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18/06/2015 | FRANCE | N°13/11967

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 18 juin 2015, 13/11967


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 18 Juin 2015



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11967



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 mai 2013 par le tribunal de grande instance de MELUN - RG n° 12/00064





APPELANTS

Monsieur [G] [L]

[Adresse 7]

[Localité 4]

non comparant

Représenté et assisté par Me Carole-Anne LE PETI

T LEBON, avocate au barreau de PARIS, toque : B0604



Madame [K] [W] épouse [J]

[Adresse 2]

[Localité 2]

non comparante

Représentée et assistée par Me Carole-Anne LE PETIT LEBON, avocate au barr...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 18 Juin 2015

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11967

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 mai 2013 par le tribunal de grande instance de MELUN - RG n° 12/00064

APPELANTS

Monsieur [G] [L]

[Adresse 7]

[Localité 4]

non comparant

Représenté et assisté par Me Carole-Anne LE PETIT LEBON, avocate au barreau de PARIS, toque : B0604

Madame [K] [W] épouse [J]

[Adresse 2]

[Localité 2]

non comparante

Représentée et assistée par Me Carole-Anne LE PETIT LEBON, avocate au barreau de PARIS, toque : B0604

Madame [U] [W]

[Adresse 8]

[Localité 3]

non comparante

Représentée et assistée par Me Carole-Anne LE PETIT LEBON, avocate au barreau de PARIS, toque : B0604

Monsieur [X] [W]

[Adresse 6]

[Localité 6]

non comparant

Représenté et assisté par Me Carole-Anne LE PETIT LEBON, avocat au barreau de PARIS, toque : B0604

Monsieur [V] [L]

[Adresse 1]

[Localité 5]

non comparant

Représenté et assisté par Me Carole-Anne LE PETIT LEBON, avocate au barreau de PARIS, toque : B0604

INTIMÉS

ETAT FRANÇAIS, représenté par l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMENAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE [Localité 17]

[Adresse 4]

[Adresse 9]

[Localité 17]

Représenté et assisté par Me Frédéric LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : T07

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES TRESORERIE GENERALE DE SEINE ET MARNE

[Adresse 5]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée et assistée par Monsieur [N], commissaire du gouvernement, en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 février 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Maryse LESAULT, conseillère, spécialement désignée pour présider cette chambre par ordonnance de Madame la Première présidente de la cour d'appel de PARIS,

Monsieur Paul André RICHARD, conseiller hors classe, désigné par Madame la Première présidente de la cour d'appel de PARIS

Madame Lucie FONTANELLA, juge de l'expropriation au tribunal de grande instance de BOBIGNY désignée conformément aux dispositions de l'article L. 13-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Maryse LESAULT, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par arrêté en date du 27 juillet 2012, le Préfet de la SEINE-ET-MARNE a déclaré d'utilité publique les acquisitions foncières par l'Etat, représenté par l'Etablissement Public d'Aménagement du secteur IV de MARNE [Localité 17] (EPAFRANCE), en vue du développement de l'éco-tourisme et de la réalisation du projet «VILLAGES NATURE ».

Par arrêté en date du même jour, le Préfet a déclaré cessibles au profit de l'Etat, ainsi représenté, les parcelles de terrains situées sur la commune de [Localité 21] nécessaires à l'opération ci-dessus dont celle située au lieu-dit « [Localité 18]» cadastrée ZL n°[Cadastre 1] d'une surface de 60418M² appartenant à Mme [M] [B] épouse [L].

Par ordonnance en date du 27 septembre 2012, le juge de l'expropriation a déclaré expropriées au profit de l'Etat la parcelle visée par la procédure.

Mme [B] épouse [L] ayant rejeté son offre d'indemnisation, EPAFRANCE a saisi le juge de l'expropriation par requête parvenue au secrétariat-greffe le 1er octobre 2012.

Le transport sur les lieux a été effectué le 11 février 2013.

