Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRÊT DU 12 JUIN 2015
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/01899
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Décembre 2013 -Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2011F00905
APPELANTES
SAS AMMANN FRANCE venant aux droits de la société AMMANN INGÉNIERIE agissant en la personne de ses représentants légaux
Dont le siège social est
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée et assistée par : Me Jean-François PERICAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0219
Appelante sous le RG : 14/0273
SOCIÉTÉ HDI-GERLING INDUSTRIE VERSICHERUNG AG Société anonyme de droit allemand, dont le siège social est [Adresse 5]
prise en son établissement situé en France
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par : Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée par : Me Anke SPRENGEL, avocat au barreau de PARIS, toque : B387
Intimé sous le RG : 14/02573
INTIMÉES
SMABTP prise en la personne de ses représentants légaux
Dont le siège social est
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par : Me Patricia HARDOUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Assistée par : Me Alice GRANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : C128
SOCIÉTÉ ASTEN prise en la personne de ses représentants légaux
RCS B542 057 336
Dont le siège social est
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par : Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
Assistée par : Me Françoise HECQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : R282
SOCIÉTÉ PARISIENNE D'ENROBAGE - SPAREN prise en la personne de ses représentants légaux
RCS 414 676 593
Dont le siège social est
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par : Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
Assistée par : Me Françoise HECQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : R282
SOCIÉTÉ FRANCILIENNE D'ASPHALTES - SOFRAS prise en la personne de ses représentants légaux
414 675 579
Dont le siège social est
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par : Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
Assistée par : Me Françoise HECQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : R282
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 Février 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Christine BERTRAND, Présidente de chambre
Madame Valérie GERARD, Conseillère
Madame Madeleine HUBERTY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Sabrina RAHMOUNI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Christine BERTRAND, Présidente et par Madame Sabrina RAHMOUNI, Greffier auquel a été remis la minute par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
La SAS ASTEN, assurée par la SMABTP, spécialisée dans les travaux de voirie et d'étanchéité possède des installations industrielles sur le port de [Localité 6].
Elle a créé deux filiales':
- la SARL SPAREN ( société Parisienne d'enrobage) pour la fabrication de bétons bitumineux et de bétons prêts à l'emploi, qui exploite une centrale d'enrobage et une unité de béton prêt à l'emploi dans le cadre d'un contrat de location gérance avec la SAS ASTEN,
- la SARL SOFRAS (société Francilienne d'Asphaltes) propriétaire de ses installations industrielles pour la fabrication d'asphaltes de voirie et d'étanchéité.
Suivant offre du 21 janvier 1999, la société ASTEN a commandé à la société AMMANN INGENIERIE, devenue depuis AMMANN France un «poste d'enrobage discontinu global 160» afin de rénover son usine de fabrication de béton bitumineux et d'asphalte. La commande a été acceptée par la société AMMANN le 3 février 1999.
Cette commande consistait en une intervention sur une installation de marque WIBAU déjà existante et ancienne (1970-1975) et prévoyait notamment l'installation d'une « gaine de liaison aux vis existantes » (Pièce n°2, p.5, § IV) destinée à relier la nouvelle tour d'enrobage à un caisson abritant une vis sans fin dans un bâtiment voisin, cette vis permettant - une fois les produits séchés - de les diriger vers l'unité de fabrication d'asphalte exploitée par SOFRAS.
La société AMMANN FRANCE est assurée par la société de droit allemand HDI-GERLING INDUSTRIE VERSICHERUNG AG pris en son établissement français en qualité d'assureur de première ligne et en son établissement suisse pris comme assureur de seconde ligne.
Un incendie est survenu le 21 juillet 2006
Cet incendie a été provoqué par la rupture en trois morceaux de la conduite de liaison reliant la tour d'enrobage à la ligne de production d'asphalte. L'un de ces morceaux a chuté sur la vanne d'alimentation en gaz du brûleur du tube sécheur située en dessous et l'a brisée, laissant échapper le gaz qui s'est immédiatement enflammé provoquant un feu intense.
