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11/06/2015 | FRANCE | N°14/01841

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 11 juin 2015, 14/01841


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 11 Juin 2015

(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/01841



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Février 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS - Section encadrement - RG n° 11/08497



APPELANTES

Société de droit étranger ENCYCLOPAEDIA BRITANNICA (FRANCE) LTD

[Adresse 1]

Delaware

ETA

TS UNIS D'AMERIQUE

représentée par Me Pieter-jan PEETERS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0551

Voir conclusions concernant la présence de la société

Société de droit é...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 11 Juin 2015

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/01841

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Février 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS - Section encadrement - RG n° 11/08497

APPELANTES

Société de droit étranger ENCYCLOPAEDIA BRITANNICA (FRANCE) LTD

[Adresse 1]

Delaware

ETATS UNIS D'AMERIQUE

représentée par Me Pieter-jan PEETERS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0551

Voir conclusions concernant la présence de la société

Société de droit étranger ENCYCLOPAEDIA BRITANNICA (FRANCE) LTD prise en son établissement principal en France

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Pieter-jan PEETERS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0551

INTIME

Monsieur [U] [K]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

comparant en personne, assisté de Me Chantal GIRAUD VAN GAVER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0053

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 février 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Murielle VOLTE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Encyclopaedia Britannica France Ltd est une société de droit étranger domiciliée aux USA (État de Delaware) qui a une succursale en France et fait partie d'un groupe comprenant deux autres sociétés - la société Encyclopaedia Britannica Inc., société de droit US basée à [Localité 1], dont le président est M. [B] [R], et la société Encyclopaedia universalis S.A., société de droit français domiciliée en France -, et dont la société-mère est l'Encyclopaedia Britannica Holding SA, société de droit luxembourgeois. La société Encyclopaedia Britannica France Ltd a pour activité, selon le registre du commerce et des sociétés, l'« édition d'une encyclopédie de langue anglaise commerce de livres et de produits divers éducatifs l'ensemble à titre sédentaire et ambulant ».

M. [U] [K] a été engagé par la Société Encyclopaedia Britannica France Ltd le 10 novembre 1981 en qualité de VRP. Il a, par la suite, gravi plusieurs échelons au sein de l'entreprise et a été promu Directeur National des Ventes ' Division Encyclopaedia Universalis, le 26 septembre 1995, poste qu'il occupera jusqu'au 31 mai 1999, date à laquelle la relation contractuelle s'interrompra.

Par contrat du 1er septembre 1999, M. [K] sera à nouveau engagé par la société Encyclopaedia Britannica France Ltd, en qualité de Directeur Commercial et Vice Président France, Belgique et Suisse, coefficient 900 de la Convention collective nationale des commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie du 15 décembre 1988 applicable, moyennant une rémunération composée d'une partie fixe d'un montant brut mensuel de 20'325 euros et d'une partie variable d'un montant de 45'735 euros, payable annuellement. À la suite de la prise de contrôle par Encyclopaedia Britannica Holding SA de la société Encyclopaedia Universalis SA, M. [K] est devenu Directeur Général de cette dernière société, le 1er août 2005, tout en conservant ses fonctions de Directeur Commercial salarié de la société Encyclopaedia Britannica France Ltd.

M. [K] a démissionné de son mandat social de la société Encyclopaedia Universalis SA, le 13 décembre 2010. Par ordonnance du 17 décembre 2010, le Président du tribunal de commerce de Paris a nommé un administrateur provisoire.

Le 12 janvier 2011, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris en référé d'une demande de rappel de salaire et de congés payés afférents au titre de la rémunération variable sur les exercices 2007 à 2010.

Le 4 février 2011, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 17 février suivant, avec mise à pied conservatoire. Il a été licencié pour faute grave, par lettre du 22 février 2011. Il a contesté cette mesure par courrier du 17 mars 2011 et a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 9 juin 2011, d'une demande de paiement de diverses sommes au titre tant de l'exécution que de la rupture de son contrat de travail.

Entre-temps, par ordonnance rendue le 16 mai 2011, le conseil de prud'hommes, en sa formation de référé, a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes en paiement de salaires au titre de la rémunération variable. Par arrêt du 5 avril 2012, la Cour d'appel de Paris a infirmé cette ordonnance en toutes ses dispositions et condamné la société Encyclopaedia Britannica France Ltd au paiement à M. [K] des sommes provisionnelles de 45'735 euros, pour chacun des quatre exercices allant de 2007 à 2010, et de 4573,50 euros au titre des congés payés y afférents, soit un montant total de 201'234 euros.

