Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 4
ARRET DU 04 JUIN 2015
(n° 2015/ , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/14765
Décision déférée à la Cour : jugement du 24 juin 2014 rendu par le Tribunal de grande instance de Paris - RG n° 11/15155
APPELANT
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Alain LABERIBE, avocat au barreau de Paris, toque : E1217
INTIME
Etablissement Public SNCF - Société nationale des chemins de fer français -
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté par Me Vincent RIBAUT de la SCP SCP RIBAUT, avocat au barreau de Paris, toque : L0010
Ayant pour avocat plaidant Me Michel BERTIN, avocat au barreau de Paris, toque : R077
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Jean-Marie BOYER, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Marie BOYER, président
Madame Catherine COSSON, conseillère
Madame Marie Brigitte FREMONT, conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Florence PONTONNIER
Ministère public, auquel le dossier a été communiqué
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Monsieur Jean-Marie BOYER, Président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Marie BOYER, président et par Madame Hanifa DEFFAR, greffier présent lors du prononcé.
*****
Dans un jugement rendu le 24 juin 2014, le tribunal de grande instance de Paris rappelle :
Le 12 octobre 2004, Madame [I] a été victime d'un vol dans un train en gare d'ORLEANS, commis par un individu pratiquant la mendicité.
S'étant lancée à sa poursuite, elle a chuté et s'est blessée à la cheville.
L'individu a été interpellé sur le quai par le personnel de la SNCF.
Par jugement du 13 octobre 2004, le tribunal correctionnel d'ORLEANS a condamné l'auteur des faits, Monsieur [Q], à un an d'emprisonnement.
Par ordonnance du 7 septembre 2009, la COMMISSION D'INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION a homologué l'accord conclu entre Madame [I] et le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS, le FGTI, pour le versement d'une indemnité de 13.758,40 € en réparation des dommages résultant des faits.
Le FGTI a sollicité le remboursement de cette somme auprès de la SNCF, pour manquement à son obligation de sécurité.
La SNCF ayant opposé un refus à la demande, le FGTI l'a assignée par acte du 12 octobre 2011.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 avril 2014, auxquelles il est expressément référé, le FGTI demande au tribunal, au visa des articles 706-11 du code de procédure pénale et 1147 du code civil, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :
- retenir la responsabilité de la SNCF, constater que le FGTI a versé à Madame [I] une indemnité de 13.758,40 euros en réparation des dommages,
- en conséquence, la condamner à lui rembourser cette somme, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- la condamner à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 mars 2014, auxquelles il est expressément référé, la SNCF demande au tribunal de :
- dire irrecevable le FGTI, en son action,
- le dire dépourvu de qualité à agir,
- dire que l'imprévisibilité et la soudaineté (irrésistibilité) de l'agression dont a été victime Madame [I] l'exonèrent de toute responsabilité,
- le condamner à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal de grande instance a statué ainsi :
Déclare le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et Autres Infractions irrecevable en son action ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civil ;
Le jugement est ainsi motivé :
Le dommage qui a donné lieu à réparation par le FGTI n'a donc pas été causé par l'auteur de l'infraction pénale qui d'ailleurs a été condamné pour vol et non pour agression sur la personne de Madame [I]. Le dommage n'a pas été causé par l'infraction au sens de l'article 706 - 11 du code de procédure pénale précité.
En effet, seule l'infraction pénale peut ouvrir le droit à indemnisation de la victime par la CIVl et fonder le recours subrogatoire du Fonds de garantie de sorte que l'action engagée en l'espèce par ce dernier à l'encontre de la SNCF ne peut être déclarée recevable dès lors le dommage n'est pas causé par l'infraction pénale ayant donné lieu à condamnation.
Le Fonds de Garantie ne peut, en conséquence, pour cette seule raison qu'être déclaré irrecevable en son action dirigée à l'encontre de la SNCF.
Le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'autres Infractions a interjeté appel de ce jugement.
Il conclut à la réformation du jugement et à la condamnation de la Société nationale des chemins de fer français à lui payer 13 758,40 euros avec intérêts de droit à compter de l'assignation outre 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il fait valoir le droit de subrogation légale dont il bénéficie et estime que la décision d'homologation en vertu de laquelle il a indemnisé la victime revêt une autorité de chose jugée, le préjudice résultant bien du vol au surplus.
Il invoque l'obligation de sécurité incombant à la Société nationale des chemins de fer français, l'existence d'un titre de transport et l'absence de force majeure.
La Société nationale des chemins de fer français conclut à la confirmation du jugement.