Sont intervenus à l'instance en leur qualité d'héritiers de Mme [B] épouse [L] : M.[G] [L], Mme [K] [W] épouse [J], Mme [U] [W], M.[X] [W] et M.[V] [L] (ci-après les consorts [L] [W]).

Par jugement rendu le 10 mai 2013, le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Melun a :

- fixé à 200 125 €, toutes causes confondues, l'indemnité à payer par l'Etat, représenté par l'Etablissement

Public d'Aménagement du secteur IV de MARNE [Localité 17] (EPAFRANCE) aux Consorts [L]-[W] pour la dépossession de la parcelle située sur la commune de [Localité 21], lieu-dit « [Localité 18] », cadastrée ZL n°[Cadastre 1], d'une surface de [Localité 7] m2,

- condamné l'Etat, représenté par l'Etablissement Public d'Aménagement du secteur IV de [Localité 17] (EPAFRANCE) à payer aux Consorts [L]-[W] la somme de 1500 (MILLE CINQ CENTS) euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront laissés à la charge de l'autorité expropriante en application des dispositions de l'article L13-5 du code de l'expropriation.

Les Consorts [L]-[W] ont interjeté appel de ce jugement par acte reçu le 14 juin 2013.

Les parties ont déposé leurs conclusions et mémoire comme suit :

- les Consorts [L]-[W] le 24 juillet 2013 pour le mémoire d'appel, le 23 décembre 2014 pour le mémoire en réplique, puis le 29 février 2015 pour le mémoire en réplique n°2,

- EPAFRANCE représentant l'Etat : mémoire d'intimé et d'appel incident reçu le 8 octobre 2013, mémoire en réponse le 4 février 2015, puis en réponse n°2 du 12 février 2015,

- le Commissaire du Gouvernement par conclusions du 9 octobre 2013 sans appel incident, puis complémentaires du 6 février 2015 reçues le 9 février 2015.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de leurs conclusions récapitulatives les Consorts [L]-[W] demandent à la cour de réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau :

A titre principal de :

- fixer à la somme de 2.327 093 € l'indemnité totale de dépossession, remploi compris, à leur revenir en leur qualité de propriétaire de la parcelle cadastrée section [Adresse 10]

A titre subsidiaire de :

- fixer à la somme de 997 897 € l'indemnité totale de dépossession, remploi compris, à leur revenir en cette qualité,

Condamner en tout état de cause EPAFRANCE représentant l'Etat à leur payer 3000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme allouée en première instance à ce titre, et aux dépens.

Au terme de ses conclusions et mémoire d'appel incident précitées, EPAFRANCE demande au visa des articles L13-13 et suivants, L13-15, L13-14 du code de l'expropriation et vu les termes de références versés aux débats de :

- débouter l'appelant de ses demandes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

.fixé au 20 avril 2011 la date de référence et considéré qu'à cette date le bien se trouvait en zone Nda du POS de [Localité 21],

.écarté la qualification de « terrain à bâtir » et celle de « terrain en situation privilégiée»,

.retenu une valeur unitaire de 3€/M² pour la parcelle en nature de terre agricole, et 2€/M² pour les terres en nature de bois et taillis

- recevoir son appel incident tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande d'application d'un abattement pour occupation

- fixer en conséquence l'indemnité de dépossession à revenir aux « défendeurs », consécutivement à la dépossession de la parcelle cadastrées ZL n°[Cadastre 1] à la somme de 146 547 € décomposée comme suit :

A - indemnité principale (valeur occupée)

(60148M² x 3€) - 48939 = 132 315 €

B - Indemnité accessoire de remploi 14 232 €

Au terme de son mémoire reçu le 19 novembre 2013 et de son mémoire complémentaire précités le commissaire du Gouvernement conclut à ce que la cour :