Par jugement mixte du 5 février 2014, notifié le 10 février 2014, le conseil de prud'hommes de Paris, statuant en formation de départage, a :

- prononcé la nullité du licenciement notifié le 22 février 2011 à M. [K] ;

- ordonné la réintégration de M. [K], sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois à compter du prononcé de la décision ;

- dit que le juge départiteur se réserve la liquidation de l'astreinte ;

- condamné la société Encyclopaedia Britannica France Ltd à payer à M. [K] les sommes de 47'735 euros au titre de la rémunération variable et de 4573,50 euros au titre des congés payés afférents, pour chacun des quatre exercices allant de 2007 à 2010 ;

- débouté M. [K] de sa demande d'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;

- ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

- condamné la société Encyclopaedia Britannica France Ltd à payer à M. [K] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant avant-dire droit,

- ordonné la réouverture des débats à l'audience du 13 mai 2014 et enjoint à M. [K] de produire un mois avant cette date l'ensemble des éléments relatifs aux revenus perçus depuis son licenciement ainsi qu'un décompte détaillé et actualisé des sommes réclamées;

- débouté la société Encyclopaedia Britannica France Ltd de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-réservé les dépens.

La société a interjeté appel de cette décision le 13 février 2014.

À l'issue de l'audience de réouverture des débats du 13 mai 2014, par jugement rendu le 18 juin et notifié le 25 juin 2014, le conseil de prud'hommes s'est dessaisi du litige du fait de l'effet dévolutif de l'appel.

À l'audience du 26 février 2015, la société Encyclopaedia Britannica France Ltd demande à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité tiré de la qualité du signataire de la lettre de licenciement ;

- statuer à nouveau,

Sur le licenciement,

- constater que M. [K] n'a pas été licencié pour avoir « relaté des agissements répétés de harcèlement moral » mais pour avoir tenté de dissimuler ses indélicatesses dans l'espoir de détourner l'attention de l'administrateur qui venait d'être désigné par le tribunal, en écrivant de mauvaise foi un mail adressé aux actionnaires en des termes à la fois excessifs, diffamatoires et très imprécis, sans relater le moindre agissement factuel, à un moment précisément où la confiance de ces actionnaires était nécessaire pour recapitaliser la société en situation de quasi cessation des paiements ;

- constater que les indélicatesses dont il s'est rendu coupable, ajoutées aux man'uvres pour les dissimuler qui ont motivé la mesure de licenciement, sont d'une gravité suffisante pour justifier la rupture immédiate de son contrat de travail ;

Sur la partie variable de la rémunération,

- constater que M. [K] ne rapporte pas la preuve de l'absence de définition de ses objectifs, ni du niveau de performance qui lui permettait d'y prétendre ;

- constater qu'il a lui-même défini les objectifs/budgets dont dépendait le versement de ses primes d'objectifs ainsi que celui des autres membres de son comité de direction ;

- constater que les résultats d'exploitation ainsi budgétés par lui-même n'ont jamais été atteints de sorte qu'il ne peut prétendre à aucun rappel de rémunération ;

- constater à titre subsidiaire, qu'à défaut d'objectifs fixés, la partie variable doit être déterminée selon les « données de la cause » et que le mail d'alerte de l'administrateur désigné par le Tribunal donne l'exacte mesure de la « situation financière très dégradée [qui] traduit un dysfonctionnement au sein de la direction des entreprises ou à tout le moins l'incompétence de cette direction» et qu'en pareilles circonstances allouer 100 % du variable au Dirigeant qui a conduit la société dans cette situation reviendrait à dire que son objectif était de lui faire déposer le bilan ;

- constater à titre subsidiaire toujours, que les budgets étaient fixés globalement pour l'année, périodes de travail et de congés payés confondues, de sorte que leur inclusion dans l'assiette de l'indemnité de congés payés aurait abouti à la faire payer, pour partie, une seconde fois par l'employeur ;

En conséquence :

- débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes comme mal fondées ;

- condamner M. [K] à lui rembourser la somme de 201'234 euros qui lui a été versée à titre provisoire en exécution de la décision de référé de la Cour d'appel de Paris en date du 5 avril 2012 ;

