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18/06/2015 | FRANCE | N°14/03379

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 18 juin 2015, 14/03379


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 18 JUIN 2015



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/03379



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Janvier 2014 -Président du TGI de PARIS - RG n° 14/50050





APPELANTE



SAS EXELGYN

Agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
r>[Adresse 1]

[Localité 2]



Assistée de Me Olivier SAMYN de l'AARPI LMT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R169

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP SCP REGNIER - BEQUET ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 18 JUIN 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/03379

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Janvier 2014 -Président du TGI de PARIS - RG n° 14/50050

APPELANTE

SAS EXELGYN

Agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 2]

Assistée de Me Olivier SAMYN de l'AARPI LMT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R169

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

INTIMEE

Société PHARMA SERVICES

SARL au capital de 800 euros immatriculée au RCS de Paris sous le n°513 030 528

agissant poursuites et diligences de ses gérants domiciliés en cette qualité audit siège:

[Adresse 2]

[Localité 1]

Assistée de Me Stephen MONOD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0135

Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

PARTIE INTERVENANTE :

LINEPHARMA INTERNATIONAL LIMITED, Intervenante forcée

Société de droit anglais immatriculée au registre des sociétés de Londres sous le n°8550018

agissant poursuites et diligences de ses représentans légaux domiciliés audit siège :

[Adresse 3]

[Localité 3] ROYAUME UNI

Assistée de Me Stephen MONOD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0135

Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Avril 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Frédéric CHARLON, président

Madame Evelyne LOUYS, conseillère

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Frédéric CHARLON, président et par Mme Sonia DAIRAIN, greffier.

FAITS ET PROCEDURE':

La SAS EXELGYN est titulaire d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour la spécialité Mifegyne dont la dénomination commune internationale dite DCI est la mifepristone.

Ce médicament a notamment pour indication le traitement médicamenteux de l'interruption volontaire de grossesse.

La marque française MIFEGYNE a été déposée le 26 mai 1985 par la société EXELGYN sous le n° 1356319.

La société LINEPHARMA FRANCE, créée le 25 juin 2011, a développé un médicament concurrent.

Elle a reçu le 29 mars 2013 une AMM pour sa spécialité en France et a entendu la commercialiser sous le nom commercial de 'mifepristone Linepharma', c'est-à-dire un nom composé de la DCI de la spécialité associé au nom du laboratoire du fabricant.

Cette forme de dénomination étant habituelle des médicaments génériques et le médicament de la société LINEPHARMA FRANCE n'étant pas un générique, la société EXELGYN a saisi le 29 janvier 2013 l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) pour faire état de la confusion possible.

La société LINEPHARMA France a soumis plusieurs dénominations possibles à l'ANSM qui a retenu, le 5 avril 2013, le terme de MIFFEE.

Par courrier du 19 avril 2013, la société EXELGYN a contesté ce choix au motif d'une confusion inévitable entre MIFEGYNE et MIFFEE. L'ANSM n'a pas donné suite à cette demande.

Le 2 septembre 2013, la société EXELGYN a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris d'une demande de suspension de l'AMM, dont elle a été déboutée.

C'est dans ces conditions que la société EXELGYN a fait assigner, par acte du 22 novembre 2013, la société LINEPHARMA FRANCE aux fins de dire que le dépôt de la marque française MIFFEE n° 3 583 191 par la société LINEPHARMA France porte vraisemblablement atteinte à la marque française MIFEGYNE n° 1 356 319 ; dire que la commercialisation annoncée de la spécialité MIFFEE constitue une atteinte vraisemblable et imminente à la marque française MIFEGYNE n° 1 356'319'; par conséquent, interdire à la société LINEPHARMA FRANCE toute utilisation de la marque française MIFFEE n° 3 583 191 pour toute spécialité pharmaceutique dont la DCI est la mifepristone sous astreinte de 10 000 euros par manquement à cette obligation à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, dire que les conditions de commercialisation de la spécialité MIFFEE constituent manifestement des actes de parasitisme et de concurrence déloyale de nature à porter atteinte de manière imminente à la santé publique et à l'exploitation paisible de MIFEGYNE au préjudice de la société EXELGYN'et, par conséquent, interdire à la société LINEPHARMA FRANCE toute utilisation de la marque française MIFFEE n° 3 583 191 pour toute spécialité pharmaceutique dont la DCI est la mifepristone sous astreinte de 10 000 euros par manquement à cette obligation à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir.

