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24/06/2015 | FRANCE | N°13/05110

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 24 juin 2015, 13/05110


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4



ARRET DU 24 JUIN 2015



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/05110



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Février 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - 13ème chambre Affaires contentieuses - RG n° 2011038311





APPELANTS :



1/ Maître [N] [P]

ès qualités de liquidateur à la liquidation ju

diciaire de la SAS [G] AUTOMOBILES

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toqu...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRET DU 24 JUIN 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/05110

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Février 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - 13ème chambre Affaires contentieuses - RG n° 2011038311

APPELANTS :

1/ Maître [N] [P]

ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS [G] AUTOMOBILES

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

ayant pour avocats plaidants : Me Hugo GATTERRE et Me Jean-Baptiste LE ROY, SELARL DTA, avocats au barreau de PARIS, toque : A0042

2/ SAS D'INVESTISSEMENT ET DE GESTION [G]

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de SAINT-DENIS sous le n° 409.487.444

ayant son siège [Adresse 3]

[Localité 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

ayant pour avocats plaidants : Me Hugo GATTERRE et Me Jean-Baptiste LE ROY, SELARL DTA, avocats au barreau de PARIS, toque : A0042

3/ SAS [G]

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de SAINT-DENIS sous le n° 310.864.731

ayant son siège [Adresse 3]

[Localité 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

ayant pour avocats plaidants : Me Hugo GATTERRE et Me Jean-Baptiste LE ROY, SELARL DTA, avocats au barreau de PARIS, toque : A0042

INTIMEE

SA AUTOMOBILES CITROEN

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090

ayant pour avocat plaidant : Me Sandrine MUNNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0094

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Irène LUC, Conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre,

Madame Irène LUC, Conseillère, rédacteur

Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, présidente et par Madame Violaine PERRET, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement rendu le 15 février 2013, par lequel le tribunal de commerce de Paris a débouté la société d'Investissement et de Gestion [G], Me [P] agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [G] Automobiles et la société [G] de toutes leurs demandes, débouté la société Automobiles Citroën de ses demandes reconventionnelles et condamné solidairement la société d'Investissement et de Gestion [G], Me [P] agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [G] Automobiles et la société [G] aux dépens ;

Vu l'appel interjeté par la société d'Investissement et de Gestion [G], Me [P] agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [G] Automobiles et la société [G] le 13 mars 2013 et leurs dernières conclusions signifiées le 9 avril 2015, dans lesquelles il est demandé à la cour d'infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a dé'bouté' les appelants de leurs demandes, et, statuant à nouveau, condamner la société Automobile Citroën a' payer à la société d'Investissement et de Gestion [G] la somme de 52.300.804 €, à' titre de dommages et inté'rêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture illicite, brutale et abusive du contrat et des relations commerciales qu'elles entretenaient, avec inte'rêts au taux lé'gal à' compter du 20 mai 2009, date de la lettre de ré'siliation, avec capitalisation des inté'rêts depuis cette date, celle de 5.350.000€, à' titre de dommages et inté'rêts en ré'paration du pre'judice re'sultant des engagements financiers complémentaires pris par les appelantes dans le cadre du pré'avis, celle de 915.680,56€, à titre de dommages et inte'rêts en re'paration du pré'judice comple'mentaire re'sultant du coût des licenciements, celle de 1.000.000€, a' titre de dommages et inte'rêts en re'paration, d'une part, du pre'judice re'sultant de l'atteinte a' l'image commerciale du Groupe [G] et d'autre part, au pre'judice moral re'sultant des man'uvres de'loyales exercé'es par la société Automobiles Citroën, à' charge pour la société d'investissement et de Gestion [G] de proce'der a' la re'partition de ces sommes entre les parties appelantes, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a de'boute' la société Automobiles Citroën de ses demandes reconventionnelles, rejeter les demandes indemnitaires de la société Automobiles Citroën comme irrecevables et mal fondées, et, enfin, condamner la société Automobiles Citroën a' payer aux demanderesses une somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procé'dure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 3 décembre 2013 par la société Automobiles Citroën, dans lesquelles il est demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société d'Investissement et de Gestion [G], Maître [P], agissant ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société [G] Automobiles et la société [G] de toutes leurs demandes, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Automobiles Citroën de ses demandes reconventionnelles, condamner la société d'Investissement et de Gestion [G], au paiement de la somme de 743.153, 40€ à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice lié à la dépréciation du stock commandé et demeuré impayé, fixer et constater 1'existence au passif de la société [G] Automobiles, représentée par Maître [P], ès qualités de liquidateur, de la même créance, solidairement avec la société d'Investissement et de Gestion [G], d'un montant de 743.153,40€, à titre de dommages intérêts, condamner la société [G] au paiement de la somme de 300.000€ à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi à l'occasion des extensions de garantie vendues par elle, et dont le coût est supporté par la société Automobiles Citroën, fixer et constater l'existence au passif de la société [G] Automobiles, représentée par Maître [P] ès qualités de liquidateur, de la même créance, solidairement avec la société [G], d'un montant de 300.000€, à titre de dommages intérêts, condamner solidairement les demanderesses, et Maître [P], ès qualités de liquidateur de la société [G] Automobiles, au paiement de la somme de 70.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE,

