Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 18 JUIN 2015
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/18604
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Octobre 2012 - Tribunal de Commerce de MEAUX - RG n° 2012001243
APPELANTES
SAS BLOCFER
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
prise en la personne de son Président, Monsieur [B] [I], domicilié en cette qualité audit siège
SAS [I] INDUSTRIES
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 3]
prise en la personne de son Président, Monsieur [B] [I], domicilié en cette qualité audit siège
Représentées par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
Assistées de Me Kristell QUELENNEC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0411
INTIMEE
EPIC LE CENTRE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE DU BATIMENT
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représenté par Me Véronique KIEFFER JOLY, avocat au barreau de PARIS, toque : L0028
Assisté de Me Valérie BOURGOIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0208
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mai 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre, et Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre
Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président
Madame Françoise LUCAT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Faits et procédure
La société Blocfer, dont le capital est entièrement détenu par la société [I] Industries, fabrique et commercialise des blocs portes techniques pour le bâtiment et l'industrie, produits soumis au contrôle d'un laboratoire agréé, tel le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (C.S.T.B).
La société Polytech, présidée par Monsieur [D] [F], ancien salarié de Blocfer, a été créée en 2009 par d'anciens salariés de la société Blocfer, à proximité de cette dernière et avec la même spécialité, la fabrication de blocs portes. Ces produits faisaient également fait l'objet d'essais et de procès-verbaux de classement du CSTB.
Soutenant que la société Polytech avait été constituée pour faire une concurrence déloyale à Blocfer au moyen de détournements d'actifs et d'un débauchage massif, et que les dossiers de demande de rapports déposés par Polytech auprès du CSTB, et les rapports et procès-verbaux eux-mêmes n'avaient été établis que par suite du détournement des informations techniques de Blocfer, Blocfer et [I] Industries ont, le 12 mars 2012, assigné devant le tribunal de commerce de Meaux la société Polytech et le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment aux fins de voir condamner la société Polytech pour actes de concurrence déloyale et prononcer la nullité de tous les procès-verbaux du CSTB rendus au profit de la société Polytech.
Par jugement du 2 octobre 2012, le tribunal de commerce de Meaux a :
- prononcé la disjonction de l'action entreprise par les sociétés Blocfer et [I] Industries à l'encontre de la société Polytech de celle entreprise à l'encontre du CSTB ;
- déclaré irrecevables toutes les demandes des sociétés Blocfer et [I] Industries dirigées contre le CSTB ;
- condamné solidairement les sociétés Blocfer et [I] Industries à payer au CSTB la somme de 2.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- reçu la société Polytech en son exception d'incompétence territoriale du tribunal de commerce de Meaux au profit du tribunal de commerce de Brive la Gaillarde, au fond, l'a dite bien fondée ;
- s'est déclaré incompétent territorialement pour statuer sur les demandes formées par les sociétés Blocfer et [I] Industries à l'encontre de la société Polytech au profit du tribunal de commerce de Brive la Gaillarde.
Les sociétés Blocfer et [I] Industries ont interjeté appel de ce jugement.
Par leurs dernières conclusions signifiées le 6 mai 2015, elles demandent à la Cour de :
- d'infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Meaux en date du 2 octobre 2012 ;
- de déclarer les sociétés Blocfer et [I] industries recevables et bien fondées en toutes leurs demandes ;
En conséquence :
A titre principal :
- prononcer la nullité de tous les procès-verbaux du CSTB établis au profit de la société Polytech ;
- ordonner au CSTB de refuser toute demande de procès-verbal de la société Polytech pour des produits pour lesquels la société Blocfer aurait fait des demandes antérieures ;
A titre subsidiaire :
- dire inopposables tous les procès-verbaux du CSTB établis au profit de la société Polytech ;
- ordonner au CSTB de refuser toute demande de procès-verbal de la société Polytech pour des produits pour lesquels la société Blocfer aurait fait des demandes antérieures ;
A titre infiniment subsidiaire :
- désigner tel expert qu'il plaira au conseiller de la mise en état de nommer avec la mission suivante :
- se rendre au CSTB ;
- se faire assister par toutes personnes qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission ;
- entendre tous sachants ;
- se faire communiquer respectivement par le CSTB et par la société Blocfer tous les éléments d'informations, documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission et notamment, sans ce que cette liste soit exhaustive :
les dossiers de demande de rapports d'essai et de procès verbaux de classement déposés par la société Polytech et par la société Blocfer auprès du CSTB ; les rapports d'essai et procès verbaux établis par le CSTB au profit de la société Polytech et de la société Blocfer ;
