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23/06/2015 | FRANCE | N°13/09748

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 23 juin 2015, 13/09748


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 23 JUIN 2015



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/09748



Décision déférée à la Cour : Sentence rendue le 16 Avril 2013 par le Tribunal arbitral de PARIS sous l'égide de la Chambre de commerce internationale.



DEMANDEURS AU RECOURS :



ETABLISSEMENT PUBLIC ECONOMIQUE, Société par Action

s CNAN GROUP SPA

pris en la personne de ses représentants légaux



[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

ALGERIE



représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP SCP BOLLI...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 23 JUIN 2015

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/09748

Décision déférée à la Cour : Sentence rendue le 16 Avril 2013 par le Tribunal arbitral de PARIS sous l'égide de la Chambre de commerce internationale.

DEMANDEURS AU RECOURS :

ETABLISSEMENT PUBLIC ECONOMIQUE, Société par Actions CNAN GROUP SPA

pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

ALGERIE

représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : P0480

assisté de Me Bachir HADJ HAMOU, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : G383

SOCIÉTÉ INTERNATIONAL BULK CARRIER SPA (IBC), Société par Actions,

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

ALGERIE

représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : P0480

assistée de Me Bachir HADJ HAMOU, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : G383

DÉFENDEURS AU RECOURS :

S.A.R.L. CTI GROUP INC. (ILES CAYMAN)

prise en la personne de ses représentants légaux

'[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

CAYMAN ISLANDS

représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0018

assistée de Me Sébastian BONNARD et Hervé LE LAY, avocats plaidant du barreau de PARIS, toque : L 260

Société [E] COMMERCIAL INVESTMENT GROUP LIMITED

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

ARABIE SAOUDITE

représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0029

assistée de Me Jean-François BOUCLY, avocat plaidant du barreau de PARIS,

Monsieur [P] [R] [V]

[Adresse 4]

[Adresse 4]8

[Localité 2]

ARABIE SAOUDITE

non comparant

non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 mai 2015, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :

Monsieur ACQUAVIVA, Président

Madame GUIHAL, Conseillère

Madame DALLERY, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame PATE

ARRET :

- PAR DÉFAUT

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur ACQUAVIVA, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.

La société CNAN GROUP SPA, établissement public algérien dont l'objet principal est le transport maritime de marchandises, le frètement et l'affrètement de navires a, dans le cadre de la privatisation d'une partie de la flotte marchande algérienne, conclu le 27 décembre 2006, avec un groupe d'investisseurs composé de la société [E] COMMERCIAL INVESTMENT GROUP LIMITED, société de droit saoudien, la société CTI GROUP, société de droit des Îles Caïman et Monsieur [P] [R] [V], un Protocole d'accord de partenariat en vue de constituer une société commune.

Le 27 mai 2007, la société INTERNATIONAL BULK CARRIER SPA (ci-après IBC) a été créée en Algérie par la société CNAN, actionnaire unique pour avoir effectué un apport en nature de huit navires.

En exécution du protocole d'accord de partenariat, un contrat de cession d'actions a été signé le 24 septembre 2007 entre les parties. Aux termes de ce contrat, les sociétés [E] et CTI ont acquis chacune 24.5% des actions et Monsieur[V] 2% des actions, la société CNAN demeurant actionnaire à concurrence des 49% restants.

Par ailleurs, ce contrat de cession prévoyait que les sociétés [E] et CTI devraient octroyer à la société IBC un prêt initial d'un montant de 5 millions USD au titre du compte courant associé.

A partir de 2008, des désaccords concernant la gestion de la société commune et le remboursement du prêt ont surgi entre les associés et n'ont pu être réglés à l'amiable, CNAN et IBC estimant notamment qu'une vaste escroquerie avait été mise en place au travers des factures de réparation des navires d'IBC.

Le 9 juillet 2010, les sociétés [E] et CTI ont, en vertu de la clause compromissoire stipulée au contrat, mis en oeuvre une procédure d'arbitrage auprès de la Chambre de commerce internationale.