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La Société d'Investissement et de Gestion [G] (ci-après SIGF) importait et distribuait des véhicules neufs et des pièces de rechange de la marque Citroën à la Réunion, en vertu d'un « contrat d'importation à durée indéterminée », conclu entre la société Automobiles Citroën et la SIGF, le 30 juin 2004, à effet au 1er décembre 2003, lui conférant le droit non exclusif d'importer à la Réunion les produits de la marque et les distribuer en qualité d'importateur grossiste.

La société [G], filiale de la SIGF, intervenait en qualité de concessionnaire, distributeur de pièces de rechange agréé et réparateur. Fin 2008, cette activité a été transférée à la société [G] Automobiles (représentée par Me [P], ès qualités de liquidateur judiciaire), au moyen d'un apport partiel d'actifs.

Par courrier du 20 mai 2009, le contrat du 30 juin 2004 a été rompu par la société Automobiles Citroën avec un préavis de 2 ans. Cette société exposait qu'elle avait décidé de mettre en 'uvre une nouvelle politique de développement et de croissance, portée par le projet de marque.

À la suite de graves difficultés, la société [G] Automobiles a connu une procédure de conciliation, homologuée le 19/08/2009 par le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis. Le 18 novembre 2010, la SIGF a cédé son fonds d'importateur à la société [G] Automobiles. Cette société a été placée en redressement judiciaire par jugement du 1er décembre 2010. Elle a cédé sa branche automobile Citroën à la société CFAO, cession validée par jugement du 28 janvier 2011. Elle a ensuite été placée en liquidation judiciaire par jugement du 22 juin 2011.

Par acte en date du 12 mai 2011, la SIGF, le représentant de la société [G] Automobiles et la société [G] ont assigné la société Automobiles Citroën devant le tribunal de commerce de Paris.

Par le jugement présentement entrepris, le tribunal a jugé que la société Automobiles Citroën avait résilié le contrat avec un préavis de deux ans, conformément aux dispositions du règlement 1400/2002. Il a jugé que ce préavis était également suffisant au regard de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce. Il a enfin relevé que le groupe [G] ne pouvait se méprendre sur la résiliation intervenue et ne pouvait reprocher à la société Automobiles Citroën de l'avoir laissée espérer la conclusion d'un nouveau contrat.

Sur la conformité de la résiliation au Règlement CE n°1400/2002

Considérant que les appelantes soutiennent que les motifs adoptés par la société Automobiles Citroën dans sa lettre de résiliation, c'est à dire l'expiration du Règlement CE n°1400/2002 et la « mise en 'uvre de sa nouvelle politique de développement et de croissance, portée par le Projet de Marque » du contrat d'importation, ne constituent pas, comme elle s'y était engagée à l'article 17 du contrat d'importation, des raisons objectives et transparentes ;

Considérant que la société Automobiles Citroën expose qu'il s'agit en l'espèce d'une résiliation ordinaire qui n'exige aucune motivation d'ordre légal ou contractuel, à l'inverse de la résiliation extraordinaire dont il n'est pas question ici ; qu'elle a résilié l'ensemble des contrats de ses réseaux en France et en Europe en raison de la « mise en 'uvre de sa nouvelle politique de développement et de croissance » et que cela constitue bien une raison objective et transparente ;