- déclare les Consorts [L]-[W] recevables en leur appel et non déchus,

- à titre principal, confirmant en cela le jugement de première instance,

- fixe la date de référence à la date de mise à la disposition du public du rapport du débat public, soit au 20 avril 2011, le document d'urbanisme de référence étant alors le POS de [Localité 21] approuvé le 1er mars 2001,

- confirme donc l'indemnisation globale retenue par le premier juge pour la parcelle ZL [Cadastre 1] des Consorts [L]-[W] pour le montant global de 181 254 €, plus l'indemnité de remploi au taux usuel,

A titre strictement subsidiaire si la cour fixe la date de référence à celle de la publication de la DUP, le 30 juillet 2012, le document d'urbanisme opposable étant alors le PLU mis en compatibilité le 27 juillet 2012, à ce que la valeur d'indemnisation soit calculée sur une base de 8€/M² à savoir une allocation globale de 483 344€ outre le remploi aux taux usuels.

Il convient de se reporter aux écritures des parties pour plus ample exposé des demandes et moyens.

SUR CE LA COUR

Considérant que la cour se réfère au jugement entrepris quant à l'exposé de l'opération d'aménagement « Village Nature » et à la chronologie des actes administratifs et juridictionnels de cette opération dont les décisions ayant concerné la parcelle appartenant aux Consorts [L]-[W] concernée par le présent litige ;

Considérant que la recevabilité de l'appel et des mémoires n'est pas discutée ;

Considérant que les points principalement en débat sont d'une part celui de la détermination de la date de référence et d'autre part celui de la qualification des parcelles, ainsi que l'appréciation des termes de références ;

Sur la date de référence

Considérant que par délibération du 26 avril 2001 le conseil Municipal de [Localité 21] a instauré un DPU dont le périmètre couvre « l'ensemble du territoire communal » c'est-à-dire des territoires ruraux, non urbanisés ;

Considérant que les thèses en présence sont les suivantes:

- les Consorts [L]-[W] rappellent l'instauration le 26 avril 2001 de ce droit de préemption urbain (DPU) sur l'ensemble du territoire de la Commune de [Localité 21] incluant pas conséquent des zones agricoles, font valoir que le PLU de [Localité 21] a été approuvé le 26 février 2002 ; ils ajoutent que la dernière modification du PLU est celle résultant de l'arrêté préfectoral du 27 juillet 2012 publié au registre des actes administratifs le 30 juillet 2012, de sorte que c'est cette date, rendant opposable aux tiers cette décision, qui doit seule être retenue comme date de référence. Ils ajoutent ne pas se prévaloir de la qualification de terrain à bâtir de leur parcelle mais de sa situation hautement privilégiée.

- le commissaire du gouvernement souligne qu'en instaurant en 2001 un droit de préemption urbain sur l'ensemble du territoire communal, englobant au-delà des zones urbaines ou à urbaniser, la totalité des zones naturelles et agricoles du territoire communal, la Commune a violé les dispositions des articles L211-1 et suivants du code de l'urbanisme, mais qu'il n'a cependant pas été formé de recours contre cette décision. Il ajoute qu'en cette situation se pose la question de l'application ou non des dispositions des articles L213-6 et L213-4 du code de l'urbanisme, avec fixation de la date de référence au 30 juillet 2012, puisque le support juridique de la dernière modification du PLU par arrêté du 27 juillet 2012 est illégal mais non annulé. Il souligne l'effet contradictoire de prendre en compte la date de publication de cet arrêté alors que la loi vise à protéger l'expropriant compte le risque de spéculation foncière que fait naître une opération d'aménagement urbanistique.

- EPAFRANCE soutient notamment que le « POS » manifestement illégal de [Localité 21] ne peut fonder une décision qui ferait application des articles L213-6 et L213-4, des terres agricoles ne pouvant pas faire l'objet d'un DPU généralisé au territoire de la Commune. Il rappelle que l'ordonnance de délibération de [Localité 21] est postérieure au jugement entrepris, et qu'un terrain ne peut pas être évalué en fonction de sa destination future, après modification de cette destination.

