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27/05/2015 | FRANCE | N°13/10192

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 27 mai 2015, 13/10192


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 2



ARRÊT DU 27 MAI 2015



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/10192



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Décembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 11/01915





APPELANTE



AXA FRANCE IARD, SIRET 722 057 460 01971, ès qualités d'assureur de la société SACEB, ayan

t son siège social

[Adresse 2]

[Localité 1]



représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assistée de Me Stella BEN ZENOU, ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRÊT DU 27 MAI 2015

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/10192

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Décembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 11/01915

APPELANTE

AXA FRANCE IARD, SIRET 722 057 460 01971, ès qualités d'assureur de la société SACEB, ayant son siège social

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assistée de Me Stella BEN ZENOU, avocat au barreau de PARIS, toque : G0207

INTIMES

Monsieur [V] [K], né le [Date naissance 2]1963 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Madame [U] [Q] épouse [K], née le [Date naissance 1]1969 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentés et assistés par Me Alain CROS, avocat au barreau du VAL DE MARNE, toque: PC 182

SCI JUGATH, SIRET 443 859 566 00012, ayant son siège social

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

assistée de la SCP FORESTIER & HINFRAY, avocats au barreau de PARIS, toque : P0255

SARL D'AMENAGEMENT CONSTRUCTION EN BATIMENT, prise en la personne de son liquidateur Me [S] [J],

[Adresse 4]

[Localité 2]

régulièrement assignée à personne morale, n'ayant pas constitué avocat

PARTIE INTERVENANTE

Maître [S] [J] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SOCIETE D'AMÉNAGEMENT CONSTRUCTION EN BATIMENT

[Adresse 4]

[Localité 2]

régulièrement assigné à personne morale, n'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Mars 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dominique DOS REIS, Président de chambre

Madame Denise JAFFUEL, Conseiller

Madame Claudine ROYER, Conseiller, chargée du rapport

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON

ARRÊT :

- de défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique DOS REIS, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier présent lors du prononcé.

***

Monsieur et Madame [V] et [U] [K] sont propriétaires d'un pavillon sis [Adresse 1].

La SCI JUGATH, propriétaire d'un terrain sis [Adresse 3], situé en amont de la maison des époux [K], a confié la réalisation de divers travaux d'aménagement et d'agrandissement de l'immeuble situé sur son terrain à la SOCIÉTÉ D'AMÉNAGEMENT CONSTRUCTION EN BÂTIMENT (SACEB), assurée par la société AXA ASSURANCES IARD devenue AXA FRANCE.

Les époux [K] ayant subi des désordres dans leur pavillon à la suite de ces travaux, notamment des infiltrations localisées sur le mur de leur salon ainsi que des nuisances olfactives, ceux-ci ont assigné la SCI JUGATH devant le juge des référés de Créteil afin d'obtenir la désignation d'un expert. Par ordonnance du 30 avril 2009, M. [H] [N] a été désigné en qualité d'expert.

Les opérations d'expertise ont été étendues à la SACEB, et à son assureur (RCP et responsabilité décennale), la société AXA FRANCE.

L'expert a déposé son rapport le 7 juillet 2010. Ce rapport constatait que les désordres allégués par les époux [K] provenaient du mauvais fonctionnement d'une fosse septique utilisée par les habitants de l'immeuble du [Adresse 3], celle-ci n'étant pas raccordée au réseau collectif d'assainissement.

La société SACEB ayant été placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 8 décembre 2010, la SCI JUGATH, propriétaire de l'immeuble du [Adresse 3] a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur le 25 février 2011.

Au vu du rapport de l'expert, les époux [K] ont fait assigner la SCI JUGATH par acte d'huissier du 1er février 2011, en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices.

Par acte du 24 mars 2011, la SCI JUGATH a assigné en garantie la société SACEB, représentée par son liquidateur, Maître [J], ainsi que la société AXA FRANCE, assureur de la SACEB.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 10 mai 2011.

