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19/06/2015 | FRANCE | N°12/12056

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 19 juin 2015, 12/12056


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 19 Juin 2015

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/12056

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Octobre 2012 par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY - RG n° 10/04490





APPELANT

Monsieur [O] [S]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Nadine OLSZER LEVY VALENSI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0200>






INTIMEE

SAS SCT TELECOM

[Adresse 3]

[Adresse 1]

représentée par Me Laurent GAMET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461 substitué par Me Hubert RIBEREAU GAYON,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 19 Juin 2015

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/12056

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Octobre 2012 par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY - RG n° 10/04490

APPELANT

Monsieur [O] [S]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Nadine OLSZER LEVY VALENSI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0200

INTIMEE

SAS SCT TELECOM

[Adresse 3]

[Adresse 1]

représentée par Me Laurent GAMET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461 substitué par Me Hubert RIBEREAU GAYON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1499

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Avril 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [O] [S] a été engagé par la SAS SCT TELECOM le 1er février 2007, en qualité de directeur des Opérations départementales mobilité. Son salaire mensuel moyen était de 6.093 € brut.

Son contrat de travail a été rompu par un courrier du 23 novembre 2010 le licenciant pour faute grave.

L'entreprise compte environ 280 salariés.

La convention collective applicable est celle des cadres des Télécommunications.

Sur saisine de M. [S], le conseil de prud'hommes de Bobigny, par jugement du 17 octobre 2012 a' requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Il a condamné la SAS SCT TELECOM à verser à M. [S] les sommes suivantes':

- 18.279 € au titre de l'indemnité de préavis,

- 1.827,90 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés'y afférents ;

- 8.774 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 4.441,85 € au titre des salaires du 2 au 23 novembre 2011,

- 444,18 € au titre des congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter du 11.01.2011, date de la réception de la convocation par la partie défenderesse devant le bureau de conciliation,

- 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Le conseil de prud'hommes a rejeté le surplus des demandes.

Suite à la notification de la décision, le 30 novembre 2012, M. [S] a fait appel le 21 décembre 2012.

Lors de l'audience du 9 avril 2015, les parties ont soutenu oralement leurs conclusions, visées par le greffier, auxquelles il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

Le conseil de la SCT TELECOM a soulevé l'irrecevabilité de l'appel au motif que la déclaration d'appel n'était pas signée.

Celui de M. [S] a rétorqué que la volonté de faire appel était confirmée par le fait qu'à la lettre était joint le timbre fiscal, que ce défaut de signature ne faisait pas grief à l'intimé qu'en conséquence il y avait lieu de déclarer l'appel recevable.

Au fond, M. [S] demande à la cour de':

- confirmer le jugement pour les condamnations prononcées à l'encontre de la SAS SCT TELECOM,

- l'infirmer pour le surplus

Et statuant à nouveau de':

- juger que le licenciement de M. [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la SAS SCT TELECOM à verser à [O] [S], sur la base d'un salaire de référence de 6.093€ les sommes suivantes':

- 73.116 € (12 mois) au titre du caractère abusif du licenciement,

- 6.093 € au titre des conditions vexatoires et brutales de la rupture,

- 5.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner l'intimée aux entiers dépens.

La société SCT TELECOM demande à la cour':

A titre principal de :

- déclarer l'appel irrecevable,

- condamner M. [S] à verser à la Société SCT TELECOM la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile';

- condamner M. [S] aux dépens

A titre subsidiaire de':

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a'écarté la faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse';

- confirmer le jugement pour le surplus,

- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes

- condamner M. [S] à verser à la Société SCT TELECOM la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile';

- condamner M. [S] aux dépens

SUR CE LA COUR

Sur l'irrecevabilité soulevée par l'intimée'

L'acte d'appel a été déposé par un avocat pour le compte de M. [S], sans être signé de ce conseil, ce document était accompagné d'un timbre fiscal et a été enregistré par le greffe.

Le défaut de signature de cet acte d'appel non équivoque et sur lequel figure le nom de l'appelant et les coordonnées de son avocat, ne saurait faire grief à l'intimé, alors que ce dernier a identifié l'intimé, a développé ses arguments en défense et que les conseils de parties ont pu échanger leurs écritures.

En l'absence de grief, l'irrecevabilité de l'acte d'appel doit être écartée.

Sur le licenciement'

Par courrier du 23 novembre 2010, la société SCT TELECOM a notifié à M. [O] [S] un licenciement pour faute grave.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier, doit en rapporter la preuve.