Considérant que le jugement entrepris a fixé la date de référence applicable au 20 avril 2011 correspondant à la date de mise à disposition du public du dossier du débat public qui est intervenu du 12 avril au 23 juin 2011, faisant ainsi application, par motifs que la cour adopte, des dispositions de l'article L13-15 du code de l'expropriation ;

Qu'en effet selon ces dispositions (I) » les biens sont estimés à la date de la première instance et sous réserve de l'application du II du présent article [ie concernant les terrains à bâtir], sera seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L11-1 ou(') dans le cas de projets ou programmes soumis au débat public prévu par l'article L121-8 du code de l'environnement (') au jour de la mise à disposition du public du dossier de ce débat »

Considérant en effet que s'agissant de terres à destination agricoles et exploitées comme telles, la cour retiendra qu'il n'y a pas matière à se référer aux dispositions du code de l'urbanisme relatives à l'expropriation de parcelles soumises au droit de préemption urbain ;

Que le jugement sera confirmé sur la fixation de la date précitée ;

Sur la valeur d'indemnisation

2-1- Qualification des terrains

Considérant que les Consorts [L]-[W] appelants ne revendiquent plus devant la cour la qualification de terrain à bâtir, mais se prévalent de la situation hautement privilégiée des parcelles concernées ce que le jugement a écarté en estimant non réunies les caractéristiques requises pour la qualifier ainsi :

Que sur ce point les parties s'opposent sur l'appréciation du cas d'espèce :

- les Consorts [L]-[W] invoquent la proximité de zones urbanisées en ce que les parcelles sont à proximité immédiate du ranch [2] qui est l'une des résidences hôtelières d'Euro Disney. Ils contestent que soit requise la préexistence de réseaux d'une capacité suffisante et invoque le caractère suffisant de la situation existante au regard de la proximité des réseaux et des zones construites. Sur ce point ils invoquent la desserte en eau et électricité située à proximité, non seulement par les équipements du ranch [2], mais également ceux de bâtiments agricoles importants comme la porcherie de la SAGA du Jariel. Ils ajoutent encore que la consommation d'importants espaces agricoles depuis de nombreuses années dans le secteur Sud de [Localité 17] créé nécessairement une pression immobilière sur les prix des terres.

- l'EPAFRANCE soutient que la qualification discutée, de situation hautement privilégiée, exige une proximité immédiate de zone urbanisée, de réseaux de viabilité et une situation de pression foncière de nature à conférer une plus-value aux terres agricoles, conditions qu'elle estime non réunies en raison de l'éloignement des parcelles de zones urbanisées (Disneyland est à quelques kilomètres, de même que le centre commercial de Val d'Europe) alors que les villages de [Localité 21] et de [Localité 10] se trouvent à plus de deux kilomètres. EPAFRANCE souligne l'absence de réseaux de capacité suffisante sur les équipements cités qui ne peuvent desservir la zone où se situent les parcelles, et en outre leur caractère privé, ajoutant que le coût d'équipement de la zone à ce titre est d'ailleurs évalué à lui seul à 9,371 M€. EPAFRANCE conteste enfin la pression foncière en rappelant qu'il avait proposé de mettre 114 hectares à la disposition des agriculteurs évincés sur la plaine de [Localité 16], pour permettre leur réinstallation, et fait avoir que l'opération Villages Nature » n'est pas en elle-même de nature à augmenter la pression foncière. EPAFRANCE conclut en indiquant avoir retenu une situation modérément privilégiée en faisant des offres unitaires de 2€, 3€ ou 9€ là où les parcelles agricoles se vendent entre 0,5€ et 1€ le mètre carré.

- le commissaire du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement quant aux valeurs unitaires admises

Considérant que l'implantation et l'environnement de la parcelle sont les suivants :

La parcelle ZL [Cadastre 1] de forme régulière quasiment rectangulaire et d'une surface de 60 418M² dispose d'un accès sur le chemin rural de [Localité 9] lequel rejoint vers le Sud la route départementale 231.

