Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 26 MAI 2015
(n° 281 , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/13702
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juin 2013 rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/01222
APPELANT
Maître Jean-Maurice BIBAS
né le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 5] (Algérie)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Ayant pour avocat plaidant Me Alain COUTURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0860
INTIMES
Monsieur [Y] [E]
né le [Date naissance 2] 1941 à [Localité 4] (URSS RUSSIE)
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Jacques MONTACIE de la SCP Société Civile Professionnelle d'avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285
Ayant pour avocat plaidant Me David BOUSSIDAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1862
Madame [L] [V] épouse [E]
née le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Jacques MONTACIE de la SCP Société Civile Professionnelle d'avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285
Ayant pour avocat plaidant Me David BOUSSIDAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1862
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 31 Mars 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Jacques BICHARD, Président de chambre
Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère (rapporteur)
Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Sylvie BENARDEAU
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Sylvie BENARDEAU, greffier présent lors du prononcé.
Les époux [E] ont confié la défense de leurs intérêts à Maître [O], avocat, dans le cadre d'un litige locatif.
Ils ont remis à l'avocat deux chèques de 6.785 euros puis deux autres chèques de 6.145,50 et 6.143,50 euros .
Les [E] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, l'avocat en remboursement de la somme de 13.570 euros correspondant au montant des deux premiers chèques avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2007 outre une somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles. Ils ont, en cours de procédure, réclamé le remboursement des deux autres chèques portant leur demande de restitution à la somme de 17.289 euros pour tenir compte d'un remboursement d'une somme de 8.570 euros déjà intervenue.
Par jugement du 24 juin 2013, le tribunal a débouté les époux [E] de l'intégralité de leurs demandes, débouté M [O] de sa demande reconventionnelle et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
M.[O], appelant, par dernières conclusions déposées le 13 mars 2015, demande à la Cour de déclarer irrecevables les demandes des époux [E] devant la juridiction de droit commun, celles-ci relevant exclusivement de la compétence du Bâtonnier de [Localité 6] et de dire que les demandes additionnelles présentées par ceux-ci étaient irrecevables comme nouvelles et à titre subsidiaire, confirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle et condamner solidairement les époux [E] à lui régler la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts et celle de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Les époux [E], par conclusions déposées le 30 mars 2015, sollicitent de la Cour qu'elle les déclare recevables en leurs demandes principales et additionnelles, infirme le jugement en ce qu'il les a déboutés et condamne Maître [O] à leur verser la somme de 17.289 euros en remboursement des chèques encaissés indûment et une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Sur la recevabilité des demandes :
Considérant que M [O] soutient que les demandes adverses seraient irrecevables comme relevant de la contestation d'honoraires et donc de la compétence du Bâtonnier de l'ordre des avocats et à tout le moins nouvelles ;
Considérant que les époux [E] soutiennent quant à eux que l'irrecevabilité de leurs demandes a été soulevée tardivement ;
Considérant que certes, la fin de non -recevoir peut être soulevée, conformément aux dispositions de l'article 123 du code de procédure civile, en tout état de cause ;
Considérant toutefois que le moyen soulevé par Maître [O] relativement au fait que la demande porterait sur une contestation d'honoraires d'avocat et donc relèverait de la compétence du Bâtonnier de l'ordre des avocats constitue une exception de procédure et non une irrecevabilité qui doit être comme telle soulevée in limine litis en application de l'article 74 du code de procédure civile ;
Considérant que la Cour constate que la demande de restitution de sommes relatives à l'activité de l'avocat s'analyse en une contestation de ses honoraires et relève donc de la compétence exclusive du Bâtonnier de l'ordre des avocats conformément aux dispositions des articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991; que, contrairement à ce qu'a écrit le tribunal, le remboursement de sommes réglées par des chèques qui ne sont que des instruments de paiement, entre dans le cadre de la procédure visée par ces articles, l'article 174 visant toute contestation concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats ;
Considérant toutefois que Maître [O] n'a pas dans les premières conclusions déposées devant la Cour d'appel le 27 janvier 2014, soutenu cette exception in limine litis ; qu'il n'en a fait état que dans le cadre de son subsidiaire ; que les dernières conclusions déposées le 30 mars 2015 par l'appelant, après que les intimés eurent sollicité le rejet de l'exception pour ce motif, si elles invoquent la compétence du Bâtonnier pour connaître des demandes adverses au principal, sont tardives et intervenues après la défense au fond développée dans les premières écritures ;
Considérant que l'exception de compétence ne peut donc être examinée ;
Considérant que l'article 92 du code de procédure civile dispose que
' l'incompétence peut être prononcée d'office en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution lorsque cette règle est d'ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. Devant la Cour d'appel et la Cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée d'office que si l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française.' ;