Par jugement du 18 décembre 2012, le Tribunal de grande instance de Créteil a :

- condamné la SCI JUGATH à payer à Monsieur [V] [K] et Madame [U] [Q] épouse [K] la somme de 17.799,05 euros au titre de l'indemnisation du préjudice matériel,

- dit n'y avoir lieu d'actualiser ladite somme par application d'un coefficient d'indexation,

- condamné la SCI JUGATH à payer à Monsieur [V] [K] et Madame [U] [Q] épouse [K] la somme de 8.550 euros au titre de l'indemnisation du trouble de jouissance,

- débouté Monsieur [V] [K] et Madame [U] [Q] épouse [K] de leur demande au titre de l'indemnisation du préjudice moral,

- condamné la compagnie AXA FRANCE à garantir la SCI JUGATH des condamnations prononcées au profit des époux [K],

- condamné la compagnie AXA FRANCE à payer à la SCI JUGATH la somme de 51.440,83 euros TTC au titre des travaux de reprise,

- condamné in solidum la SCI JUGATH, la SOCIÉTÉ D'AMÉNAGEMENT CONSTRUCTION EN BÂTIMENT et son assureur AXA FRANCE à verser à Monsieur [V] [K] et Madame [U] [Q] épouse [K] la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

- condamné in solidum la SCI JUGATH, la SOCIÉTÉ D'AMÉNAGEMENT CONSTRUCTION EN BÂTIMENT et son assureur AXA FRANCE aux dépens de l'instance comprenant ceux du référé et les honoraires de taxe de Monsieur [N] dont distraction au profit de Maître Alain CROS pour ceux dont il a fait l'avance,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

La société AXA FRANCE a relevé appel de ce jugement par déclaration d'appel du 22 mai 2013.

La Société AXA FRANCE par dernières conclusions signifiées le 9 décembre 2013 demande à la Cour, au visa des articles 1792 et 1792- 2, 1147 et 1383 du code civil, de :

- déclarer recevable et fondé son appel contre le jugement déféré,

- réformer ce jugement en ce qu'il a admis la responsabilité exclusive de SACEB, non seulement dans la survenance des désordres affectant le pavillon des époux [K] mais également dans 1'obligation de prendre en charge les travaux de raccordement du système d'assainissement de1'immeuble appartenant à la SCI JUGATH,

- constater, dire et juger tout d'abord que le litige ne relève pas de la garantie décennale des constructeurs mais que le recours de la SCI JUGATH ne pouvait être fondé, à l'encontre de SACEB, que sur les règles de la responsabilité contractuelle de droit commun, qu'il s'agisse de son appel en garantie sur les demandes principales des voisins, les époux [K], ou de sa propre demande en paiement du coût des travaux nécessaires pour raccorder le réseau d'assainissement à l'égout collectif,

- constater, dire et juger, par ailleurs, que la responsabilité de la SACEB ne peut nullement être engagée dès lors :

* que le maître d'ouvrage, la SCI JUGATH, ne lui a jamais commandé, ni a fortiori réglé, de travaux sur le réseau d'assainissement,

* que seule la SCI s'est vu enjoindre par l'administration, lors du deuxième permis de construire de septembre 2007, de raccorder l'immeuble du [Adresse 3] au réseau collectif,

* que les travaux réalisés par la SACEB étaient, pour leur part, conformes au premier permis de construire, lequel était lui-même conforme à la réglementation applicable à l'époque,

* que la SCI JUGATH n'a jamais prouvé qu'elle avait informé la SACEB des dispositions contenues dans le deuxième permis de construire,

- déduire de ces éléments de fait que SACEB n'a engagé sa responsabilité ni pour avoir mal exécuté des travaux qui ne lui ont pas été commandés, ni pour n'avoir pas alerté l'attention du maître d'ouvrage sur la nécessité de réaliser des travaux que l'administration avait imposés à ce dernier,