- condamner M. [K] au versement d'une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient, pour l'essentiel, que M. [K], 'se sachant découvert ou sur le point de l'être' a écrit le mail litigieux non pas pour dénoncer des faits de harcèlement qu'il savait inexistants, mais pour tenter de se ménager 'une porte de sortie', de détourner l'attention de son employeur 'au moins le temps de la prescription', et de se réserver la possibilité de plaider la nullité de son licenciement 'pour éviter d'avoir à justifier de son comportement qui s'apparente à un abus de bien social et justifie amplement son licenciement' ; que pour bénéficier de la protection conférée par l'article L. 1152-2 du code du travail, il ne suffit pas d'envoyer un courrier de dénonciation avec des faits imaginaires et qu'il est nécessaire de satisfaire à plusieurs conditions, à savoir, d'une part, que le salarié doit «avoir relaté » des « agissements répétés de harcèlement moral » alors qu'en l'espèce, M. [K] ne relate aucun fait précis ni agissements répétés de harcèlement, se contentant de rédiger ses accusations en termes généraux et n'avait d'ailleurs formulé aucune demande à ce titre au moment de la saisine du conseil des prud'hommes, ni par la suite devant cette juridiction, ce qui confirme, selon elle, que ce mail ne constituait qu'une 'mise en scène', d'autre part, qu'il doit y avoir une relation de cause à effet entre la dénonciation et le licenciement, ce qui n'est pas non plus le cas puisque M. [K] n'a pas été licencié pour avoir relaté des agissements répétés de harcèlement moral mais pour avoir tenté de masquer ses détournements en envoyant ce mail aux actionnaires, dénigrant ainsi publiquement son employeur afin de lui nuire, lequel mail, qui plus est, est rédigé en des termes excessifs et diffamatoires, puisqu'il traite son employeur d'« abject» ce qui constitue un abus dans la liberté d'expression, de sorte qu'il y a bien juste motif de licenciement, et par ailleurs, que le salarié doit être de bonne foi, alors que la preuve de la mauvaise foi de M. [K] découle non seulement de l'inexistence des faits allégués mais aussi de la connaissance de leur inexactitude par l'intéressé, qui était depuis plusieurs années le 'numéro 1" du groupe Universalis en France, gérant de fait et de droit les deux entités 'EU et EB' totalement imbriquées sur le plan opérationnel et financier, et connaissait parfaitement, pour en être l'auteur, l'existence des 'indélicatesses' découvertes du fait de ses remboursements précipités, s'étant opposé pour cette raison à la désignation d'un administrateur judiciaire, qu'il a démissionné de ses fonctions de mandataire d'EU lorsque la situation de ces deux entités a nécessité l'ouverture d'une procédure judiciaire de prévention et traitement des difficultés à la fin de l'année 2010 et c'est donc lui qui s'est mis à l'écart de la direction de l'entreprise puis, ne pouvant faire grief à l'employeur des conséquences de la désignation d'un administrateur sur son contrat de travail, a déplacé le débat en accusant M. [C] de l'avoir évincé au motif que ce dernier serait intervenu directement « auprès de ses collaborateurs sur des sujets opérationnels relevant de la compétence du directeur commercial », ce qui explique qu'il n'ait jamais formulé la moindre demande d'indemnisation au titre d'un harcèlement devant la juridiction prud'homale.

M. [K] demande pour sa part à la Cour :

Vu les dispositions des articles L. 1253-3, L. 1152-2 et s., L. 1232-6, L. 1332-4, L. 1233-3 du code du travail,

Vu les dispositions des articles 1134, 1165 et 1382 du Code civil,

de :

À titre préalable, sur les rappels de rémunération variable,

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné la société Encyclopaedia Britannica France Ltd à lui payer les sommes suivantes :

'' 45'735 euros au titre de la rémunération variable sur l'exercice 2007,

'' 4573,50 euros au titre des congés payés y afférents,

'' 45'735 euros au titre de la rémunération variable sur l'exercice 2008,

'' 4573,50 euros au titre des congés payés y afférents,

'' 45'735 euros au titre de la rémunération variable sur l'exercice 2009,

'' 4573,50 euros au titre des congés payés y afférents,

'' 45'735 euros au titre de la rémunération variable sur l'exercice 2010,

'' 4573,50 euros au titre des congés payés y afférents ;

À titre principal, sur la nullité du licenciement,

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a :

' considéré que le licenciement qui lui a été notifié le 22 février 2011 faisait suite à sa dénonciation de faits de harcèlement et était de ce fait nul,

' ordonné sa réintégration, sous astreinte de 30 € par jour de retard à compter d'un délai d'un mois à compter du prononcé « de l'arrêt » ;

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité du licenciement pour défaut de pouvoir de la société Encyclopaedia Britannica Inc. de procéder à son licenciement ;

Et, statuant à nouveau,

- constater l'absence de pouvoir de la société Encyclopaedia Britannica Inc. de procéder à son licenciement le 22 février 2011 ;

En conséquence,

- dire et juger que le licenciement qui lui a été notifié est nul ;

- ordonner le paiement d'une provision de 1'066'661,62 euros correspondant aux salaires échus entre le 8 février 2011 et le 30 novembre 2014, déduction faite des revenus de remplacement ;

- ordonner sa réintégration sous astreinte de 200 euros par jour à compter d'un délai d'un mois à partir de la notification de la décision ;

- condamner la société Encyclopaedia Britannica France Ltd au paiement d'une indemnité d'un montant correspondant aux salaires échus depuis le 8 février 2011 jusqu'à la date effective de sa réintégration, déduction faite des revenus de remplacement perçus durant cette période et des 1'066'661,62 euros perçus à titre de provision ;