Considérant que la société Automobiles Citroën a résilié le contrat par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 mai 2009 ; que l'article 17 du contrat transpose l'article 3-4 du règlement d'exemption CE 1400/2002 du 31 juillet 2002 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité (devenu 101, paragraphe 3 du TFUE) à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, qui dispose : « l'exemption s'applique à condition que l'accord vertical conclu avec un distributeur ou un réparateur prévoit qu'un fournisseur qui souhaite notifier la résiliation d'un accord soit tenu de le faire par écrit en spécifiant les raisons objectives et transparentes de la décision de résiliation, afin d'éviter qu'un fournisseur ne résilie un accord vertical avec un distributeur ou un réparateur à cause de pratiques qui ne peuvent faire l'objet de restrictions dans le cas du présent règlement » ; que cet article stipule que « chacune des parties pourra, à tout moment et sans indemnité à son encontre, mettre fin au présent contrat à condition d'en prévenir l'autre par lettre recommandée avec avis de réception, motivée et expédiée au moins deux ans à l'avance, étant précisé que, pour répondre aux dispositions du règlement 1400/2002, ladite lettre spécifiera les raisons objectives et transparentes de la résiliation afin qu'il puisse être vérifié que la résiliation n'est pas causée par des principes qui ne peuvent faire l'objet de restrictions dans le cadre dudit règlement » ; que l'objectif de cette obligation de motivation est de permettre au juge de contrôler qu'un accord ne soit résilié pour des raisons constituant en réalité des pratiques anticoncurrentielles ; que telles seraient, par exemple, des conditions qui interdiraient au concessionnaire de vendre des véhicules de marques de producteurs concurrents dans ses locaux ;

Considérant qu'au regard de cet objectif, la lettre de résiliation de la société Automobiles Citroën est suffisamment précise ; qu'en effet, elle permet de vérifier que les motifs invoqués ne constituent pas des restrictions de concurrence prohibées ; que les motifs invoqués par la société Automobiles Citröen sont clairement expliqués, à savoir la mise en 'uvre de sa nouvelle politique de développement et de croissance, reposant sur le développement de la gamme et de nouvelles exigences visant à renforcer la satisfaction de la clientèle ; que la société Automobiles Citroën atteste avoir résilié l'ensemble des contrats de ses réseaux en France et en Europe, pour le même motif, et avoir modifié les critères de sélection de ses concessionnaires ; que ces circonstances objectives ne procèdent pas d'une restriction de concurrence au sens du règlement 1400/2002 ; que la société Automobiles Citroën n'avait pas à établir la nécessité d'une réorganisation de l'ensemble ou d'une partie de son réseau, n'ayant pas choisi de résilier l'accord moyennant le préavis réduit d'un an ; qu'en définitive, la résiliation intervenue n'est pas illicite au regard du Règlement communautaire n° 1400/2002 ; que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

Sur l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce

Considérant que les appelantes soutiennent n'avoir jamais bénéficié d'aucun préavis ou, à titre subsidiaire, d'un préavis trop bref pour leur permettre de trouver d'autres partenaires ou de se reconvertir ; qu'un préavis de quatre ans aurait du leur être octroyé, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5 ° du code de commerce ;

Considérant que la société Automobiles Citröen soutient que l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce ne s'applique pas en matière de concessions, car les impératifs du droit communautaire priment les règles générales et spéciales du droit français ; que le délai de préavis de deux ans, contractuellement accepté, est conforme aux dispositions communautaires et ne saurait, à peine d'insécurité juridique, être individualisé pour chaque opérateur du réseau ; que l'appelante ne pourrait revendiquer un préavis allant au-delà de deux années, cette durée étant conforme au règlement d'exemption CE n° 1400/2002 ; que le concédant soutient, à titre subsidiaire, que la société SIGF avait le droit d'importer et de commercialiser des véhicules neufs d'autres marques et ne se trouvait pas dans une situation de dépendance économique à son égard ; que la société SIGF ne démontrerait pas avoir été dans l'impossibilité de se reconvertir pendant ce délai de deux ans, ayant d'ailleurs cédé son activité à la société CFAO ; que la rupture n'était pas « équivoque » et la société [G] Automobiles ne pouvait légitiment croire en la conclusion d'un nouveau contrat, cause d'une fragilisation de son équilibre financier ;

Mais considérant que l'article 3, § 3, du règlement 1/2003, relatif aux rapports entre droit national et droit de la concurrence communautaire, dispose : « Sans préjudice des principes généraux et des autres dispositions du droit communautaire, les paragraphes 1 et 2 ne s'appliquent pas lorsque les autorités de concurrence et les juridictions des États membres appliquent la législation nationale relative au contrôle des concentrations, et ils n'interdisent pas l'application de dispositions de droit national qui visent à titre principal un objectif différent de celui visé par les articles 81 et 82 du traité » ; que si l'article L. 442-6 du Code de commerce vise à "la protection du fonctionnement du marché et de la concurrence", grâce à la protection des concurrents, cet objectif n'est pas identique à celui poursuivi par la répression des pratiques anticoncurrentielles qui tend à la protection du fonctionnement concurrentiel du marché dans son ensemble ;