L'activité des sociétés SPAREN et SOFRAS a dû être interrompue jusqu'à l'achèvement des travaux de reconstruction.
Les sociétés ASTEN, SPAREN et SOFRAS ont obtenu la désignation d'un expert, Monsieur [L], par ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de CRETEIL du 7 août 2006.
Le 8 février 2007, les parties sont parvenues à un accord amiable sur le chiffrage des dommages matériels sur la base duquel la SMABTP a versé une indemnité.
Le rapport a été déposé le 18 avril 2012.
Les sociétés ASTEN, SPAREN et SOFRAS ont fait assigner la société AMMANN FRANCE e t son assureur devant le tribunal de commerce de Créteil pour voir réparer leurs préjudices non indemnisés.
Par jugement du 2 décembre 2013, le tribunal de commerce de CRETEIL a statué en ces termes':
«'- Condamne in solidum la société AMMANN FRANCE et son assureur SOCIÉTÉ HDI GERLING INDUSTRIE VERSICHERUNG AG prise en ses établissements français et suisse à payer à chacune des sociétés du groupe ASTEN les sommes suivantes :
- la société ASTEN 222.232,00 euros
- la société SOCIETE PARISIENNE DENROBAGE 799.565,00 euros
- la société SOCIETE FRANCILIENNE D'ASPHALTES SOFRAS 445.584,00 euros
Ces sommes seront majorées des intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2012, et déboute les parties de toutes les autres demandes de ce chef,
- Dit que la condamnation de la société SOCIETE HDI GERLING INDUSTRIE VERSICHERUNG AG prise en son établissement en France est limitée à la somme de 967.940 euros,
- Dit que la condamnation de la société SOCIETE HDI GERLING INDUSTRIE VERSICHERUNG AG prise en son établissement en [Localité 7] vient en complément et après épuisement de la condamnation de la société française,
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
- Dit que les intérêts porteront eux-mêmes intérêts à compter du 11 août 2011 pourvu que ces intérêts soient dus depuis une année entière,
- Ordonne l'exécution provisoire de ce jugement sous réserve qu'en cas d'appel il soit fourni par le bénéficiaire une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée à son profit,
- Dit irrecevable la demande des sociétés du groupe ASTEN relative aux frais de recouvrement,
- Condamne in solidum la société AMMANN FRANCE et son assureur SOCIÉTÉ HDI GERLING INDUSTRIE VERSICHERUNG AG prise en ses établissements français et suisse à payer aux sociétés ASTEN, SOCIETE PARISIENNE DENROBAGE et SOCIETE FRANCILIENNE D'ASPHALTES SOFRAS la somme de 64.328 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et déboute les demanderesses du surplus de leurs demandes et les défenderesses de leur demande de ce chef,
- Condamne in solidum la société AMMANN FRANCE et son assureur SOCIÉTÉ HDI GERLING INDUSTRIE VERSICHERUNG AG prise en ses établissements français et suisse aux dépens'».
La société AMMANN FRANCE et la société HDI GERLING INDUSTRIE VERSICHERUNG AG ont fait appel du jugement par déclarations des 22 janvier et 5 février 2014.
Les instances ont été jointes.
Vu les conclusions de la société AMMANN FRANCE du 30 janvier 2015,
Vu les conclusions de HDI-GERLING INDUSTRIE VERSICHERUNG AG, du 4 février 2015,
Vu les conclusions des sociétés ASTEN, SPAREN et SOFRAS du 6 février 2015,
Vu les conclusions de la SMABTP du 19 mai 2014.
MOTIFS
- Sur la responsabilité de la SA AMMANN France':
Il résulte des pièces contractuelles, qu'a pu examiner l'expert, que la SA AMMANN a réalisé la conception et la réalisation de l'ensemble du poste d'enrobage, incluant la réalisation de la gaine litigieuse par elle-même et le raccordement et le déplacement des tuyauteries de gaz nécessaires à l'alimentation de l'installation, ces derniers travaux ayant été réalisés par son sous-traitant la société SPAC.