Il s'agit d'une parcelle en nature de terre de culture dont le caractère occupé n'est pas discuté.

Considérant qu'il sera rappelé qu'aux termes de l'article L13-13 du code de l'expropriation l'indemnisation « doi[t] couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par la mesure d'expropriation » ;

Considérant que la reconnaissance d'une situation privilégiée ne requiert aucunement la condition de préalable de constructibilité du terrain mais peut, au contraire, intervenir en l'absence de toute constructibilité, afin de voir reconnaître les autres éléments de plus-value des terres concernées ;

Considérant que si les aménagements futurs ne sauraient avoir d'incidence sur l'évaluation actuelle des parcelles expropriées, il doit cependant être pris en compte dans cette évaluation actuelle leur situation dans une zone dont l'aménagement a été initié dans les années 1970 avec la définition de quatre secteurs de développement (Porte de [Localité 19], Val Maubuée, Val de [Localité 11] et Val d'Europe, ce dernier construit à partir de l'agglomération nouvelle de [Localité 17] [décret du 24 mars 1987] secteur incluant notamment les communes de [Localité 10], [Localité 20] et le projet « Village Nature » ; que l'expropriant EPAFRANCE a été créée en 1987 pour accompagner le développement des vastes projets de valorisation de ce secteur notamment en terme de développement, à dimension internationale, d'activités de loisirs (Disneyland dont l'exploitation a commencé en 1992), d'hôtellerie, vacances, services et activités commerciales associés ; qu'il s'en évince que les parcelles agricoles ne peuvent être privées de la spécificité de ce contexte déjà ancien ;

Considérant que la commune de [Localité 21] est distante d'environ 5 kilomètres de Disneyland et se situe dans le périmètre de grands aménagements déjà réalisés, et en cours de développement ; qu'elle se trouve à environ 3 kilomètres de l'accès à l'autoroute de L'Est et à une quinzaine de kilomètres de [Localité 17], dont une dizaine s'effectue par cette autoroute ;

Considérant que la consultation de la carte d'ensemble de la zone concernée sur le site internet de Epamarne visé dans le mémoire de EPAFRANCE permet de constater que la commune de [Localité 21] se trouve dans la partie de cette zone située au Sud de l'autoroute, où certes le tissu d'urbanisation est moins dense, sans cependant que cette circonstance ne soit de nature à retirer aux parcelles cette spécificité déjà ancienne ; qu'au surplus le réseau de communication de proximité adapté à la dimension internationale du pôle d'activité [accès autoroute et RER très proche (gare desservant [3]), correspondances vers l'aéroport [1]] a de longue date ouvert les secteurs concernés par la présente expropriation à des implantations d'activités facilitées ;

Considérant que si EPAFRANCE conteste l'existence à proximité immédiate de la parcelle de réseaux d'électricité et d'eau suffisants force est cependant de constater, que nonobstant la nécessité certaine pour l'Etablissement public de développer au fur à mesure de l'aménagement des pôles d'activités prévus le dimensionnement de ces réseaux, il existe d'ores et déjà un réseau public desservant le ranch [2] préexistant à l'opération village Nature, lequel est tout proche de cette parcelle ; qu'il importe peu que les concessionnaires des aménagements soient différents pour la zone du ranch et celle de [Localité 21] s'agissant d'un même service public étant rappelé toutefois que l'évaluation doit prendre en prendre en compte la charge d'équipement que supportera l'Expropriant pour ajuster le réseau aux parcelles ;

Considérant que, nonobstant l'absence de démonstration d'une véritable pression foncière sur le marché privé, difficile à établir en raison de l'importance des transactions négociées dans le cadre des grands aménagements en cours, qui rendent le marché foncier captif, ces circonstances permettent de retenir le caractère privilégié de la situation des parcelles concernées, la cour infirmant le jugement, dans son principe, sur ce point ;

