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11/06/2015 | FRANCE | N°13/22384

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 11 juin 2015, 13/22384


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 11 JUIN 2015



(n° , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/22384



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Novembre 2013 - Tribunal de Commerce de PARIS - 15ème chambre - RG n° 2012065543







APPELANTE



SA OGF

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 2]

prise en la pe

rsonne de son Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège



Représentée par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441

Assistée de Me Cécile REBIFFE, avocat au ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 11 JUIN 2015

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/22384

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Novembre 2013 - Tribunal de Commerce de PARIS - 15ème chambre - RG n° 2012065543

APPELANTE

SA OGF

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 2]

prise en la personne de son Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441

Assistée de Me Cécile REBIFFE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 701,

INTIMEE

SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 4]

prise en la personne de son Gérant domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistée de Me Philippe MORRON, avocat au barreau de PARIS, toque : E0007

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Février 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président, et Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre

Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président

Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Faits et procédure

La société OGF exerce, sous la dénomination commerciale de Pompes Funèbres Générales (PFG), l'activité d'opérateur de pompes funèbres sur l'ensemble du territoire français. Jusqu'à la libéralisation de ce secteur et son ouverture à la concurrence, opérée par la loi du 8 juillet 1993, elle était, notamment, concessionnaire du service extérieur des pompes funèbres pour la ville de Paris et la proche banlieue.

Elle exploite une agence commerciale d'organisation d'obsèques à [Localité 3] et, par ailleurs, elle y gère la seule une chambre funéraire de cette commune. Selon la réglementation en la matière, les corps des personnes décédées doivent, dans les 48 h du décès, être admis dans une chambre funéraire, dont la création est autorisée par le préfet et qui doit être gérée dans des conditions de neutralité.

La société Pompes Funèbres Privées Lamotte, devenue la société Pompes Funèbres Privées (ci-après société PFP), a été créée en 1993, lors de la libéralisation du secteur et elle opère exclusivement sur la commune de [Localité 3]. Elle ne dispose pas de chambre funéraire et utilise donc les services de la chambre funéraire de la société OGF.

Dans le courant de l'année 1996, la société PFP a assigné la société OGF en concurrence déloyale, en lui reprochant d'opérer une confusion entre son activité de gestionnaire de la chambre funéraire et son activité de pompes funèbres, et d'attirer ainsi la clientèle. Par arrêt du 5 mai 2000, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Paris qui, constatant que la société OGF avait manqué au principe de neutralité de la chambre funéraire, l'avait condamnée à payer à la société PFP des dommages et intérêts d'un montant de 500 000 francs. (OGF p. 4).

La société PFP avait en parallèle saisi le Conseil de la concurrence qui, par décision du 27 juillet 2004 relative à des pratiques mises en oeuvre sur le marché des pompes funèbres dans le Val-de-Marne, a considéré que, de 1993 à 1995, la société OGF avait abusé de sa position dominante. Le Conseil, en conséquence, a infligé à cette société une sanction pénuniaire de 76 224 euros, a pris acte des engagements qu'elle avait pris et l'a enjointe de s'y conformer.

Prétendant que la société OGF avait persisté dans ces pratiques illicites, la société PFP l'a assignée en référé le 9 juin 2004 afin d'obtenir la désignation d'un expert qui serait chargé de chiffrer son préjudice sur la période 2000 à 2004. Le juge des référés a, par ordonnance du 14 septembre 2004, désigné un expert qui a rendu son rapport le 3 août 2012. Par acte du 11 octobre 2012, la société PFP a assigné au fond la société OGF devant le tribunal de commerce de Paris en demandant, d'une part, sa condamnation à lui payer la somme de 346 500 euros pour réparer le préjudice subi sur la période 2000 à 2004 et, d'autre part, la désignation d'une expertise complémentaire portant sur la période postérieure à 2004.

Par jugement du 8 novembre 2013, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :

condamné la SA OGF à payer à la SARL Pompes Funèbres Privées (PFP) les sommes de :

'346 500 euros outre les intérêts légaux à compter du 9 juin 2004 ;

'23 200 euros au titre des frais d'expertise ;

'20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a jugé que, sur la période 2000 à 2004, la société OGF n'avait pas respecté son obligation réglementaire d'établir et de remettre, avant toute opération funéraire, un devis et que ce manquement était constitutif de concurrence déloyale. Il a en conséquence condamné la société OGF à payer à la société PFP la somme 346 500 euros en réparation de son préjudice. En revanche, le tribunal a refusé d'ordonner une expertise complémentaire portant sur la période postérieure à 2004.

Vu l'appel interjeté par la société OGF le 22 novembre 2013 contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées le 29 janvier 2015 par la société OGF, il est demandé à la Cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit que la société PFP ne rapportait la preuve d'aucun acte de concurrence déloyale sur la période postérieure à janvier 2004 et qu'il n'y avait par conséquent pas lieu d'ordonner une expertise complémentaire ;

Statuant à nouveau :

- de dire et juger que la société OGF n'a pas commis de pratique déloyale à l'origine du préjudice allégué par la société PFP sur la période allant de mai 2000 à janvier 2004 ;

- de dire et juger que la société OGF exploite la chambre funéraire de [Localité 3] conformément à l'obligation de neutralité qui s'impose à elle ;

- de dire et juger qu'aucune faute constitutive d'un acte de concurrence déloyale ne saurait être valablement reprochée à OGF sur le fondement de l'article 4 de l'arrêté du 11 janvier 1999 relatif à l'information sur les prix des prestations funéraires ;

