ne peut invoquer des circonstances vexatoires à l'appui de sa demande de dédommagement supplémentaire dès lors que la présentation de Mme [Q] le 19 octobre 2011 n'était pas fautive, ni sa dispense d'activité à compter du 18 novembre 2011 et qu'il n'est pas démontré autrement que par ses affirmations qu'il lui ait été demandé de quitter le jour même son lieu de travail ; qu'il ne sera pas fait droit à cette demande ;

Attendu qu'aux termes de son contrat de travail, M. [T] devait percevoir une rémunération annuelle brute fixe de 180 000 euros sur 13 mois ; que l'employeur reste lui devoir au titre de l'année 2011 la somme de 997 euros et celle de 2 427 euros au titre du prorata de l'année 2012, outre les congés payés afférents ; que le contrat prévoyait en outre le versement d'une rémunération annuelle brute variable garantie égale à 50% de sa rémunération annuelle fixe de l'année précédente, soit 60 922 euros pour l'année 2011 compte tenu de la rémunération perçue en 2010, étant rappelé qu'à compter de mai 2010, sa rémunération mensuelle était passée à 8 307 euros ; qu'ayant perçu en décembre 2011 la somme de 83 511 euros, il ne saurait prétendre à aucune somme complémentaire de ce chef ;

Attendu que le salarié avait droit, en application des articles L. 6323-17 et D. 6321-5 du code du travail, à une somme correspondant au solde de nombre d'heures acquises au titre du droit individuel à la formation et non utilisées, multiplié par le montant visé au deuxième alinéa de l'article L. 6332-14, soit 120 heures en l'espèce ; que la lettre de licenciement ne comporte pas l'information des droits acquis par le salarié en infraction à l'article L. 6323-19, de sorte qu'en ne lui permettant pas de bénéficier des dispositions relatives à ce droit dans le cadre de la rupture de son contrat de travail, l'employeur lui a nécessairement causé un préjudice qui doit être indemnisé à hauteur de 500 euros ;

Attendu que M. [T] soulève encore l'absence de mention dans la lettre de licenciement des mentions relatives à la portabilité de la mutuelle et de la prévoyance ; qu'il était prévu par l'avenant n°3 du 18 mai 2009 à l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail (article 14) "que les intéressés garderont le bénéfice des garanties des  couvertures complémentaires santé et prévoyance appliquées dans leur ancienne entreprise pendant leur période de chômage et pour des durées égales à la durée de leur dernier contrat de travail, appréciée en mois entiers, dans la limite de neuf mois de couverture', et que 'La notice d'information, prévue par les textes en vigueur, fournie par l'organisme assureur, et remise au salarié par l'employeur,  mentionnera les conditions d'application de la portabilité' ; que ce texte, d'abord obligatoire pour les seules entreprises appartenant à une branche d'activité représentée par un syndicat d'employeurs ayant signé cet accord, à savoir le Medef, la CGPME ou l'UPA, ce qui était le cas des entreprises ayant une activité commerciale, industrielle ou artisanale, a été étendu par arrêté du 7 octobre 2009 ; que ce texte s'imposait donc au GIE Groupe La Française ; que la perte de chance du salarié de bénéficier de ces dispositions lui a nécessairement causé un préjudice qui sera indemnisé par l'allocation de la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

Attendu qu'il convient d'ordonner à l'employeur la remise à M. [T] des bulletins de salaire rectifiés pour les mois de novembre 2011 à février 2012 ;

Attendu que l'intérêt au taux légal est dû à compter de l'accusé réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation, soit le 14 novembre 2011, pour les créances de nature salariale et à compter de ce jour pour les créances indemnitaires ; que la capitalisation des intérêts est de droit, quand elle est demandée, en application et dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

Attendu que l'équité commande de faire bénéficier M. [T] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [L] [T] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

L'infirme sur le surplus et y ajoutant :

Dit que le licenciement de M. [L] [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

Condamne le GIE Groupe La Française à lui payer les sommes suivantes :

- 41 538 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 4 153 euros au titre des congés payés afférents,

- 60 576 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 226 037 euros au titre d'indemnité contractuelle de rupture,

- 125 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 997 euros au titre du solde de 13ème mois pour l'exercice 2011,

- 99 euros au titre des congés payés afférents,

- 2427 euros au titre du prorata de 13ème mois pour l'exercice 2012,

- 242 euros au titre des congés payés afférents,

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier du DIF,

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier de la portabilité des garanties complémentaires prévoyance et santé ;

Dit que l'intérêt au taux légal court à compter du 14 novembre 2011 pour les créances de nature salariale, et à compter de ce jour pour les créances de nature indemnitaire ;

Ordonne la capitalisation des intérêts en application et dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

Ordonne la remise par le GIE Groupe La Française des bulletins de paie rectifiés pour les mois de novembre 2011 à février 2012 ;

Déboute M. [L] [T] du surplus de ses demandes ;

Condamne le GIE Groupe La Française à verser à M. [L] [T] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne le GIE Groupe La Française aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 14/07356
Date de la décision : 25/06/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°14/07356 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-25;14.07356 ?
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