2-2- Références pertinentes

Considérant qu'en plus des critères habituels d'appréciation (emplacement géographique, environnement urbanistique, configuration, voies de circulation et réseaux, destination et affectation réelle) il convient d'apprécier les valeurs de référence et leur pertinence au regard de la situation ainsi retenue ;

Considérant que les Consorts [L]-[W] demandent à la cour de retenir un prix unitaire de 35€/M² pour les parcelles en retenant qu'elles sont situées en zone IAU ou, subsidiairement de 15€/M² si la cour retient un classement en zone ND ;

Considérant que pour motifs qui précèdent relatifs à la fixation de la date de référence au 20 avril 2011, la situation d'urbanisme des parcelles est en NDa par référence au POS de [Localité 21] du 1er mars 2001 ; que ce classement désigne une zone à dominante naturelle non équipée qui doit être protégée en raison de la qualité du paysage et du caractère des éléments naturels la composant que cette zone est destinée à recevoir l'aménagement et l'extension mesurée des constructions existantes ;

Considérant que l'offre de l'Expropriant est inchangée en appel ; que la demande des Consorts [L]-[W] est formée sur son subsidiaire relative à ce classement au montant de 15€, alors que le commissaire du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement soit 3€ /M² ;

Considérant que l'appréciation de la pertinence des références produites conduit à écarter celles concernant des parcelles de taille trop sensiblement différentes, ou situées dans une plus grande proximité d'urbanisation ou de forte urbanisation, étant rappelé que la commune de [Localité 21] comprend environ 2000 habitants ou, encore, de parcelles situées à proximité de secteurs d'activités trop différents des parcelles concernées ;

Considérant que le tribunal a notamment retenu les références suivantes :

- plusieurs ventes du 14 janvier 2011 sur les Communes de Coutevoult et [Localité 22] Saint Morin pour une valeur unitaire de 1,8€,

- des jugements du Tribunal de grande instance de Melun des 21 juin 2012 et 25 octobre 2012 sur les mêmes Communes, ayant retenu une valeur unitaire de 3€,

- plusieurs accords homologués le 21 juin 2012 par le tribunal de grande instance sur la Commune de Coutevroult pour la valeur unitaire de 3€ ;

Que les Consorts [L]-[W] contestent cette évaluation en estimant que le tribunal n'a pas tiré les conclusions des références versées ; qu'ils soulignent que les accords homologués portent sur des parcelles non comparables car destinées à rester en terres agricoles ; qu'ils se prévalent pour leur part, notamment :

- des arrêts de la cour d'appel de Paris des 7 février 1991 et 15 février 2007 ayant fixé, respectivement sur les Communes de Bailly Romainvilliers et de Chanteloup en Brie une valeur unitaire de 9,15 et 8€,

- d'un jugement du tribunal de grande instance de Melun du 26 novembre 2003 portant sur des parcelles à Serris, zone ND près du centre commercial qui a fixé à 19,82€/M² la valeur unitaire,

- de diverses délibérations de conseils municipaux des Communes de [Localité 15], [Localité 12] et [Localité 14] ayant fixé cette valeur entre 7,15 et 7,31 €

Considérant que EPAFRANCE qui dénie l'existence d'une situation privilégiée conteste en outre les références des Consorts [L]-[W] qui ne peuvent selon lui être considérées comme ventes ou décisions judiciaires définitives, de même que les références trop anciennes ou portant sur des parcelles non comparables ou trop éloignées ; qu'il fait état pour sa part de plusieurs références déjà produites en première instance dont :

- celles concernant des ventes de parcelles agricoles de [Localité 1] M² l'une et 2720€ l'autre en janvier 2011 à [Localité 13] pour une valeur de 1,8€/M²,

- celles issues de plusieurs accords homologués le 21 juin 2012 par le tribunal de grande instance de Melun pour la valeur libre de 3€/m² concernant des parcelles agricoles d'une surface comprise entre 178M² et 9273M²,