- de dire et juger qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les fautes reprochées à la société OGF et le préjudice invoqué par la société PFP ;

de dire et juger que la société PFP ne rapporte la preuve d'aucun préjudice et que sa demande indemnitaire n'est justifiée ni dans son principe, ni dans son quantum :

- de dire et juger qu'en tout état de cause, son préjudice ne pourrait s'évaluer qu'en terme de perte de marge brute résultant directement des actes de concurrence déloyale d'OGF - à les supposer établis - et non en termes de chiffre d'affaires ou comme résultant du jeu normal de la concurrence ;

- de déclarer irrecevable, en application de l'article 564 du Code de procédure civile, la demande d'indemnisation de la société PFP à hauteur de 1 337 034 euros pour la période 2004-2014 qui a été formée pour la première fois en cause d'appel ;

- de la déclarer en tout état de cause prescrite, de même que toute demande d'expertise, pour la période antérieure au 11 octobre 2007 ;

- de dire et juger qu'aucun élément ne permet d'établir que des actes de concurrence déloyale et un manquement à la neutralité de la chambre funéraire de [Localité 3] auraient été constatés postérieurement à 2004 ;

- de rejeter l'appel incident formé par la société PFP ;

- de débouter la société PFP Lamotte de la totalité de ses demandes et prétentions comme non fondées et abusives ;

- de condamner la société PFP à régler à la société OGF la somme de 30 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant de la période 2000 à 2004, la société OGF demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré. Elle considère qu'elle n'a commis aucune faute et, en particulier, qu'elle exploite sa chambre funéraire dans des conditions de parfaite neutralité, en ce qui concerne la séparation des locaux et l'information des familles. Elle réfute les accusations de "clientélisme" lancées contre elle par la société PFP. En ce qui concerne les devis, elle conteste l'analyse que le tribunal a fait des conclusions de l'expert en jugeant que sur l'échantillon de 31 convois analysés, les devis avaient été établis postérieurement pour 27 convois ; elle soutient que la remise tardive du devis n'a pu se produire, tout au plus, que dans un nombre limité de cas.

S'agissant de la période postérieure à 2004, la société OGF demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a refusé d'ordonner une expertise complémentaire. Elle soutient à titre principal que la demande de la société PFP est irrecevable car elle est, selon elle, présentée pour la première fois en cause d'appel, la demande présentée en première instance ayant pour objet la désignation d'un expert judiciaire. Subsidiairement, elle prétend que cette demande est prescrite en tant qu'elle concerne des pratiques antérieures au 11 octobre 2007, puisqu'elle résulte de l'assignation délivrée le 11 octobre 2012. Sur le fond, la société OGF fait valoir que la société PFP n'apporte aucun élément qui permettrait d'admettre l'existence d'une concurrence déloyale postérieurement au mois de janvier 2014 et elle souligne que les pièces versées aux débats n'ont aucun caractère probant. Elle demande donc à la Cour de débouter la société PFP de sa demande principale d'indemnisation et de sa demande subsidiaire de désignation d'un expert.

Enfin, la société OGF demande à la Cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer les frais d'expertise.

Vu les dernières conclusions signifiées le 23 janvier 2015 par la société Pompes Funèbres Privées (PFP), par lesquelles il est demandé à la Cour de :

A titre principal :

- déclarer recevable mais mal fondé l'appel de la société OGF ;

- dire et juger qu'il ressort de l'expertise et des pièces communiquées aux débats que la société OGF n'a pas respecté la neutralité de la chambre funéraire sur un plan physique puisqu'il a fallu attendre 2004 pour que leurs locaux disparaissent de la chambre funéraire de Saint Maur ;

- dire et juger que la société OGF n'ont pas respecté la neutralité de l'usage des chambres funéraires en allant chercher les corps sur appel des familles pour un transport sans cercueil dans leur chambre funéraire sans les renvoyer au choix d'un opérateur funéraire et en entretenant des relations de clientélisme avec les services de police, d'état civil et les établissements de soins (maison de retraire, cliniques, hôpitaux) ;

- constater que la société OGF n'ont jamais cessé leurs conventions avec les établissements de santé public et privé ou maisons de retraire, ce qui est une infraction avec les textes en vigueur et des actes de concurrence déloyale ;

- dire et juger que ce comportement est en infraction avec les textes d'ordre public notamment les articles L 2223-38 du code général des collectivités territoriales et suivant, l'article R. 2223-79 du code général des collectivités territoriales, les articles L. 2223-33 et L. 2223-35 du code général des collectivités territoriales ;

- dire et juger qu'il ressort de ce défaut de neutralité, une concurrence déloyale des OGF préjudiciable aux PFP ;

- dire et juger que la société OGF reconnaît bien exercer une concurrence déloyale en mettant une provision pour litige concurrence à hauteur de 5,9 millions d'euros ;

- constater que cette concurrence déloyale ressort aussi bien des chiffres que des tableaux de M. [X], expert judiciaire, comme cela avait été le cas déjà avec la première expertise de M. [C] ;

- dire et juger que les PFP sont donc justifiées à solliciter la confirmation du jugement entrepris concernant les dommages et intérêts qu'ils ont obtenus ;

- dire et juger que l'indemnisation allouée en première instance n'est pas une indemnisation correspondant à un chiffre d'affaires mais une indemnisation à titre indemnitaire sur laquelle les PFP seront imposables à hauteur de 33,33 %, ce qui est inférieur à ce que les PFP auraient pu espérer si la concurrence s'était déroulée de façon normale entre 2000 et 2004 comme indiqué dans les précédentes écritures ;