- exonérer purement et simplement la SACEB de toute responsabilité et son assureur AXA FRANCE de toute condamnation,

- écarter toute l'argumentation de la SCI JUGATH tendant à rejeter l'entière responsabilité du sinistre sur SACEB,

- débouter tant les époux [K] que la SCI JUGATH de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

Très subsidiairement,

- dire et juger que les préjudices des époux [K] trouvent leur cause dans l'absence d'étanchéité de leur propre immeuble dûment relevée par l'expert judiciaire,

- en déduire qu'ils doivent conserver à leur charge une part des préjudices qu'ils allèguent,

- débouter les époux [K] de leurs demandes présentées au titre de leur préjudices matériels et immatériels ( trouble de jouissance et préjudice moral ) injustifiés et excessifs,

laisser à la charge de la seule SCI JUGATH le coût des travaux de raccordement du réseau d'évacuation de son immeuble au réseau collectif dont elle aurait dû, de toute façon et dans tous les cas, assumer la charge et qu'elle se devait de financer au moins une fois,

- dire et juger en tout état de cause que le coût de ces travaux ne saurait excéder 35.880 euros TTC,

- débouter la SCI JUGATH de ses demandes faites au titre du point de départ du calcul des intérêts légaux et pour la capitalisation des intérêts qui ne se justifient pas eu égard aux règlements par AXA des causes du jugement de première instance,

- déclarer AXA FRANCE recevable et fondée à opposer à tous les limites du contrat,

- rejeter toutes demandes plus amples ou contraires,

- condamner tout succombant à verser à AXAFRANCE une indemnité de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens, dont le recouvrement pourra être fait conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Les époux [K] demandent à la Cour, par dernières conclusions du 18 octobre 2013, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage, et subsidiairement de l'article 1382 du Code Civil, de:

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* retenu la responsabilité de la SCI JUGATH,

* condamné la société AXA France à garantir la SCI JUGATH de toutes les condamnations mises à sa charge,

* condamné la SCI JUGATH au paiement des sommes suivantes :

- la somme de 6.277,25€ TTC au titre des travaux de réfection intérieure

- la somme de 4.198,90€ TTC au titre de la réfection extérieure

- la somme de 500€ TTC au titre de la pose et la dépose des radiateurs

- la somme de 822,90€ TTC au titre des travaux électriques

- la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles outre les dépens de l'instance comprenant ceux du référé et les honoraires de taxe de l'expert judiciaire

- infirmer les termes du Jugement entrepris en ses dispositions relatives :

* à l'indexation des sommes obtenues

* à la fixation des préjudices de jouissance et du préjudice moral

En conséquence :

- dire que les sommes ci-dessus exposées seront indexées sur l'indice BT 01 en prenant pour base la date du dépôt du rapport d'expertise soit le 7 juillet 2010 et pour multiplicateur la date du jugement à intervenir,

- condamner la SCI JUGATH à leur payer les sommes de :

* 8.100€ au titre du préjudice de jouissance du 1er mai 2009 au 30 novembre 2009

* 3.150€ au titre du préjudice de jouissance du 1er décembre 2009 au 31 avril 2010

* 15.000€ au titre du préjudice moral subi

- condamner la SCI JUGATH à payer la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

La SCI JUGATH demande à la Cour par dernières conclusions signifiées le 23 octobre 2013 et au visa des articles 1382, 1792 et suivants du code civil, L 124-3 du Code des Assurances, de :

- dire la compagnie AXA FRANCE mal fondée en son appel à l'encontre du dit jugement et l'en débouter,

- dire les époux [K] mal fondés en leur appel incident à l'encontre du dit jugement et les en débouter,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la compagnie AXA FRANCE, aux droits de la compagnie AXA ASSURANCES, à la garantir de toutes condamnations prononcées contre elle, au profit des époux [K], en ce compris celles qui pourraient leur être octroyées à titre complémentaire, en cause d'appel,