À titre subsidiaire, sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- constater le défaut de qualité du signataire de la lettre de licenciement ;

- constater que les faits invoqués sont prescrits, la société en ayant eu connaissance bien avant le 4 décembre 2010 ;

- constater que les motifs invoqués à l'appui de la faute grave ne sont pas justifiés;

- constater que le licenciement repose en réalité sur un motif économique compte tenu de la suppression du poste de Directeur Commercial ;

En conséquence,

- dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- fixer le salaire mensuel de référence à la somme de 25'886 euros ;

- condamner la société à lui régler les sommes de :

'' 11'944,24 euros à titre de rappel de salaire durant la mise à pied,

'' 1194 euros au titre des congés payés y afférents,

'' 66'225 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (3 mois),

'' 6622 euros au titre des congés payés y afférents,

'' 150'340 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

'' 18'419,30 euros au titre du prorata de rémunération variable pour l'exercice 2011,

'' 1841,93 euros au titre des congés payés y afférents,

'' 620'000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'' 155'000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à la probité;

- condamner la société à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage qui lui ont été payées, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail ;

En tout état de cause,

- condamner la société au paiement des intérêts légaux capitalisés et à 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [K] sollicite à titre principal la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré le licenciement nul car faisant suite à la dénonciation de faits de harcèlement moral et, à titre subsidiaire, l'infirmation partielle du jugement en ce qu'il a rejeté le moyen tiré du défaut de pouvoir de la société Encyclopedia Britannica Inc.. Il souligne que le motif tiré de l'envoi du mail du 13 janvier 2011 était invoqué dès le courrier de convocation à entretien préalable et qu'au cours de l'entretien, c'est précisément ce motif qui a été invoqué en premier lieu, de sorte que l'employeur ne peut sérieusement soutenir l'absence de relation de cause à effet entre ce mail et son licenciement. Il considère que ce mail ne contient ni dénigrement, ni manque de respect, ni propos injurieux, et ce d'autant qu'il ne vise personne en particulier, mais est une simple invitation à un débat loyal et contradictoire pour mettre fin à une situation intenable, et avait pour seul objet d'alerter l'actionnaire sur un état de fait, à savoir des agissements graves pouvant être qualifiés de harcèlement moral, et de solliciter un rendez-vous pour s'en expliquer, en présence de M. [R], ainsi que l'a précisément retenu le conseil de prud'hommes dans son jugement. Il fait observer que la moindre des choses pour la société aurait été de le recevoir afin de l'entendre, ce qui lui a été refusé, et en conclut que de ce seul fait, son licenciement est entaché de nullité, d'autant que la société serait bien en peine de rapporter la preuve d'une quelconque mauvaise foi de sa part, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce, alors qu'il résulte de la chronologie des événements qu'il a été l'objet d'une véritable mise à l'écart de la société, et ce dans la suite immédiate de sa démission de son mandat de Directeur Général de la société Encyclopedia Universalis, se traduisant par une intervention directe de M. [C] (directeur général d'Encyclopedia Britannica France Ltd) auprès de ses collaborateurs, ainsi que le prouvent les mails que ce dernier a échangés avec le directeur commercial adjoint les 27 et 28 décembre 2010, sans qu'il soit mis en copie, ou encore le fait que l'intéressé refusait même de lui communiquer des informations financières pourtant indispensables à son activité, au point que ses collaborateurs eux-mêmes ont dénoncé cette mise à l'écart très violente en adressant un mail commun à M. [R] le 30 janvier 2011 qui émanait de tous les membres du comité de direction et chefs de département, de même que son directeur commercial adjoint dans un mail du 19 janvier 2011 adressé à M. [C] a exprimé son sentiment d'une situation 'devenue extrêmement floue au point que je ne sais plus très bien, pour ne parler que de moi, qui est en responsabilité et avec qui je peux chercher à régler certaines situations'. Il précise s'être ouvert de cette situation à M. [R] dans des mails des 2 janvier et 7 janvier 2011, se heurtant à une absence totale de réaction ou de réponse, ce qui l'a contraint finalement, face à ce silence, de s'adresser à l'actionnaire principal, espérant être entendu, en lui adressant le mail litigieux qui n'a d'ailleurs eu aucun effet puisqu'il n'a jamais été reçu par M. [H], lequel l'a invité à s'adresser « au management » pour toute réponse, et que les trois autres mails adressés à M. [R] les 18 et 27 janvier 2011 dans lesquels il exprimait son incompréhension et son désir d'une rencontre n'ont eu pour toute réponse que la convocation à un entretien préalable . Il objecte encore que la société est particulièrement malvenue à se prévaloir d'un quelconque abus dans la mesure où aucune sanction ni aucun reproche n'a été formulé à son encontre à la suite de l'envoi de ce mail, tant par l'actionnaire destinataire, que par M. [R] auquel il avait été adressé en copie, et qu'il n'a fait qu'y alléguer un état de fait dont il s'estimait victime personnellement, ne portant aucune accusation contre personne dénommée, n'injuriant personne, proposant une rencontre, et qu'il n'a eu que deux destinataires n'ayant donc pas eu la moindre incidence sur la marche de l'entreprise.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rappel de salaire sur la rémunération variable