- dire et juger que cette indemnisation a un caractère indemnitaire, a en réalité pour objet de compenser au cours des années litigieuses le manque à gagner et par voie de conséquence la perte de la possibilité de se développer et de créer des emplois ;

Actualisation de la demande complémentaire :

- dire et juger que les éléments communiqués en première instance et devant la cour pour la période postérieure à savoir à compter du mois de janvier 2004 démontrent de façon incontestable que la société OGF n'a pas cessé ses pratiques anti-concurrentielles ;

- constater que la société OGF donnent pour instruction à leur ambulancier attaché à la chambre funéraire d'aller chercher les corps pour mettre la famille du défunt en situation de fait accompli ;

- constater que la neutralité des chambres funéraires du Val de Marne est violée en permanence au vu des pièces communiquées aux débats, notamment le constat de Me [H] ;

- constater qu'en contradiction avec les textes en vigueur et d'ordre public, la société OGF fait du démarchage publicitaire en organisant des réunions, des conférences et en éditant des revues qui sont autant d'éléments qui, en plus de la non-neutralité de la chambre funéraire, rend la concurrence radicalement et incontestablement déloyale ;

- dire et juger que les PFP seront déclarées recevables et bien fondées à solliciter en sus de l'indemnisation octroyée en première instance, l'actualisation de leur préjudice en condamnant la société OGF à une indemnité supplémentaire d'un montant de 1 337 034 € portant le montant total des condamnations à la somme de 1 684 034 € arrondie à 1 685 000 € ;

- dire et juger qu'il y a lieu également de condamner la société OGF aux intérêts de retard et aux frais d'expertise dans les termes de la décision rendue par le tribunal de commerce de Paris ;

- constater que cette demande d'actualisation correspond en réalité à 1,8 convoi par mois au cours des 10 années passées et rétabli l'activité qu'aurait pu avoir la société PFP au regard de la taille respective de ces dernières et de la société OGF si cette société avait respecté les textes d'ordre public et permis une concurrence loyale ;

- constater que la somme sollicitée est minorée, sachant que des éléments importants ont été cachés durant l'expertise, à savoir les cliniques et les maisons de retraite qui faisaient transporter les corps à la chambre funéraire et que ce coût était facturé aux familles, ce qui n'est pas pris en compte dans les éléments retenus par l'expert dans les 21 à 35 % ;

- constater que cette demande qui correspondant à 10 % du chiffre d'affaires des OGF sur la commune de Saint Maur, s'analyse en une juste indemnisation de la perte de chance pour les PFP de procéder à leur activité dans un cadre concurrentiel respectueux des textes en vigueur ;

- dire et juger qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle mais simplement d'une demande virtuellement comprise dans les termes de l'article 566 du code de procédure civile et donc parfaitement recevable de ce fait ;

- dire et juger que la prescription quinquennale est inapplicable en l'espèce au visa des modalités d'application de la loi du 4 août 2008 ;

A titre infiniment subsidiaire :

- dans l'hypothèse où la Cour estimerait que pour la demande complémentaire des Pompes Funèbres Privées les éléments fournis aux débats ne seraient pas suffisants pour déterminer le préjudice des Pompes Funèbres Privées, cette dernière sollicite la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise judiciaire pour des motifs qui ne sont pas recevables ;

- dire et juger que les Pompes Funèbres Privées n'ont jamais reconnu que la société OGF aurait cessé ses pratiques anticoncurrentielles ;

- dire et juger en outre que les pièces versées aux débats permettent de démontrer que ces pratiques perdurent ;

- renvoyer avant dire droit, de ce fait, à une expertise complémentaire avec pour mission, pour l'expert :

* de prendre connaissance du nombre de décès dans les catégories retenues par les deux premiers experts ;

* de déterminer le nombre respectif de convois effectués par le groupe OGF et la concurrence sur cette période ;

* de rapprocher le ratio des convois entre le groupe OGF et la concurrence lorsqu'il n'y a pas de passage en chambre funéraire et lorsqu'il y a un passage en chambre funéraire ;

* de procéder à un sondage sur une période de deux mois, chaque année, pour examiner le pourcentage de dossiers ayant fait l'objet par la société OGF d'un devis et d'un bon de commande signés antérieurement à l'admission en chambre funéraire pour les convois ultérieurement assurés par la société OGF ;

* de solliciter des PFP les mêmes renseignements ;

* de permettre ainsi à la Cour de statuer ultérieurement sur le préjudice complémentaire subi par la société PFP pour la période de 2004 à la date de l'arrêt qui sera rendu par la Cour ;

- dire et juger que la consignation à régler pour l'expertise sera à la charge de la société OGF ;

- dire et juger que si la cour estime que la société OGF ne respecte pas la législation en vigueur, ordonner la publication à leur charge dans le magazine municipal Saint Maur infos, Saint Maur guide pratique, le Parisien Val de Marne, ainsi que pour tout le Val de Marne, la Préfecture, les mairies, les cliniques, les maisons de retraites, santés, les hôpitaux, le SAMU et les services de Police ;

- condamner complémentairement la société OGF à une somme de 30 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme fixée par tribunal de première instance.

En premier lieu, la société PFP demande à la Cour de confirmer les condamnations prononcées par le tribunal au titre de la période allant de 2000 à janvier 2004. Elle fait valoir que durant cette période, la société OGF n'a pas respecté le principe de neutralité de la chambre funéraire, ni la réglementation imposant la remise préalable d'un devis aux familles des défunts et qu'elle s'est livrée à des pratiques illicites dans ses relations avec les maisons de retraite et les établissements de santé.