Par ordonnance contradictoire du 27 janvier 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a :

- débouté la société EXELGYN de sa demande en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitaire,

- débouté la société LINEPHARMA FRANCE de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société EXELGYN à payer à la société LINEPHARMA FRANCE la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la présente ordonnance est exécutoire par provision,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société EXELGYN aux dépens.

La SAS EXELGYN a interjeté appel de cette décision le 14 février 2014.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 avril 2015.

Par dernières conclusions du 13 mars 2015, auxquelles il convient de se reporter, la société EXELGYN demande à la Cour de :

- constater la cession de l'autorisation de mise sur le marché de MIFFEE à la société de droit anglais LINEPHARMA INTERNATIONAL Limited le 2 avril 2014,

- constater la cession de la marque MIFFEE à la société de droit anglais LINEPHARMA INTERNATIONAL Limited le 11 juin 2014,

- constater l'inscription de la cession précitée au registre national des marques françaises le 8 septembre 2014,

- constater que ces deux cessions sont intervenues postérieurement à l'ordonnance de référé prononcée le 27 janvier 2014 par le tribunal de grande instance de Paris,

- dire et juger que la cession de l'autorisation de mise sur le marché de MIFFEE et de la marque MIFFEE constitue une évolution du litige justifiant la mise en cause de la société de droit anglais LINEPHARMA INTERNATIONAL Limited,

Par conséquent,

- déclarer recevable et bien fondée l'assignation en intervention forcée de la société de droit anglais LINEPHARMA INTERNATIONAL Limited,

Y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 27 janvier 2014 par le tribunal de grande instance de Paris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a débouté la société PHARMA SERVICES de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

- déclarer recevables et bien fondées les demandes de la société EXELGYN à l'encontre de la société PHARMA SERVICES et de la société de droit anglais LINEPHARMA INTERNATIONAL Limited,

- dire et juger que le dépôt de la marque française «'MIFFEE'» n°3583191 et son usage par la société PHARMA SERVICES et par la société de droit anglais LINEPHARMA INTERNATIONAL Limited porte vraisemblablement atteinte à la marque française «'MIFEGYNE'» n°1356319,

- dire et juger que la commercialisation effective de la spécialité MIFFEE constitue une atteinte actuelle et vraisemblable à la marque française « MIFEGYNE» n°1356319,

Par conséquent,

- interdire à la société PHARMA SERVICES et à la société de droit anglais LINEPHARMA INTERNATIONAL Limited toute utilisation de la marque «MIFFEE» ou d'un signe similaire pour toute spécialité pharmaceutique dont la DCI est la mifépristone, sous astreinte de 10 000 euros par manquement à cette obligation à compter de la signification de l'ordonnance à venir,

En tout état de cause,

- constater l'absence d'intention frauduleuse et/ou de légèreté blâmable de la société EXELGYN,

- débouter la société PHARMA SERVICES de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive,

- débouter la société PHARMA SERVICES de sa demande de constitution de garantie,

- condamner la société PHARMA SERVICES et la société de droit anglais LINEPHARMA INTERNATIONAL Limited au paiement d'une somme de 15 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait valoir que la cour d'appel de céans n'aura pas à examiner la validité de la marque MIFEGYNE, PHARMA SERVICES n'étant au surplus pas en mesure de rapporter la preuve de son prétendu défaut manifeste de distinctivité';

