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03/06/2015 | FRANCE | N°13/08638

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 03 juin 2015, 13/08638


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 03 Juin 2015



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/08638



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 06 août 2013 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 11/15522









APPELANTE

CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE [Localité 1] - REGION ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[A

dresse 1]

représentée par Me Antoine GENTY, avocat au barreau de PARIS, P0182







INTIMEE

Madame [D] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 2]

comparante en...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 03 Juin 2015

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/08638

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 06 août 2013 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 11/15522

APPELANTE

CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE [Localité 1] - REGION ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Antoine GENTY, avocat au barreau de PARIS, P0182

INTIMEE

Madame [D] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Christophe FERREIRA SANTOS, avocat au barreau de PARIS, B0575

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 avril 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Aline BATOZ, vice présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 02 septembre 2014

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Marion AUGER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 6 août 2013':

' s'étant déclaré compétent

' ayant condamné la Chambre de commerce et d'industrie de [Localité 1] région Ile-de-France à payer à Mme [D] [Y] les sommes de':

' 5'333,82 € de solde d'indemnité légale de licenciement

' 135'938,30 € d'indemnité pour «perte de revenus»

' 60'732,45 € d'indemnité pour «perte de pension retraite» de la Sécurité Sociale

' 25'987,21 € d'indemnité pour «retraite complémentaire»

' 4'011,31 € d'indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée

' 700 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

avec intérêts au taux légal

' ayant débouté Mme [D] [Y] de ses autres demandes

' ayant ordonné la remise à Mme [D] [Y] d'un certificat de travail et des bulletins de paie conformes

' ayant condamné la Chambre de commerce et d'industrie de [Localité 1] région Ile-de-France aux dépens';

Vu la déclaration d'appel de la Chambre de commerce de [Localité 1] région Ile-de-France reçue au greffe de la cour le 19 septembre 2013';

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 8 avril 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la Chambre de commerce et d'industrie de [Localité 1] région Ile-de-France qui demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de se déclarer incompétent «au profit du Tribunal administratif de [Localité 1]», subsidiairement, sur le fond, de débouter Mme [D] [Y] de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui régler la somme de 3'000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile';

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 8 avril 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de Mme [D] [Y] qui demande à la cour de':

' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré compétent et en ses dispositions au titre de la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée

' l'infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau, condamner la Chambre de commerce et d'industrie de [Localité 1] région Ile-de-France à lui payer les sommes suivantes':

' 10'682,23 € de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement (article 19 de la convention collective nationale SYNTEC) - et subsidiairement 5'333,82 € de solde d'indemnité légale

' 272'657,96 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul (135'938,30 € pour perte de revenus + 60'732,45 € de «manque à gagner» / pension de retraite Sécurité Sociale + 25'987,21 € de «manque à gagner» / pension de retraite complémentaire + 50'000 € pour préjudice moral en raison du motif discriminatoire et des circonstances vexatoires de la rupture).

MOTIFS

Mme [D] [Y] a été initialement contactée par la Chambre de commerce et d'industrie de [Localité 1] aux termes d'un courrier du 8 octobre 1993 afin d'exécuter en tant que travailleur indépendant non salarié, les bilans de compétence pour le compte du bureau pour l'information et l'orientation professionnelle (BIOP) qui dépend de ses services.

L'objet du BIOP est de développer l'activité commerciale et de prospection de la Chambre de commerce et d'industrie de [Localité 1] dans le but de faire connaître aux particuliers ainsi qu'aux entreprises privées l'ensemble des formations professionnelles qualifiantes dispensées en son sein.

En échange de sa collaboration, Mme [D] [Y] était rémunérée à la vacation selon des montants variables.

A compter du 20 août 1998, l'appelante la recrutait comme salariée à temps plein en qualité d'assistante de recherche documentaire contractuelle au BIOP en application de l'article 49-1 du statut du personnel des compagnies consulaires pour remplacer une collaboratrice absente jusqu'au 31 décembre au plus tard, moyennant une rémunération de 15'210,80 francs bruts mensuels.

Mme [D] [Y] verra ses fonctions reconduites successivement jusque dans le courant de l'année 2011 avant que l'appelante ne lui notifie par un courrier du 20 mars sa mise à la retraite d'office prenant effet le 1er juillet au motif qu'elle aura atteint l'âge de 65 ans le 26 juin 2011. Une allocation de fin de carrière de 10'600 € bruts lui a été versée à la date du 1er août suivant, bien qu'en fait elle ait continué de travailler pour le compte de la Chambre de commerce et d'industrie de [Localité 1] jusqu'au 31 décembre 2011 au vu du dernier bulletin de paie qu'elle produit aux débats .

Sur la compétence

Contrairement à ce que prétend l'appelante et comme le soutient à bon droit Mme [D] [Y], il ressort que la Chambre de commerce et d'industrie de [Localité 1] région Ile-de-France est un établissement public ayant au travers du BIOP une activité purement industrielle et commerciale qui n'implique aucune participation directe aux missions dévolues à un service public administratif, activité non rattachable comme telle à un service public de l'enseignement dès lors que ses interventions en matière d'information et d'orientation professionnelles (bilans de compétence et entrepreneurial, aide et conseil en ressources humaines, ingénierie et conseil en outplacement) sont destinées tant aux particuliers qu'aux entreprises du secteur privé qui lui rémunèrent ses services comme tout prestataire après facturation.