En second lieu, la société PFP soutient que les pratiques de la société OGF se poursuivent depuis le mois de janvier 2004. C'est ainsi qu'elle affirme qu'un constat qu'elle a fait dresser par huissier le 23 juillet 2014 démontre que le principe de neutralité de la chambre funéraire n'est pas respecté et que la société OGF procède à de la publicité en violation des textes régissant le secteur des pompes funèbres. A titre principal, elle demande en réparation du préjudice qui en résulte la somme de 1 337 534 euros à titre de dommages et intérêts ; à titre subsidiaire, elle demande à la Cour d'ordonner une expertise judiciaire.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les agissements reprochés à la société OGF de 2000 à 2004

Sur le respect du principe de neutralité de la chambre funéraire exploitée par la société OGF à [Localité 3]

Considérant que la société PFP reproche à la société OGF d'avoir manqué au principe de neutralité de la chambre funéraire qu'elle exploite à [Localité 3] ;

Considérant que le principe de neutralité de la chambre funéraire a pour objet de préserver le libre choix des familles quant aux prestations funéraires autres que celles consistant dans l'admission et le séjour en chambre funéraire ; qu'à ce titre, le code général des collectivités territoriales prévoit, notamment, que la chambre funéraire doit être librement accessible à tous les opérateurs de pompes funèbres, qu'elle doit se situer dans des locaux distincts de ceux dans lesquels son exploitant offre les autres prestations funéraires, que la liste des opérateurs de pompes funèbres du département doit y être affichée et qu'aucun document de nature commerciale relatif à l'organisation d'obsèques n'y soit présenté (art. L. 2223-38, R. 2223-71, 2223-72 et 2223-75 du code général des collectivités territoriales) ;

Considérant qu'il est établi que la chambre funéraire gérée à [Localité 3] par la société OGF est située dans des locaux distincts de ceux dans lesquels cette société offre ses services d'organisateur de pompes funèbres ; que la constatation en a été faite par le Conseil de la concurrence qui, dans sa décision du 27 juillet 2004, a relevé que la société OGF avait effectué en 1995 des travaux "qui ont conduit à assurer une distinction complète entre les locaux des funérariums et ceux des locaux commerciaux de la société" (Décision § 74 pièce appelant n° 3) et a observé que le constat d'huissier dressé le 20 janvier 2004 et les photographies qui l'accompagnaient "ne démontrent pas une confusion entre la salle d'attente du funérarium et le salon d'accueil de l'entreprise OGF" (Décision § 66 ' pièce appelant n° 3) ; que par ailleurs, l'expert judiciaire désigné à la requête de la société PFP a, dans le cadre de sa mission, procédé le 30 novembre 2005 à une visite des lieux et a noté que "la chambre funéraire se trouve dans le même corps de bâtiment que les ateliers et la zone technique de OGF, dans le prolongement de celui-ci, mais elle est complètement séparée" (pièce intimé n° 9, annexe E8) ;

Considérant, par ailleurs, qu'il a été constaté que la liste des opérateurs de pompes funèbres du département était affichée dans la chambre funéraire, comme l'impose la réglementation ci-dessus rappelée ; que ce constat a été fait, en particulier, par l'expert judiciaire et qu'il a été noté dans son rapport ; que par ailleurs, lors de sa visite, l'expert n'a pas relevé la présence de documents publicitaires relatifs à l'organisation d'obsèques ;

Considérant, enfin, que la société PFP fait valoir que l'huissier de justice a, dans son constat du 20 janvier 2004, relevé qu'un signe distinctif de la société OGF, sous forme d'un logo "PFG", était apposé à l'entrée de la chambre funéraire (pièce intimé n° 5) ; qu'au vu de ce constat, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a, par ordonnance du 14 septembre 2004, ordonné une expertise en jugeant qu'il en ressortait une "présomption" de pratiques anticoncurrentielles commises de 2000 à 2004 ; que dans sa décision du 27 juillet 2004, le Conseil de la concurrence a noté que la société OGF n'avait pas démenti, lors de la séance, "la présence persistante d'un panneau porteur de son sigle, visible pour toute personne entrant au funérarium" (Décision § 73 ' pièce appelant n° 3) ; que la société OGF soutient, dans ses conclusions, que la présence de ce panneau n'était nullement contraire au principe de neutralité de la chambre funéraire, plusieurs juridictions ayant d'ailleurs rendu des décisions en ce sens, mais qu'elle indique que compte tenu des débats que ce panneau avait suscités, elle avait pris la décision de le retirer dès le mois de juillet 2004 ; que de fait, l'expert judiciaire, qui a procédé à une visite des lieux le 29 novembre 2005, a indiqué dans les conclusions de son rapport que "la visite de la chambre funéraire n'a pas révélé de signes ou de marques distinctives propres à OGF ou PFG tant à l'intérieur qu'à l'extérieur (...)" (pièce intimé n° 9, p. 113) ;

Sur les relations entretenues par la société OGF avec les maisons de retraite, les établissements de santé et les services de police

Considérant, en premier lieu, que la société PFP fait valoir que la société OGF facture aux familles les frais de transport et de séjour en chambre funéraire des personnes décédées en maison de retraite ; qu'elle soutient que cette pratique est contraire aux dispositions de l'article R. 2223-79 du code général des collectivités territoriales et qu'elle a pour effet d'inciter ces établissements à faire transférer d'office dans la chambre funéraire gérée par la société OGF les personnes décédées ;

