RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 04 Juin 2015
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09883
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Juillet 2011 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section Encadrement RG n° 09/07542
APPELANT
Monsieur [O] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 4]
comparant en personne, assisté de Me Sophie CARTEROT, avocat au barreau de MEAUX
INTIMEES
Me [X] [S] - Mandataire liquidateur de SARL JACQUES FRITEAU
[Adresse 2]
CS 75005
[Localité 3]
représenté par Me Elisa FREDJ, avocat au barreau de NANTERRE
AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Olivia ROGER-VASSELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : T10
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Avril 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Patrice LABEY, Président de chambre
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller
Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Claudia DUPENT, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Madame Wafa SAHRAOUI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société JACQUES FRITEAU est une Société A Responsabilité Limitée (SARL), fondée
en 1990 par Monsieur [L] [V].
Elle avait pour activité les travaux de menuiserie métallique et de serrurerie.
Monsieur [O] [Y] en est devenu associé majoritaire et gérant a priori lors du décès de Monsieur [V], au mois d'avril 2001, détenant en 2003 1880 parts sur 2180.
Après augmentation du nombre de parts sociales à hauteur de 2 400, et lors d'une assemblée
générale en date du 3 novembre 2003, Monsieur [O] [Y] cédait à sa fille, Mademoiselle [Y] [U], 300 parts.
Celui-ci demeurait gérant majoritaire, le troisième associé au sein de cette société étant
Monsieur [T], détenant à cette époque 300 parts.
Le 18 avril 2007, Monsieur [O] [Y] était toujours gérant majoritaire de la société, à hauteur de 1 880 parts sur 2 400, signataire d'un acte en cette qualité .
Par acte sous seing privé daté du même jour, Monsieur [O] [Y] cédait ses 1 880 parts à Monsieur [T] et à son épouse.
Aux termes de ce deuxième acte, Monsieur [O] [Y] intervenait également en sa qualité de gérant de la société.
Cet acte de cession était enregistré le 27 avril 2007 auprès des services fiscaux.
Avant cette cession, le 2 avril 2007, un contrat de travail à durée indéterminée a été
conclu entre la SARL JACQUES FRITEAU et Monsieur [O] [Y] aux termes duquel celui-ci devait occuper le poste de Directeur Technique pour un salaire brut mensuel de 3.870 €, rémunération portée à 6500 euros mensuels d'avril à septembre 2008.
Une période d'essai de trois mois était convenue.
Par jugement du 15 décembre 2008, le Tribunal de commerce de Paris a ouvert une
procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Jacques FRITEAU et Maître
[X] a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.
Monsieur [Y] a été licencié pour motif économique par lettre du 29 décembre 2008
rédigée comme suit:
"Monsieur,
Par jugement en date du 15/12/2008, le Tribunal de Commerce de Paris a prononcé la
liquidation judiciaire de la SARL Jacques FRITEAU ayant pour activité le fonds de
fabrication et de montage de toutes structures ou constructions métalliques, dont le siège
social est à [Localité 5] ...
Ce même jugement emporte de plein droit la cessation immédiate de toute activité ,
suppression de tous les postes, de travail et de tous les emplois dont le vôtre, fermeture de
l'entreprise et licenciement collectif de la totalité du personnel.
Dans ces conditions, après vous avoir régulièrement reçu en entretien préalable, nous
sommes contraints de vous notifier, par la présente votre licenciement pour cause
économique sous réserve de la réalité de l'existence d'un contrat de travail et du lien de
subordination devant le caractériser, aucune solution de reclassement n'ayant pu être
trouvée en raison de la fermeture de l'entreprise ...'.
Contestant son licenciement, Monsieur [O] [Y] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris le 04 juin 2009 des chefs de demandes suivants:
- Rappel de salaires pour le mois de décembre 2008 : 6 283,33 €;
- Solde des congés payés : 6 603,07 €;
- Indemnité compensatrice de préavis (janvier, février et mars 2009) : 19 500,00 €;
- Congés payés afférents : 1 950,00 €;
- Remise de bulletin(s) de paie conformes (décembre 2008, congés payés correspondants,
solde de congés payés, indemnité compensatrice de préavis et. de congés payés
correspondants);
- Remise d'un certificat de travail ;
- Remise de l'attestation d'employeur destinée au Pôle Emploi ;
- Remise du solde de tout compte sous astreinte de 50 € par jour de retard, à compter des 10 jours de la notification de la décision;
- Exécution provisoire ;
- Article 700 du Code de Procédure Civile condamnation de Me [X], es-qualité
2 000,00 € ;
- Déclarer le jugement à intervenir opposable aux AGS CGEA Ile de France .
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Monsieur [O] [Y] du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris le 21 juillet 2011, statuant en départage, qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné aux dépens.
