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22/05/2015 | FRANCE | N°13/13797

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 6, 22 mai 2015, 13/13797


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 6



ARRÊT DU 22 MAI 2015



(n° , 19 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/13797



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Avril 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006017313





APPELANTE



SA THINET INTERNATIONAL agissant en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]
r>[Localité 2]



Représentée par: Me Patrick BETTAN de la SELARL SELARL DES DEUX PALAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0078 et assistée par Me MOUCHON Patrice, toque: P104.







INTIMÉE


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Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRÊT DU 22 MAI 2015

(n° , 19 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/13797

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Avril 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006017313

APPELANTE

SA THINET INTERNATIONAL agissant en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par: Me Patrick BETTAN de la SELARL SELARL DES DEUX PALAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0078 et assistée par Me MOUCHON Patrice, toque: P104.

INTIMÉE

SOCIÉTÉ SAUDI BASIC INDUSTRIES CORPORATION - SABIC prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 et assistée par Me KLEIMAN Elie et Me FRICAUDET Florence, avocat au barreau de PARIS, toque: J007.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Janvier 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine BERTRAND, Présidente de chambre

Madame Valérie GERARD, Conseillère

Madame Madeleine HUBERTY, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Coline PUECH

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine BERTRAND, Présidente et par Madame Sabrina RAHMOUNI, Greffier auquel a été remis la minute par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Pour la construction de son siège social à Riyad (Arabie Saoudite), la société de droit saoudien SAUDI BASIC INDUSTRIES CORPORATION (SABIC) a conclu avec la SA THINET INTERNATIONAL (THINET) le 27 juin 1998 un contrat, soumis au droit saoudien, confiant à la SA THINET «'les travaux de génie civil, de construction, d'électricité, de plomberie, d'aération, d'installations sanitaires, de lutte anti-incendie, d'architecture, de finition d'aménagement intérieurs ainsi que la fourniture du matériel électrique'», pour un montant total de 432'475'000 sar.

La livraison de l'immeuble était prévue dans un délai de 795 jours à compter du transfert du site à THINET, soit le 31 août 2000.

Des difficultés sont survenues entre les parties et ont conduit à la signature':

- le 5 juillet 2000 d'un premier avenant fixant notamment la date d'achèvement des travaux au 31 août 2001.

- le 17 octobre 2001 fixant la date d'achèvement des travaux au 31 mars 2002.

La société SABIC a pris possession des lieux à compter du 1er septembre 2002.

N'ayant pas été réglée de l'intégralité de ses situations de travaux, la SA THINET a saisi la section commerciale du Tribunal des Doléances (Board of Grievances) pour obtenir le règlement des situations 45 et 46. Il a été fait droit à cette demande par jugement du 29 juin 2004, jugement annulé par la juridiction d'appel du Tribunal des Doléances du 28 février 2005 pour incompétence de la juridiction commerciale, le litige relevant de la juridiction civile.

La SA THINET a saisi le tribunal de commerce de Paris qui s'est déclaré compétent par jugement du 16 mai 2007, confirmé par un arrêt de cette cour du 28 mai 2008, le pourvoi formé par la société SABIC ayant été rejeté par arrêt de la Cour de Cassation du 30 septembre 2009.

Par jugement du 16 avril 2013, le tribunal de commerce de Paris a statué en ces termes':

- «'condamne la société SAUDI BASIC INDUSTRIES CORPORATION à payer à la SA THINET INTERNATIONAL la somme de 54'022'313 SAR au titre des travaux réalisés,

- condamne la société SAUDI BASIC INDUSTRIES CORPORATION à payer à la SA THINET INTERNATIONAL la somme de 20'495'569 SAR à titre de dommages et intérêts pour coûts bancaires,

- condamne la SA THINET INTERNATIONAL à payer à la société SAUDI BASIC INDUSTRIES CORPORATION la somme de 1'129'123 SAR au titre du coût de la fourniture d'électricité,