Mais considérant que les dispositions qu'invoque la société PFP ne sont pas applicables aux maisons de retraite ; qu'en effet, article R. 223-79 est ainsi rédigé : "Lorsque le transfert à une chambre funéraire du corps d'une personne décédée dans un établissement de santé public ou privé, qui n'entre pas dans la catégorie de ceux devant disposer obligatoirement d'une chambre mortuaire conformément à l'article L. 2223-39, a été opéré à la demande du directeur de l'établissement, les frais résultant du transport à la chambre funéraire sont à la charge de l'établissement ainsi que les frais de séjour durant les trois premiers jours suivant l'admission" ; qu'il en résulte que les maisons de retraite, qui ne constituent pas des établissements de santé, ne sont pas concernées par ces dispositions et que le paiement des frais de transport à la chambre funéraire des personnes qui y sont décédées incombe à leur famille ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société PFP a communiqué deux pièces d'où il résulte que les services de police ont réquisitionné la chambre funéraire pour chercher un corps, alors que selon la réglementation, la chambre funéraire ne doit pas se déplacer (pièces n° 35 et 36) ; qu'elle en conclut que la société PFP entretient des relations privilégiées avec les services de police ;

Mais considérant que s'il s'avérait que les services ont, à tort, réquisitionné la chambre funéraire, cette erreur ne saurait être imputée à la société OFG qui, par ailleurs, ne peut se soustraire aux réquisitions qui lui sont adressées ;

Considérant, en troisième lieu, que la société PFP produit une lettre du 18 juillet 1997 adressée par la société OGF, à l'époque PFG, à une clinique de [Localité 3] (pièce n° 15) ; qu'elle souligne que dans cette lettre, la société OGF fait savoir à son correspondant que par suite de la nouvelle législation, il convient de mettre fin à la convention qui était applicable jusqu'alors et précise : "Bien entendu, la suppression de ce lien contractuel ne changera rien à nos relations de confiance et notre intention est de continuer à accueillir à la chambre funéraire de Saint Maur les personnes décédées dans votre établissement (...)" ;

Mais considérant, d'une part, que ce courrier avait déjà été produit devant le Conseil de la concurrence, lequel a considéré qu'il ne pouvait être retenu à charge contre la société OGF dans la mesure où il avait pour objet de faire savoir à son destinataire que la convention précédemment conclue ne serait pas renouvelée (Décision § 64 ' pièce appelant n° 3) ; que, d'autre part, le passage incriminé par la société PFP, s'il indique que la société OGF est prête à accueillir les personnes décédées dans sa chambre funéraire, ce qui est l'objet même de celle-ci, ne peut être interprété comme signifiant que les parties se sont entendues pour que les corps des personnes décédées dans l'établissement soient systématiquement conduits dans cette chambre funéraire ;

Considérant, en quatrième lieu, que la société PFP soutient que, lors de ses interventions, le SAMU communique aux familles des défunts un dépliant mentionnant les numéros de téléphone et adresse des chambres funéraires du Val-de-Marne gérées par la société OGF ;

Mais considérant qu'il résulte de la lecture de ce dépliant, annexé au rapport de l'expert en pièce A13, qu'il comprend une rubrique intitulée "Funérariums du Val-de-Marne" sous laquelle figure, en particulier, l'adresse de la chambre funéraire de [Localité 3] gérée par la société OGF ; que la communication de cette information est parfaitement justifiée par son évidente utilité pour les familles des personnes décédées, lesquelles ont intérêt à savoir quelles sont dans le département les chambres funéraires autorisées par le préfet ; que cette information ne serait critiquable que si elle était incomplète et ne donnait pas la liste de toutes les chambres funéraires, ce qui n'est pas allégué ; qu'enfin, il n'est pas précisé que cette chambre funéraire est gérée par la société OGF, dont il n'est fait aucune mention dans ce dépliant ;

Sur la remise préalable de devis

Considérant qu'il est reproché à la société OGF de ne pas avoir respecté les dispositions réglementaires qui imposent aux opérateurs funéraires de remettre un devis avant de procéder aux opérations funéraires ; que ces dispositions figurent à l'article 4 de l'arrêté du 11 janvier 1999 relatif à l'information sur les prix des prestations funéraires ; que cet article est ainsi rédigé : "Avant toute opération funéraire, un devis écrit, gratuit, détaillé et chiffré selon les mêmes rubriques que la documentation générale présentée à la clientèle fait apparaître, pour chaque prestation ou fourniture, la nature et le prix TTC ainsi que le montant total du devis TTC. Il est remis à la clientèle." ;

Considérant que l'expert judiciaire a, pour les besoins de sa mission, procédé à l'analyse d'un échantillon de 31 convois funéraires effectués par la société OGF entre le 16 février 2003 et le 11 avril 2003 ; qu'au vu des documents mis à sa disposition, il a considéré que sur ces 31 convois, "24 devis ont donc été établis postérieurement à l'entrée dans la chambre funéraire" (pièce intimé n° 9, p. 73) et qu'il a dans les conclusions de son rapport noté que "les procédures d'admission à la chambre funéraire, qui consistent notamment en la présentation préalable des devis, et la signature des demandes d'admission et des bons de commande ne sont pas strictement respectées. OGF, gestionnaire du funérarium, admet des défunts et régularise la situation administrative a posteriori" ; (pièce intimé n° 9, p. 114) ;

Considérant que tribunal a estimé qu'il résultait de ce rapport que sur l'échantillon analysé, le devis avait été établi postérieurement à l'entrée dans la chambre funéraire dans 27 cas ; qu'il en a conclu que la société OGF "n'a pas respecté les dispositions réglementaires applicables aux devis et a ainsi exercé son activité dans des conditions fautives" ; qu'il l'a en conséquence jugée "coupable de concurrence déloyale" ;