Le 26 novembre 2010, le Tribunal arbitral a été constitué, les sociétés [E] et CTI désignant comme arbitre Monsieur [Q] et les sociétés IBC, CNAN et Monsieur [V], Monsieur [H], Monsieur [W] étant choisi par les deux co-arbitres comme président du Tribunal arbitral.

L'acte de mission a été signé le 27 mars 2011.

Les sociétés [E] et CTI ont notamment demandé au Tribunal arbitral de prononcer la résiliation du contrat de cession conclu avec la société CNAN et la condamner à leur restituer le prix de vente des actions, ainsi que la résolution du contrat de prêt conclu avec la société IBC en exécution de l'accord de partenariat et la condamner à leur restituer le montant du prêt.

La société CNAN a conclu au rejet de la totalité des demandes des sociétés [E] et CTI, et a demandé à titre reconventionnel de prononcer la liquidation de la société IBC, condamner les sociétés [E] et CTI au paiement d'une série de dettes liées à l'exploitation et à l'entretien des navires ainsi que des dommages-intérêts pour le gain manqué.

Par une sentence rendue à Paris le 16 avril 2013, le Tribunal arbitral en substance, s'est déclaré compétent à l'égard de IBC, a prononcé la résolution du contrat de prêt aux torts d'IBC, a condamné IBC à rembourser à CTI et [E] une somme de plus de 7 millions $ US en principal outre intérêts, a prononcé la résiliation du contrat de cession d'actions ainsi que la restitution des actions à CNAN contre le paiement par cette dernière de la valeur desdites actions pour un prix de 2 550 000 $ US, partagé les frais d'arbitrage et honoraires du tribunal arbitral à parts égales entre [E] et CTI d'une part et CNAN, IBC et M [V] d'autre part.

Par acte du 15 mai 2013, les sociétés CNAN et IBC ont introduit un recours en annulation à l'encontre de cette sentence.

Par ordonnance du 11 juillet 2014, le délégataire du premier président de cette cour, saisi par CNAN et IBC d'une demande d'arrêt de l'exécution de la sentence, s'est déclaré incompétent au profit du conseiller de la mise en état du Pôle 1 Chambre 1 et a condamné in solidum CNAN et IBC à payer à [E] et CTI, chacune la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 15 septembre 2014, le conseiller de la mise en état, après avoir écarté la fin de non- recevoir soulevée par [E], a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution de la sentence arbitrale rendue à [Localité 5] le 16 avril 2013, dit l'ordonnance inopposable à M. [V], rejeté les autres demandes et condamné CNAN Group SPA et INTERNATIONAL BULK CARRIER SPA in solidum aux dépens de l'incident et à verser à [E] COMMERCIAL INVESTMENT Group Limited, et à CTI Group chacune la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par requête du 3 octobre 2014, les recourantes ont saisi le premier président de cette cour d'une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime de deux des magistrats composant la chambre 1 du pôle 1, de l'instance en cours devant cette formation.

Cette requête transmise après avis du premier président de cette cour à la Cour de cassation a été rejetée par arrêt du 27 novembre 2014.

Par des conclusions signifiées le 7 avril 2015, les recourantes demandent à la Cour d'annuler la sentence arbitrale, motif pris à titre principal de ce que le Tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué, et subsidiairement, de ce que le Tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent à l'égard de la société IBC, que le principe du contradictoire a été violé, que les arbitres n'ont pas respecté leur mission, et que la sentence arbitrale est contraire à l'ordre public et de condamner conjointement et solidairement les défendeurs au recours à leur payer la somme de 440.000 USD au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par des conclusions signifiées le 17 mars 2015, la société [E] demande à la Cour de rejeter le recours en annulation, débouter les sociétés CNAN et IBC de l'ensemble de leurs demandes, et les condamner solidairement à lui payer chacune la somme de 120.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par des conclusions signifiées le 6 mai 2015 resignifiées le 7 mai 2015, la société CTI demande à la Cour de dire irrecevable l'ensemble des griefs formulés par les sociétés CNAN et IBC et condamner solidairement les sociétés CNAN et IBC à lui payer la somme 200.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Monsieur [P] [V] assigné par acte du 24 octobre 2013 délivré en la forme des notifications internationales, n'a pas constitué avocat.