- à toutes fins ordonne à la société SAUDI BASIC INDUSTRIES CORPORATION de restituer à la SAOUDI HOLLANDI BANK la caution n°98 (illisible) 7021S459CA de 41'225'870,83 SAR (sic),

- ordonne la compensation judiciaire des sommes respectivement dues,

- condamne la société SAUDI BASIC INDUSTRIES CORPORATION à payer à la SA THINET INTERNATIONAL la somme de 380'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonne l'exécution provisoire à concurrence de la somme de 54'022'313 SAR,

- déboute respectivement les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent jugement,

- condamne la société SAUDI BASIC INDUSTRIES CORPORATION aux dépens.'»

La SA THINET INTERNATIONAL a interjeté appel par déclaration du 8 juillet 2013.

Par ses dernières conclusions du 13 janvier 2015, la SA THINET INTERNATIONAL demande':

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société SABIC à payer à la société THINET INTERNATIONAL la somme de 54.022.313 SAR (10'659'932,12 €) en règlement des situations n°45, 46 et 47 correspondant aux travaux effectivement réalisés';

- CONFIRMER en son principe la condamnation de la société SABIC à payer à la société THINET INTERNATIONAL des dommages et intérêts en réparation du préjudice financier qu'elle a dû supporter, mais, émendant et statuant à nouveau sur le quantum, CONDAMNER la société SABIC à payer à la société THINET INTERNATIONAL la somme de 27.686.015,88 SAR (5.773.391,17€) à ce titre';

- CONFIRMER la mainlevée de la caution de bonne fin de la somme de 41.225.870,43 SAR':

- CONFIRMER la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société SABIC à payer à la société THINET INTERNATIONAL la somme de 380.000 € TTC sur la base de prestations dûment établies sur le fondement de l'article 700 du CPC';

- DONNER ACTE à la société THINET INTERNATIONAL de ce qu'elle a reçu en août 2013 la somme de 54.022.313 SAR (10.659.932,12 €) au titre de l'exécution provisoire ordonnée par le jugement entrepris et de ce que SABIC a spontanément notifié à la banque Saudi Hollandi Banque la mainlevée de la caution de bonne fin de 41.225.870,83 SAR acquiesçant ainsi au jugement entrepris de ce chef';

Emendant et statuant à nouveau pour le surplus :

- DIRE ET JUGER que tous les retards entre la date de signature du Marché de Travaux du 27 juin 1998 et la signature de l'avenant du 15 juillet 2000 et ensuite du protocole d'accord du 17 octobre 2001 procèdent de la responsabilité de SABIC qui a failli dans la fourniture d'une étude de sols fiable et en son système de fondation en sa qualité de maître d''uvre ou concepteur du projet, en notifiant tout au long de l'exécution du marché pas moins de 116 ordres de mission modificatifs puis 50 entre le 31 mars 2002 et la date d'occupation des lieux le 31 août 2002, en ne notifiant pas ses instructions dans les temps';

- DIRE ET JUGER en tout état de cause que la signature du protocole d'accord du 17 octobre 2001 fait novation dans les rapports de droit entre les parties';

- DIRE ET JUGER que seul ledit protocole constituait en ce qui concerne les délais contractuels la convention des parties, tant à l'égard de THINET INTERNATIONAL que de SABIC';

- DIRE ET JUGER qu'à la date du 31 mars 2002 fixée par les parties comme étant celle de l'achèvement des travaux, la société THINET INTERNATIONAL a effectivement terminé les travaux qu'elle était en mesure de terminer compte tenu des obligations préalables des entreprises de SABIC qui en assumait la responsabilité, conformément aux dispositions des articles 44 et 56 du contrat du 27 juin 1998, signifié l'achèvement de l'ouvrage et la demande d'ouverture de la procédure de réception';

- DIRE ET JUGER que les articles 1 et 2 du protocole d'accord du 17 octobre 2001 organisent l'intervention sur le chantier d'une part de THINET avec ses sous-traitants et, d'autre part, de SABIC avec ses propres entreprises, prévoyant l'achèvement des travaux pour le 31 mars 2002';