Elle estime que le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'autres Infractions est irrecevable dans son action dans la mesure où celui-ci ne peut demander réparation que du dommage résultant de l'infraction qu'il a indemnisé alors qu'elle-même n'a pas participé à l'infraction ayant causé ce dommage et n'en est pas civilement responsable.
Elle ajoute que le dommage subi par Mme [M] [I] n'a pas été causé par l'infraction de vol alors qu'elle est tombée en poursuivant le voleur et que'elle n'a pas été victime d'une infraction de violence.
Subsidiairement, elle invoque la force majeure.
Par ordonnance rendue le 5 mars 2015, le conseiller de la mise en état a clôturé l'instruction de l'affaire.
SUR QUOI
Après avoir indemnisé la victime, le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'autres Infractions se trouve subrogé dans ses droits.
Cette subrogation est acquise par le seul paiement en application d'une transaction homologuée par le président de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions sans qu'il y ait lieu à rechercher si le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'autres Infractions devait bien cette somme en vertu de règles qui lui sont propres, ni si la décision d'homologation a autorité de chose jugée envers le débiteur recherché.
Il faut donc déterminer si Mme [M] [I] avait le droit d'être indemnisée par la Société nationale des chemins de fer français.
Il est constant que la Société nationale des chemins de fer français n'est ni l'auteur ni la civilement responsable de l'auteur. La demande est fondée sur l'obligation de sécurité résultant du contrat de transport.
Le principe de cette obligation n'est pas contesté.
La chute que Mme [M] [I] a subie alors qu'elle poursuivait le voleur de son sac à main est couvert par l'obligation de sécurité que la Société nationale des chemins de fer français lui devait.
Pour s'exonérer de cette obligation en l'espèce, la Société nationale des chemins de fer français fait valoir, étant rappelé que l'auteur du vol est M. [D] [Q] :
Dans son assignation, Madame [I] rappelle qu'elle se trouvait dans le train lorsque Monsieur [Q] lui a demandé de l'argent.
Madame [I], entendue le 12 octobre 2004, a déclaré :
« Ce matin, je me trouvais dans le train en direction de [Localité 4], en gare d'[Localité 3]. Je corrigeais mes copies et je téléphonais, et un individu s'est approché de moi en me demandant de l'argent».
Madame [I] ajoute :
« J'ai refusé ... J'ai discuté avec la personne qui est chargée de l'entretien du train ... Il m'a dit de me méfier et qu'il allait l'évincer des Première Classe ».
Madame [I] précise alors :
« Soudainement, j'ai entendu les portes de la voiture s'ouvrir et l'individu a saisi mon sac ... ».
Madame [I] rapporte ainsi elle-même la preuve :
de la présence du personnel SNCF dans le train de la soudaineté du vol dont elle a été victime.
De même, Monsieur [Q], entendu, a déclaré :
« Je me trouvais en Première Classe et j'ai été viré par un agent de la SNCF».
« Quand je suis repassé devant le compartiment où se trouvait cette dame, j'ai vu son sac à main à côté d'elle, j'ai ouvert les portes, j'ai pris le sac ... ».
Il est invraisemblable de soutenir, comme tente de le faire le FONDS DE GARANTIE, que la SNCF n'aurait pris aucune mesure, notamment en interdisant l'accès au train et au quai des personnes pratiquant la mendicité.
Rien, des pièces versées aux débats par le FONDS, ne permet d'établir que Monsieur [Q] avait pratiqué la mendicité auparavant alors qu'il se trouvait, par exemple, dans les enceintes de la gare.
Il résulte de ces écritures que la présence de M. [D] [Q] avait été indiquée à un agent de la Société nationale des chemins de fer français et qu'il était signalé comme une personne dont il fallait se méfier notamment après qu'il avait pratiqué la mendicité dans le train.
La perspective d'un vol entrait dans des prévisions raisonnables et sa seule éviction des premières classes n'était pas de nature à l'empêcher.
La Société nationale des chemins de fer français étant tenu d'une obligation de sécurité, il n'y a pas à caractériser une faute à son encontre ; il suffit de constater que, en l'espèce, elle ne justifie pas d'une cause l'exonérant de responsabilité contractuelle.
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 24 juin 2014,
Condamne la Société nationale des chemins de fer français à payer au Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'autres Infractions la somme de 13 758,40 euros avec intérêts de droit à compter de l'assignation outre 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
La condamne aux dépens dit que conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile les avocats postulants qui l'ont demandé pourront recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance.
La Greffière, Le Président,