SUR QUOI

Considérant que par courrier du 6 mai 2015 remis au greffe et adressé aux conseils des parties adverses par le RPVA le 7 mai 2015, le conseil des recourantes a fait connaître que Monsieur [V] était décédé en sorte que l'instance était interrompue et ne pourrait reprendre qu'après mise en cause de ses héritiers ;

Considérant que si aux termes de l'article 370 du Code de procédure civile, l'instance est interrompue par le décès d'une partie dans les cas où l'action est transmissible, il n'est apporté de justification ni de la réalité de ce décès ni de sa date, aucun acte d'état civil n'ayant été versé aux débats ;

que l'événement allégué ne pouvant, au regard de son incertitude, emporter d'effet et sa notification n'ayant pas, de surcroît, été faite aux parties elles-mêmes, l'instance n'a pas été interrompue et se poursuit;

- Sur le premier moyen d'annulation tiré de ce que le tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué (article 1520 2° du Code de procédure civile)

Les sociétés CNAN et IBC font valoir que Monsieur [Q], arbitre désigné par les sociétés [E] et CTI n'a pas fait état de ses relations professionnelles avec le cabinet GIDE LOYRETTE, conseil de celles-ci ni de ses liens de voisinage immédiat depuis de nombreuses années avec Monsieur [Y] [E], dirigeant de la société [E] et que par ailleurs, cet arbitre s'est imposé comme le maître d'oeuvre de la procédure d'arbitrage, 'épaulé et aidé' en cela par les parties adverses provoquant ainsi dans l'esprit des recourants un doute raisonnable sur son impartialité et son indépendance.

Considérant que Monsieur [Q] a été désigné en qualité d'arbitre conjointement par les deux demandeurs à l'arbitrage les sociétés [E] et CTI dans leur requête du 9 juillet 2010 ; que celui-ci a été confirmé dans ses fonctions par décision du 20 octobre 2010 de la cour internationale d'arbitrage de la CCI ;

que CNAN et IBC ont saisi par lettres des 2 août 2011 et 27 décembre 2011, le secrétariat de la cour internationale de la CCI de deux demandes successives de récusation de cet arbitre motif pris en premier lieu de ce qu'il aurait omis de révéler dans sa déclaration d'indépendance du 21 juillet 2010, ce qu'il n'a fait que par un courrier du 27 octobre 2010, qu'il avait été désigné par le cabinet Gide Loyrette avocat des parties demanderesses, dans deux arbitrages achevés en 2006 et 2007 et avait établi, à la demande de ce même cabinet, deux consultations en 2005 et 2008, et en second lieu qu'il existerait entre ledit arbitre et les dirigeants de la société [E], partie à l'arbitrage, des liens étroits caractérisés par leur domiciliation à la même adresse ;

que ces demandes de récusation ont été rejetées par la cour internationale de la CCI lors de ses sessions du 13 septembre 2011 et du 2 février 2012 ce qui a été porté à la connaissance des parties et de leurs conseils par le secrétariat de cette cour ;

Considérant toutefois que les décisions des institutions d'arbitrage sur la récusation des arbitres étant de simples décisions de police de l'instance arbitrale, dépourvues à ce titre de l'autorité de la chose jugée, les recourantes sont recevables à critiquer à nouveau, devant le juge du contrôle de la sentence, le manque d'impartialité de l'arbitre, la circonstance que le Règlement d'arbitrage de la chambre de commerce internationale auquel les parties ont accepté de se soumettre, stipule en son article 7 alinéa 4 que la cour internationale de la CCI statue 'sans recours' sur les demandes de récusation dont elle est saisie, étant à cet égard indifférente ;