- déterminer la date et les conditions dans lesquelles le CSTB a été informé de la création de la société Polytech et a reçu les premières demandes de sa part ; les dates auxquelles la société Polytech a été déposée chacune de ses demandes de rapports d'essai et de procès verbaux de classement auprès du CSTB ; si le CSTB s'est interrogé sur la question d'une éventuelle utilisation des données de la société Blocfer par la société Polytech, lorsque cette dernière a déposé ses premiers dossiers de demande de rapports d'essai et de procès-verbaux de classement ; le cas échéant pour quelles raisons ; si les demandes de rapports d'essai et de procès-verbaux des sociétés Blocfer et Polytech sont traitées par les mêmes équipes ; si ce n'est pas le cas, depuis quand et pourquoi ; s'il existe des similitudes ou des différences entre les produits faisant l'objet des rapports d'essai et de procès verbaux de classement établis par le CSTB de la société Polytech et ceux habituellement rencontrés sur le marché des blocs portes et ceux de la société Blocfer ; si des données de la société Blocfer ont été ou sont susceptibles d'avoir été utilisées par la société Polytech dans le cadre de ses demandes de rapports d'essai et de procès verbaux de classement déposées auprès du CSTB ; si le CSTB a modifié les processus d'agrément des rapports d'essai et de procès verbaux de classement depuis la date de dépôt de la première demande de rapports d'essai et de procès verbaux de classement de la part de la société Polytech ; le cas échéant pour quelles raisons ;
- dire que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et que, sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au secrétariat-greffe de la cour dans les six mois de sa saisine ;
- dire qu'il en sera référé en cas de difficultés ;
- fixer la provision à consigner au greffe, à titre d'avance sur les honoraires de l'expert dans le délai qui sera imparti par l'ordonnance à intervenir et faire supporter cette provision pour moitié par chacune des parties ;
En tout état de cause :
- ordonner la publication dans les revues « la Montagne », « le moniteur » et « usine nouvelle » de l'arrêt à intervenir aux frais du CSTB dans la limite de 5.000,00 euros par insertion ;
- débouter le CSTB de toutes ses demandes ;
- condamner le CSTB à payer aux sociétés Blocfer et Polytech la somme de 10.000,00 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les appelantes soutiennent que leurs demandes sont recevables, puisqu'elles ont un intérêt légitime, actuel et direct à ce que les procès verbaux établis par le CSTB au profit de la société Polytech soient annulés, ceux-ci étant à l'origine de la situation de concurrence déloyale.
Elles ajoutent que la société Polytech n'a pu organiser son activité aussi rapidement qu'en ayant recours aux données confidentielles de la société Blocfer ainsi qu'au savoir faire et aux informations dont disposaient Monsieur [D] [F] et les salariés de la société Blocfer ayant rejoint la société Polytech, que les procès verbaux de classement établis par le CSTB sont fondés, non sur des informations techniques et sur le savoir faire de la société Polytech, mais sur ceux de la société Blocfer.
Les appelantes sollicitent donc l'annulation ou l'inopposabilité des rapports d'essai et procès verbaux de classement établis par le CSTB au profit de la société Polytech, au motif qu'ils procèdent d'une origine frauduleuse.
A défaut de nullité, les sociétés sollicitent l'inopposabilité de ces documents aux tiers afin qu'ils ne puissent pas être utilisés en vue de la commercialisation des produits correspondant.
A titre infiniment subsidiaire, elles demandent à ce que soit ordonnée une expertise en vue de déterminer dans quelles conditions le CSTB a délivré à la société Polytech les rapports d'essai et procès verbaux de classement portant sur des blocs notes entrant en concurrence directe avec les produits fabriqués par la société Blocfer.
Le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, par ses dernières conclusions en date du 8 avril 2015, demande à la Cour de :
- confirmer le jugement rendu le 2 octobre 2012 par le tribunal de commerce de Meaux ;
- déclarer irrecevables les demandes des sociétés Blocfer et [I] Industries tendant à voir prononcer la nullité, et subsidiairement l'inopposabilité, des procès verbaux d'essais émis par le CSTB au profit de la société Polytech ;
- déclarer irrecevables toutes les demandes des sociétés Blocfer et [I] Industries dirigées à l'encontre du CSTB ;
- rejeter la demande d'expertise des sociétés Blocfer et [I] Industries ;
- rejeter toutes autres demandes des sociétés Blocfer et [I] Industries.
L'intimé conclut à l'irrecevabilité des demandes des sociétés Blocfer et [I] Industries relatives à la demande d'annulation des procès verbaux au motif qu'elles n'ont aucun intérêt à agir à l'encontre du CSTB, celui-ci étant étranger au contentieux opposant les sociétés Blocfer et [I] Industries à la société Polytech dès lors que le mode d'obtention du savoir faire de la société Polytech ne le concerne nullement, que les procès verbaux établis par le CSTB ne sont que des attestations de conformité d'un produit, quel que soit son mode d'obtention du savoir-faire, et ne peuvent être à l'origine d'un acte de concurrence déloyale ou d'une fraude par une autre entreprise.