Cette activité d'information et d'orientation dans le domaine professionnel s'apparente à une activité d'enseignement destinée à des clients du secteur privé, avec des ressources provenant des rémunérations reçues de ceux-ci en contrepartie des prestations fournies, et des modalités de fonctionnement comparables à celles d'un centre de formation continue de droit privé, tous critères d'un service particulier revêtant un caractère industriel et commercial.

Il en résulte que le litige opposant Mme [D] [Y] à la Chambre de commerce et d'industrie de [Localité 1] région Ile-de-France est soumis aux règles de droit privé issues du code du travail ressortissant de la compétence exclusive des juridictions prud'homales de l'ordre judiciaire et non des juridictions administratives.

La décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a retenu sa compétence d'attribution.

Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée'

La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle y a fait droit pour violation des dispositions des articles L.1242-2 sur l'indication précise des motifs de recours et L.1242-12 du code du travail en matière de formalisme propre à ce type d'engagement, requalification prenant effet au 1er août 1995 marquant le début des relations contractuelles, ce qui n'est pas contesté par l'employeur.

Elle le sera tout autant en ce qu'elle a condamné l'appelante à payer à Mme [D] [Y] la somme de 4'011,33 € à titre d'indemnité de requalification sur le fondement de l'article L.1245-2 du code du travail, indemnité pas davantage discutée dans son quantum par la partie adverse, avec intérêts au taux légal partant du 18 novembre 2011, date de réception par l'employeur de la convocation en bureau de conciliation.

Sur la mise à la retraite

L'employeur est en droit en application de l'article L.1237-5 du code du travail, et sans avoir à motiver spécialement sa décision, de mettre à la retraite un salarié dès lors que celui-ci remplit les conditions d'ouverture du droit à une pension de vieillesse à taux plein.

Il est admis que la mise à la retraite d'un salarié, alors que les conditions légales ne sont pas remplies, constitue un licenciement en application de l'article L.1237-8, licenciement devant être jugé nul.

Mme [D] [Y] justifie - sa pièce 32 - ne pas avoir cotisé un nombre suffisant de trimestres pour pouvoir percevoir à ses 65 ans, à compter du 26 juin 2011, une pension de retraite à taux plein, ce qui a pour conséquence que sa mise à la retraite d'office sur décision de l'appelante s'analyse en un licenciement sanctionné par la nullité.

Le jugement critiqué sera ainsi confirmé en ce qu'il a dit que la mise à la retraite de Mme [D] [Y] pour prendre effet au 1er juillet 2011 constitue un licenciement au visa des dispositions de l'article L.1237-8 du code du travail, que ce licenciement est «illicite» puisque contrevenant à l'article L.1132-1 sur la discrimination prohibée liée à l'âge, et qu'elle a droit à la réparation de son préjudice en résultant.

Le salarié dont le licenciement est nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, d'une part, aux indemnités de rupture et, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité de son préjudice consécutif au caractère illicite du licenciement d'un montant au moins égal à six mois de salaires.

La décision querellée sera confirmée en ce qu'elle a condamné l'appelante, qui n'apporte aucune contradiction même à titre subsidiaire, à payer à Mme [D] [Y] la somme à ce titre de 222'657,96 € réparant son entier préjudice financier (perte de revenus, pertes sur ses pensions de retraite de Sécurité Sociale et de retraite complémentaire) comme elle en justifie outre celle de 5'333,82 € de solde d'indemnité légale de licenciement (15'933,82 € - 10'600 € d'indemnité de fin de carrière déjà perçue) seule applicable, avec intérêts au taux légal partant de son prononcé

La cour l'infirmera en ce qu'elle a débouté Mme [D] [Y] de sa demande indemnitaire spécifique pour préjudice moral consécutif au motif discriminatoire de la rupture de son contrat de travail intervenue dans des circonstances particulièrement vexatoires, de sorte qu'il lui sera alloué la somme à ce titre de 10'000 € majorée des intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

Sur la capitalisation des intérêts et la délivrance de documents sociaux

Il sera ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal sur les sommes allouées à Mme [D] [Y] dans les conditions de l'article 1154 du code civil, ainsi que la remise entre ses mains des documents sociaux conformes (certificat de travail, reçu pour solde de tout compte, bulletin de paie récapitulatif) sans le prononcé d'une astreinte.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'appelante sera condamnée en équité à régler à Mme [D] [Y] la somme de 3'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ses dispositions sur la demande indemnitaire pour préjudice moral';

Statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNE la Chambre de commerce et d'industrie de [Localité 1] région Ile-de-France à payer à Mme [D] [Y] la somme de 10'000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral consécutif au motif discriminatoire de la rupture de son contrat de travail intervenue dans des circonstances vexatoires, avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt';

Y ajoutant,

ORDONNE la capitalisation des intérêts au taux légal sur les sommes allouées à Mme [D] [Y] dans les conditions de l'article 1154 du code civil;

ORDONNE la remise à Mme [D] [Y] d'un certificat de travail, d'un reçu pour solde de tout compte ainsi que d'un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt;

CONDAMNE la Chambre de commerce et d'industrie de [Localité 1] région Ile-de-France à payer à Mme [D] [Y] la somme de 3'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la Chambre de commerce et d'industrie de [Localité 1] région Ile-de-France aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 13/08638
Date de la décision : 03/06/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°13/08638 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-03;13.08638 ?
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