- confirmer le même jugement en ce qu'il a condamné la compagnie AXA FRANCE, aux droits de la compagnie AXA ASSURANCES, à lui payer la somme de 51 440, 83 € TTC,

y ajoutant,

- condamner la compagnie AXA FRANCE, à lui payer les intérêts de droit sur la somme de 51 440, 83 € TTC à compter du 25 mars 2011, date de la première demande faite en justice à son encontre, et ordonner la capitalisation des intérêts à compter de ses premières conclusions du 10 octobre 2013,

- condamner la compagnie AXA FRANCE, au paiement de la somme de 8 000 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés tant devant les premiers juges, qu'en cause d'appel,

- condamner la compagnie AXA FRANCE en tous les dépens, avec distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Maître [J], pris en sa qualité de liquidateur de la SOCIÉTÉ D'AMÉNAGEMENT CONSTRUCTION EN BÂTIMENT n'a pas constitué avocat, bien que la déclaration d'appel lui ait été régulièrement signifiée par acte d'huissier du 24 juin 2013.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions, moyens et arguments dont elle est saisie, la Cour fait référence expresse à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 décembre 2014.

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,

Il sera statué par arrêt de défaut, puisque Maître [J], pris en sa qualité de liquidateur de la SACEB n'a pas constitué avocat bien que la déclaration d'appel lui ait été régulièrement signifiée, de même que les conclusions de l'appelante.

Sur la responsabilité des désordres subis par Monsieur et Madame [K]

Il ressort des constatations de l'expert que les désordres subis par les époux [K] dans leur pavillon de [Localité 3] ont été causés par l'insuffisance de la fosse septique de l'immeuble du [Adresse 3] et son débordement.

L'expert a rappelé que les époux [K], propriétaires de leur pavillon depuis 2002, avaient une propriété raccordée au réseau public des eaux usées enterré sous le [Adresse 1] ; que la SCI JUGATH, propriétaire du terrain voisin du [Adresse 3], avait fait réaliser des travaux d'agrandissement et d'aménagement de son immeuble, sans le raccorder au tout-à-l'égout, ne conservant que la fosse septique initiale ; que l'augmentation du nombre des occupants de la copropriété du [Adresse 3] sans augmentation de la capacité de la fosse avait entraîné son débordement dans la propriété [K] située à 2,50 m de ladite fosse et en contrebas d'environ 1,50 mètres, détériorant ainsi le mur du pavillon en provoquant humidité, moisissures et odeurs nauséabondes.

Il résulte du rapport d'expertise que la fosse septique initiale de la SCI JUGATH, qui avait fait l'objet d'un permis de construire du 16 novembre 2004, était conforme à cette époque à la réglementation en vigueur, mais ne l'était plus en 2007, lorsque la SCI JUGATH a entrepris ses travaux d'agrandissement et d'aménagement. Le rapport précise que le nouveau permis de construire, délivré le 18 septembre 2007 prescrivait en tout cas un raccordement au réseau collectif en raison de l'insuffisance de la cuve ; que ce raccordement, qui nécessitait la mise en place d'un système de relevage fiable par pompes électriques (puisqu'il devait se faire à plus de trois étages au dessus de la fosse d'origine), n'a en réalité pas été effectué, ce qui a provoqué le débordement de la fosse septique litigieuse, dès la vente des logements de la SCI JUGATH (de janvier à juin 2008).

L'expert a constaté par ailleurs que le pavillon des époux [K] ne comportait pas d'étanchéité conforme aux règles de l'art le long de la partie enterrée, avec un drain éventuel pour évacuer les eaux résiduelles et ne pas subir d'infiltrations, notamment en période pluvieuse, ce qui a entraîné des désordres dès que la fosse a débordé.