Attendu que le contrat stipule : 'votre salaire comportera une partie fixe, d'un montant brut annuel de 1'600'000 Fr., payable en 12 mensualités d'égal montant, et une partie variable de 300'000 Fr. soumise à la réalisation d'objectifs annuels qui vous seront précisés en annexe à la présente. Cette partie variable sera payable à la fin de la période de 12 mois considérés, allant pour la première année d'octobre 1999 à fin septembre 2000, selon calendrier Britannica, pour autant que les objectifs fixés soient réalisés' ;

Attendu que le salarié soutient qu'aucune annexe n'a été jointe au contrat afin de préciser les objectifs annuels qu'il devait atteindre pour percevoir la partie variable, et ce depuis sa signature le 1er septembre 1999 ; que pour autant, la société lui a versé 100 % de sa rémunération variable au titre des exercices 2005 et 2006, et ce bien qu'elle ne lui ait jamais signifié des objectifs dont la réalisation aurait conditionné leur règlement ; qu'il en infère que c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a considéré que les «bonus» au titre des exercices 2007 à 2011 étaient incontestablement dus et a de ce fait fixé le montant de la part variable non versée par référence aux années antérieures ;

Attendu que la société Encyclopaedia Britannica France Ltd réplique en substance que le contrat de travail prévoyait expressément que 'vous assurerez la bonne marche de l'entreprise, au sens le plus large, tant en ce qui concerne (...) que le développement des ventes réalisées par la force de vente et par correspondance. Cela sous-entend notamment votre implication directe dans la définition des objectifs à réaliser (...)' et en déduit que le salarié, conformément à son statut de vice-président et à ses obligations contractuelles, fixait lui-même en début d'année les budgets et que le versement des primes d'objectifs de tous les membres du « CODIR », lui compris, était conditionné à l'atteinte de ces budgets; que la simple comparaison du bénéfice d'exploitation budgété et du bénéfice d'exploitation réalisé permet de constater qu'au cours des années 2007 à 2010, les budgets n'ont jamais été atteints, de sorte qu'aucune prime d'objectifs n'est due à M. [K], raison pour laquelle il n'a jamais rien réclamé pendant ces quatre années ; qu'elle ajoute que le salarié a profité de l'étendue de ses pouvoirs et de l'éloignement de son unique supérieur (M. [B] [R] à [Localité 1]) pour se verser lui-même des primes en 2005 et 2006, qu'il a soigneusement dissimulées en s'abstenant de le mentionner sur les reportings de masse salariale adressés au groupe sur ses instructions par son assistante personnelle ;

Mais attendu que le contrat prévoit une part variable d'un montant annuel de 300'000 Fr. versée en fonction de la réalisation d'objectifs annuels ' qui vous seront précisés en annexe à la présente' ; qu'il résulte de cette clause que les objectifs n'étaient pas fixés d'un commun accord entre les parties ni n'étaient fixés par le salarié lui-même mais étaient déterminés unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction ; qu'il est constant que l'annexe n'a pas été jointe au contrat de travail et que, par ailleurs, les objectifs annuels n'ont jamais été postérieurement fixés ; qu'aucun des éléments versés aux débats n'établit la volonté expresse du salarié de renoncer à la perception de cette part variable de sa rémunération, l'absence de réclamation de sa part pendant plusieurs années ne valant pas renonciation ; qu'en conséquence, faute pour l'employeur d'avoir précisé au salarié les objectifs à réaliser ainsi que les conditions de calcul vérifiables, cette rémunération devait être payée intégralement ; que le jugement sera confirmé qui a condamné la société Encyclopaedia Britannica France Ltd à verser à M. [K] les sommes sollicitées au titre de la rémunération variable sur les quatre exercices 2007 à 2010, outre les congés payés y afférents ; qu'il sera ajouté que lesdites sommes produisent intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2011, date de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes ;

Sur la nullité du licenciement

Attendu que les termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige, il convient de rappeler que M. [K] a été licencié par lettre du 22 février 2011, aux motifs suivants :

' Comme suite à l'entretien que nous avons eu le 17 février dernier, en présence de [O] [D] dont vous aviez souhaité l'assistance, je me vois contraint de procéder à votre licenciement pour faute grave (...)

Motif n°1

Compte tenu de vos fonctions de Directeur commercial et Vice-Président France, Belgique, Suisse et de votre éloignement étant moi-même basé à [Localité 1] j'ai toujours considéré que votre loyauté était un élément déterminant de votre engagement et une condition essentielle de notre collaboration.