- DIRE ET JUGER qu'à la date du 31 mars 2002, la société SABIC, responsable de ses entreprises, n'a pas respecté quant à elle cet engagement contractuel, ses entreprises n'ayant pas terminé leurs travaux';

- DIRE ET JUGER que les parties n'ont rien prévu, aux termes de ces articles 1 et 2 sur la responsabilité de l'une et de l'autre Société ou des entreprises placées sous la responsabilité de SABIC';

- DIRE ET JUGER qu'en application du droit saoudien reposant sur la Chari'a, THINET n'est responsable que de son propre travail et de celui de ses sous-traitants et SABIC n'est responsable que de son propre fait et de celui de ses propres entreprises';

- DIRE ET JUGER que THINET ne peut en conséquence assurer la responsabilité d'un prétendu non-achèvement des travaux au 31 mars 2002 si celui-ci est le fait de SABIC et des entreprises placées sous sa responsabilité';

- DIRE ET JUGER que le droit saoudien s'oppose, comme le droit français, à faire supporter à THINET une obligation dont l'exécution dépend de la volonté de sa cocontractante SABIC et de ses sous-traitants dont SABIC est seule à répondre';

- DIRE ET JUGER que SABIC ni son maître d''uvre délégué, la société ZFP, n'ont dans les 15 jours de cette notification organisé de procédure régulière de réception';

- DIRE ET JUGER qu'en agissant ainsi la société SABIC a manifestement violé ses obligations contractuelles en matière de réception des ouvrages';

- DIRE ET JUGER qu'en se contentant d'émettre le 1er juillet 2002, 18 réserves concernant des travaux supplémentaires ou des ajustements de simple confort, la société SABIC ne pouvait pas se prévaloir sérieusement de malfaçons qui auraient été commises par THINET';

- DIRE ET JUGER qu'en prenant l'initiative de retirer de la responsabilité de THINET des parties de travaux, SABIC est sortie du contrat de construction clé en main l'empêchant d'exiger de son cocontractant les mêmes obligations en termes de bonne fin de chantier';

Que l'interférence des entreprises de SABIC a nui gravement aux ouvrages réalisés par THINET créant des retards et des dommages dont seule SABIC a l'entière responsabilité';

- DIRE ET JUGER qu'en prenant la décision d'occuper l'immeuble, elle reconnaissait implicitement qu'il ne pouvait exister que des éléments mineurs ne pouvant être considérés comme des manquements de THINET en matière d'achèvement de travaux conformément aux dispositions de l'article 5 alinéa 2 du protocole d'accord du 17 octobre 2001';

- DIRE ET JUGER que l'occupation de l'ouvrage par le maître d'ouvrage sans réception vaut réception sans réserve et met fin à la période de maintenance, la prise de possession des lieux ne pouvant, conformément au contrat, intervenir qu'à la fin de cette période';

- DIRE ET JUGER que les manquements contractuels de SABIC excluent qu'elle puisse se prévaloir d'un préjudice quelconque du fait du retard dans l'exécution des travaux qu'il consiste en des loyers supplémentaires ou des dépréciations de l'immeuble';

- CONFIRMER en conséquence la décision entreprise en ce qu'elle a débouté SABIC de sa demande en dommages et intérêts';

- DIRE ET JUGER qu'en application des dispositions des articles 7 et 9 de l'accord du 17 octobre 2001, (il) appartient à SABIC de supporter les frais d'électricité procédant de son installation permanente';

En conséquence, infirmant la décision entreprise et statuant à nouveau :

- CONDAMNER la société SABIC à payer à la société THINET INTERNATIONAL les sommes de':

- 5.773.391,17 € (27.686.015,88 SAR) au titre de dommages et intérêts pour frais financiers';

- 14.357.000 € à titre de perte financière et de perte sur le marché SABIC';

- 4.242.000 € au titre de la perte de l'actif économique de l'établissement saoudien et de la société THINET INTERNATIONAL';

