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02/06/2015 | FRANCE | N°13/14490

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 02 juin 2015, 13/14490


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRÊT DU 02 JUIN 2015



(n° 297 , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/14490



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mars 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/16482



APPELANTE



Mademoiselle [Q] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Céline

ASTOLFE de l'Association LOMBARD, BARATELLI & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : E0183

Ayant pour avocat plaidant Me Raphaël MAYET, avocat au barreau d'YVELINES, toque: 393





INTIMEE



Orga...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRÊT DU 02 JUIN 2015

(n° 297 , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/14490

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mars 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/16482

APPELANTE

Mademoiselle [Q] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Céline ASTOLFE de l'Association LOMBARD, BARATELLI & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : E0183

Ayant pour avocat plaidant Me Raphaël MAYET, avocat au barreau d'YVELINES, toque: 393

INTIMEE

Organisme AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT pris en la personne de son représentant légal y domicilié

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sandrine BOURDAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0709

Ayant pour avocat plaidant Me LOISON Aurélie, avocat au barreau de PARIS, toque: G709

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Avril 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jacques BICHARD, Président de chambre

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère (rapporteur)

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Elodie PEREIRA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Elodie PEREIRA, greffier.

Le 3 janvier 2001, Madame [Q] [B] a créé une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée [B] dont l'objet était l'acquisition et la vente de pneus neufs et d'occasion ainsi que celles d'équipements automobiles.

Le 21 octobre 2002, le tribunal de commerce de Bobigny a décidé, à la demande de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, l'URSSAF, l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la personne morale précitée. Saisie par appel interjeté par la société [B], la Cour d'appel de Paris a confirmé par arrêt du 28 janvier 2003, le jugement de ce tribunal.

Le 5 mai 2003, le tribunal de commerce de Bobigny, considérant que l'activité de cette société était fictive comme exploitée par les sociétés gérées par le frère de Madame [B], M [M] [B], a prononcé la liquidation judiciaire de l'EURL [B]. Celle-ci a fait appel de la décision.

La Cour d'appel de Paris, par arrêt du 16 décembre 2003 a déclaré la personne morale précitée irrecevable jugeant que ' si le débiteur est recevable, en vertu d'un droit propre qu'il tient de l'article L 623-1 du code de commerce, à former un pourvoi en cassation ou un appel contre une décision qui prononce sa liquidation judiciaire, il ne peut s'agissant d'une personne morale dissoute dont le dirigeant est privé de ses pouvoirs de représentation, exercer ce droit que par l'intermédiaire de son liquidateur amiable ou d'un mandataire ad hoc' .

Madame [B] a saisi la Cour européenne des droits de l'homme en application de l'article 34 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au motif que la décision d'irrecevabilité de l'appel l'avait privée de son droit d'accès au tribunal. La Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par arrêt en date du 8 mars 2007, a dit qu'il y avait eu violation de l'article 6§1 de la convention et a condamné l'Etat à verser une somme de 3.000 euros à la requérante en réparation de son préjudice.

Madame [B] a fait assigner l'agent judiciaire de l'Etat en responsabilité et indemnisation devant le tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 20 mars 2013, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Madame [B], appelante, par conclusions du 28 juillet 2014, demande à la cour d'infirmer la décision entreprise, de condamner l'agent judiciaire de l'Etat à lui verser la somme de 4.518.676 euros en réparation de son préjudice matériel du fait de la perte de l'EURL [B] et celle de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'agent judiciaire de l'Etat, par conclusions déposées le 3 mars 2015, sollicite la confirmation du jugement, à titre subsidiaire la fixation des dommages intérêts à de plus justes proportions et la condamnation de l'appelante à lui verser la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le Ministère Public a conclu le 19 septembre 2014 à la confirmation du jugement entrepris.

SUR CE, LA COUR

Considérant que Madame [B] reproche à la Cour d'appel d'avoir manqué à son obligation de respecter la hiérarchie des normes juridiques en ne faisant pas application des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'avoir privée de son droit d'accès à un tribunal et en déduit que la responsabilité de l'Etat est engagée sur le fondement de l'article L 141-1 du Code de l'organisation judiciaire ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 141-1 du Code de l'organisation judiciaire ' l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou un déni de justice.' ;

Considérant que constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ;

Considérant que le déni de justice s'entend, non seulement comme le refus de répondre aux requêtes ou le fait de négliger les affaires en état de l'être, mais aussi, plus largement, tout manquement de l'Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l'individu qui comprend le droit pour tout justiciable de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable ;