Vu les conclusions en date du 09 avril 2015, au soutien de ses observations orales, par lesquelles Monsieur [O] [Y] demande à la cour de :
- Déclarer Monsieur [Y] recevable et bien fondé en son appel;
- Infirmer la décision de première instance et statuer à nouveau;
- Fixer la créance de Monsieur [Y] au passif privilégié de la société [L] [V] aux sommes suivantes :
' 6.283,33 € bruts au titre de rappel de salaire pour le mois de décembre 2008,
' 6.603,07 € bruts au titre du solde des congés payés,
' 19.500,00 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis (janvier, février et mars
' 1.950,00 € bruts à titre de congés payés afférents au préavis.
- Condamner Maître [X], es qualité, sous astreinte de 50 € par jour de retard
commençant à courir dans les 10 jours de la notification de la décision à intervenir, à remettre à Monsieur [Y] :
* La remise des bulletins de salaire afférents aux demandes de rappel de salaire
(décembre 2008 et congés payés correspondants, solde de congés payés, indemnité
compensatrice de préavis et congés payés correspondants),
* La remise du certificat de travail, du solde pour reçu de tout compte ainsi que de l'attestation ASSEDIC;
- Déclarer le jugement à intervenir opposable à l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST.
Vu les conclusions en date du 09 avril 2015, au soutien de ses observations orales, par lesquelles le mandataire liquidateur de la SARL Jacques FRITEAU demande à la cour de:
- Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions;
- Dire et juger recevable et bien-fondé Maître [X] es qualité de mandataire liquidateur de la société FRITEAU en ses demandes;
En conséquence,
- Débouter Monsieur [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner Monsieur. [O] [Y] à rembourser la somme de 66 849,29 euros ; . ..
- Condamner Monsieur [Y] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions en date du 09 avril 2015, au soutien de ses observations orales, par lesquelles l' AGS CGEA IDF OUEST demande à la cour de :
- Débouter Monsieur [Y] de l'intégralité de ses demandes;
- Dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les
limites de la garantie légale;
- Dire et juger qu'en application de l'article L3253-8 4° et lorsque le Tribunal de
Commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société débitrice, sa garantie ne
couvre les créances de nature salariales éventuellement dues au titre de l'article L. 622-17 du code de commerce, que dans la limite d'un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail, soit en l'espèce la somme de 5 805 euros à compter du 15 décembre 2008;
- Dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article
L.3253-8 du Code du Travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens du dit article L.3253-8 du Code du Travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en oeuvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie;
- Statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la
charge de l'UNEDIC AGS.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la contestation de la qualité de salarié de Monsieur [O] [Y] :
Considérant que sous réserve de remplir les conditions générales du cumul, un gérant peut valablement diriger une SARL et y exercer des fonctions salariées;
Que, cependant, le cumul d'un contrat de travail et d'un mandat social n'est valable que si l'associé est minoritaire ou égalitaire; Qu'en outre, le cumul d'un contrat de travail et d'un mandat social implique que le contrat de travail corresponde à un emploi réel, exercé au sein de la société, et que cet emploi réponde aux conditions du salariat, c'est-à-dire qu'il existe un lien de subordination;
Que le lien de subordination se caractérise, par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des directives et d'en contrôler son exécution;
Qu'il appartient à Monsieur [O] [Y] qui invoque l'existence d'un contrat de travail d'en apporter la preuve;
Considérant, en l'espèce, que le document écrit qualifié de contrat de travail ne comporte aucune signature d'un dirigeant de la société autre de Monsieur [O] [Y] ;Qu'en outre, l'effectivité du contrat n'est établie par aucun document de travail ; que Monsieur [O] [Y] ne justifie d'aucune activité effective pour le compte de la société ou encore un élément qui permettrait d'établir l'existence d'un lien de subordination avec du autre associé;
Qu'au regard de l'activité reprise au contrat de travail - directeur technique et commercial - poste qui n'existait pas avant qu'il soit confié à l'appelant, celle ci se confond nécessairement avec l'activité de gérance;
Qu'il ressort de compte de coordination de chantier du dernier trimestre 2007 que Monsieur [O] [Y] y figure en qualité de représentant de la société;
Qu'il est ainsi établi que la dimension de la société ne justifie pas une organisation qui
permette une différenciation des fonctions;
Qu'en outre, Monsieur [O] [Y] n'établit pas l'existence d'un lien de subordination avec la société;
Qu'en conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [O] [Y] de l'ensemble de ses demandes prétendument liées à l'exécution d'un contrat de travail fictif;
Sur la demande de remboursement des salaires versés à Monsieur [O] [Y] :
Considérant que le mandataire liquidateur de la SARL Jacques FRITEAU n'établit pas la réalité des sommes qui auraient été versées à l'appelant à titre de salaire;
Que le mandataire liquidateur de la SARL [L] [V] sera débouté de cette demande de condamnation présentée pour la première fois en cause d'appel;
Sur les autres demandes :
Considérant qu'en raison de la confirmation du débouté des demandes de Monsieur [O] [Y] , l'appel en garantie de l'AGS CGEA est sans objet;
Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles;
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable l'appel interjeté par Monsieur [O] [Y] ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes;
Condamne Monsieur [O] [Y] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
W. SAHRAOUI P. LABEY