Or, à l'occasion des investigations menées également sur Encyclopedia Britannica par l'administrateur judiciaire désigné par le Tribunal de commerce de Paris, j'ai découvert que vous aviez utilisé les ressources de la société à votre profit personnel alors même que cette dernière n'arrivait pas à faire face à ses propres engagements financiers.

Vous vous êtes ainsi octroyé des avances (des emprunts) particulièrement importantes, celles-ci ayant pu culminer début décembre 2010 jusqu'à un montant global de 200 000 euros, le passif social et fiscal s'élevant au même moment à 176 000 euros : (...).

Cette pratique profondément déloyale et préjudiciable à la trésorerie de l'entreprise est en totale contradiction avec le « Britannica Code of Ethics & Business Conduct» qui vous est adressé, ainsi qu'à tout le personnel, chaque année. Outre la violation directe des dispositions de ce code, votre comportement est contraire à vos obligations. En effet, en votre qualité de leader il vous appartenait d'être particulièrement attentif au respect de ce code, l'exemple devant venir d'en haut.

Vous le saviez, raison pour laquelle vous me l'avez soigneusement dissimulé.

Motif n° 2:

(') Sachant qu'un administrateur judiciaire allait être désigné et que vos pratiques risquaient d'être mises à jour, vous avez :

d'un côté procédé au remboursement pour le moins précipité de vos avances dans les jours ayant précédé et suivi la désignation de l'administrateur judiciaire (jugement du 17 décembre 2010),

de l'autre essayé, pour détourner l'attention, de créer l'illusion d'une brimade à votre endroit en proférant des accusations diffamatoires avant que j'ai pu découvrir les pratiques déloyales que je viens d'évoquer.

C'est ainsi que vous vous êtes permis d'affirmer par écrit, dans un mail du 13 janvier 2011, que vous subiriez des comportements « abjects, déstabilisants et profondément injustes » sans aucune justification.

Ce dénigrement et ce manque de respect manifesté par des propos injurieux constitue un abus dans la liberté d'expression, par les termes employés et les conséquences qu'ils ont eues sur le fonctionnement de l'entreprise.

Enfin, votre manque de loyauté n'est pas non plus sans conséquence sur la pérennité de notre entreprise qui se trouve aujourd'hui dans une situation de quasi cessation des paiements. Nous avons ainsi été contraints de nous placer sous la protection du Tribunal de commerce et d'obtenir des financements extérieurs beaucoup plus importants que les sommes que vous indiquiez comme étant suffisantes pour couvrir les besoins de trésorerie de l'entreprise. (...)' ;

Attendu que le mail litigieux adressé par M. [K], le 13 janvier 2011, est rédigé dans les termes suivants :

« Cher Jacki,

Je souhaiterais vivement pouvoir vous rencontrer (en présence de [B], si cela était possible), au plus vite pour :

- vous informer de vive voix du traitement abject, déstabilisant et profondément injuste que je suis en train de subir ;

- vous exposer au cas où vous le souhaiteriez mes profondes inquiétudes quant au devenir d'EU tout autant que d'EBF.

Je ne prétends pas vous convaincre, je ne souhaite que m'exprimer.

Ce sera à vous ensuite, si vous le jugez opportun de vérifier mes propos et de vous faire votre propre idée.

Je vous serais très reconnaissant si vous répondez favorablement à ma demande. (...)»;

Attendu que selon l'article L.1152-2 du Code du Travail, dans sa rédaction applicable à la cause, 'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié (') pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés." ;

Qu'en vertu de l'article L.1152-3 du Code du Travail, "toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul." ;

Qu'il en résulte que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ;

Qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reproche notamment au salarié d'avoir procédé à un remboursement précipité d'avances et d'avoir « essayé, pour détourner l'attention, de créer l'illusion d'une brimade», proféré des accusations « diffamatoires » en se permettant d'affirmer par écrit, « dans un mail du 13 janvier 2011 » qu'il subirait des comportements « abjects, déstabilisants et profondément injustes » sans aucune justification, de tels faits étant qualifiés par l'employeur de dénigrement, de manque de respect manifesté par des propos injurieux, constitutifs d'un abus dans la liberté d'expression ; qu'ainsi, ce motif renvoie donc au courriel adressé le 13 janvier 2011 par M. [K] dans lequel celui-ci avisait son employeur de son souhait de l'informer de vive voix « du traitement abject, déstabilisant et profondément injuste » qu'il estimait être en train de subir, et le salarié vise ainsi des agissements de harcèlement moral même si ces termes ne sont pas formellement employés, sollicitant dans un premier temps une rencontre avec son employeur afin de l'informer et dans un second temps une vérification de ses propos ; qu'alors que l'employeur est tenu envers ses salariés en application de l'article L. 1152-4 du code du travail de prendre toutes les dispositions nécessaires en matière de prévention du harcèlement moral et d'une obligation de sécurité de résultat, la société Encyclopaedia Britannica France Ltd a, au cas d'espèce, non seulement commis un manquement à ses obligations légales, en s'abstenant de recevoir le salarié afin, d'abord, d'être plus amplement informée sur les faits que celui-ci estimait subir dans le cadre de son travail et, ensuite, de procéder à leur vérification dans le cadre d'une enquête interne, mais a délibérément pris parti dans la lettre de licenciement qui fait expressément le reproche au salarié d'avoir « sans aucune justification » proféré « des accusations diffamatoires » dans le courriel litigieux ; que de plus, ce motif était invoqué dès le courrier de convocation à l'entretien préalable : « Ce courriel est une suite de contrevérités qui n'est pas digne d'un cadre dirigeant de votre niveau » ; « les termes de votre mail du 13 janvier 2011 constituent des abus dans l'exercice de ce droit [d'expression] », et il résulte du compte rendu d'entretien préalable versé aux débats que ce grief est le premier qui a été invoqué par l'employeur et, qu'alors que M. [K] expliquait que son mail ne faisait aucunement référence au comportement de l'administrateur ni à une quelconque gêne quant aux investigations menées par ce dernier, M. [R] a répondu : « Vous n'apportez pas de preuves, donc c'est diffamatoire. » ; qu'il en résulte, en l'absence de toute démonstration par l'employeur de la mauvaise foi du salarié, laquelle ne se présume pas, ' et en tout cas, ne ressort nullement des termes employés dans le mail critiqué, somme toute assez mesurés et qui n'ont aucun caractère injurieux à l'égard de l'employeur qui n'est pas qualifié d'abject, seul le traitement dont le salarié s'estime la victime l'étant, pas plus que n'est avérée une quelconque volonté de nuire publiquement à l'entreprise ou à ses dirigeants puisque ce mail n'a été adressé qu'à l'actionnaire principal et à M. [R], sans autre diffusion, et que l'incidence sur la survie de l'entreprise est alléguée sans aucune preuve ' que le grief invoqué, tiré de la relation de faits de harcèlement par le salarié, emporte à lui seul la nullité de plein droit du licenciement, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres motifs ; que le jugement qui a prononcé la nullité du licenciement notifié le 22 février 2011 à M. [K] et a fait droit à sa demande de réintégration sera, par conséquent, confirmé ; qu'il convient d'y ajouter en ordonnant la réintégration du salarié dans ladite société dans un emploi identique à celui qu'il occupait ou, à défaut, dans un emploi équivalent ;

Et attendu que le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ; qu'il en résulte que doivent être déduits de la réparation du préjudice subi les revenus qu'il a tirés d'une autre activité et le revenu de remplacement qui lui a été servi pendant cette période ;

Attendu qu'en l'espèce, M. [K] a établi un tableau récapitulatif des sommes qu'il aurait dû percevoir au titre de la rémunération fixe et variable et des congés payés afférents sur la période fixée provisoirement entre le 8 février 2011, date de sa mise à pied conservatoire, et le 30 novembre 2014, calculées sur la base d'une rémunération brute fixe annuelle, en dernier lieu de 22'075 euros sur 12 mois -que confirme l'attestation destinée à Pôle Emploi versée au dossier- et d'une rémunération brute variable annuelle de 45'735 euros, majorées d'une indemnité de congés payés égale au 10e de sa rémunération brute totale, et ressortant à un montant total de 1'309'114 euros, duquel il a déduit la somme de 242'452,38 euros perçue de Pôle Emploi au titre de l'assurance chômage, d'où un solde provisoirement arrêté à 1'066'661,62 euros dont il sollicite le versement par la société Encyclopaedia Britannica France Ltd à titre de provision en faisant valoir qu'il doit obtenir un titre exécutoire sur cette provision et ainsi préserver ses droits compte tenu du fait qu'il n'a aucune garantie de ce que la société procédera à sa réintégration à bref délai, que la procédure est en cours depuis 4 ans sans qu'il n'ait pu bénéficier de l'exécution provisoire et qu'il est en fin de droits depuis octobre 2014 sans aucun revenu de remplacement ;

Qu'en réplique, la société Encyclopaedia Britannica France Ltd objecte que le calcul de M. [K] est manifestement erroné puisqu'il sollicite pour chaque année son salaire sur 12 mois, périodes de travail et de congés payés confondues, auquel il ajoute 10 % de congés payés, ce qui revient à les payer une seconde fois, que rien ne justifie le versement de 100 % de la part variable dans l'état de quasi cessation des paiements de la société, qu'il affirme qu'il n'avait pas d'activité pendant cette période et se contente de déduire les seules allocations '(en net)' perçues de Pôle Emploi alors qu'il conviendrait de déduire en outre les revenus de l'activité d'agent commercial qu'il exerce depuis le 19 avril 2013 'même s'il fait tout pour dissimuler ses revenus en refusant de communiquer ses avis de déclaration de revenus et d'imposition pour les années 2011 à 2014 en dépit des sommations qui lui ont été faites, toujours en vain', et qu'enfin, il ne tient pas compte de l'indemnité compensatrice de congés payés de 79'457,74 euros qu'il a perçue en mars 2012 ;