Sur l'imputabilité de ces désordres, l'expert a proposé de retenir la responsabilité :

- d'une part de la SCI JUGATH à hauteur de 20% en sa qualité de maître d'ouvrage de l'immeuble du [Adresse 3], pour n'avoir pas mis en 'uvre plus tôt l'assainissement demandé par la Ville de [Localité 3] et avoir créé des désordres dans le pavillon [K] ;

- d'autre part de la SACEB à hauteur de 80% en sa qualité d'entreprise générale pour n'avoir pas mis en garde, dans le cadre de son devoir de conseil la SCI JUGATH sur les conséquences d'un défaut de raccordement au réseau collectif, comme cela lui avait été demandé par l'autorité administrative.

Les premiers juges n'ont cependant pas retenu le partage de responsabilité suggéré par l'expert.

Vis à vis des époux [K], le Tribunal de Créteil a retenu à juste titre la responsabilité entière de la SCI JUGATH sur le fondement du trouble anormal de voisinage après avoir constaté que la SCI JUGATH ne contestait d'ailleurs pas le principe de sa responsabilité. Ce point doit être confirmé. Il n'est pas contesté que la maison des époux [K] a en effet été envahie par des infiltrations putrides, malsaines et nauséabondes annoncées par des odeurs qui se sont répandues ensuite de façon continue. Il s'agit indiscutablement d'un trouble anormal de voisinage dont la SCI JUGATH doit être déclarée responsable en sa qualité propriétaire du fonds à l'origine des infiltrations, indépendamment de toute notion de faute.

Le Tribunal a ensuite, analysant les rapports entre la SCI JUGATH et la SACEB, considéré que la responsabilité de la SACEB était totalement engagée d'une part pour n'avoir pas, en sa qualité de professionnel de bâtiment, prévu dans son devis la réalisation d'un réseau d'évacuation par relevage en conformité avec les prescriptions des permis de construire, et d'autre part manqué à son obligation d'information et de conseil, obligation sur les conséquences d'un défaut de raccordement au réseau d'assainissement.

Considérant que le tiers lésé avait un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur de la SACEB, le Tribunal a en définitive condamné la société AXA FRANCE à garantir la SCI JUGATH des condamnations prononcées au profit des époux [K] et à payer à la SCI JUGATH la somme de 51440,83 euros correspondant au coût total des travaux d'assainissement comportant le raccordement au réseau public.

La SA AXA conteste la responsabilité de son assurée, la SACEB, et demande l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a assujetti la SACEB à la responsabilité décennale des articles 1792 et 1792-2 du code civil, alors que les travaux réalisés par cette dernière n'étaient affectés d'aucun désordre, que l'entreprise n'était pas intervenue sur le réseau d'assainissement, et que les travaux effectués par la SACEB n'avaient pas été réceptionnés.

La compagnie AXA conteste par ailleurs le manquement à l'obligation de conseil et d'information reprochée à son assurée, soutenant que le devis versé aux débats n'avait aucune valeur contractuelle, aucune facture n'ayant de surcroît été versée aux débats ; qu'il n'était pas non plus établi que la SACEB ait eu connaissance du nouveau permis de construire accordé en septembre 2007 ; que la SCI JUGATH n'avait jamais demandé à la SACEB de chiffrer les travaux correspondant au permis de construire.

Enfin, la compagnie AXA estime que l'on ne peut lui faire supporter le coût de création d'un système d'assainissement alors qu'il appartenait à la SCI JUGATH de le réaliser pour se mettre en conformité avec les prescriptions de l'administration.

Contrairement à ce que prétend la société AXA FRANCE, la responsabilité de la Société SACEB n'était pas recherchée sur le fondement de la garantie décennale, mais sur le fondement de sa responsabilité civile de droit commun.