Que le consommateur percevant une marque comme un tout, son caractère distinctif s'apprécie au regard de l'impression d'ensemble produite par cette dernière et non de ses différentes composantes prises isolément'; que PHARMA SERVICES se contente de soutenir que la marque MIFEGYNE est composée de la juxtaposition de deux termes prétendument descriptifs, sans préciser dans quelle mesure l'expression créée par EXELGYN, prise dans son ensemble, serait elle-même dépourvue de caractère distinctif';

Que les produits visés à l'enregistrement de la marque MIFFEE, et dont l'usage a déjà commencé, sont inclus dans les produits visés par la marque antérieure MIFEGYNE et sont de ce fait tenus pour identiques'; que les marques MIFEGYNE et MIFFEE sont similaires visuellement, phonétiquement et conceptuellement';

Que le seul enregistrement de la marque MIFFEE n°3583191 porte atteinte à la marque MIFEGYNE'; que la commercialisation de MIFFEE est effective depuis une déclaration de commercialisation du 7 janvier 2014'; que cette commercialisation porte aujourd'hui indéniablement atteinte à la marque MIFEGYNE et justifie le prononcé de mesures visant à interdire sous astreinte à PHARMA SERVICES et LINEPHARMA INTERNATIONAL Limited de continuer de commercialiser ses produits sous la marque MIFFEE ou une marque similaire.

Par dernières conclusions du 27 mars 2015, auxquelles il convient de se reporter, la société PHARMA SERVICES et la société LINEPHARMA INTERNATIONAL demandent à la Cour de :

Principalement,

- dire n'y avoir lieu à référé,

- débouter la société EXELGYN de toutes ses demandes, fins, moyens et conclusions,

- condamner la société EXELGYN à payer à la société PHARMA SERVICES à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive une somme de dix mille euros outre dix mille euros du chef des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à la société LINEPHARMA INTERNATIONAL à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive une somme de dix mille euros outre dix mille euros du chef des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société EXELGYN aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Subsidiairement, assortir toute mesure d'interdiction de la marque MIFFEE,

- de la fourniture par EXELGYN à LINEPHARMA INTERNATIONAL d'une garantie par une banque de réputation internationale ayant un établissement permanent à [Localité 4], égale à neuf millions d'euros correspondant approximativement à une année de chiffre d'affaires tel que déclaré par EXELGYN dans ses comptes au 31 décembre 2013 et dire que cette garantie devra être maintenue jusqu'à ce qu'il en soit donné mainlevée par décision de justice exécutoire,

- d'un délai de dix-huit mois pour la mise en 'uvre de cette décision par LINEPHARMA INTERNATIONAL et PHARMA SERVICES.

Elle réplique que sur le fondement des articles L. 711-1 et L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, une marque doit être distinctive'; qu'ainsi, lorsqu'une marque ne permet pas d'identifier l'origine commerciale d'un produit, elle se trouve entachée de nullité'; que la mutation en marque distinctive d'une marque similaire à la DCI du produit pharmaceutique qu'elle concerne est radicalement impossible'; qu'en effet, la DCI est la dénomination commune internationale donnée à un produit pharmaceutique par l'OMS'; que par hypothèse, la marque qui reproduit une dénomination commune ne peut devenir distinctive';

Que MIFE, en ce qu'elle est une partie de la DCI du produit, est insusceptible de protection à titre de marque du fait de son caractère manifestement générique'; que le caractère à la fois générique et descriptif de MIFEGYNE lui ôte toute qualité distinctive';

Que le public pertinent est composé des médecins pratiquant l'avortement médical dans les établissements de santé'; que ces derniers étant d'une vigilance particulière, il n'existe pas de risque de confusion entre MIFFEE et MIFEGYNE';

Que sur le plan visuel, phonétique et conceptuelle, il n'y a pas de ressemblance entre MIFFEE et MIFEGYNE.