Considérant que si l'arbitre doit révéler aux parties toute circonstance de nature à affecter son jugement et à provoquer dans l'esprit des parties un doute raisonnable sur ses qualités d'impartialité et d'indépendance, qui sont l'essence même de la fonction arbitrale, en l'espèce, les recourantes ne rapportent la preuve d'aucun élément de nature à jeter un doute légitime sur l'indépendance ou l'impartialité de M. [Q] ;

qu'en effet, cet arbitre a porté à la connaissance des parties par courrier du 27 octobre 2010, venant compléter la déclaration d'indépendance souscrite le 21 juillet 2010 qu'il avait été désigné par le cabinet Gide Loyrette avocat des parties demanderesses, dans deux arbitrages achevés en 2006 et 2007 et avait établi, à la demande de ce même cabinet, deux consultations en 2005 et 2008 ;

qu'il ne peut se déduire de ces informations dont les parties ont eu connaissance avant même la signature de l'acte de mission, l'existence d'une proximité suspecte entre l'arbitre et ce cabinet d'avocats alors que les éléments révélés dont il n'est pas soutenu qu'ils ne l'auraient pas été de manière exhaustive, sont insuffisants à caractériser l'existence d'un courant d'affaires suffisamment significatif pour être de nature à affecter l'indépendance d'esprit de l'arbitre ;

que par ailleurs, la circonstance que les consorts [E] dirigeants de la société [E], demanderesse à l'arbitrage soit pour l'un propriétaire et pour l'autre usufruitier d'un appartement dans un immeuble situé [Adresse 2] dans lequel M. [Q] réside et possède lui-même ses locaux professionnels ou encore que ces locaux soient situés au même étage, n'est pas de nature à jeter un doute légitime sur l'indépendance et l'impartialité de l'arbitre dès lors qu'il n'est pas fait état, autrement que par affirmation hypothétique, que ce voisinage aurait permis l'établissement de relations personnelles ou même favorisé comme prétendu une 'promiscuité' alors qu'il est avéré que les consorts [E] ne résident pas dans ce logement lequel est occupé par une société Redec filiale du groupe [E], au demeurant liquidée depuis 2011 ainsi qu'il a été justifié, et qu'il n'est pas démontré que l'arbitre a, du fait de cette proximité géographique, été en relation personnelle ou professionnelle avec cette société ou ses dirigeants ;

Considérant qu'il ne peut davantage se déduire du comportement de l'arbitre au cours de la procédure, la preuve ni même l'indice d'un parti pris ou d'un activisme destiné à promouvoir les intérêts des sociétés demanderesses à l'arbitrage ;

qu'en effet, les questions posées par M. [Q] aux conseils des sociétés recourantes et aux témoins lors des audiences de plaidoiries, figurant dans les passages des transcriptions sélectionnés et reproduits par les recourantes dans leurs conclusions ne peuvent être regardées comme la manifestation d'une volonté de surprendre la bonne foi de la partie à laquelle elles étaient adressées mais doivent être analysées comme procédant de l'office de l'arbitre dès lors qu'elles ne tendaient qu'à obtenir des parties, afin d'être pleinement éclairé, des explications de fait utiles à la solution du litige;

qu'elles ne révèlent pas davantage, au regard du caractère objectif des informations sollicitées des parties et des témoins, l'expression par l'arbitre d'une opinion d'ores et déjà arrêtée sur le règlement du différend en faveur des parties demanderesses ;

que le moyen doit être écarté ;

- Sur le second moyen d'annulation tiré de ce que le tribunal s'est déclaré à tort compétent (article 1520 1° du Code de procédure civile)

Les sociétés CNAN et IBC soutiennent que le contrat de cession stipulant en son article 14 le recours à un arbitrage en cas de différend, n'a pas été signé par la société IBC et qu'il n'existe pas de cause d'extension de la clause d'arbitrage à cette dernière de sorte que le Tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent à son égard.

Considérant que le juge de l'annulation doit contrôler la décision du tribunal arbitral sur sa compétence en recherchant tous les éléments de droit et de fait tels qu'ils résultent du dossier permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage et d'en déduire les conséquences sur le respect de la mission confiée aux arbitres ;

Considérant qu'en l'espèce, IBC a, se fondant sur les dispositions de l'article 106 du code civil algérien, décliné la compétence du tribunal arbitral au motif que n'étant pas signataire du contrat de cession, elle ne peut être tenue par la convention d'arbitrage qu'il contient ;