Considérant, en l'espèce, que la compétence du Bâtonnier en matière de contestation d'honoraires est exclusive de celle du juge de droit commun ; que, toutefois, en vertu du texte précité, la Cour d'appel ne peut relever d'office cette incompétence et statuera donc sur les demandes ;
Sur l'irrecevabilité relative à la demande au titre des deux derniers chèques :
Considérant que le tribunal a statué sur la demande relative à deux chèques complémentaires dont le remboursement a été sollicité aux termes de conclusions déposées en cours d'instance ; que ces chèques constituaient le paiement d'honoraires de l'avocat et que, dès lors, elle se rattachait nécessairement par un lien suffisant à la demande initiale qui visait le remboursement des deux premiers chèques versés eux aussi en paiement d'honoraires selon les parties ;
Considérant qu'au surplus, devant la Cour, la discussion porte sur les quatre chèques sans qu'aucune irrecevabilité au titre de demandes nouvelles puisse être soulevée ;
Considérant que cette irrecevabilité est rejetée ;
Sur le fond :
Considérant que la demande portant sur le remboursement de sommes dues au titre d'honoraires d'avocat, ce sont les règles à ce contentieux qui s'appliquent donc;
Considérant qu'aucune convention d'honoraires passée entre les parties n'est fournie ; que les dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 régissent le litige ; qu'elles prévoient qu'à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ;
Considérant que les époux [E] sont entrés en relation avec Maître [O] lui remettant deux chèques de 6.785 euros chacun le 12 janvier 2007 ; qu'ils exposent que l'intervention de l'avocat se situait dans le cadre d'un litige opposant leur fils à son bailleur à raison de loyers impayés et en leur qualité de caution de leur enfant ; que Maître [O] prétend que les deux chèques lui auraient été confiés à l'occasion d'un contentieux intervenu à la suite d'une vente entre lui et M [E] ayant abouti à la nullité de l'acte à raison d'un défaut de notification de la vente aux locataires et qui auraient servi au paiement des honoraires de Maître [S] ;
Considérant que Maître [O] produit un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 22 octobre 2009 relatif à cette vente ; que, toutefois l'assignation de Messieurs [O] et [E] date du 3 février 2007 soit à une période postérieure à la signature des deux chèques précités ; que, si Maître [S] a été l'avocat de ces deux personnes, il n'est pas établi que Maître [O] aurait servi d'intermédiaire ;
Considérant qu'au surplus, il ressort des déclarations de l'appelant et des pièces versées aux débats qu'il aurait réglé une somme de 5.000 euros à la société QUATREM le 18 janvier 2007 dont il n'est pas contesté qu'il s'agissait du bailleur du fils des époux [E] ;
Considérant qu'il est justifié du paiement de la somme de 8.570 euros à M [E] par deux chèques du 31 janvier 2007 à concurrence de 8.500 et 70 euros au titre de remboursement de frais et honoraires ;
Considérant que ces paiements ont eu lieu avant la délivrance de l'assignation précitée et sont donc sans rapport avec le contentieux évoqué par l'appelant ;
Considérant qu'en tout état de cause, aucun honoraire n'a finalement été réclamé pour la diligence ainsi réalisée à l'égard du bailleur du fils de M [E] ; qu'il ne reste aucune somme due au titre des deux premiers chèques ;
Considérant que les époux [E] ont signé deux chèques complémentaires à Maître [O] le 9 mars 2007 pour des montants respectifs de 6.145,50 euros et 6.143,50 euros ;
Considérant que Maître [O] produit une note d'honoraires du 15 juin 2007 où il fait état de divers rendez-vous tenus avec M [E], d'un déplacement à la Cour d'appel de Paris, de débours réglés par ses soins, de rédaction de trois jeux de conclusions dans la procédure engagée à l'encontre des époux [E] pris en leur qualité de cautions de leur fils, de la rédaction d'une assignation devant le juge de l'exécution, d'entretiens avec les confrères, de rédaction de courriers ainsi que d'une intervention dans le cadre d'un litige avec l'associé de M [E] au sein de la société civile immobilière FM ;
Considérant que cette note fait figurer un taux horaire de 250 euros TTC ; qu'il ne fournit aucune pièce démontrant l'existence de ses diligences tant relativement à ses rendez-vous ( agenda notamment ou courrier) que des conclusions ( aucun exemplaire n'est fourni pas plus que du projet d'assignation devant le juge de l'exécution ) ou des courriers établis dans l'intérêt de ses clients ;
Considérant que, de même, il ne démontre pas le paiement par ses soins des débours sollicités correspondant à des chèques adressés à la société QUATREM ou à un huissier ;
Considérant qu'il ressort néanmoins des pièces versées par M [E] que celui-ci a remis le 9 juin 2007 un chèque de 5.000 euros destiné à payer des débours, somme qui a été presque intégralement remboursée dès le 14 juin 2007 par trois chèques de 2.000 euros, 1.219,59 euros et 1.500 euros ; que maître [O] a donc conservé la somme de 280,41 euros sans justifier de son affectation ;
Considérant qu'il résulte de ces énonciations que l'avocat ne démontre pas la réalité et de l'étendue des diligences qu'il aurait accomplies dans l'intérêt des époux [E] ;
Considérant dès lors que le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions des époux [E] et Maître [O] sera condamné à leur verser la somme de 12.569,41 euros ;
Considérant que Maître [O], succombant, ne saurait prétendre que la procédure engagée à son encontre par les époux [E] a été abusive et a porté atteinte à son honneur et à sa probité ; que le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de celui-ci ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire droit à la demande des parties présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que, succombant, Maître [O] doit supporter les entiers dépens de la procédure ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle en dommages intérêts présentée par Maître [O] ;
Statuant à nouveau
Déclare les demandes présentées par les époux [E] recevables ;
Condamne M. [O] à verser aux époux [E] la somme de 12.569,41 euros ;
Rejette la demande des parties présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M.[O] aux entiers dépens de l'instance .
LE GREFFIER LE PRESIDENT