SUR CE, LA COUR,

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article 555 du code de procédure civile, de déclarer recevable l'intervention forcée de la société de droit anglais LINEPHARMA INTERNATIONAL Limited (LINEPHARMA), cessionnaire de la marque MIFFEE aux termes d'une cession de la marque du 11 juin 2014';

Considérant qu'en cause d'appel, les demandes de la société EXELGYN ne sont plus fondées que sur la contrefaçon de marque, l'appelante sollicitant de dire que le dépôt de la marque française MIFFEE n° 3583191 et son usage par les sociétés PHARMA SERVICES et LINEPHARMA porte vraisemblablement atteinte à la marque française MIFEGYNE n°1356319'et de dire que la commercialisation effective de la spécialité MIFFEE constitue une atteinte actuelle et vraisemblable à la marque française MIFEGYNE n°1356319';

Considérant que selon l'article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle, «'toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente.'»';

Considérant que selon l'article L. 713-3 du même code, «'Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :

a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;

b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement'»';

Considérant que si le premier juge a exactement retenu qu'il incombe au juge des référés, dans la limite des pouvoirs du juge de l'évidence, de statuer sur une contestation relative à la validité de la marque puisqu'à défaut de titre, la vraisemblance de la contrefaçon ne peut être soutenue, ce juge a tout aussi pertinemment relevé qu'en l'espèce, il suffisait de procéder à l'analyse de la contrefaçon alléguée, à supposer même que le titre soit valable, pour constater qu'il n'existe aucune atteinte vraisemblable à la marque française MIFEGYNE n°1356319 par la marque française MIFFEE n° 3583191';

Considérant que le risque de confusion doit faire l'objet d'une appréciation abstraite par référence au dépôt, d'une part, en considération d'un public pertinent correspondant au consommateur des produits et services concernés normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, et d'autre part, par comparaison entre le signe litigieux utilisé et la marque protégée par référence à son enregistrement indépendamment de ses conditions d'exploitation mais également par comparaison des services et produits visés dans l'enregistrement et des produits et services commercialisés sous le signe litigieux'; que le risque de confusion doit en outre être analysé globalement'; que tous les facteurs pertinents, dont la notoriété de la marque et l'importance de sa distinctivité, doivent être pris en considération, l'appréciation globale de la similitude de la marque et du signe litigieux devant être fondée sur l'impression d'ensemble qu'ils produisent au regard de leurs éléments distinctifs et dominants';

Que la marque française'MIFEGYNE a été déposée le 26 mai 1986 par la société EXELGYN sous le n° 1356319 dans la classe Produits et services 5': «'Produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques, substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés, emplâtres, matériels pour pansements, matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires, désinfectants, produits pour la destruction des animaux nuisibles, fongicides, herbicides';

Que la marque française MIFFEE a été déposée le 19 juin 2008 sous le n° 3583191 par la société Laboratoire HRA PHARMA, puis cédée à la société LINEPHARMA, en classe 5 pour les produits suivants':'«'Produit pharmaceutique à base de mifépristone en indication gynécologique'»';

Considérant qu'il n'est pas contesté que les produits désignés par les dépôts respectifs sont les mêmes, en l'espèce des spécialités pharmaceutiques'pour le traitement médicamenteux de l'interruption volontaire de grossesse ;

Que le médicament en cause nécessite la prescription par un médecin, habilité à pratiquer l'interruption volontaire de grossesse médicamenteuse, et n'est pas accessible par une consommatrice moyenne, qui ne peut pas même se le procurer directement en pharmacie par ordonnance, mais seulement auprès d'un établissement de santé ou centre agréé ou pharmacien hospitalier de ces établissements ou médecin pratiquant l'avortement dans le cadre d'une convention agréée ;

Qu'ainsi, le public pertinent, auquel est destinée la marque, est le médecin prescripteur, spécialisé, qui est d'une vigilance particulièrement élevée dans ce domaine, très règlementé,'et que celui-ci fait nécessairement la différence entre les différents produits, et pas seulement du fait de la marque, mais du fait de la composition du médicament, et ce au regard de la situation médicale de sa patiente, laquelle ne participe pas au choix du produit qui lui est administré';