Mais considérant qu'il est constant qu'IBC est signataire d'une part de l'annexe 6 du contrat de cession intitulé 'Engagement de cession de créance' et de l'annexe 7 du même acte intitulé ' Acte de nantissement de compte bancaire', annexes expressément stipulées par les articles 1.1 et 1.2 du contrat de cession comme en faisant partie intégrante ;

que par ailleurs, aux termes de l'article 7 du contrat de cession, des droits ont été crées au profit de IBC, bénéficiaire du prêt initial de 2 millions quatre cents mille Us dollars, condition suspensive de l'application du contrat de cession, ce que IBC a accepté aux termes de l'annexe 6 ;

que d'autre part, IBC a, en signant les actes de cession de créance et de nantissement de compte bancaire annexés au contrat de cession, exécuté les obligations stipulées aux articles 3.3.1.1 et 3.3.1.2 du contrat de cession qui prévoyaient à titre de garantie d'une part la cession par CTI/ [E] au profit de CNAN d'une partie de la créance détenue sur elle au titre du remboursement du prêt initial, d'autre part le nantissement au profit de CNAN d'une partie des avances consenties par

CTI/ [E] ;

qu'il s'ensuit que IBC se trouve liée par la clause compromissoire stipulée par le contrat de cession quand bien même elle n'en a pas été signataire en sorte que c'est à juste titre que le tribunal arbitral s'est déclaré compétent sur le fondement de cette clause à l'égard de toutes les parties étant relevé au surplus qu'après avoir initialement décliné la compétence du tribunal arbitral, IBC a admis expressément dans son mémoire du 14 août 2011 sa qualité de partie défenderesse n°2 et formulé des demandes reconventionnelles, reconnaissant ainsi sans équivoque la compétence du tribunal ;

que le moyen doit être rejeté ;

- Sur les troisième et quatrième moyens d'annulation pris ensemble tirés de ce que le tribunal arbitral n'a pas respecté le principe de la contradiction (article 1520 3° du Code de procédure civile) et ne s'est pas conformé à sa mission (article 1520 4° du Code de procédure civile)

Les recourantes prétendent que le Tribunal arbitral a violé le principe du contradictoire et méconnu l'étendue de sa mission :

- en autorisant les sociétés [E] et CTI qui ont présenté pour la première fois à l'audience de plaidoiries une réclamation d'un montant de 13.221.478,887 USD relative à la réparation des navires, à verser une pièce importante du dossier sans qu'elles-mêmes puissent faire d'observations,

- en tranchant unilatéralement la question relative aux taux d'intérêt et de son fondement juridique, en appliquant d'office la compensation et en évaluant la valeur actuelle de la société IBC sans avoir invité les parties à en débattre et alors que ces questions étaient étrangères à leur mission.

Considérant que le principe de la contradiction exige que les parties aient pu faire connaître leurs prétentions de fait et de droit et discuter celles de leur adversaire de sorte que rien de ce qui a servi à fonder la décision du tribunal n'ait échappé à leur débat contradictoire ; que les arbitres doivent, en toutes circonstances, faire observer et observer eux-mêmes ce principe ;

que par ailleurs, la mission des arbitres définie par la convention d'arbitrage est délimitée principalement par l'objet du litige tel que déterminé par les prétentions des parties.

Considérant que dans leur requête aux fins d'arbitrage les sociétés demanderesses ont évalué leur réclamation au titre des réparations de navires exposés aux frais avancés d'IBC à la somme de 12.375.843,34 euros et 762.453,94 dollars US ;qu'aux termes de leur mémoire complémentaire du 22 janvier 2012, les sociétés [E] et CTI ont demandé au tribunal arbitral de leur donner acte de ce qu'elles réservaient 'leur demande quant aux remboursements des dépenses engagées aux frais avancés d'IBC au titre des réparations de navires en fonction de la position adoptée par le tribunal dans la procédure d'arbitrage LMAA' ;

que lors de l'audience du 16 février 2012, les sociétés demanderesses ont demandé au tribunal arbitral d'être autorisées à produire la sentence à intervenir dans les semaines à venir dans la procédure d'arbitrage LMAA suivie à Londres dans la mesure où cette décision devant déterminer si la société affréteuse avait droit ou non à une compensation, était susceptible d'avoir 'potentiellement un impact d'ajustement sur les coûts des réparations' ;