La gaine, qui s'est rompue le 21 juillet 2006, destinée à transporter des granulats jusqu'à la ligne de fabrication d'asphalte, culmine à 12 mètres et les canalisations gaz se trouvent en dessous.
L'expert a pu constater, dès sa première visite des lieux le 10 août 2006, que pour plusieurs portions de gaine encore présentes sur le site, les cordons de soudure présentaient des faciès de rupture ou des fissures anciennes. Il a opéré contradictoirement plusieurs prélèvements des portions de gaine et des éléments de boulonnerie et les a adressés pour analyse à l'Institut de Soudure avec l'accord de toutes les parties.
Ces analyses révèlent que la rupture de la gaine est due à la rupture en fatigue d'une ou plusieurs soudures de raboutage des tôles, les liaisons soudées examinées n'étant constituées que d'un mince cordon de soudure externe présentant une faible pénétration et que ces liaisons n'étaient pas reprises par un cordon sur la face interne. La gaine elle-même d'une longueur de 18 mètres, n'était supportée que par ses deux extrémités reliées aux bâtiments desservis alors qu'elle subissait nécessairement des contraintes induites par le transport des granulats outre celles résultant des mouvements relatifs entre les deux bâtiments, sans aucun appui intermédiaire susceptible de la soulager.
Ces éléments techniques, non discutés par la SA AMMANN montrent que la rupture de la gaine a été causée par une mauvaise conception et une mauvaise exécution de celle-ci, exclusivement imputable à la SA AMMANN qui en avait la charge. Contrairement à ce qu'elle soutient, les conclusions techniques de l'expert sont très claires sur les causes de la rupture de la gaine et ne procèdent d'aucune hypothèse non vérifiée.
L'appelante soutient en substance que les dommages sont survenus du seul fait de l'incendie, qui ne lui est pas imputable, l'expert n'ayant émis aucune certitude sur les causes de cet incendie.
Il doit être rappelé que des tronçons de gaine sont tombés sur la vanne d'alimentation gaz se trouvant juste au-dessous et que l'expert a pu constater dès le 10 août que l'un des angles du caisson auquel était raccordée la gaine présente des traces de chocs et de contact qui montrent une bonne coïncidence avec les impacts observés sur la canalisation de gaz et que la conduite de gaz était rompue au niveau du corps en fonte de la vanne commandée.
C'est donc bien la chute des éléments de la goulotte sur la conduite de gaz et la vanne qui a conduit à un échappement de gaz qui s'est enflammé à la suite d'étincelages dus notamment aux chocs entre pièces métalliques.
La SA AMMANN n'a produit aucun élément technique permettant de contredire l'analyse de l'expert qui s'appuie sur des constatations techniques précises.
La SA AMMANN soutient enfin qu'elle doit être mise hors de cause, la responsabilité de cet incendie incombant à la société SPAC, qui a réalisé les travaux sur la canalisation gaz sans analyser le risque de mise en place de cette canalisation à proximité de l'installation et au groupe ASTEN qui a validé l'emplacement de la vanne gaz.
Il doit être rappelé que la SA AMMANN a sous-traité l'installation de la canalisation de gaz et de la vanne à la société SPAC, qu'elle n'a pas jugé utile d'attraire en la cause. Sur ce point, il incombait à la SA AMMANN, seule, d'appeler en la cause la société SPAC si elle l'estimait utile et non à la société ASTEN dont le seul co-contractant est la SA AMMANN.
La SA AMMANN, en sa qualité d'entreprise principale, est donc entièrement responsable vis-à-vis de son co-contractant, la SA ASTEN, de tous les défauts et désordres affectant les travaux qui lui ont été confiés, y compris en sous-traitance.
Il lui incombait en conséquence de vérifier l'adéquation des travaux confiés à son sous-traitant avec les exigences de sécurité et/ou de compatibilité avec les installations qu'elle réalisait elle-même. Spécialement, il lui incombait de prendre toute mesure utile pour prévenir les risques de chute de la gaine qu'elle installait en hauteur entre deux bâtiments et éventuellement d'alerter son sous-traitant ou la SA ASTEN, ce qu'elle n'a fait ni au cours des travaux, ni au cours de la période de maintenance qui a suivi. Il est toutefois étonnant que la SA AMMANN se prévale d'un risque de chute d'un équipement qu'elle a elle-même installé ce qui équivaut à reconnaître qu'elle a commis une faute, une gaine de cette nature n'étant en aucune manière destinée à tomber.