Considérant que le tribunal a estimé que ce manquement expliquait que la part de marché de la société OGF sur la commune de [Localité 3] était plus élevé, de l'ordre de 30 %, lorsque les convois passaient par la chambre funéraire par rapport à sa part de marché réalisée lorsque les convois n'y passaient pas ; qu'il a considéré que cette différence de 30 % avait été indûment soustraite à la concurrence qui, sur la période de 2000 à 2004, avait ainsi perdu 265 convois ; que compte tenu de la part de marché détenue par la société PFP, il a considéré que celle-ci avait perdu sur cette même période 77 convois ; que sur la base d'un prix moyen par convoi de 4 500 euros, il a fixé à 346 500 euros le préjudice subi par la société PFP et a, en conséquence, condamné la société OGF à lui verser cette somme ;

Considérant que la société OGF, qui conteste la pertinence des données chiffrées retenues par l'expert et le tribunal, soutient qu'en toute hypothèse, la remise tardive du devis, si elle est contraire aux dispositions réglementaires applicables, ne saurait caractériser un acte de concurrence déloyale ; qu'elle fait valoir, en effet, qu'un tel retard n'entrave en rien la liberté des familles de choisir l'opérateur qu'elles chargeront d'assurer les obsèques et qu'il ne constitue donc pas une atteinte au jeu de la concurrence ;

Mais considérant que l'obligation réglementaire de remettre aux familles un devis préalablement à toute opération funéraire a pour objet de permettre aux familles d'avoir connaissance du détail et du prix des prestations offertes, de sorte qu'elles ne puissent s'engager à l'égard d'un opérateur, le cas échéant par comparaison, qu'en pleine connaissance de cause ; que cette obligation s'impose à tous les opérateurs, de sorte que si l'un d'entre eux s'en exonérait, la concurrence s'en trouverait faussée ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a jugé que le manquement aux obligations réglementaires relatives à la remise préalable d'un devis caractérisait des agissements constitutifs de concurrence déloyale ;

Considérant, s'agissant du montant du préjudice subi par la société PFP, qu'en premier lieu, une incertitude demeure sur l'ampleur du manquement reproché à la société OGF ; que celle-ci soutient que les données chiffrées retenues par l'expert et le tribunal sont erronées ; qu'elle considère n'avoir pas respecté l'article 4 de l'arrêté de 1999 que dans "un nombre limité de cas" ; qu'elle fait valoir, s'agissant de l'échantillon de 31 convois, que la date de remise du devis est indéterminée dans 10 cas ; que les devis en cause portent la mention B ou C, laquelle signifie qu'il s'agit non du devis d'origine, mais d'une deuxième ou troisième version du devis ; qu'elle précise qu'elle n'est d'ailleurs réglementairement tenue de conserver les devis que pendant une durée de deux ans ; que le rapport indique expressément que cet argument a été présenté à l'expert par la société OGF, mais qu'il ne l'écarte ni ne le valide et qu'il n'en tire pas de conclusion particulière ;

Considérant, enfin, que les données chiffrées, telles qu'elles figurent dans le rapport de l'expert et dans le jugement déféré, divergent ; qu'en effet, le tribunal fait état dans son jugement de 27 convois sans remise préalable de devis, alors que l'expert, sur le rapport duquel il se fonde, a fait état de 24 convois ; que, dès lors, force est de constater que la fiabilité des données sur lesquelles la société PFP fonde sa demande, à laquelle le tribunal a fait droit, n'est pas pleinement démontrée ;

Considérant ensuite que le manquement en cause, à supposer pertinentes les données chiffrées issues de l'échantillon, ne peut à l'évidence expliquer, même par extrapolation, la différence de 30 % sur laquelle le tribunal a basé le calcul de préjudice ; que comme le souligne la société OGF sans être démentie, l'observation selon laquelle la proportion de convois assurés par un opérateur à partir de la chambre funéraire est plus important lorsqu'il a assuré le convoi jusqu'à cette chambre que lorsque ce convoi a été assuré par un autre opérateur se vérifie quel que soit l'opérateur ; que dès lors, la société PFP ne peut prétendre que le manquement reproché à la société OGF lui cause systématiquement un préjudice et que si la société OGF avait respecté son obligation réglementaire, elle-même aurait effectué 77 convois de plus sur la période considérée ;

Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces constatations et des pièces du dossier, la Cour jugera que le manquement reproché à la société OGF n'a contribué à la différence constatée par l'expert et le tribunal que pour 1/5ème ; que la société PFP sera dès lors indemnisée à hauteur non de 77 convois, mais de 15 convois ; que l'indemnisation correspondante doit être calculée, non sur la base du chiffre d'affaires, mais sur la base de la marge brute, laquelle, selon le rapport d'expertise, s'établit pour la société PFP à 3 451 euros par convoi (pièce intimé n° 9, p. 66) ; que l'indemnité qui lui est due par la société OGF s'élève donc au montant de 51 765 euros ; que le jugement sera donc infirmé en ce qui concerne le montant de l'indemnité allouée à la société PFP ;

Sur les agissements reprochés à la société PFP postérieurement à janvier 2004

Considérant que la société PFP soutient que la société OGF s'est livrée, depuis janvier 2004, à des « pratiques anticoncurrentielles » à son préjudice ; qu'à titre principal, elle demande à en être indemnisée par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 1 337 034 euros ; qu'à titre subsidiaire, elle demande à la Cour d'ordonner une expertise ; que la société OGF, outre qu'elle conteste le bien-fondé de ces demandes, leur oppose des moyens d'irrecevabilité et de prescription ;