Le salarié estimant son licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient d'examiner les griefs articulés par la lettre de licenciement.

Sur le premier grief'

«'Ainsi, nous avons été alertés, le 6 octobre 2010, par vos collaborateurs sur le fait que 1951 lignes mobiles de nos clients étaient toujours en attente de recherche quant à leurs numéros RIO et leurs dates de fin de contrat.'»

Mais [O] [S] n'est pas contredit lorsqu'il indique que ce ne sont pas 1951

mais 507 lignes qui sont concernées et lorsqu'il explique qu'il s'agissait d'une difficulté récurrente tenant au choix de la société SCT, contrairement aux pratiques des autres opérateurs, de ne pas demander ces renseignements au client pour ne pas prendre le risque de rater la vente'; il n'est pas plus démenti lorsqu'il indique que pour récupérer ces information la SCT avait choisi un prestataire externe situé au MAROC'; M. [S] met encore en évidence les difficultés juridiques et judiciaires rencontrées par SCT et la difficulté des démarches entreprises pour collecter les RIO et DFC de sorte que l'on ne saurait lui en faire porter la responsabilité.

Il produit aussi une attestation de Mme [I], assistante technique qui déclare avoir surpris une conversation entre [F] ([N]) et [O] [S] au cours de laquelle [F] a reconnu avoir commis une erreur sur le nombre d'erreurs relevées. Cette dernière provenant d'une actualisation des données non effectuées par le service informatique.

Enfin par son attestation M. [U], développeur informatique explique que «'le résultat d'une requête visant à identifier des lignes en attente de numéro RIO pouvait considérablement varier'» avant et après le passage du traitement informatisé de nuit'; que l'exactitude des résultats obtenus lors de requête en tout genre était fréquemment douteuse'; qu'il aurait dû procéder au nettoyage du code durant six mois à partir de mai 2009 mais que ce nettoyage a été abandonné au profit de développement de nouveaux projets.

Ce grief ne peut donc être retenu.

Sur le deuxième grief'

«'notre opérateur partenaire, la société SFR, nous a indiqué son souhait de ne plus traiter avec vous, sollicitant un nouveau contact au sein de notre Société.'»

Ce reproche est établi d'une part par la production du mail du 7 octobre 2010 adressé par la société SFR à SFT TELECOM et dans lequel SFR indique rencontrer «'des difficultés à communiquer, et donc à échanger et traiter les sujets de façon calme et réfléchie'» avec M. [S], et d'autre part par le fait que ce dernier ait reconnu lors de l'entretien préalable parfois hausser le ton.

Cependant ce fait à lui seul ne saurait être constitutif d'une faute grave.

Sur le troisième grief

La société SCT a fait procéder à un audit du service de M. [S] dont elle indique qu'il ressort qu'il n'a pas managé son équipe.

Mais outre le fait que cet audit a été diligenté par M. [Q] le DG Adjoint, pendant l'arrêt maladie de M. [S], il convient de relever que M. [S] n'est pas contredit lorsqu'il indique que c'est M. [Q] qui prendra après son départ en charge le service et que Mme [N], son ex- assistante, qui a témoigné contre lui, va être immédiatement promue, de sorte que les résultats de l'analyse de M. [Q] ou les attestations et constations de Mme [N] doivent être relativisés.

Ces circonstances ne permettent pas de retenir ce grief, d'autant que M. [S] produit une attestation de M. [K] qui a été directeur général de la SCT jusqu'au 17 septembre 2010 (soit deux mois avant le licenciement) indiquant avoir été le supérieur direct de M. [S] lequel lui donnait entière satisfaction, avait des initiatives pertinentes et précisant que ses aptitudes de manager direct lui ont permis de former une équipe performante.

La société SCT reproche aussi à M. [S], dans ce cadre, la saturation de sa boite mail mais ce reproche ne saurait prospérer dans la mesure où la société n'indique pas quelles mesures elle avait prises pour éviter l'encombrement des boites par des SPAM et des mails publicitaires.

Ce troisième grief est donc écarté.

Sur le quatrième grief'

«'de graves négligences dans la gestion et le suivi de vos dossiers'»

A cet égard, la SCT reproche à M. [S] d'avoir écrit un mail à un client (pièce 35) le 20 septembre 2010, lui indiquant qu'il ne pouvait lui procurer d'IPhone à moins de passer par un «'marché parallèle'» alors que la SCT peut procurer ces appareils à des clients'; mais M. [S] démontre que la société SCT ne proposait pas aux client d'acquérir des IPhone puisque Orange s'en était réservé l'exclusivité et que les factures produites par SCT mettent en évidence qu'elle ne pouvait se fournir chez CORIOLIS et devait en acheter sur Internet ce qui ne permettait pas au client de bénéficier des garanties. Dès lors, la réponse faite par M. [S] n'était pas inexacte et ne saurait lui être reprochée.