En tout état de cause, la cause du sinistre n'est pas la position de la vanne ou de la canalisation de gaz, mais bien la chute de la gaine installée par la SA AMMANN, chute qui n'a été causée que par les défauts de conception et d'exécution rappelés ci-dessus et la SA AMMANN doit réparation de toutes les conséquences de cette chute.
Enfin, le fait que la SA ASTEN ait fourni à la SA AMMANN un devis de la société SPAC ne caractérise aucune immixtion fautive du maître de l'ouvrage et ne modifie pas les relations contractuelles existant entre les parties.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu la responsabilité exclusive de la SA AMMANN dans la survenance du dommage.
Sur les préjudices':
La SA AMMANN soutient que les réclamations des demanderesses ne peuvent être retenues faute d'avoir communiqué aux parties l'ensemble des justificatifs comptables.
Il résulte du rapport de l'expert que les éléments comptables contenant des informations confidentielles ont été mis à la disposition des experts-conseils et des conseils de parties au cabinet de l'expert et que cette procédure, nécessaire pour respecter la confidentialité des informations, a été entérinée, à juste titre, par le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal de commerce. L'expert conseil de la SA AMMANN a d'ailleurs pu, dans ce cadre, examiner tous les documents comptables produits par la SA ASTEN et ses filiales et élaborer sa note critique sur les évaluations retenues par l'expert, de sorte que le contradictoire a été parfaitement respecté.
La SA AMMANN critique les évaluations de l'expert judiciaire s'en tenant à celles de son propre expert conseil à savoir un gain manqué de 167'435 euros pour la société SPAREN et de 134'717 pour la société SOFRAS.
Les sociétés ASTEN, SPAREN et SOFRAS demandent en revanche que soient retenues les évaluations de leur expert-conseil soit 286'388 pour la société ASTEN, 816'937,68 pour la société SPAREN et 552'081 euros pour la société SOFRAS.
Les société HDI France et Suisse, sous réserve de l'application de ses plafonds et garanties demande que le préjudice soit fixé à 710'921 euros pour la société SPAREN, 394'437 euros pour la société SOFRAS et 192'080 euros pour la société ASTEN les intérêts étant fixés à 12,46% de chacun de ces montants.
C'est en s'appuyant sur les pièces comptables communiquées par les sociétés du groupe ASTEN et par une méthode rigoureuse, utilisée en analyse financière, au plus près de la réalité des chiffres communiqués par les sociétés SPAREN et SOFRAS que l'expert a reconstitué le chiffre d'affaires manqué par les sociétés SPAREN et SOFRAS et leur perte de marge ainsi que les pertes subie par la SA ASTEN.
La SA AMMANN soutient que certaines ventes intervenues avant le sinistre faussent les calculs au regard de leur caractère exceptionnel qui ne reflète en rien l'activité habituelle des sociétés SPAREN et SOFRAS. Or cet argument ne repose sur aucun élément objectif ni sérieux et le calcul de l'expert doit être entériné.
En revanche, il convient de tenir compte des sommes déjà réglées par la SMABTP, qui font l'objet d'un recours dans une instance distincte et ne peuvent être comprises dans le préjudice des sociétés du groupe ASTEN. Par ailleurs, ce qui est intitulé «'intérêt légaux'» par l'expert dans son tableau final récapitulant les préjudices est en réalité l'actualisation des sommes dues au titre de la réparation du préjudice subi par chacune des sociétés victimes, le sinistre ayant eu lieu en 2006 et le calcul des pertes subies en 2012. Cette actualisation correspond à la réparation intégrale du préjudice et doit être calculée sur le seul préjudice subi par les sociétés du groupe ASTEN soit':
SPAREN':
Perte de marge
690 481,00 €
Mise à disposition de personnel
1 756,00 €
Franchise d'assurance (indemnisation SMABTP déduite)
6 680,00 €
Prestations M. [T]
12 004,00 €
TOTAL
710 921,00 €
ACTUALISATION 2006-2012
88 581,00 €
TOTAL DÛ
799 502,00 €
Avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2012 et capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil.