Mais attendu, en premier lieu, ainsi que le fait valoir à juste titre M. [K], qu'en application des dispositions combinées des articles L. 3141-22 et L. 3141-5 du code du travail, les congés payés sont considérés comme du temps de travail effectif et doivent être pris en compte pour déterminer la rémunération annuelle servant de base à l'indemnité de congés payés, que de même, dès lors que la partie variable du salaire était assise sur la réalisation d'objectifs fixés par l'employeur produits par le travail personnel de l'intéressé, nécessairement affectés pendant la période de congé, cet élément de rémunération doit être inclus dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés, que par ailleurs, il ressort, d'une part, des attestations de paiement délivrées par Pôle Emploi communiquées par M. [K] au titre de la période considérée que celui-ci a bien déduit les allocations en brut, et d'autre part, de ses avis d'imposition 2011 à 2014 inclus et des déclarations RSI faisant apparaître un chiffre d'affaires nul sur la période du 19 avril 2013 au 30 septembre 2014, qu'il n'a perçu aucun autre revenu sur cette période ; qu'en second lieu, il n'y a pas à faire la déduction, dans le calcul du montant des sommes réclamées, de l'indemnité compensatrice de congés payés de 79'457,74 euros perçue par le salarié en mars 2011 dans le cadre de son solde de tout compte et qui correspond nécessairement à la période antérieure à la rupture de son contrat de travail ; que le salarié est en droit de prétendre au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité de son préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre le premier jour de sa mise à pied conservatoire et jusqu'à sa réintégration effective, déduction faite des revenus de remplacement perçus durant cette période ou de ceux tirés d'une autre activité ; que par conséquent, il convient de faire droit à la demande et de condamner la société Encyclopaedia Britannica France Ltd au paiement à M. [K] d'une somme de 1'066'661,62 euros correspondant aux salaires dont il a été privé depuis le 8 février 2011 jusqu'au 30 novembre 2014, déduction faite des revenus de remplacement qui lui ont été servis pendant cette période, outre au paiement des salaires et congés payés pour la période postérieure sur la base des sommes mensuelles retenues, jusqu'à la réintégration;

Attendu que cette condamnation apparaît suffisante pour permettre d'assurer l'exécution par la Société Encyclopaedia Britannica France Ltd de son obligation de réintégration, et le prononcé d'une astreinte n'est pas nécessaire ;

Sur les autres demandes

Attendu que les sommes dues au salarié en raison de la nullité de son licenciement et en réparation du préjudice subi jusqu'au jour de la réintégration effective ont une nature indemnitaire et relèvent à ce titre de l'article 1153-1 du code civil de sorte qu'elles produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Attendu qu'en application de l'article 1154 du Code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée ; qu'elle ne peut être ordonnée qu'à compter de la demande qui en est faite et ne peut rétroagir avant cette demande ; qu'elle peut être demandée pour les intérêts à venir, dès lors qu'une année entière se sera écoulée ; qu'il doit donc être fait droit à cette demande ;

Attendu que l'article L1235-4 du code du travail qui prévoit le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur dans l'hypothèse du licenciement sans cause réelle et sérieuse n'est pas applicable en cas de licenciement nul ; que le jugement qui a dit n'y avoir lieu de faire application des disposition dudit article sera confirmé ;

Attendu que le jugement sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et à la condamnation aux frais irrépétibles ; que l'équité commande de mettre à la charge de la société Encyclopaedia Britannica France Ltd une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de M. [K] ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Ordonne la réintégration de M. [K] dans un emploi identique à celui qu'il occupait dans la société Encyclopaedia Britannica France Ltd ou, à défaut, dans un emploi équivalent ;

Condamne la société Encyclopaedia Britannica France Ltd au paiement à M. [K] d'une somme de 1'066'661,62 euros correspondant aux salaires dont il a été privé depuis le 8 février 2011 jusqu'au 30 novembre 2014, déduction faite des revenus de remplacement qui lui ont été servis pendant cette période, outre au paiement des salaires et congés payés pour la période postérieure sur la base des sommes mensuelles retenues, jusqu'à la réintégration ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner une astreinte ;

Dit que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2011, et que les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil;

Condamne la société Encyclopaedia Britannica France Ltd à payer à M. [K] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 14/01841
Date de la décision : 11/06/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°14/01841 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-11;14.01841 ?
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