Il n'est pas contestable au vu du rapport d'expertise que la SACEB, en dépit de la signature d'un contrat « clé en mains » est bien intervenue sur le chantier en qualité d'entreprise générale sur la base des devis réalisés, et a exécuté les travaux de rénovation qui lui ont été confiés par la SCI JUGATH, travaux prévoyant pour chaque lot une évacuation avec la mention ' départ jardin ' ainsi que l'a indiqué l'expert. Les premiers juges ont relevé à juste titre, s'appuyant sur les constatations de l'expert judiciaire qu'il appartenait à la SACEB en sa qualité de professionnel du bâtiment, de prévoir, conformément aux prescriptions du permis de construire, une évacuation conforme aux règles de l'art, ce qui impliquait en l'espèce, un raccordement au réseau collectif avec système de relevage par pompes électriques. Or cette entreprise n'en a rien fait, se contentant de raccorder les nouveaux lots à la fosse septique existante, dont la capacité était notoirement insuffisante, situation qui ne pouvait échapper à un professionnel du bâtiment. En plus de la réalisation de travaux non conformes, et contrairement à ce que soutient l'assureur AXA FRANCE, le manquement à l'obligation de conseil de la société SACEB envers la SCI JUGATH est manifeste. L'expert a clairement indiqué dans son rapport que la nécessité de prévoir un système fiable de relevage des eaux Usées et Vannes vers la [Adresse 3] par des pompes électrique était patente pour un professionnel comme la SACEB, mais n'était pas déchiffrable immédiatement par un non professionnel comme la SCI JUGATH. L'entreprise devait donc informer le maître de l'ouvrage de l'insuffisance des travaux d'assainissement réalisés au vu de la capacité insuffisante de la fosse, et de la nécessité de prévoir un raccordement au système collectif.

Au vu de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'entière responsabilité de la SACEB à l'égard de la société JUGATH, sa faute contractuelle pour le raccordement inadapté et le manquement à l'obligation d'information et de conseil étant clairement à l'origine des désordres causés au pavillon des époux [K].

Sur l'évaluation du préjudice des époux [K]

Sur le préjudice matériel

Monsieur et Madame [K] demandent la confirmation des indemnités qui leur ont été allouées au titre de leur préjudice matériel, soit la somme totale de 11799,05 euros TTC correspondant :

- aux travaux de réfection intérieure pour 6.277,25 euros,

- aux travaux de réfection extérieure pour 4.198,90 euros,

- à la pose et dépose des radiateurs pour 500 euros,

- au travaux électriques pour 822,90 euros.

Ils contestent le refus d'indexation de ces sommes et demandent que cette indexation soit ordonnée par la Cour sur la variation de l'indice BT01, l'indice de base étant celui en vigueur le 7 juillet 2010, à la date de dépôt du rapport d'expertise.

La société AXA FRANCE conteste les sommes accordées au titre des travaux de réfection des murs en relevant que si le pavillon avait disposé d'un dispositif d'étanchéité, et si les pièces du rez-de-chaussées n'avaient pas été transformés en pièces d'habitation, les désordres auraient été moindres.

La SCI JUGATH conteste quant à elle le coût de la réfection extérieure, l'expert ayant chiffré les travaux à 6.277,25 euros seulement.

Il n'y a pas lieu de remettre en cause l'évaluation du préjudice matériel des époux [K], cette évaluation correspondant précisément aux travaux strictement nécessaires à la remise en état des murs endommagés par les débordements de la fosse septique de la SCI JUGATH. Les premiers juges ont relevé avec pertinence que ces travaux étaient ceux qui découlaient des dommages subis et ne constituaient pas des travaux en lien avec la protection du pavillon vis à vis des infiltrations extérieures (travaux d'étanchéité), qui ont été laissés à l'entière charge des époux [K].

Le jugement déféré sera donc confirmé sur le montant des sommes allouées au titre du préjudice matériel.