SOFRAS':
Perte de marge
378 237,00 €
Franchise d'assurance
4 650,00 €
Prestations M. [T]
11 550,00 €
TOTAL
394 437,00 €
ACTUALISATION 2006-2012
49 147,00 €
TOTAL DÛ
443 584,00 €
Avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2012 et capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil.
ASTEN':
Perte de redevance SPAREN pour gestion administrative
46 403,00 €
Perte de redevance SPAREN pour location gérance
20 218,00 €
Perte de redevance SOFRAS pour gestion administrative
24 665,00 €
Perte de redevance SOFRAS pour location gérance
21 051,00 €
Diminution de ristournes portuaires
38 748,00 €
Autres frais (indemnisation SMABTP déduite)
40 995,00 €
TOTAL
192 080,00 €
ACTUALISATION 2006-2012
23 933,17 €
TOTAL DÛ
216 013,17 €
Avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2012 et capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil.
- Sur les garanties de HDI France et HDI Suisse':
Il est rappelé au titre IV des conditions particulières de la police d'assurance n°05-700118-01001-113 souscrite le 6 avril 2004 que cette police fait partie d'un programme international d'assurance responsabilité civile exploitation constitué d'une police Master souscrite en Allemagne et de polices locales, les limites de garantie telles qu'elles figurent dans la police Master constituant l'engagement maximum des assureurs. En cas d'épuisement ou de réduction des garanties suite à des paiements effectués au titre des polices locales, il est convenu que les garanties de la police Master viendront en complément des garanties de la police locale sans toutefois excéder le montant de l'engagement maximum prévu par la Police Master.
Il convient dès lors d'examiner d'abord les garanties de la police locale puis celles de la police Master qui ne vient qu'en complément.
- La garantie au titre de la police dite «'locale'»':
La SA AMMANN FRANCE est assurée auprès de HDI FRANCE au titre d'une assurance de la responsabilité entreprise qui garantit, sous réserve des exclusions, les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber à l'assuré en raison de dommages corporels, matériels ou immatériels causés aux tiers et imputables aux activités déclarées.
La SA AMMANN dénie d'abord à la société HDI le droit de se prévaloir des exclusions mentionnées au contrat soutenant que la HDI a pris la direction du procès notamment en participant seule à la rédaction du procès-verbal d'évaluation des dommages matériels.
Il résulte des pièces produites et notamment des énonciations du rapport d'expertise et du procès-verbal d'évaluation des dommages que la société HDI, qui avait un conseil distinct de celui de la SA AMMANN FRANCE n'est intervenue que sous réserve de sa garantie qu'elle n'a jamais reconnue. La SA AMMANN ne produit aucun courrier permettant de considérer qu'HDI a pu laisser penser à son assuré qu'elle assurerait la défense de ses intérêts et la représenterait tant dans le cadre de l'expertise que dans celui de l'évaluation des dommages matériels. La société HDI est par conséquent recevable à opposer ses clauses d'exclusions.
La société HDI reconnaît que sa police française s'applique aux sommes retenues pour indemniser le préjudice subie par les sociétés ASTEN et SOFRAS suite à l'endommagement de la ligne de production d'asphalte mais soutient que l'indemnisation des dommages subis par les sociétés ASTEN et SPAREN au titre de la ligne de production d'enrobés doit être limitée à la somme de 150'000 euros par sinistre avec application d'une franchise de 50'000 euros, en application de l'avenant du 6 avril 2004 s'agissant d'un dommage immatériel consécutif à un dommage matériel subi par le produit livré par la SA AMMANN, normalement exclu, mais couvert dans le cadre et les limites de l'avenant précité.