Considérant que le considérant n°9 de ce règlement précise que l'application du droit communautaire de la concurrence n'exclut pas l'application des pratiques restrictives de concurrence de l'article L. 442-6 du Code de commerce : « Les articles 81 et 82 du traité ont pour objectif de préserver la concurrence sur le marché. Le présent règlement, qui est adopté en application des dispositions précitées, n'interdit pas aux États membres de mettre en oeuvre sur leur territoire des dispositions législatives nationales destinées à protéger d'autres intérêts légitimes, pour autant que ces dispositions soient compatibles avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire. Dans la mesure où les dispositions législatives nationales en cause visent principalement un objectif autre que celui consistant à préserver la concurrence sur le marché, les autorités de concurrence et les juridictions des États membres peuvent appliquer lesdites dispositions sur leur territoire. Par voie de conséquence, les États membres peuvent, eu égard au présent règlement, mettre en oeuvre sur leur territoire des dispositions législatives nationales interdisant ou sanctionnant les actes liés à des pratiques commerciales déloyales, qu'ils aient un caractère unilatéral ou contractuel. Les dispositions de cette nature visent un objectif spécifique, indépendamment des répercussions effectives ou présumées de ces actes sur la concurrence sur le marché. C'est particulièrement le cas des dispositions qui interdisent aux entreprises d'imposer à un partenaire commercial, d'obtenir ou de tenter d'obtenir de lui des conditions commerciales injustifiées, disproportionnées ou sans contrepartie » ;

Considérant qu'il résulte de ces textes que le préavis de deux années, prévu par le règlement automobile, n'écarte donc pas la nécessité, prévue à l'article L. 442-6, I, 5 du code de commerce, d'accorder un préavis suffisant au partenaire qui subit une résiliation de concession ; qu'il y a donc lieu d'apprécier si le préavis de deux ans accordé par la société Automobiles Citroën à son concessionnaire a été suffisant pour lui permettre de se reconvertir ;

Considérant que si la société SIGF soutient être en relations d'affaires avec Citroën depuis plus de 90 ans, la cour n'a reçu communication que du contrat du 30 juin 2004 ; que le contrat de concession n'interdisait pas à la société [G] de distribuer des marques concurrentes, c'est-à-dire de développer une distribution multimarque, même si elle n'a pas usé de cette faculté ; que la société [G] ne démontre pas avoir réalisé des investissements irrécupérables dédiés à Citroën ; qu'au regard de ces éléments, le préavis consenti de deux ans était suffisant pour permettre à la société [G] de trouver un autre partenaire ou vendre sa concession ; qu'elle a au demeurant vendu son fonds de commerce pendant ce préavis ;

Considérant qu'elle ne démontre pas que ce préavis n'aurait pas été effectif, car elle aurait été entretenue dans l'espérance du renouvellement du contrat, ce qui l'aurait empêchée de rechercher un nouveau partenaire ; qu'en effet, si la société Automobiles Citroën avait assorti sa lettre de résiliation d'une offre ainsi rédigée : « nous vous indiquons, par ailleurs, qu'à l'issue de ce délai nous vous proposerons la conclusion d'un contrat d'importation, sous réserve notamment que vous respectiez parfaitement : l'intégralité de vos obligations contractuelles jusqu'au 31 mai 2011, les objectifs minimum de performance commerciale en véhicules neufs Citroën et pièces de rechange et accessoires suivants », il est apparu très vite, dès le 4 décembre 2009, que la société [G] serait loin de ces objectifs, sans que les sociétés appelantes démontrent que ces objectifs auraient été fixés à un niveau excessivement élevé, et qu'elle ne pouvait envisager la conclusion d'un nouveau contrat ; que le 5 juillet 2010, la société Automobiles Citroën lui indiquait que « les conditions requises pour pouvoir proposer un nouveau contrat d'importation ne sont pas remplies à ce jour » ; qu'elle ne démontre pas que cette incertitude l'aurait empêchée de se concentrer sur son projet de reconversion ou de trouver un nouveau partenaire ; qu'en effet, elle ne démontre pas s'être préoccupée d'atteindre les objectifs, mais a réussi à vendre son fonds de commerce à un autre opérateur ; que ce moyen sera donc rejeté ;

Sur les circonstances de la rupture

Considérant que les appelantes estiment que les circonstances entourant la rupture ont aggravé le dommage subi ; qu'elles soutiennent que la société Automobiles Citroën a commis des pratiques commerciales déloyales du fait de l'obtention d'avantages manifestement disproportionnés, leur a opposé des difficultés d'approvisionnement, leur a opposé des modifications unilatérales des modalités de paiement et de financement et enfin, une ingérence dans la gestion du Groupe [G] ;

