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24/06/2015 | FRANCE | N°13/24261

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 24 juin 2015, 13/24261


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 24 JUIN 2015



(n° 340 , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/24261



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Octobre 2013 rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 12/05877





APPELANT



Monsieur [L] [K]

[Adresse 4]

[Adresse 4]



Représenté p

ar Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020, avocat postulant

Ayant pour avocats plaidants Me Slim BEN ACHOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : C1077 ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 24 JUIN 2015

(n° 340 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/24261

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Octobre 2013 rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 12/05877

APPELANT

Monsieur [L] [K]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020, avocat postulant

Ayant pour avocats plaidants Me Slim BEN ACHOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : C1077 et Me Félix DE BELLOY, avocat au barreau de PARIS, toque : R191

INTIME

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Claire LITAUDON de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141

EN PRÉSENCE DU DÉFENSEUR DES DROITS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me DEMARD Nicolas, avocat au barreau de PARIS, Toque A 997

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Février 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jacques BICHARD, Président de chambre (rapporteur)

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Sylvie BENARDEAU

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Madame DE CHOISEUL PRASLIN Laure, substitut général, qui a déposé des conclusions préalablement à l'audience et a fait connaître oralement son avis lors des débats.

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Sylvie BENARDEAU, greffier .

Le 1er octobre 2011, vers 22 heures 30, au restaurant 'Mac Donald', [Adresse 1], M. [L] [K], de nationalité française, d'origine africaine, alors âgé de 19 ans, qui se trouvait en compagnie de M. [R] [B], a fait l'objet, ainsi que son ami, d'un contrôle d'identité par les services de police qui ont procédé à sa fouille, le contrôle se terminant sans incident.

Le 6 mars 2012, par l'intermédiaire de son conseil, M. [L] [K] a demandé au ministre de l'intérieur de bien vouloir justifier sous quinzaine des motifs dudit contrôle.

N'ayant obtenu d'autre réponse que celle qui lui a été faite le 16 mars 2012 aux termes de laquelle l'autorité ministérielle lui a fait savoir qu'elle allait saisir la direction générale de la police nationale aux fins de réalisation d'un examen approprié de sa situation, M. [L] [K], par acte du 11 avril 2012, a fait assigner l'agent judiciaire de l'Etat , aux fins de faire constater le caractère discriminatoire du contrôle dont il avait fait l'objet et d'être indemnisé de son préjudice moral, devant le tribunal de grande instance de Paris dont il a déféré à la cour le jugement rendu le 2 octobre 2013 .

***

Vu le jugement entrepris qui a débouté M. [L] [K] de ses demandes, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens .

Vu les dernières conclusions communiquées par la voie électronique le :

er, 7 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'alinéa 1er du Préambule de la Constitution de 1946, 1er et 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, 1er et 4 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré,

- constater que l'Etat a commis une faute à son égard en contrôlant son identité sans motif légal et du fait de son origine et/ ou de son apparence physique et/ou de son appartenance ou non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race,

- condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral, outre une indemnité d'un montant de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'Etat aux entiers dépens .

* à titre principal :

- déclarer M. [L] [K] mal fondé en son appel,

- confirmer le jugement déféré,

* à titre subsidiaire, ramener le montant de l'indemnisation à de plus justes proportions,

* en tout état de cause, condamner M. [L] [K] à lui payer une indemnité d'un montant de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens .

Vu l'avis écrit en date du 3 juillet 2014 dont les parties n'ont pas contesté avoir eu connaissance, émis par le Ministère Public qui conclut à l'absence de faute lourde de l'Etat, de préjudice pour M. [L] [K] et donc à la confirmation du jugement déféré.