À titre subsidiaire, elle expose qu'il faut distinguer les dommages immatériels causés à la partie «'rénovée'» par la SA AMMANN exclus de la garantie, sauf application de l'avenant et représentant 47,66 % des dommages et les dommages immatériels causés à la partie non concernée par les travaux de la SA AMMANN représentant 52,34% des dommages totaux.
Le contrat garantit (article 2.1.2 du titre II de la police) « la responsabilité civile découlant des dommages causés par des produits après leur livraison ou par des travaux après leur exécution et imputables à un défaut de ces produits ou travaux, ou une erreur dans la conception, la fabrication, l'exécution, le conditionnent, les préconisations ou les instructions d'emploi de ces produits ou travaux.'»
L'article 24 exclut le coût du produit lui-même ainsi que les frais exposés pour refaire un travail mal exécuté ou remplacer ou réparer l'objet du marché ou rembourser totalement ou partiellement le prix.
L'article 26 des conditions générales du contrat d'assurance prévoit que sont exclus «'les dommages immatériels non consécutifs lorsqu'ils sont la conséquence de dommages corporels ou matériels non couverts par le contrat.
La clause d'exclusion ne peut donc concerner que les dommages immatériels conséquences des seuls dommages affectant les travaux réalisés par la SA AMMANN, soit la tour d'enrobage, et de tels dommages seraient néanmoins garantis dans le cadre de l'avenant à hauteur de 150'000 euros sous réserve de la franchise de 50'000 euros.
Une telle clause, usuelle dans les contrats d'assurances responsabilité civile, est formelle et limitée puisqu'elle laisse dans le champ de la garantie, comme le reconnait la société HDI elle-même, les dommages immatériels causés notamment aux équipements et bâtiments qui ne sont pas la conséquence des travaux réalisés par la SA AMMANN France.
La société HDI GERLING reconnait devoir garantir la société SOFRAS pour les sommes ci-dessus rappelées soit 443'584 euros outre intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2012.
Le préjudice subi par la SA ASTEN, société mère du fait de la perte de marge de sa filiale SOFRAS doit également être garanti par la société HDI GERLING, ainsi que la diminution de ristournes portuaires et les autres frais qui ne sont pas consécutifs aux dommages affectant les travaux réalisés par la SA AMMANN.
La garantie de la société HDI GERLING est par conséquent due pour la somme de 125'459 euros outre actualisation au taux de 12,46% tel que déterminé par l'expert pour la période 2006 - 18 avril 2012 soit': 125'459 + 15'632,19 = 141'091,19 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2012 et capitalisation.
S'agissant du préjudice subi par la société SPAREN et du préjudice miroir subi par la SA ASTEN les dommages immatériels sont directement consécutifs aux dommages matériels affectant le produit livré par la SA AMMANN et sont comme tels exclus de la garantie sans qu'il y ait lieu de distinguer les dommages subis par la seule goulotte défectueuse, la clause d'exclusion visant l'ensemble des dommages subis par le produit livré. Toutefois, en application de l'avenant souscrit le 4 janvier 2006, les dommages immatériels non consécutifs tels que ceux-ci sont couverts à concurrence de 150'000 euros par sinistre et par année d'assurance et sous déduction d'une franchise de 50'000 euros. La garantie de la société HDI GERLING pour les dommages subis par la société SPAREN et le préjudice miroir subi par la SA ASTEN, qui est la conséquence d'un dommage matériel non garanti, sont néanmoins couverts dans la limite ci-dessus rappelée.
- La garantie au titre de la police dite «'Master'»':
Cette police souscrite par la société suisse AMMANN, maison mère de la SA AMMANN France pour le compte de ses filiales, est soumise au droit suisse et il n'est pas discuté qu'elle n'intervient qu'après épuisement de la police dite «'locale'».
La société HDI invoque l'article 5.10 de cette police qui stipule que sont exclus «'les droits d'exécution de contrat ou les droits à prestation de compensation intervenant à leur place pour la non-exécution ou l'exécution incorrecte, en particulier les causes des défauts et dommages qui sont apparus, à la suite d'une action, d'une livraison ou d'une prestation, sur des choses fabriquées ou livrées par les assurés ou à leur demande sur des travaux effectués. Les droits relatifs aux dépenses en rapport avec la détermination et la réparation de défauts et dommages cités dans le paragraphe 1 ainsi que les droits pour les pertes de rendement et les pertes financières à la suite de ces défauts et dommages.'»