Considérant que la société Citröen réplique que les prétendues circonstances aggravantes qui entourent la rupture ne sont pas démontrées ; que les difficultés financières du Groupe [G] sont survenues dès l'année 2007 et ne résultent nullement de la résiliation du contrat d'importation en mai 2009, ni de quelconques prétendues man'uvres de Citröen, comme l'a souligné le rapport de l'administrateur judiciaire au cours du protocole de conciliation, lorsqu'il fait état de « difficultés d'ordre juridique, structurel, stratégique et managérial » ;

Considérant que les engagements financiers de 5 350 000 € sont consécutifs à la procédure de conciliation du 22 mai 2009 et sont liés aux difficultés financières du groupe ; qu'il n'est pas démontré que les licenciements auxquels la société [G] a du procéder découlent de la résiliation du contrat, le groupe ayant un excès de charge de personnel, qui lui avait déjà été signalé par Citroën ; que les « sur stocks » prétendument imposés par Citroën ne sont pas établis ; que si l'échange de messages entre les sociétés atteste de certaines difficultés d'approvisionnement, il n'est pas démontré que les appelants auraient manqué des ventes en raison de celles-ci ; qu'aucune faute n'est imputable à la société Citroën dans le changement des modalités de paiement, celui-ci étant rendu nécessaire par les impayés de [G] et, notamment le fait que des véhicules avaient été vendus à des clients finals avant d'avoir été payés par [G] à son concédant ; qu'il n'est, enfin, pas démontré que la société Automobiles Citroën ait commis des ingérences dans sa gestion ;

Considérant qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés appelantes ;

Sur les demandes reconventionnelles de la société Automobiles Citröen

Considérant que la société Automobiles Citroën expose que la cession du fonds de commerce par la société d'Investissement et de Gestion [G] à la société [G] Automobiles s'est opérée sans transfert du stock de véhicules neufs, de sorte que la société Automobiles Citroën a du « récupérer » le stock de véhicules neufs commandé par la société d'Investissement et de Gestion [G], vendu et livré sous clause de réserve de propriété, et demeuré impayé par cette dernière ; qu'elle a ainsi intégralement supporté la dépréciation de ce stock lui causant un préjudice évalué par elle à 743.153,40€ ;

Considérant que la preuve de la dépréciation de 10 % de ce stock n'est pas rapportée, ni que cette dépréciation résulte d'une faute de SIGF ou [G] ; qu'il y a donc lieu de rejeter cette demande ;

Considérant que la société Automobiles Citroën soutient que les prestations payantes complémentaires d'extension de garantie sur la 3ème année consenties et encaissées par la société [G], puis par la société [G] Automobiles, mais ignorées par la société cessionnaire CFAO qui s'est trouvée dans l'impossibilité d'en assumer les coûts ont, dans un souci évident de préservation d'image de marque, été supportées par elle, ce qui lui a causé un préjudice évalué par elle à 300.000€ ; que l'existence de ces créances doit être fixée et constatée au passif de la société [G] Automobiles, représentée par Me [P], ès qualité de liquidateur judiciaire, solidairement et réciproquement avec la société d'Investissement et de Gestion [G] et la société [G] ;

Mais considérant que la société Automobiles Citroën a accepté cette prise en charge volontairement, alors qu'elle n'y était pas obligée, et il n'est pas établi que CFAO, successeur de [G], n'aurait pu en assumer le coût ; qu'en toute hypothèse, aucune faute des appelantes n'est à l'origine de cette charge ;

Considérant que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société Automobiles Citroën ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Automobiles Citröen la charge des frais irrépétibles de l'instance ; que la société [G], la société d'Investissement et de Gestion [G] et Me [P] ès qualités de liquidateur de la société [G] Automobiles seront donc condamnées à payer in solidum à la société Automibiles Citroën la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris,

Condamne la société [G], la société d'Investissement et de Gestion [G], et Maître [P], ès qualités de liquidateur de la société [G] Automobiles, in solidum, aux dépens de l'instance d'appel, et ordonne, s'agissant de [G] Automobiles, l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective,

Condamne la société [G], la société d'Investissement et de Gestion [G], et Maître [P], ès qualités de liquidateur de la société [G] Automobiles, in solidum, au paiement de la somme de 10.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la créance de la société Automobiles Citroën étant inscrite au passif de la société [G] Automobiles.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

V. PERRET F. COCCHIELLO


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 13/05110
Date de la décision : 24/06/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°13/05110 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-24;13.05110 ?
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