- celles tirées d'arrêts de la cour d'appel de Paris du 26 septembre 2013 ayant admis une valeur de 12€/m² et 9€/M² pour une situation qualifiée de très privilégiée,

- celles tirées de jugements du tribunal d'expropriation de Melun du 10 mai 2013 mentionnés être définitifs concernant des parcelles boisées en zone non constructible ni privilégiée sises à proximité immédiate de l'emprise de « Village Nature » pour 2€/M²,

Qu'EPAFRANCE demande de confirmer la valeur de 3€ pour la parcelle ZL10 mais d'infirmer le montant de l'indemnité et de faire application de l'abattement prévu en cas d'occupation.

Considérant que le tribunal a pu valablement écarter des références concernant des parcelles qui ne relevaient pas d'un classement ND ou encore qui se trouvaient en zones « suburbaines » ou présentant des niveau d'équipement différents ;

Considérant que si la valeur moyenne des terres agricoles selon barème publié par arrêté préfectoral du 5 juillet 2012 pour l'année 2011 est de 0,63€/M² moyenne générale de valeurs comprises entre 0,26 et 2,10€/M², cette information est émise comme il a été exposé, à partir d'un marché foncier devenu captif ;

Considérant qu'en ces circonstances, la cour retiendra que l'offre faite par l'expropriant à 3€ pour les terres en cultures ne prend que très partiellement en compte une plus- value tenant à la situation spécifique des parcelles, et que, au regard des valeurs de transactions et mutations versées aux débats, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu cette valeur pour la parcelle ZL10 ; qu'il convient de fixer cette valeur à 8€/M² étant observé que le tissu d'urbanisation est différent de celui de la Commune de [Localité 20], dont la population est par ailleurs plus importante (Environ 6500 Habitants) par rapport à celle de [Localité 21] ;

Considérant que pour écarter l'abattement en raison de la situation d'occupation, le premier juge a exactement rappelé que cette minoration s'appréciait en fonction de la différence de prix constatée sur le marché immobilier entre un immeuble libre d'occupation et le même occupé, soit en l'espèce exploité par un autre que le propriétaire ; qu'à cet égard il est certain que si la spécificité et le peu de liberté du marché foncier local relativisent cette différence de prix, cependant la situation d'occupation doit être prise en compte, de sorte que le jugement sera infirmé sur ce point et que, compte tenu de cette occupation la valeur unitaire sera ramenée à 7€ ;

2-3- Montant des indemnisations principales et de remploi

Considérant que l'indemnisation des Consorts [L]-[W] pour dépossession de la parcelle ZL10 sera en conséquence fixée comme suit :

Indemnité principale

60418 x 7€ (valeur occupé)

422926 €

Indemnité de remploi

20% jusqu'à 5000€

1000

43292,6

15% de 5001 à 15000

1500

10% pour le surplus

40792,6

466218,6€

arrondi à 466 219 €

3 - Dépens et frais irrépétibles

Considérant que les dépens seront à la charge de l'expropriant conformément aux dispositions de l'article L13-5 du code de l'expropriation et que l'expropriant devra verser aux Consorts [L] [W] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement entrepris, sauf sur les dépens et frais irrépétibles

FIXE à 466 219 € le montant de l'indemnisation globale (principale et de remploi) de la parcelle cadastrée ZL10 sur la Commune de [Localité 21] que l'Etablissement public d'aménagement de la Ville nouvelle de [Localité 17] (EPAFRANCE) devra verser aux Consorts [L] [W]

Y ajoutant,

DIT que l'Etablissement public d'aménagement de la Ville nouvelle de [Localité 17] (EPAFRANCE) devra verser aux Consorts [L] [W] la somme de 1500 € au titre des frais irrépétibles d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens du présent arrêt seront à la charge de l'autorité expropriante.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 13/11967
Date de la décision : 18/06/2015

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°13/11967 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-18;13.11967 ?
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