Il est encore reproché à M. [S] de ne pas avoir répondu aux relances du client JISC Voyages'; mais le salarié réplique sans être démenti qu'il y avait des dizaines de réclamations de ce genre par jour qui tenaient au fait que SCT vendait des contrats d'une durée d'engagement minimal de 48 mois et qu'elle avait des pratiques de surfacturation qui déclenchaient des demandes de résiliation. Il produit à cet égard les dénonciations de clients sur des sites dédiés à la protection des consommateurs.

Ces éléments conduisent à ne pas retenir ce reproche à l'encontre de M. [S]';

S'agissant du reproche de ne pas avoir donné depuis près d'un an au service juridique les informations concernant le dossier PIC France, il est contredit par le fait que le 12 juillet 2010, l'assistante de M. [S], [F] [N] avait écrit à ce service un mail dans lequel elle indique que la société a surfacturé ce client de plus de 7.100 € H.T. et par le mail adressé par [O] [S] le 7 septembre au service juridique qui lui a répondu qu'il ne pouvait «'la particularité de la tarification MVN que nous avons du mal à défendre en justice, et sur laquelle ton analyse ou celle de ton service nous est indispensable'».

Dans la mesure où il n'est pas établi qu'il incombait à M. [S] d'établir un nouveau tarif, ce reproche ne saurait non plus être retenu.

Il est encore reproché à M. [S] d'avoir facturé des mobiles à un client alors qu'il savait que ceux-ci n'avaient pas été envoyés en raison d'une rupture de stock qu'il n'avait pas anticipée.

Mais [O] [S] rétorque sans être contredit que par décision de la direction les portables devaient être payés d'avance afin d'éviter un défaut de paiement sur la partie matérielle, que la commande n'était passée au grossiste qu'après le paiement effectif et que e ce fait si le règlement arrivait avec un décalage il pouvait arriver que le téléphone portable soit épuisé sur le stock de la société grossiste CORIOLIS.

Ce reproche ne peut donc être retenu.

Par ailleurs, les reproches formulés dans les conclusions mais non visés par la lettre de licenciement ne sauraient être retenus.

Il résulte de l'examen des griefs formulés que seul le fait de ne pas avoir correctement géré les relations avec le client SFR peut être reproché à M. [S]'; un tel reproche ne saurait suffire à fonder un licenciement alors que M. [S] explique sans être contredit que les relations étaient nécessairement tendues avec ce client du fait que la SCT était devenue concurrente directe de SFR et de sa mission de défendre les intérêts commerciaux de son employeur.

En conséquence, la cour constate que la société SCT TELECOM ne prouve ni la faute grave ni la cause réelle et sérieuse du licenciement de M [S].

Le jugement est donc infirmé sur ce point.

Sur les conséquences financières du licenciement'

M. [S] n'ayant pas été licencié pour faute grave, les sommes qui lui ont été allouées par le Conseil de prud'hommes sont confirmées.

S'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu de l'ancienneté de 3 ans et 10 mois du salarié, il lui est alloué en réparation de ce préjudice la somme de 45.000 €.

En revanche, M. [S] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire faute de prouver la faute de la société SCT comme le fait d'avoir subi un préjudice distinct du licenciement.

Sur le remboursement des indemnités chômage'

En application de l'article L.1235-4 du Code du travail, il y a lieu de condamner la société SCT TELECOM à rembourser aux organismes intéressés les allocations chômage versées à M. [S] dans la limite de 6 mois d'allocation.

Sur les frais irrépétibles et les dépens d'appel'

La société SCT TELECOM succombant dans la cause, elle doit être condamnée à payer la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a retenu le licenciement comme fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Le confirme pour le surplus ,

Et y ajoutant,

Déclare sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [O] [S],

Condamne la société SCT TELECOM à payer à M. [O] [S]':

- 45.000 € au titre du caractère abusif du licenciement,

- 3.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ordonne le remboursement par la SCT TELECOM aux organismes intéressés des indemnités de chômage payées à [O] [S], à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois';

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société SCT TELECOM aux entiers dépens.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 12/12056
Date de la décision : 19/06/2015

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°12/12056 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-19;12.12056 ?
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