Que la société EXELGYN le reconnaît au demeurant dans la lettre du 29 janvier 2013 qu'elle a adressée par l'intermédiaire de son conseil à l'ANSM, dans laquelle elle indique': « alors que'le nom du médicament doit être choisi de façon à éviter toute confusion avec d'autres médicaments et de ne pas induire en erreur sur la qualité ou les propriétés de la spécialité, LINEPHARMA créé un risque de confusion pour les prescripteurs entre MIFEGYNE, dont la DCI est mifépristone, la spécialité générique Mifepristone Exelgyn et Mifepristone Linepharma'»';

Considérant qu'il sera, tout d'abord, constaté que, sur le plan visuel, aucune confusion n'est possible entre les deux marques ;

Que la marque MIFFEE a été déposée en lettres scriptes, tandis que la marque MIFEGYNE a été déposée en lettres majuscules'; que MIFEGYNE est composée de quatre syllabes, MIFFE de deux syllabes';

Que le signe MIFEGYNE est constitué en sa première partie, du début de la DCI (dénomination commune internationale ' d'une substance active), mifepristone, qui est la définition même du produit';

Que la société LINEPHARMA, en déposant le terme MIFFE, a transformé le début de la DCI en doublant le «'f'» et le «'e'» de la deuxième syllabe';

Qu'ainsi, seule la première syllabe des deux signes est semblable, la seconde étant différente, du fait de ce doublement, inattendu en langue française pour ce qui est du «'e'»';

Que c'est à tort que EXELGYN soutient que seul le segment-clé «'pris'» serait disponible et non pas «'Mife'», dont le choix serait arbitraire, alors que si la totalité du mot Mifépristone constitue la DCI et que «'pristone'» est commun à tous les antagonistes des récepteurs de la progestérone, a fortiori «'mifé'» est la partie de la DCI spécifiquement générique du produit d'avortement médical Mifépristone, de sorte que c'est sans encourir de grief que le premier juge a pu retenir que nul ne peut soutenir que le signe mifepristone n'est pas nécessaire à la désignation du produit puisqu'il est sa définition même';

Que le mot MIFFEE, qui est beaucoup plus court que celui de MIFEGYNE, s'en distingue ainsi suffisamment d'un point de vue visuel, la communauté de radical placée en attaque MIF étant insuffisante à conclure à la ressemblance visuelle';

Considérant, sur le plan phonétique, que les deux termes précités se prononcent différemment, notamment en raison de l'absence, dans MIFFEE, des deux dernières syllabes de MIFEGYNE'; qu'en outre, comme l'a remarqué le premier juge, le consommateur français hésitera sur la prononciation des deux «'e'», pensant à un mot d'origine anglo-saxonne';

Que, sur le plan conceptuel, l'ordonnance entreprise retient également à juste titre que la référence à la DCI mifepristone se fera pour les deux termes, ces signes ne pouvant avoir aucune autre signification en langue française';

Qu'en conséquence, et nonobstant les erreurs ponctuelles de livraisons par des grossistes répartiteurs qu'évoque la société EXELGYN, aucune confusion ne peut naître dans l'esprit du consommateur, en raison de la différence des signes qui, même s'ils utilisent tous deux la première partie de la DCI, sont différents';

Que l'ordonnance entreprise sera confirmée';

Que les sociétés intimées, qui ne font la démonstration d'aucun préjudice spécifique que leur aurait occasionné la présente instance, seront déboutées de leurs demandes formées à titre de dommages et intérêts';

PAR CES MOTIFS'

DÉCLARE recevable l'intervention forcée de la société de droit anglais LINEPHARMA INTERNATIONAL Limited,

CONFIRME l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

REJETTE les demandes formées à titre de dommages et intérêts,

CONDAMNE la SAS EXELGYN à payer à la SARL PHARMA SERVICES la somme de 10'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS EXELGYN à payer à la société de droit anglais LINEPHARMA INTERNATIONAL Limited la somme de 10'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS EXELGYN aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 14/03379
Date de la décision : 18/06/2015

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°14/03379 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-18;14.03379 ?
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