S'agissant de l'indexation, celle-ci a été refusée en première instance au motif que l'actualisation n'était pas justifiée. Il résulte pourtant des éléments du dossier que les travaux réparatoires du pavillon ne pouvaient être exécutés qu'après l'exécution par la SCI JUGATH de ses propres travaux de raccordement et d'assainissement, travaux qui n'ont fait l'objet d'une attestation de conformité par le Maire de [Localité 3] que le 3 mai 2010. Il est donc justifié de faire une actualisation des travaux à effectuer à la date à laquelle les travaux de réfection du pavillon devenaient possibles. Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré et d'accorder aux époux [K] l'indexation sollicitée en prévoyant que les sommes allouées au titre de leur préjudice matériel pourront être actualisées sur la base de l'indice BT01, l'indice de base étant celui en vigueur à la date du dépôt du rapport de d'expertise (7 juillet 2010), et l'indice de révision, celui en vigueur à la date du 3 mai 2010, date de délivrance de l'attestation de conformité.

Sur le préjudice immatériel

Les époux [K] contestent le montant de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral qu'ils demandent à la Cour de fixer aux sommes de :

- 8100 euros au titre du préjudice de jouissance du 1er mai 2009 au 30 novembre 2009,

- 3150 euros au titre du préjudice de jouissance du 1er décembre 2009 au 30 avril 2010,

- 15000 euros au titre du préjudice moral.

Ils prétendent que l'expert n'a pas pris en compte dans l'évaluation de leur préjudice de jouissance :

- l'extension des désordres dans leur cuisine, n'ayant retenu que 30 m² au titre de la surface sinistrée alors que 42,30 m² étaient affectés par les désordres,

- toute la période de nuisances, qui a débuté selon eux à partir du 1er mai 2008 et non à compter de janvier 2009, et s'est aggravée à partir de décembre 2009 celles-ci devenant insupportables de janvier à avril 2010 inclus.

La société AXA FRANCE et la SCI JUGATH s'opposent toutes deux à la réévaluation du préjudice moral s'en tenant aux constatations de l'expert ayant fixé le point de départ du préjudice de jouissance au 1er janvier 2009, et retenu 30 m² au titre de la surface endommagée.

Les époux [K] n'apportent en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause la décision des premiers juges sur l'évaluation de leur préjudice de jouissance, ceux-ci ayant fait une juste appréciation des circonstances de la cause tant en droit qu'en fait par des motifs pertinents que la Cour fait siens, étant observé :

- que le point de départ du préjudice doit bien être fixé au 1er juillet 2008, date à laquelle toutes les ventes étaient faites, celles-ci ayant eu lieu entre janvier et juin 2008, et les désordres étant apparus progressivement à partir de l'aménagement des habitants des nouveaux logements ;

- que le préjudice a réellement cessé à partir du 30 janvier 2010 par la mise en place provisoire de pompages effectués dans la fosse septique par camions spécifiques sur le site, jusqu'à la réalisation des travaux de pompage définitifs ;

- que l'expert n'a pas pris en compte dans les pièce sinistrées les désordres de la cuisine, celui-ci ayant indiqué que cette cuisine n'était pas mitoyenne du terrain de la SCI JUGATH et qu'aucun désordre n'était visible en raison du revêtement en carrelage et faïence et dans la buanderie et la cave ;

- qu'il ne résulte en tout état de cause d'aucun élément que ces désordres ont aussi concerné la cuisine, le constat d'huissier et les attestations produites ne parlant que des désordres dans le salon des époux [K].

Il y a donc lieu de confirmer l'évaluation du préjudice de jouissance à la somme de 8550 euros pour la période du 1er juillet 2008 au 30 janvier 2010 en retenant la valeur locative proposée par l'expert.

S'agissant du préjudice moral, il ressort clairement des attestations produites par les appelants et du constat d'huissier du 13 janvier 2010 que les époux [K] ont dû supporter avec leurs jeunes enfants pendant plusieurs mois, en plus de la dégradation des murs de leur maison, abimés par des taches d'humidité, de moisissure et le salpêtre, des odeurs nauséabondes et infectes de fosse septique, les contraignant à laisser les fenêtres ouvertes pour aérer, même en plein hiver. Les témoins dont les attestations circonstanciées ont été versés aux débats font toutes état des odeurs incommodantes, insupportables, éc'urantes et malsaines. Il s'agit bien là d'un préjudice distinct du préjudice de jouissance qui doit être indemnisé. Ce préjudice sera réparé par l'octroi d'une somme de 5000 euros. Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté ce chef de demande, et de condamner la SCI JUGATH au paiement de cette somme.