Il demande le rejet de la demande d'expertise présentée par les appelantes qui :
- n'aurait pour but que de contourner le rejet par le conseiller de la mise en état, par son ordonnance du 14 mars 2013, de la demande de communication des procès verbaux ;
- est nouvelle en cause d'appel, l'objet étant différent de la demande dirigée en première instance à l'encontre du CSTB, et donc irrecevable ; elle précise qu'il appartient aux sociétés Blocfer et [I] Industries de solliciter cette expertise au contradictoire de la société Polytech, le CSTB étant étranger à ce litige.
MOTIFS
Considérant que la Cour n'est saisie que de la question de la recevabilité des demandes des sociétés Blocfer et [I] Industries tendant à voir prononcer la nullité, et subsidiairement l'inopposabilité, des procès-verbaux d'essais émis par le CSTB au profit de la société Polytech ;
Sur la recevabilité des demandes des sociétés Blocfer et [I] Industries
Considérant que l'article 31 du code de procédure civile dispose que 'l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention.' ;
Considérant que les blocs portes fabriqués par la société Blocfer sont soumis à un contrôle de conformité opéré en aval par un laboratoire agréé qui délivre au demandeur, pour une période de validité de cinq ans, un procès-verbal de classement l'autorisant à commercialiser son produit ; que le CSTB, en sa qualité de laboratoire agréé, est habilité à délivrer ces procès-verbaux d'essai ;
Considérant que les appelantes soutiennent que, les données confidentielles de la société Blocfer détournées ayant été utilisées aux fins de dépôt des demandes de procès-verbaux, les procès-verbaux de classement établis par le CSTB sont fondés, non sur des informations techniques de la société Polytech, mais sur ceux de Blocfer ;
Mais considérant que le fait que les blocs portes techniques objets des procès verbaux du CSTB aient été élaborés en violation ou non des droits d'une société concurrente, ou en utilisant son savoir-faire, est étranger aux essais conduits par le laboratoire agréé et à l'établissement des procès verbaux de classement, lesquels procèdent essentiellement d'une analyse technique et d'un contrôle de conformité aux normes en vigueur ; qu'il importe peu que les informations techniques communiquées par Polytech au CSTB proviennent éventuellement d'un acte illicite, le mode d'obtention de ces informations ne relevant pas du périmètre d'intervention du laboratoire agréé, indépendant des entreprises qui le sollicitent ; que, de même, la délivrance à Polytech des procès-verbaux de classement, simples attestations de conformité technique du produit considéré, ne saurait être à l'origine d'un acte de concurrence déloyale ou d'une fraude par une autre entreprise ; qu'en l'absence dès lors de lien de la demande de Blocfer et [I] Industries à l'encontre du CSTB avec les faits de concurrence déloyale imputés à Polytech - faits au demeurant non caractérisés, ainsi que cela résulte de l'arrêt rendu le 16 avril 2015 par la cour d'appel de Limoges, arrêt dont les appelantes ne démontrent pas qu'il serait frappé de pourvoi - c'est à raison que les premiers juges ont retenu que la demande tendant à l'annulation ou à l'inopposabilité des rapports d'essai et procès verbaux de classement établis par le CSTB était irrecevable en l'absence d'intérêt légitime de Blocfer et [I] Industries ; que le jugement sera confirmé ;
Considérant qu'en fondant leur action, à l'encontre du CSTB, sur des faits de concurrence déloyale sans rapport avec le champ d'intervention de ce laboratoire et, au surplus, non caractérisés, Blocfer et [I] Industries ont fait dégénérer en abus l'exercice de leur droit d'ester en justice ; que le jugement sera confirmer sur ce point, sauf à porter le montant de la condamnation à dommages et intérêts pour procédure abusive à la somme de 5.000,00 euros ;
Considérant que l'équité commande de condamner in solidum Blocfer et [I] Industries à payer au CSTB la somme de 5.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris, sauf sur le montant de la condamnation à dommages et intérêts pour procédure abusive,
Statuant à nouveau de ce chef,
CONDAMNE in solidum les SAS Blocfer et [I] Industries à payer au Centre Scientifique et Technique du Bâtiment la somme de 5.000,00 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,
CONDAMNE in solidum les SAS Blocfer et [I] Industries à payer au Centre Scientifique et Technique du Bâtiment la somme de 5.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
CONDAMNE in solidum les SAS Blocfer et [I] Industries aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLa Présidente
B.REITZERC.PERRIN