Considérant que l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ne peut être appréciée que dans la mesure où l'exercice des voies de recours n'a pas permis de réparer le mauvais fonctionnement allégué ;

Considérant qu'il peut être relevé que Madame [B] qui n'a pas formé de pourvoi en cassation contre la décision de la Cour d'appel estimant que celui-ci aurait été nécessairement rejeté compte tenu de la législation applicable à l'espèce, a exercé un recours devant la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui a abouti à la reconnaissance de ses droits et à une indemnisation à hauteur de 3.000 euros en réparation de son préjudice moral ; qu'il s'ensuit que l'exercice de ce recours lui a permis d'obtenir une indemnisation du mauvais fonctionnement allégué;

Considérant par ailleurs que la décision rendue par la Cour d'appel déclarant Madame [B] irrecevable en son recours ne caractérise pas le refus de répondre à une requête ou une absence de jugement de l'affaire mais constitue uniquement l'application par les juges d'une règle de procédure édictée par un texte dont l'objet est d'assurer une bonne administration de la justice ; que dès lors, aucun déni de justice ne peut être imputé au service de la justice ;

Considérant qu'enfin, il convient d'examiner la demande de Mme [B] au regard de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme qui a fait application de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et non comme l'a fait le tribunal en motivant son jugement au regard d'une violation du droit communautaire commise par la Cour d'appel ;

Considérant qu'en tout état de cause, la décision d'irrecevabilité de l'appel interjeté par Madame [B] contre le jugement de liquidation de sa société était conforme aux textes législatifs en vigueur soit la loi N°85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises et à l'article 1844-7 7° du code civil relatif aux causes d'extinction d'une société ainsi qu'à une jurisprudence constante depuis un arrêt de la Cour de cassation du 16 mars 1999 qui énonçait que ' mais attendu que si le débiteur est recevable en vertu du droit propre qu'il tient de l'article 171-1 de la loi du 25 janvier 1985, à former un pourvoi en cassation contre l'arrêt qui a prononcé sa liquidation judiciaire, il ne peut, s'agissant d'une personne morale dissoute en application de l'article 1844-7-7° du code civil et dont le dirigeant fut-il son administrateur provisoire antérieurement désigné, est privé de ses pouvoirs à compter de la liquidation judiciaire, exercer ce droit que par l'intermédiaire de son liquidateur amiable ou mandataire ad hoc';

Considérant qu'il résulte de ces constatations que ce n'est pas la décision de justice qui est à l'origine du préjudice subi par Madame [B] mais la disposition législative appliquée par la Cour d'appel ;

Considérant que cela est démontré par le fait que le texte a été modifié par la loi 26 juillet 2005 qui a inséré un nouvel article L641-9 dans le code de commerce permettant aux dirigeants d'exercer certains droits propres du débiteur sans recourir à la désignation d'un mandataire ad hoc pour représenter la société, les dirigeants se voyant reconnaître le droit d'exercer un recours par eux-mêmes ;

Considérant qu'il convient de noter que la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a condamné l'Etat après avoir procédé à une appréciation in concreto de la difficulté que pouvaient rencontrer les dirigeants de société à faire nommer dans le délai d'appel un administrateur ad hoc pour représenter la société et a alors conclu à la non-conformité de la loi française au regard du recours effectif à un tribunal ; qu'une telle appréciation ne pouvait être présumée par les juridictions françaises antérieurement alors que le recours était bien prévu par la loi même s'il était difficile à exercer ;

Considérant qu'il y a lieu de relever, au demeurant, que Madame [B] n'a jamais évoqué devant les juridictions françaises l'inconventionnalité du texte ce qui aurait pu les amener à statuer différemment ;

Considérant qu'il ne peut, dès lors, être reproché au service de la justice un dysfonctionnement entraînant la recherche de sa responsabilité pour faute lourde ;

Considérant en conséquence, que le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit aux demandes de Madame [B] ;

Considérant que l'équité commande de faire droit à la demande de l'agent judiciaire de l'Etat présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'appelante à lui verser la somme visée de ce chef au dispositif de la présente décision ;

Considérant que Madame [B], succombant, ne saurait prétendre à l'octroi de frais irrépétibles et doit supporter les entiers dépens de l'instance ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Condamne Madame [B] à payer à l'agent judiciaire de l'Etat la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de Madame [B] présentée au titre des frais irrépétibles ;

Condamne Madame [B] aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés par Maître BOURDAIS, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 13/14490
Date de la décision : 02/06/2015

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°13/14490 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-02;13.14490 ?
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