Le contenu de la loi suisse sur ce point est suffisamment rapporté par le certificat de coutume et les décisions de jurisprudence produits aux débats par la société HDI et il appartenait à la SA AMMANN et aux sociétés ASTEN, SPAREN et SOFRAS, qui contestent le contenu, de produire leur propre certificat de coutume.
Il résulte de la consultation de Maître [B] [P] et des décisions produites, qu'en droit suisse la clause excluant le risque de l'inexécution ou de la mauvaise exécution du contrat est parfaitement valide et que sont admises des clauses d'exclusion précises, non équivoques, qui doivent être interprétées restrictivement comme en droit français
En l'espèce, la clause d'exclusion susvisée est conforme au droit suisse et exclut comme pour la police française, les dommages immatériels subis par le produit livré par la SA AMMANN, soit la perte de marge de la société SPAREN et le préjudice miroir de la SA ASTEN du fait de la perte subie par SPAREN.
Il en résulte que la police Master n'a vocation à s'appliquer qu'en cas d'épuisement de la police locale pour les seules dommages subis par la société SOFRAS et le préjudice miroir de la SA ASTEN du fait des pertes subies par SOFRAS.
Le jugement déféré doit en conséquence être infirmé.
La société HDI GERLING demande que la somme de 38'375,30 euros en trop versée au titre de l'exécution provisoire lui soit restituée.
Cependant le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, les sommes devant être restituées portant intérêt au taux légal à compter de la notification (la signification), valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande de la société HDI GERLING.
Il n'est pas équitable compte tenu des circonstances de l'espèce de faire droit à la demande de la société HDI GERLING fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
La demande des sociétés ASTEN, SPAREN et SOFRAS sur le remboursement de la caution bancaire fournie lors de l'exécution provisoire du jugement appelé ressort des frais irrépétibles et il leur sera alloué la somme de 80'000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Créteil du 2 décembre 2013 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit que la SA AMMANN est responsable du préjudice subis par les sociétés ASTEN, SPAREN et SOFRAS,
Condamne la SA AMMANN à payer':
- à la SARL SPAREN la somme de 799'502 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2012 et capitalisation des intérêts dus pour une année entière en application de l'article 1154 du code civil,
- à la SARL SOFRAS la somme de 443'584 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2012 et capitalisation des intérêts dus pour une année entière en application de l'article 1154 du code civil,
- à la SA ASTEN la somme de 216'013,17 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2012 et capitalisation des intérêts dus pour une année entière en application de l'article 1154 du code civil,
Dit que la société HDI GERLING doit sa garantie à la SA AMMANN au titre de sa police n°05-700118-01001-113 pour les sommes suivantes, sous réserve des franchises applicables':
- pour la SARL SOFRAS 443 584 euros outre intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2012 et capitalisation,
- pour la SA ASTEN au titre du préjudice subi par SOFRAS la somme de 141 091,19 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2012 et capitalisation,
- pour la SARL SPAREN et la SA ASTEN, du chef du préjudice subi du fait des dommages subis par SPAREN, la somme de 150'000 euros sous réserve de la déduction de la franchise de 50'000 euros,
La condamne en conséquence, en tant que de besoin, in solidum avec la SA AMMANN à régler ces sommes aux sociétés ASTEN, SOFRAS et SPAREN,
Dit qu'en cas d'épuisement de la police n°05-700118-01001-113, la police Master s'appliquera, sous réserve des franchises contractuelles sur les sommes dues à la SARL SOFRAS et à la SA ASTEN du chef des préjudices subis par SOFRAS,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution de sommes formée par la société HDI GERLING,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum la SA AMMANN et la société HDI GERLING à payer la somme de 80'000 euros à la SA ASTEN, la SARL SOFRAS et la SARL SPAREN,
Déboute la société HDI GERLING de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA AMMANN aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT