La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2015 | FRANCE | N°13/11970

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 18 juin 2015, 13/11970


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 18 Juin 2015



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11970



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 mai 2013 par le tribunal de grande instance de MELUN - RG n° 12/00111



APPELANT

Monsieur [Y] [H]

Rue du 18 juin

[Adresse 4]

[Localité 3]

comparant en personne

Représenté et assisté par Me Carole-

Anne LE PETIT LEBON, avocate au barreau de PARIS, toque : B0604



INTIMÉES

ETAT FRANÇAIS, représenté par l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMÉNAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE [Localité 13] (EPAFRANCE)...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 18 Juin 2015

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11970

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 mai 2013 par le tribunal de grande instance de MELUN - RG n° 12/00111

APPELANT

Monsieur [Y] [H]

Rue du 18 juin

[Adresse 4]

[Localité 3]

comparant en personne

Représenté et assisté par Me Carole-Anne LE PETIT LEBON, avocate au barreau de PARIS, toque : B0604

INTIMÉES

ETAT FRANÇAIS, représenté par l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMÉNAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE [Localité 13] (EPAFRANCE)

EPIC immatriculé au RCS de Meaux sous le numéro B342 123 361

[Adresse 3]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Frédéric LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : T07

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES TRESORERIE GENERALE DE SEINE ET MARNE

France Domaine

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée et assistée par Monsieur [F], commissaire du gouvernement, en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 février 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Maryse LESAULT, conseillère, spécialement désignée pour présider cette chambre par ordonnance de Madame la Première présidente de la cour d'appel de PARIS,

Monsieur Paul André RICHARD, conseiller hors classe, désigné par Madame la Première présidente de la cour d'appel de PARIS

Madame [Q] [X], juge de l'expropriation au tribunal de grande instance de BOBIGNY désignée conformément aux dispositions de l'article L. 13-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Maryse LESAULT, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par arrêté en date du 27 juillet 2012, le Préfet de la SEINE-ET-MARNE a déclaré d'utilité publique les acquisitions foncières par l'Etat, représenté par l'Etablissement Public d'Aménagement du secteur IV de [Localité 13] (EPAFRANCE), en vue du développement de l'éco-tourisme et de la réalisation du projet «VILLAGES NATURE ».

Par arrêté en date du même jour, le Préfet a déclaré cessibles au profit de l'Etat, ainsi représenté, les parcelles de terrains situées sur la commune de [Localité 17] nécessaires à l'opération ci-dessus dont celle située au lieudit « [Localité 6]» cadastrée ZN[Cadastre 1], d'une surface de 3612 M² appartenant à M.[Y] [H].

Par ordonnance en date du 27 septembre 2012, le juge de l'expropriation a déclaré expropriée au profit de l'Etat la parcelle visée par la procédure.

M.[H] ayant rejeté son offre d'indemnisation, EPAFRANCE a saisi le juge de l'expropriation.

Le transport sur les lieux a été effectué le 11 février 2013.

Par jugement rendu le 10 mai 2013, le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Melun a :

- fixé à la somme de 8 558 € toutes causes confondues l'indemnité à payer par l'Etat représenté par EPAFRANCE à M.[H] pour la dépossession de la parcelle située au lieudit « [Localité 6]» cadastrée ZN[Cadastre 1],

- condamné l'Etat représenté par EPAFRANCE à verser à M.[H] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et dit que les dépens seront laissés à la charge de l'autorité expropriante en application de l'article L13-5 du code de l'expropriation.

M.[H] a interjeté appel de ce jugement par acte reçu le 14 juin 2013.

Les parties ont déposé leurs conclusions et mémoire comme suit :

- M.[H] le 24 juillet 2013 pour le mémoire d'appel, puis le 23 décembre 2014 pour le mémoire en réplique, et le 9 février 2015 pour le second mémoire en réplique,

- EPAFRANCE représentant l'Etat : mémoire d'intimé reçu le 15 octobre 2013, et mémoire en réponse reçu le 4 février 2015, puis mémoire n°2 du 111 février 2015

- le Commissaire du Gouvernement par conclusions du 15 octobre 2013 sans appel incident, puis le 9 février 2015.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de ses conclusions récapitulatives M. [H] demande à la cour de réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau :

A titre principal de :

- fixer à la somme de 100 330 € l'indemnité totale de dépossession, remploi compris, à lui revenir en sa qualité de propriétaire de la parcelle cadastrée section [Adresse 9],

A titre subsidiaire de :

-fixer à la somme de 60 598 € l'indemnité totale de dépossession, remploi compris, à lui revenir en cette qualité,

Condamner en tout état de cause EPAFRANCE représentant l'Etat à lui payer 3000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme allouée en première instance à ce titre, et aux dépens.

Au terme de ses conclusions et mémoire précités, EPAFRANCE demande au visa des articles L13-13 et suivants, L13-15, L13-14 du code de l'expropriation et vu les termes de références versés aux débats de :

- débouter l'appelant de ses demandes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

.fixé au 20 avril 2011 la date de référence et considéré qu'à cette date le bien se trouvait en zone Nda du POS de [Localité 17],

.écarté la qualification de « terrain à bâtir » et celle de « terrain en situation privilégiée»,

.retenu une valeur unitaire de de 2€/M² s'agissant de terres en nature de bois et taillis,

.fixé une indemnité principale de 7224€ et de 1334 € pour l'indemnité de remploi, soit en tout 8 558 €

Au terme de ses conclusions reçues les 10 octobre 2013 et 19 février 2015, le commissaire du Gouvernement conclut à ce que la cour :

- déclare M.[H] recevable en son appel et non déchu,

- à titre principal, confirmant en cela le jugement de première instance,

-fixe la date de référence à la date de mise à la disposition du public du rapport du débat public, soit au 20 avril 2011, le document d'urbanisme de référence étant alors le POS de [Localité 17] approuvé le 1er mars 2001,

- confirme donc l'indemnisation globale retenue par le premier juge pour la parcelle ZN2 de M.[H] soit pour le montant global de 8558€, plus l'indemnité de remploi au taux usuel,

A titre strictement subsidiaire si la cour fixe la date de référence à celle de la publication de la DUP, le 30 juillet 2012, le document d'urbanisme opposable étant alors le PLU mis en compatibilité le 27 juillet 2012, à ce que la valeur d'indemnisation soit calculée sur une base de 8€/M² à savoir une allocation globale de 28896€ outre le remploi aux taux usuels.

Il convient de se reporter aux écritures des parties pour plus ample exposé des demandes et moyens.

SUR CE LA COUR,

Considérant que la cour se réfère au jugement entrepris quant à l'exposé de l'opération d'aménagement « Village Nature » et à la chronologie des actes administratifs et juridictionnels de cette opération dont les décisions ayant concerné la parcelle appartenant à M.[P] par le présent litige ;

Considérant que la recevabilité de l'appel et des mémoires n'est pas discutée ;

Considérant que les points principalement en débat sont d'une part celui de la détermination de la date de référence et d'autre part celui de la qualification des parcelles, ainsi que l'appréciation des termes de références ;

Sur la date de référence

Considérant que par délibération du 26 avril 2001 le conseil Municipal de [Localité 17] a instauré un DPU dont le périmètre couvre « l'ensemble du territoire communal » c'est-à-dire des territoires ruraux, non urbanisés ;

Considérant que les thèses en présence sont les suivantes:

- M. [H] rappelle l'instauration le 26 avril 2001 de ce droit de préemption urbain (DPU) sur l'ensemble du territoire de la Commune de [Localité 17] incluant pas conséquent des zones agricoles, fait valoir que le PLU de [Localité 17] a été approuvé le 26 février 2002 ; il ajoute que la dernière modification du PLU est celle résultant de l'arrêté préfectoral du 27 juillet 2012 publié au registre des actes administratifs le 30 juillet 2012, de sorte que c'est cette date, rendant opposable aux tiers cette décision, qui doit seule être retenue comme date de référence. Il ajoute ne pas se prévaloir de la qualification de terrain à bâtir de leur parcelle mais de sa situation hautement privilégiée.

- le commissaire du gouvernement souligne qu'en instaurant en 2001 un droit de préemption urbain sur l'ensemble du territoire communal, englobant au-delà des zones urbaines ou à urbaniser, la totalité des zones naturelles et agricoles du territoire communal, la Commune a violé les dispositions des articles L211-1 et suivants du code de l'urbanisme, mais qu'il n'a cependant pas été formé de recours contre cette décision. Il ajoute qu'en cette situation se pose la question de l'application ou non des dispositions des articles L213-6 et L213-4 du code de l'urbanisme, avec fixation de la date de référence au 30 juillet 2012, puisque le support juridique de la dernière modification du PLU par arrêté du 27 juillet 2012 est illégal mais non annulé. Il souligne l'effet contradictoire de prendre en compte la date de publication de cet arrêté alors que la loi vise à protéger l'expropriant compte le risque de spéculation foncière que fait naître une opération d'aménagement urbanistique.

- EPAFRANCE soutient notamment que le « POS » manifestement illégal de [Localité 17] ne peut fonder une décision qui ferait application des articles L213-6 et L213-4, des terres agricoles ne pouvant pas faire l'objet d'un DPU généralisé au territoire de la Commune. Il rappelle que l'ordonnance de délibération de [Localité 17] est postérieure au jugement entrepris, et qu'un terrain ne peut pas être évalué en fonction de sa destination future, après modification de cette destination.

Considérant que le jugement entrepris a fixé la date de référence applicable au 20 avril 2011 correspondant à la date de mise à disposition du public du dossier du débat public qui est intervenu du 12 avril au 23 juin 2011, faisant ainsi application, par motifs que la cour adopte, des dispositions de l'article L13-15 du code de l'expropriation ;

Qu'en effet selon ces dispositions (I) » les biens sont estimés à la date de la première instance et sous réserve de l'application du II du présent article [ie concernant les terrains à bâtir], sera seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L11-1 ou(') dans le cas de projets ou programmes soumis au débat public prévu par l'article L121-8 du code de l'environnement (') au jour de la mise à disposition du public du dossier de ce débat ».

Considérant en effet que s'agissant de terres à destination agricole et exploitées comme telles, la cour retiendra qu'il n'y a pas matière à se référer aux dispositions du code de l'urbanisme relatives à l'expropriation de parcelles soumises au droit de préemption urbain ;

Que le jugement sera confirmé sur la fixation de la date précitée ;

Sur la valeur d'indemnisation

2-1- Qualification des terrains

Considérant que M.[H] appelant ne revendique plus devant la cour la qualification de terrain à bâtir, mais se prévaut de la situation hautement privilégiée de la parcelle concernée ce que le jugement a écarté en estimant non réunies les caractéristiques requises pour la qualifier ainsi :

Que sur ce point les parties s'opposent sur l'appréciation du cas d'espèce :

- M.[H] invoque la proximité de zones urbanisées en ce que les parcelles sont accolées au ranch [W] [L] qui est l'une des résidences hôtelières d'Euro Disney. Il conteste que soit requise la préexistence de réseaux d'une capacité suffisante et invoque le caractère suffisant de la situation existante au regard de la proximité des réseaux et des zones construites. Sur ce point il évoque la desserte en eau et électricité située à proximité, non seulement par les équipements du ranch [W] [L], mais également ceux de bâtiments agricoles importants comme la porcherie de la SAGA du Jariel. Il ajoute que la consommation d'importants espaces agricoles depuis de nombreuses années dans le secteur Sud de [Localité 13] créée nécessairement une pression immobilière sur les prix des terres.

- l'EPAFRANCE soutient que la qualification discutée, de situation hautement privilégiée, exige une proximité immédiate de zone urbanisée, de réseaux de viabilité et une situation de pression foncière de nature à conférer une plus- value aux terres agricoles, conditions qu'elle estime non réunies en raison de l'éloignement de la parcelles de zones urbanisées (Disneyland est à quelques kilomètres, de même que le centre commercial de [Adresse 6]) alors que les villages de [Localité 17] et de [Localité 5] se trouvent à plus de deux kilomètres. EPAFRANCE souligne l'absence de réseaux de capacité suffisante sur les équipements cités qui ne peuvent desservir la zone où se situent les parcelles, et en outre leur caractère privé, ajoutant que le coût d'équipement de la zone à ce titre est d'ailleurs évalué à lui seul à 9,371 M€. EPAFRANCE conteste enfin la pression foncière en rappelant qu'il avait proposé de mettre 114 hectares à la disposition des agriculteurs évincés sur la plaine de [Localité 12], pour permettre leur réinstallation, et fait avoir que l'opération Villages Nature » en elle-même n'est pas en elle-même de nature à augmenter la pression foncière. EPAFRANCE conclut en indiquant avoir retenu une situation modérément privilégiée en faisant des offres unitaires de 2€, 3€ ou 9€ là où les parcelles agricoles se vendent entre 0,5€ et 1€ le mètre carré.

- le commissaire du Gouvernement conclut à ce que la cour confirme le jugement,

Considérant que l'implantation et l'environnement de la parcelle est la suivante :

La parcelle ZN2, située dans le secteur du [Localité 6], est en forme de lanière et est desservie avec un accès direct sur le chemin rural de [Localité 4], à proximité immédiate de la route 231 mentionnée sur le plan versé aux débats être la déviation de la route départementale.

Il n'est pas contesté qu'il s'agit d'une parcelle de type bois/taillis, libre d'occupation.

Considérant qu'il sera rappelé qu'aux termes de l'article L13-13 du code de l'expropriation l'indemnisation « doi[t] couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par la mesure d'expropriation » ;

Considérant que la reconnaissance d'une situation privilégiée ne requiert aucunement la condition de préalable de constructibilité du terrain mais peut, au contraire, intervenir en l'absence de toute constructibilité, afin de voir reconnaître les autres éléments de plus-value des terres concernées ;

Considérant que si les aménagements futurs ne sauraient avoir d'incidence sur l'évaluation actuelle des parcelles expropriées, il doit cependant être pris en compte dans cette évaluation actuelle leur situation dans une zone dont l'aménagement a été initié dans les années 1970 avec la définition de quatre secteurs de développement (Porte de [Localité 14], [Adresse 8], [Adresse 7] et [Adresse 6], ce dernier construit à partir de l'agglomération nouvelle de [Localité 13] [décret du 24 mars 1987] secteur incluant notamment les communes de [Localité 5], [Localité 15] et le projet « Village Nature » ; que l'expropriant EPAFRANCE a été créée en 1987 pour accompagner le développement des vastes projets de valorisation de ce secteur notamment en terme de développement, à dimension internationale, d'activités de loisirs (Disneyland dont l'exploitation a commencé en 1992), d'hôtellerie, vacances, services et activités commerciales associés ; qu'il s'en évince que les parcelles agricoles ne peuvent être privées de la spécificité de ce contexte déjà ancien ;

Considérant que la commune de [Localité 17] est distante d'environ 5 kilomètres de Disneyland et se situe dans le périmètre de grands aménagements déjà réalisés, et en cours de développement ; qu'elle se trouve à environ 3 kilomètres de l'accès à l'autoroute de L'Est et à une quinzaine de kilomètres de [Localité 13], dont une dizaine s'effectue par cette autoroute ;

Considérant que la consultation de la carte d'ensemble de la zone concernée sur le site internet de EPAMARNE visé dans le mémoire de EPAFRANCE permet de constater que la commune de [Localité 17] se trouve dans la partie de cette zone située au Sud de l'autoroute, où certes le tissu d'urbanisation est moins dense, sans cependant que cette circonstance ne soit de nature à retirer aux parcelles cette spécificité déjà ancienne ; qu'au surplus le réseau de communication de proximité adapté à la dimension internationale du pôle d'activité [accès autoroute et RER très proche (gare desservant [2]), correspondances vers l'aéroport [1]] a de longue date ouvert les secteurs concernés par la présente expropriation à des implantations d'activités facilitées ;

Considérant que si EPAFRANCE conteste l'existence à proximité immédiate des parcelles de réseaux d'électricité et d'eau suffisants force est cependant de constater, que nonobstant la nécessité certaine pour l'Etablissement public de développer au fur à mesure de l'aménagement des pôles d'activités prévus le dimensionnement de ces réseaux, il existe d'ores et déjà un réseau public desservant le ranch [W] [L] préexistant à l'opération village Nature, lequel est à proximité immédiate de ces parcelles ; qu'il importe peu que les concessionnaires des aménagements soient différents pour la zone du ranch et celle de [Localité 17] s'agissant d'un même service public étant rappelé toutefois que l'évaluation doit prendre en prendre en compte la charge d'équipement que supportera l'Expropriant pour ajuster le réseau aux parcelles ;

Considérant que, nonobstant l'absence de démonstration d'une véritable pression foncière sur le marché privé, difficile à établir en raison de l'importance des transactions négociées dans le cadre des grands aménagements en cours, qui rendent le marché foncier captif, ces circonstances permettent de retenir le caractère privilégié de la situation des parcelles concernées, la cour infirmant le jugement, dans son principe, sur ce point ;

2-2- Références pertinentes

Considérant qu'en plus des critères habituels d'appréciation (emplacement géographique, environnement urbanistique, configuration, voies de circulation et réseaux, destination et affectation réelle) il convient d'apprécier les valeurs de référence et leur pertinence au regard de la situation privilégiée ainsi retenue ;

Considérant que M.[H] demande à la cour de retenir un prix unitaire de 25€/M² pour leur parcelle boisée en retenant qu'elles sont situées en zone IAU ou, subsidiairement de 15€/M² si la cour retient un classement en zone ND ;

Considérant que pour motifs qui précèdent relatifs à la fixation de la date de référence au 20 avril 2011, la situation d'urbanisme des parcelles est en NDa par référence au POS de [Localité 17] du 1er mars 2001 ; que ce classement désigne une zone à dominante naturelle non équipée qui doit être protégée en raison de la qualité du paysage et du caractère des éléments naturels la composant que cette zone est destinée à recevoir l'aménagement et l'extension mesurée des constructions existantes ;

Considérant que l'offre de l'Expropriant est inchangée en appel ; que la demande subsidiaire de M.[H] relative à ce classement, est formée au montant de 15€, alors que le commissaire du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement soit 2€/M² pour une nature de terre en bois taillis;

Considérant que l'appréciation de la pertinence des références produites conduit à écarter celles concernant des parcelles de taille trop sensiblement différentes, ou situées dans une plus grande proximité d'urbanisation ou de forte urbanisation, étant rappelé que la commune de [Localité 17] comprend environ 2000 habitants ou, encore, de parcelles situées à proximité de secteurs d'activités trop différents des parcelles concernées ;

Considérant que le tribunal a retenu comme pertinentes diverses références dont celles :

- de ventes pour des parcelles situées à [Localité 17] (notamment : des 15 novembre 2012 à EPAFRANCE d'une parcelle de pré-taillis au prix de [Cadastre 1],4€/M², 20 avril 2012 à la SAFER pour 0,57€/M² ; 25 janvier 2008 pour 1€/M² ; 8 juillet 2009 pour 0,48€/M²), ou [M] (17 mai 2011 pour le prix de 2€/M² et 21 décembre 2009 pour 0,21€/M²),

- d'échanges des 7 et 10 décembre 2007 intervenus entre EPAMARNE et la région IDF ayant porté sur 18 parcelles au prix de 0,61 et 2 ,53€/M²

Considérant que M.[H] conteste la pertinence des références retenues et se prévaut notamment de diverses autres références, dont pour les terrains en zone ND ou NC :

- un arrêt de la cour d'appel de Paris du 24 février 2011 concernant des terrains suburbains pour une valeur de 27€ (occupé) à 15€ selon équipements,

- un arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 février 2011 pour une parcelle à Bailly Romainvilliers en zone NC pour 9,15€/M², soit trois fois la valeur offerte aujourd'hui,

- un autre arrêt du 15 février 2007 à [Localité 7] en Brie, entre la Commune de Bussy Saint Georges et le Parc d'Eurodisney pour 8€/M²,

- un jugement du tribunal de grande instance de Melun du 26 novembre 2003 pour des parcelles à Serris à proximité de l'ensemble commercial et d'Eurodisney en zone ND pour 19,82 €/M²,

- une vente du 31 août 2010 sur la Commune de [Localité 16] pour le prix de 8€/M²,

- des délibérations municipales du 14 avril 2011 sur la Commune de [Localité 10] pour 53,51€/M², du 22 avril 2010 sur la Commune de [M] pour 7,15€/M², du 16 septembre 2011 sur la Commune de [Localité 8] pour 7,31€/M² ;