Vu l'avis écrit du Défenseur des droits qui, en conclusion, invite la cour à ' s'interroger sur la manière dont les textes applicables peuvent être interprétés pour offrir au justiciable des garanties suffisantes contre le risque de voir les contrôles d'identité échapper à tout contrôle juridictionnel effectif et se demander si le recours pour fonctionnement défectueux du service de la justice prévu par l'article L . 141-1 du COJ constitue une voie de recours effective à l'encontre des contrôles d'identité abusifs, au sens de la jurisprudence de la CEDH, et en particulier utilement accessible aux personnes alléguant avoir fait l'objet de contrôles d'identité fondés sur des motifs discriminatoires' .

SUR QUOI LA COUR

Considérant que le contrôle d'identité est l'injonction ou la sommation, faite à une personne physique par un agent de la force publique, fonctionnaire de police ou militaire de la gendarmerie, de justifier de son identité par tout moyen ;

Considérant que les conditions autorisant un agent de la force publique ou un militaire de gendarmerie à effectuer un contrôle d'identité sont définies par l'article 78-2 du code de procédure pénale qui prévoit trois situations :

* alinéa 1:

' Les officiers de police judiciaire et, ( ......) peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :

- qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;

- ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;

- ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou délit ;

- ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par l'autorité judiciaire ;

* alinéa 2 :

' Sur réquisitions écrites du procureur de la république aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminée par ce magistrat

( ......)', le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n° DC 93-323 du 5 août 1993, ayant précisé que le procureur de la République doit dans ses réquisitions ' définir précisément les conditions dans lesquelles les procédures de contrôle et de vérification d'identité qu'il prescrit doivent être effectuées' ;

* alinéa 3 :

' L'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens', le Conseil Constitutionnel dans le même arrêt du 5 août 1993 ayant rappelé que l'autorité de police doit être en mesure de ' justifier, dans tous les cas, des circonstances particulières établissant le risque d'atteinte à l'ordre public qui a motivé le contrôle' ;

Considérant néanmoins que la mise en oeuvre d'un contrôle d'identité fondée sur les dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale, au delà même de la question de sa légalité, doit avoir été opérée dans le respect des droits fondamentaux de la personne et donc du principe de l'égalité de traitement entre les personnes, sans discrimination tenant notamment à la race, l'apparence physique ou l'origine ;

Considérant que ce principe de non discrimination est au coeur de la protection internationale des droits de l'homme ;

que dans le prolongement de la Déclaration Universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948, il est consacré par la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 21 décembre 1965, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne du 7 novembre 2000, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

que la CJUE, en matière de discrimination, applique le droit de l'Union au regard des textes internationaux, nationaux et de la Convention Européenne des droits de l'Homme, rappelant que les Etats, non seulement doivent s'abstenir de discriminer mais ont également l'obligation de prendre toute mesure nécessaire afin d'éviter toute discrimination dont la CRDH a jugé dans l'arrêt Timishev contre Russie, du 13 décembre 2005, que ' la discrimination raciale est une forme de discrimination particulièrement odieuse qui exige une vigilance spéciale et une réaction vigoureuse de la part des autorités. (....)' ;

que tout autant ce principe de l'égalité de traitement et de son corollaire, celui de la non discrimination est consacré en droit interne, par la Constitution de 4 octobre 1958 qui, en son article 1, dispose que ' La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion' , mais également par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et par l'alinéa 1 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ces deux derniers textes ayant valeur constitutionnelle ;

Considérant dés lors que si le juge judiciaire, sur ces trois formes de contrôle d'identité : droit commun de l' alinéa 1, sur réquisition de l' alinéa 2, à titre préventif de l' alinéa 3, est amené à exercer son contrôle sur le respect par les autorités de police, des exigences légales et des limites fixées par le Conseil Constitutionnel, il lui appartient également, outre ce contrôle de la stricte légalité des contrôles d'identité opérés, de s'assurer que ceux-ci ont été exécutés dans le respect des droits fondamentaux de la personne, selon des critères objectifs, étrangers notamment, à la couleur de la peau et/ou l'origine des personnes contrôlées ;

que le Conseil Constitutionnel a rappelé dans sa décision du 5 août 1993 'qu'il revient à l'autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle de contrôler en particulier les conditions relatives à la légalité, à la réalité et à la pertinence des raisons ayant motivé les opérations de contrôle et de vérification d'identité' ;