Sur la recevabilité de la demande principale d'indemnisation

Considérant qu'il n'est pas discuté que la demande que la société PFP a présentée en première instance avait pour seul objet la désignation d'un expert chargé, selon les énonciations du jugement déféré, de « procéder à un sondage sur une période de deux mois des années 2004 à la date à laquelle le tribunal rendra sa décision qui seront choisies par le tribunal pour examiner le pourcentage de dossiers ayant fait l'objet par les OGF d'un devis et d'un bon de commande signé antérieurement à l'admission en chambre funéraire pour les convois ultérieurement assurés par les OGF » ; que devant la Cour, la société PFP demande la condamnation de la société PFP à lui payer la somme de 1 337 034 euros à titre de dommages et intérêts ; que cette demande, présentée pour la première fois devant la Cour, ne tend pas aux mêmes fins que celle soumise aux premiers juges ; qu'elle ne constitue pas non plus l'explicitation d'une prétention virtuellement comprise dans celle-ci ; qu'elle est, dès lors irrecevable par application des dispositions des articles 564 et suivants du code de procédure civile ;

Sur la prescription de la demande subsidiaire de désignation d'un expert judiciaire

Considérant qu'aux termes de l'article 2224 du code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » ; que ces dispositions étant issues de la loi du 17 juin 2008, la société PFP soutient qu'elles ne sont pas applicables à sa demande, qui a été introduite antérieurement et qui relève donc de la prescription décennale précédemment en vigueur ;

Mais considérant que la demande en cause a pour la première fois été formulée dans l'assignation que la société PFP a délivrée à la société OGF le 11 octobre 2012, donc postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ; qu'en conséquence, cette demande est prescrite en tant qu'elle porte sur la période antérieure au 11 octobre 2007 ;

Sur le bien-fondé de la demande subsidiaire de désignation d'un expert judiciaire

Considérant que le tribunal a débouté la société PFP de sa demande d'expertise portant sur la période postérieure à 2004, au motif qu'elle n'apportait pas de preuve à l'appui de cette demande ; que devant la Cour, la société PFP a versé au dossier des pièces qui, selon elle, constituent des preuves suffisantes ;

Considérant, en premier lieu, que la société PFP produit, en pièces n° 6, 10, 11, 12, 13, 14, 36, 37 à 39, plusieurs attestations et copies de courriers électroniques ; que les pièces n° 10, 13 et 14 concernent, non la chambre funéraire de la commune de [Localité 3], mais celle de la commune de [Localité 5], et qu'elles ne sont donc pas pertinentes ;

Considérant que la pièce n° 11 consiste en un courrier électronique adressé par un responsable de la société OGF aux ambulanciers avec lesquels travaille cette société ; que son auteur a joint à son courrier « le nouveau pouvoir à remettre à vos ambulanciers pour les transferts durant les astreintes en dehors des heures d'ouverture (...) » ; qu'il précise qu'il est « absolument impératif que ce document soit signé par la famille avant l'opération [le transport du corps] » et rappelle qu' « un TSC [transport sans cercueil] ne peut être organisé que par un opérateur funéraire dûment habilité, ce qui signifie que notre ambulancier (ou notre sous-traitant), lorsqu'il se présente à un domicile pour effectuer un transfert avant mise en bière, est un salarié de l'opérateur choisi par la famille pour organiser les obsèques ; à ce moment là, il n'est plus un agent de chambre funéraire neutre, il a été missionné par l'opérateur funéraire choisi par la famille (') » ; que les termes de ce courrier ne sont pas contraires à la réglementation applicable, puisqu'il vise l'hypothèse dans laquelle l'ambulancier intervient pour le compte non de la chambre funéraire, ce qui serait une infraction à cette réglementation, mais d'un opérateur de pompes funèbres ; que le pouvoir, dont un modèle est joint au courrier, porte non sur l'organisation des obsèques, mais sur la seule opération de transport sans cercueil, en dehors des heures ouvrées, en vue de l'admission en chambre funéraire ; que ce courrier, en conséquence, n'apporte pas la preuve d'un manquement par la société OGF à la réglementation applicable ;

Considérant que la pièce n° 12 consiste en une lettre signée de M. [O] [K] et adressée à la société Alpha PJ, en accompagnement de l'envoi d'un chèque de 230,53 euros ; qu'elle est ainsi rédigée : « Monsieur, Tout d'abord, je tiens à vous remercier pour vos attentions. Et effectivement lors de mon appel auprès du funérarium de [Localité 3], j'ai été dirigé directement vers l'agence se trouvant devant la mairie à savoir les PFG de [Localité 3] » ; qu'en ne faisant état ni de la date de l'événement rapporté, ni de l'identification de la personne qui aurait « dirigé directement » l'intéressé vers une agence de pompes funèbres, ni des circonstances dans lesquelles cette initiative aurait été prise, ce courrier est trop imprécis pour qu'on puisse en tirer des conséquences quant à la réalité des faits reprochés à la société OGF ;

Considérant que la pièce n° 6 consiste en une attestation délivrée par un employé du funérarium de [Localité 5], qui déclare avoir été témoin de ce que des maisons de retraite, des cliniques et la police municipale avaient pour habitude d'appeler la chambre funéraire de [Localité 3] pour y admettre les corps des personnes décédées ; que cette déclaration ne met pas en cause la société OGF ;