que par lettre du 22 février 2012 (et non du 22 janvier comme indiquée par erreur dans les écritures des recourantes page 132) le tribunal arbitral a autorisé les parties demanderesses à verser aux débats cette sentence sous la condition 'de ne l'accompagner d'aucun commentaire mais d'en tirer exclusivement de conséquences qu'en ce qui concerne la mise à jour du montant de leur demande' ;

qu'il résulte de la transcription des débats de l'audience du 1er juin 2012 que les sociétés demanderesses ont chiffré leur demande de remboursement des coûts de réparations des navires à charge d'IBC exposés par elles en tirant les conséquences de la sentence LMAA (pages 280 et suivantes), étant relevé que dès le mois de décembre 2011, pour justification de leur réclamation, les sociétés demanderesses avaient déposé en 'data room' 19 classeurs de factures ;

qu'il ne peut, dès lors, être sérieusement soutenu que les sociétés demanderesses auraient présenté pour la première fois à l'audience de plaidoiries une réclamation d'un montant de 13.221.478,887 USD, cette somme n'étant que l'actualisation de la réclamation formulée dès la requête aux fins d'arbitrage ;

que par ailleurs, cette même transcription révèle que CNAN et IBC qui n'ont d'ailleurs élevé aucune protestation, ont été à même de discuter utilement la pertinence de ces factures (pages 376 et suivantes) le conseil de CNAN allant même jusqu'à affirmer que par la communication de ces classeurs, les parties demanderesses loin de les 'déstabiliser' leur'ont donné la corde pour les pendre' ce qui démontre que les recourantes ont été à même d'analyser utilement les pièces produites, étant d'ailleurs relevé qu'elles ont mandaté aux fins d'examen des 19 classeurs de pièces, Monsieur [L] [I], ingénieur en mécanique navale et expert maritime lequel a été entendu en qualité de témoin par le tribunal arbitral le 15 février 2012 ;

qu'enfin, le tribunal arbitral a sollicité des parties la production pour l'audience du lendemain d'une fiche sommaire et synthétique récapitulant leurs demandes chiffrées accompagnées des chefs juridiques, ce qui n'a suscité aucune réserve ni provoqué aucune observation de la part des recourantes ;

Considérant qu'il ne saurait davantage être fait grief au tribunal d'avoir tranché unilatéralement la question relative aux taux d'intérêt et de son fondement juridique, en appliquant d'office la compensation et en évaluant la valeur actuelle de la société IBC sans avoir invité les parties à en débattre et alors que ces questions étaient étrangères à leur mission ;

qu'en effet, il est constant qu'aux termes de la note récapitulative financière sollicitée par le tribunal de chacune des parties contenant actualisation de leurs prétentions respectives lesquelles ont été contradictoirement discutées lors de l'audience de plaidoirie du 2 juin 2015, le tribunal arbitral a été saisi par [E] et CTI d'une demande tendant à ce que les sommes réclamées tant en conséquence de la résolution du contrat de cession qu'au titre des frais de réparations des navires portent intérêts moratoires au taux de 7,81%, un tel taux étant destiné à les indemniser des investissements qu'elles n'ont pu réaliser compte tenu de la mobilisation de ces sommes ;

que par ailleurs, CTI et [E] ont expressément sollicité aux termes de leurs écritures la compensation entre le montant des sommes dues par les recourantes avec celles dont elles-mêmes étaient débitrices au titre des loyers d'affrètement liquidés par IBC le 13 mai 2012 par la libération de la Corporate Guarantee ;

qu'enfin, le tribunal était saisi, à défaut que soit prononcée la résolution du contrat de cession sollicitée à titre principal par les parties demanderesses, d'une demande de résiliation dudit contrat réclamée à titre principal par CNAN et subsidiairement par CTI et [E] ;

qu'il s'ensuit que les trois questions incriminées étaient dans le

débat ;

qu'elles ont été, par ailleurs, contradictoirement discutées ;