Considérant que EPAFRANCE qui dénie l'existence d'une situation privilégiée conteste en outre les références de M.[H] qui ne peuvent selon lui être considérées pour certaines comme ventes ou décisions judiciaires définitives, de même que les références trop anciennes ou portant sur des parcelles non comparables ou trop éloignées ; qu'il fait état pour sa part de plusieurs références dont :

- celles concernant des ventes de parcelles boisées le 20 avril 2012 à [Localité 9] pour une valeur de 0,61€/M² et, en janvier 2011 pour une valeur de 1,8€/M²,

- celles issues de plusieurs accords homologués le 21 juin 2012 par le tribunal de grande instance de Melun pour la valeur libre de 3€/m² concernant des parcelles en nature de taillis

- celles tirées d'arrêts de la cour d'appel de Paris du 26 septembre 2013 ayant admis une valeur de 12€/m² et 9€/M² pour une situation qualifiée de très privilégiée,

- celles concernant des échanges des 7 et 10 décembre 2007 de parcelles sises à [Localité 11] entre la Région IDF et EPAMARNE pour la valeur de 0,61 €/M² en valeur libre,

- celles tirées de jugements du tribunal d'expropriation de Melun du 10 mai 2013 mentionnés être définitifs concernant des parcelles boisées en zone non constructible ni privilégiée sises à proximité immédiate de l'emprise de « Village Nature » pour 2€/M²,

Qu'EPAFRANCE demande de confirmer la valeur de 2€/M² ;

Considérant que le tribunal a pu valablement écarter des références concernant des parcelles qui ne relevaient pas d'un classement ND ou encore qui se trouvaient en zones « suburbaines » ou présentant des niveau d'équipement différents ; que les références tirées de délibérations de conseils municipaux ne sont qu'indicatives sans avoir valeur de référence établie ;

Considérant que si la valeur moyenne des terres agricoles selon barème publié par arrêté préfectoral du 5 juillet 2012 pour l'année 2011 est de 0,63€/M² moyenne générale de valeurs comprises entre 0,26 et 2,10€/M², cette information est émise, comme il a été dit, à partir d'un marché foncier devenu captif ;

Considérant qu'en ces circonstances, la cour retiendra que l'offre faite par l'expropriant à 2€ pour les terres en nature de bois-taillis ne prend que très partiellement en compte une plus- value tenant à la situation spécifique des parcelles, et que, au regard des valeurs de transactions et mutations versées aux débats, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu cette valeur unitaire pour la parcelle ZN[Cadastre 1] ; qu'il convient de fixer cette valeur à 6€/M², étant observé que le tissu d'urbanisation est différent de celui de la Commune de [Localité 15], dont la population est par ailleurs plus importante (Environ 6500 Habitants) par rapport à celle de [Localité 17] ;

2-3- Montant des indemnisations principales et de remploi

Considérant que l'indemnisation de M.[H] sera en conséquence fixée comme suit :

Indemnité principale

3612 M² x 6€

[Adresse 1]

Indemnité de remploi

20% jusqu'à 5000€

1000

3167,2

15% de 5001 à 15000

1500

10% pour le surplus

667,2

Total

24839,20€

arr à 24 840€

3-Dépens et frais irrépétibles

Considérant que les dépens seront à la charge de l'expropriant conformément aux dispositions de l'article L13-5 du code de l'expropriation et que l'expropriant devra verser à M.[H] la somme de 1500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement entrepris, sauf sur les frais irrépétibles et dépens,

Statuant à nouveau,

FIXE à 24 840 € le montant de l'indemnisation globale (principale et de remploi) de la parcelle cadastrée ZN2 sur la Commune de [Localité 17], que l'Etablissement public d'aménagement de la Ville nouvelle de [Localité 13] (EPAFRANCE) devra verser à M.[H],

Y ajoutant,

DIT que l'Etablissement public d'aménagement de la Ville nouvelle de [Localité 13] devra verser à M. [H] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens du présent arrêt seront à la charge de l'autorité expropriante.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 13/11970
Date de la décision : 18/06/2015

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°13/11970 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-18;13.11970 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award