Considérant que la pièce n° 36 consiste une réquisition faite par les services de police du Val-de-Marne au responsable du funérarium de [Localité 1] de prendre en charge le corps d'une personne décédée à son domicile et de le transporter au funérarium de cette commune ; que cette réquisition n'apporte aucun élément relatif aux pratiques reprochées à la OGF sur le territoire de la commune de [Localité 3] ;

Considérant que les pièces n° 37, 38 et 39 concernent l'admission à la chambre funéraire de [Localité 3] d'une personne décédée à l'hôpital Henri-Mondor à [Localité 2] ; qu'aucune d'entre elles (certificat de décès, fiche d'identification du défunt, facture) ne traduit d'infraction à la réglementation applicable ; que l'allégation de la société PFP selon laquelle la fiche d'identification du défunt serait un document interne à la chambre funéraire de [Localité 3], à la supposer avérée, démontre seulement que la famille de la défunte avait choisi, préalablement au transport du corps, de recourir aux services de la société OGF ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société PFP soutient que la chambre funéraire de [Localité 3], gérée par la société OGF, n'est pas conforme au principe de neutralité ; qu'elle produit à l'appui de cette allégation le constat qu'elle a fait dresser par huissier le 23 juillet 2014 (pièce n° 17) ;

Mais considérant que les constatations faites par l'huissier portent non sur la chambre funéraire de la commune de [Localité 3], mais sur les chambres funéraires de [Localité 1], [Localité 5] et [Localité 4] ; qu'au demeurant, aucune de ces constatations ne démontre d'atteinte au principe de neutralité, dès lors qu'il résulte des textes, et qu'il a été admis par le Conseil de la concurrence, que la circonstance qu'une chambre funéraire était située dans l'ensemble immobilier où était également située l'agence de l'opérateur funéraire, n'était pas, à elle seule, contraire à ce principe

Considérant, en troisième lieu, que la société PFP soutient que la société OGF se livre à de la publicité et à des offres de services contraires aux dispositions du code général du code des collectivités territoriales ; qu'elle produit un courrier adressé par la Fédération Nationale des Anciens Combattants en Algérie, Maroc et Tunisie à ses adhérents, les informant de la tenue d'une réunion consacrée à la « préparation de sa succession » et à la « transmission de son patrimoine », et précisant que cette réunion était organisée avec le concours des Pompes Funèbres Générales (pièce n° 29) ; qu'elle produit également une invitation à la 9ème Journée Lorraine des Soins Palliatifs organisée par l'Association Pierre Clément Lorraine, indiquant qu'une quinzaine d'entreprises, dont la société OGF, avait apporté leur aide à cette organisation (pièce n° 30) ; qu'elle produit enfin, un extrait du magazine « Passage » édité par la société OGF, tiré à 90 000 exemplaires (pièce n° 31) ;

Mais considérant que l'article L. 2223-33 du code général des collectivités territoriales qu'invoque la société PFP interdit « les offres de service faites en prévision d'obsèques ou pendant un délai de deux mois à compter du décès en vue d'obtenir ou de faire obtenir, soit directement, soit à titre d'intermédiaire, la commande de fournitures ou de prestations liées à un décès. Sont interdites les démarches à domicile ainsi que toutes les démarches effectuées dans le même but sur la voie publique ou dans un lieu ou un édifice public ou ouvert au public » ; qu'aucune des pièces ci-dessus visées ne comporte d'offres de services en prévision d'obsèques ni ne constitue une démarche effectuée dans le même but ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations qu'aucun des moyens et éléments fournis par la société PFP ne constitue un indice des pratiques qu'elle reproche à la société OGF postérieurement au 11 octobre 2007, de nature à justifier qu'une expertise complémentaire soit ordonnée ; que le jugement sera donc confirmé sur ce point ;

Sur la prise en charge des frais d'expertise

Considérant que c'est sur la base de l'expertise ordonnée par le juge des référés qu'il est fait droit, pour partie, aux demandes de la société PFP ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société OGF à prendre en charge les frais de cette expertise à hauteur de 23 000 euros ;

Sur la demande de publication

Considérant que la condamnation prononcée par le tribunal et confirmée, sauf dans son montant, par la Cour d'appel résulte de faits commis de 2000 à 2004 ; qu'en conséquence, aucun intérêt actuel ne s'attache à la publication du présent arrêt ; que la société PFP sera donc déboutée de sa demande ;

Sur les frais irrépétibles

Considérant qu'au regard de l'ensemble de ce qui précède, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société PFP la totalité des frais irrépétibles engagés par elle pour faire valoir ses droits et la société OGF sera condamnée à lui verser la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

DECLARE irrecevable, comme constituant une demande nouvelle, la demande tendant à la condamnation de la société OGF à payer à la société Pompes Funèbres Privées la somme de 1 337 034 € à titre de dommages et intérêts ;

DECLARE irrecevable, comme prescrite, la demande de désignation d'un expert judiciaire en tant qu'elle porte sur des faits antérieurs au 11 octobre 2007 ;

CONFIRME le jugement attaqué sauf en ce qu'il a condamné la société OGF à payer à la société Pompes Funèbres Privées la somme de 346 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société OGF à payer à la société Pompes Funèbres Privées la somme de 51 765 euros outre les intérêts légaux à compter du 9 juin 2004 ;

DEBOUTE la société Pompes Funèbres Privées de sa demande de publication ;

CONDAMNE la société OGF à payer à la société Pompes Funèbres Privées la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes les demandes autres, plus amples ou contraires des parties ;

CONDAMNE la société OGF aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

B.REITZER C.PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 13/22384
Date de la décision : 11/06/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°13/22384 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-11;13.22384 ?
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