qu'ainsi, CNAN a contesté l'application d'un taux d'intérêt moratoire de 7,81% dès lors qu'il ne s'agissait ni d'un intérêt conventionnel ni d'un taux légal en vigueur en Algérie, qu'elle s'est opposée à toute compensation au motif que celle-ci serait prohibée par la réglementation des changes et ne pourrait être, en tout état de cause, possible que s'il s'agissait d'un même contrat et qu'elle a, enfin, pour l'évaluation des actions d'IBC débattu de leur valorisation actuelle soulignant qu'il devait être tenu compte notamment de ce que les navires étaient réduits à l'état d'épave et que leur valeur, fût-elle établie sur la base du prix de l'acier à la casse, devait être corrigée par l'actualisation du prix et les frais supplémentaires supportés tant pour les navires que pour le fonctionnement de IBC ;

qu'il s'ensuit que le tribunal arbitral en décidant d'écarter le taux d'intérêt moratoire revendiqué par les parties demanderesses, en ordonnant la compensation des créances réciproques et en fixant la valeur actualisée des actions d'IBC en fonction des éléments qui lui avaient été produits et qui avaient été discutés devant lui, n'a, en prononçant ainsi qu'il l'a fait, méconnu ni l'étendue de sa mission ni le principe de la contradiction ;

que ces moyens doivent être écartés ;

- Sur le moyen d'annulation tiré de ce que le tribunal arbitral ne s'est pas conformé à sa mission (article 1520 4° du Code de procédure civile)

Les recourantes soutiennent qu'en acceptant d'entendre Messieurs [M] et [D] en tant que témoins malgré leurs protestations et en écartant les règles du code de procédure civile algérien applicables en vertu du contrat de cession, le tribunal arbitral ne s'est pas conformé à la mission qui lui avait été fixée ;

Considérant que lors des audiences dédiées à cette fin, tenues les 15 et 16 février 2012, le tribunal a procédé à l'audition des témoins et sachants présentés par les parties ;

qu'il ne peut lui être fait grief d'avoir méconnu sa mission en entendant Messieurs [M] et [D], cités par les parties demanderesses alors que l'article 20/3 du Réglement CCI dans sa rédaction alors applicable auquel les parties ont entendu se soumettre aux termes de la clause compromissoire, réserve au tribunal la faculté d'entendre des témoins ou experts présentés par les parties ou tout autre personne susceptible de l'éclairer dans la solution du différend qui lui est déféré ;

qu'en réalité, sous couvert de ce grief, les recourantes entendent critiquer la décision du tribunal qui, écartant les objections des recourantes qui contestaient la validité de ces deux témoignages motif pris des dispositions de l'article 151 alinéa 2 du code de procédure civile et administrative algérien, a décidé d'admettre les déclarations des témoins experts et représentants des parties auditionnées, tout en réservant d'ailleurs leur force probante soumise à son appréciation ;

que ce faisant, elles invitent la cour à réviser la sentence au fond ce qui est prohibé au juge de l'annulation ;

Considérant que le moyen et le recours doivent être, en conséquence, rejetés.

Considérant que les recourantes qui succombent devant supporter les dépens ne peuvent prétendre à une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile et seront condamnées sur ce même fondement chacune à payer à [E] d'une part et CTI d'autre part une somme de 120.000 euros ;

PAR CES MOTIFS,

Rejette le recours en annulation formé par la société CNAN GROUP SPA, établissement public algérien et la société INTERNATIONAL BULK CARRIER SPA, société de droit algérien à l'encontre de la sentence rendue à [Localité 5] le 16 avril 2013 dans le litige les opposant à la société [E] COMMERCIAL INVESTMENT GROUP LIMITED, société de droit saoudien, à la société CTI GROUP, société de droit des Îles Caïman et à Monsieur [P] [R] [V].

Condamne la société CNAN GROUP SPA, établissement public algérien et la société INTERNATIONAL BULK CARRIER SPA, société de droit algérien in solidum aux dépens et au paiement chacune à la société [E] COMMERCIAL INVESTMENT GROUP LIMITED, société de droit saoudien d'une part et à la société CTI GROUP, société de droit des Îles Caïman, d'autre part une somme de 120.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Rejette le surplus des demandes.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 13/09748
Date de la décision : 23/06/2015

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°13/09748 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-23;13.09748 ?
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