Considérant que M. [L] [K] a fait l'objet d'un contrôle d'identité en application des dispositions de l'article 78-2 alinéa 2 du code de procédure pénale ;

que cette mesure constitue une action de police judiciaire qui relève, contrairement à ce que soutient l'appelant, du domaine du service public de la justice dont celui-ci est ainsi devenu, quoiqu'il le conteste, un usager auquel l'article L . 141-1 du code de l'organisation judiciaire, qui concerne non seulement les actes effectués par les magistrats mais également ceux exécutés sur leurs directives et instructions mais aussi les opérations accomplies dans le cadre défini par le code de procédure pénale, ainsi que les enquêtes sur les crimes ou délits flagrants et les enquêtes préliminaires, ouvre une action lui permettant de rechercher la responsabilité de l'Etat en ce qu'il prévoit que ' L'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice' ;

Considérant, certes que ce texte dispose que ' (....) cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou un déni de justice ', la faute lourde devant s'entendre comme une déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi' ;

que néanmoins la jurisprudence apprécie cette notion en prenant en compte le devoir professionnel méconnu par l'agent qui en est l'auteur et les effets du dysfonctionnement pour la victime, au regard de ce qu'elle était en droit d'attendre du service public de la justice ;

Considérant qu'au regard des principes fondamentaux résultant tant des normes internationales, qu'européennes que nationales, précédemment énoncées, il est acquis qu'un contrôle d'identité, opéré sur des motifs discriminatoires fondés notamment sur la race ou l'origine, porterait fondamentalement atteinte au principe d'égalité de traitement que toute personne est légitimement en droit d'attendre du service public de la justice ;

qu'une violation aussi flagrante des droits fondamentaux de la personne ne peut dés lors que constituer une faute lourde engageant directement la responsabilité de l'Etat, de sorte que l'exigence posée par l'article L.141-1 de l'organisation judiciaire tenant à la caractérisation de celle-ci ne constitue pas un obstacle à l'action dont dispose la personne qui s'en dit victime ;

Considérant cependant que pour être pleinement effectif, le recours au juge judiciaire tel que rappelé par le Conseil Constitutionnel, s'exerçant sur le fondement dudit article L . 141-1 doit s'inscrire dans un régime juridique permettant la démonstration, par l'intéressé, des faits qu'il estime arbitraires ou abusifs ;

Considérant que la problématique au cas d'espèce résulte de ce que le contrôle litigieux n'a donné lieu à la rédaction d'aucun procès-verbal, qu'il n'a pas été enregistré, ni fait l'objet d'un récépissé ;

que telle qu'établie, la loi en matière de contrôle d'identité qui n'aboutit pas à la constatation d'une infraction, ne prévoit aucune obligation de traçabilité;

que cette situation constitue dés lors une entrave au contrôle juridictionnel, susceptible en elle même de priver la personne concernée de la possibilité de contester utilement la mesure en cause et son caractère éventuellement discriminatoire et va à l'encontre de la jurisprudence développée par la Cour européenne sur l'article 13 de la Convention Européenne portant sur le droit à un recours effectif ;

Considérant que l'appelant soutient en conséquence la nécessité d'un aménagement de la charge de la preuve, tel que l'a énoncé la cour européenne dans diverses décisions ( arrêts Natchova, Timishev, Salman ) ;

qu'il invoque également sur ce point la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 qui en son article 4 dispose que ' Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence . Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination';

Considérant que le champ d'application de la loi du 27 mai 2008, qui a modifié plusieurs articles du code du travail, ainsi que l'article 225-3 du code pénal, est défini par son article 2 qui énonce :

' 1° Toute discrimination (.....) est interdite en matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services ou de fournitures de biens et services ;

2° Toute discrimination (....) est interdite en matière d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages procurées par elle, d'accès à l'emploi, d'emplois, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de promotion professionnelle .' ;