Sur la garantie de la société AXA FRANCE

En sa qualité d'assureur responsabilité civile de la SACEB garantissant la responsabilité civile de son assurée pour les préjudices causés à autrui, la société AXA FRANCE sera condamnée à garantir la SCI JUGATH des condamnations prononcées contre elle au bénéfice des époux [K].

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

En revanche, AXA FRANCE fait observer à juste titre titre qu'il n'appartenait pas à la SACEB, de supporter le coût de création du système d'assainissement prévu au permis de construire qui incombait à la SCI JUGATH. En dépit des manquements relevés plus haut, il est certain que la SCI JUGATH devait nécessairement au vu de son permis de construire se raccorder au tout-à-l'égout collectif de la ville. La réalisation tardive de ce raccordement, si elle est une conséquence du manquement à l'obligation de conseil, ne peut toutefois être sanctionnée par la prise en charge totale du prix de ces travaux par la SACEB ou son assureur, ces travaux devant quoi qu'il arrive être réalisés par la SCI JUGATH. A défaut pour la SCI JUGATH de justifier d'un surcoût lié à une exécution tardive et urgente, la SCI JUGATH devra supporter seule la charge de ces travaux.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a condamné AXA FRANCE à rembourser à la SCI JUGATH les travaux de reprise du réseau d'assainissement prévus au permis de construire qui se sont élevés à 51.440,83 euros.

Sur les demandes accessoires et les dépens

Il serait inéquitable de laisser à la charge des époux [K] les frais irrépétibles exposés au cours de la procédure tant en première instance qu'en appel. Il y a donc lieu de condamner la SCI JUGATH à leur payer la somme de 7000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de la responsabilité retenue contre la SACEB, et de la garantie due par son assureur, il y a lieu de condamner la SA AXA FRANCE à relever la SCI JUGATH de cette condamnation. Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.

La SCI JUGATH succombant partiellement en ses prétentions, celle-ci supportera une partie des dépens. Il y a lieu de faire masse des dépens qui seront supportés à raison de 20% par la SCI JUGATH et de 80% par la SA AXA FRANCE. Ces dépens incluront les frais d'expertise et de référé et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et par défaut

Infirmant partiellement le jugement déféré,

Dit que la somme de 11.799,05 euros accordée à Monsieur et Madame [V] et [U] [K] au titre de leur préjudice matériel sera indexée sur l'indice BT01, l'indice de base étant celui en vigueur à la date du 7 juillet 2010, et l'indice de révision, celui en vigueur à la date du 3 mai 2010,

Condamne la SCI JUGATH à payer à Monsieur et Madame [V] et [U] [K] la somme de 5000 euros au titre de leur préjudice moral,

Condamne la SCI JUGATH à Monsieur et Madame [V] et [U] [K] la somme de 7000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA AXA FRANCE à garantir la SCI JUGATH des condamnations ci-dessus,

Déboute la SCI JUGATH de sa demande de remboursement de la somme de 51.440,83 euros correspondant aux travaux d'assainissement et de raccordement au réseau collectif,

Confirme pour le surplus le jugement déféré en ses dispositions non contraires,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Fait masse des dépens qui seront supportés à raison de 20% par la SCI JUGATH et de 80% par la SA AXA FRANCE,

Dit que ces dépens incluront les frais d'expertise et de référé et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 13/10192
Date de la décision : 27/05/2015

Références :

Cour d'appel de Paris G2, arrêt n°13/10192 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-27;13.10192 ?
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