Que cette loi a été prise dans le but de compléter la transposition de différentes directives communautaires, toutes en lien direct ou indirect avec le droit du travail :

- directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 : lutte contre les discriminations dans le domaine de l'emploi, de la protection sociale, du relèvement du niveau de la qualité de la vie, de la cohésion économique et sociale et de la solidarité ;

- directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2009 : création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

- directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 : modifie une directive relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes, en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle, et les conditions de travail ;

- directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004 : mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services ( dans le domaine économique et financier ) ;

- directive 2006/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 : mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail' ;

qu'ainsi au regard de son domaine d'application, des directives européennes précitées, des discussions parlementaires et travaux préparatoires, il n'apparaît pas que la loi du 27 mai 2008 dont le domaine d'application est circonscrit à la matière sociale et aux relations professionnelles, ait vocation à s'appliquer au présent litige ;

Considérant néanmoins que pour être adéquate, la voie de recours ouverte par l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, nécessite dés lors que la preuve de l'atteinte aux droits de la personne et au principe d'égalité, puisse être rapportée, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne, par un faisceau de circonstances graves, précises et concordantes, l'autorité publique devant quant à elle démontrer le caractère justifié de la différence de traitement ;

Considérant qu'en l'espèce, outre les statistiques d'ordre général qui, contrairement à ce que soutient l'agent judiciaire de l'Etat, constituent un élément d'appréciation en ce qu'elles révèlent qu'est 'sur contrôlée' une population jeune, masculine, portant des vêtements qui sont ceux à la mode dans la jeune génération issue des quartiers défavorisés et appartenant aux minorités visibles, situation notamment dénoncée par un rapport de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance de juin 2010, M. [L] [K] produit aux débats une attestation délivrée par M. [R] [B], témoin de son interpellation et également contrôlé qui indique notamment que les autres personnes attablées à la terrasse du restaurant où eux mêmes se trouvaient étaient toutes 'des blancs';

que ce témoignage n'est pas utilement contredit par l'agent judiciaire de l'Etat, dès lors que n'est pas rapportée la preuve que d'autres consommateurs auraient été soumis à l'obligation de présenter leurs documents d'identité ;

que sont ainsi réunies des présomptions graves, précises et concordantes permettant de retenir que le contrôle litigieux a été exécuté en tenant compte de l'apparence physique de l'intéressé et de son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race ;

que si la régularité dudit contrôle n'est pas contestée au regard des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 78-2 du code de procédure pénale dans le cadre duquel il s'est déroulé, sur réquisitions du procureur de la République prés le tribunal de grande instance de Lyon qui sont strictement déterminées dans le temps et dans l'espace, il demeure en revanche que l'autorité publique ne peut démontrer en quoi le contrôle systématique et exclusif d'un type de population, en raison de la couleur de sa peau ou de son origine, tel qu'il a été relaté par le témoin, était justifié par des circonstances précises et particulières ;

qu'à défaut d'une telle preuve, peu important par ailleurs que le contrôle en cause se soit déroulé sans que n'aient été tenus de propos humiliants ou insultants, les faits dénoncés par M. [L] [K] présentent un caractère discriminatoire qui engage la responsabilité de l'Etat ;

Considérant dés lors que M. [L] [K] est fondé à obtenir la réparation du préjudice moral qui en est résulté, lequel sera réparé par l'allocation d'une somme de 1 500 euros ;

Considérant que la solution du litige eu égard à l'équité commande d'accorder à M. [L] [K] une indemnité d'un montant de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré .

Condamne l'agent judiciaire de l'Etat à verser à M. [L] [K] la somme de 1 500 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral, outre une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .

Condamne l'agent judiciaire de l'Etat aux dépens dont distraction au profit de Maître de Belloy, avocat à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 13/24261
Date de la décision : 24/06/2015

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°13/24261 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-24;13.24261 ?
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