- 27.000.000 € à titre de dommages et intérêts sur la base d'une perte de chance sur les marchés perdus en Arabie Saoudite du fait de l'absence de paiement du solde du marché et de l'impossibilité de se rétablir sur ce marché et de soumissionner';

- 15.000.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et atteinte à la réputation de THINET INTERNATIONAL, à son honorabilité, sa crédibilité et son image de marque';

- 1.790.439,52 € à titre de remboursement des frais et honoraires d'avocats en Arabie Saoudite dument justifiés par la production des factures de ces cabinets directement imputables aux instances engagées en Arabie Saoudite par la société THINET à l'encontre de SABIC et par les sous-traitants de THINET à son encontre';

- 95.000 € à titre de remboursement des frais d'expertise de Monsieur [F]';

- 23.000 € à titre de remboursement des frais et honoraires de consultation juridique sur le droit saoudien du Professeur [D]';

- 150.000 € TTC sur le fondement de l'article 700 du CPC pour les frais irrépétibles en appel';

- DÉBOUTER la société SABIC de sa demande en paiement des frais d'électricité d'octobre 2001 au 31 mars 2002 pour un montant de 1.219.123 SAR (240.554,80 €) qu'elle seule doit supporter et de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du CPC';

- CONDAMNER la société SABIC aux entiers dépens incluant les frais d'expertise.

Par ses dernières conclusions du 26 novembre 2014, la société de droit saoudien SAUDI BASIC INDUSTRIES CORPORATION demande':

- CONSTATER que les parties ont transigé aux termes du premier avenant au Contrat du 5 juillet 2000 et du protocole d'accord du 17 octobre 2001 s'agissant d'un surcoût qui serait lié à une livraison de marbre et granite et de la somme de 2 millions de riyals retenus sur les factures n° 25 à 35 de Thinet International':

- CONSTATER que la société Thinet International SA a violé ses obligations aux termes du Contrat conclu le 27 juin 1998 et de son second avenant conclu le 17 octobre 2001';

- CONSTATER que le Tribunal de commerce de Paris a statué ultra petita et a violé le principe du contradictoire en procédant de son propre chef, sans inviter les parties à faire valoir leurs observations complémentaires, au calcul du prétendu préjudice subi par Thinet International au titre des frais bancaires';

En conséquence,

- CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 avril 2013 en ce qu'il a débouté Thinet International de ses demandes tendant à obtenir le paiement d'une livraison de marbre et granite et de 2 millions de riyals au titre d'impayés sur les factures de Thinet International n° 25 à 35';

- CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 avril 2013 en ce qu'il a débouté Thinet International de ses demandes de dommages et intérêts pour perte de marge sur le marché SABIC, perte d'actifs de son établissement saoudien, perte de chance de conclusion de marchés en Arabie Saoudite, frais d'avocats encourus en Arabie Saoudite, résistance abusive et atteinte à la réputation, à l'honorabilité, la crédibilité et l'image de marque';

- CONFIRMER en son principe le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 avril 2013 en ce qu'il a condamné Thinet International à rembourser à SABIC le coût de la fourniture d'électricité sur le chantier mais, statuant à nouveau sur le quantum de la condamnation, condamner Thinet International à la somme de 3.926.855,04 riyals';

- INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 avril 2013 en ce qu'il a condamné SABIC au paiement de la somme de 54.022.313 riyals au titre des travaux réalisés';

- INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 avril 2013 en ce qu'il a débouté SABIC de sa demande de condamnation de Thinet International au titre des pénalités de retard et des autres préjudices subis par SABIC du fait du retard dans la livraison de l'immeuble,

- ANNULER partiellement ou, à tout le moins, INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 avril 2013 en ce qu'il a condamné SABIC au paiement de la somme de 20.495.659 riyals à titre de dommages et intérêts pour coûts bancaires';

- INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 avril 2013 en ce qu'il a condamné SABIC au paiement de la somme de 380.000 euros d'article 700 du code de procédure civile';

Statuant de nouveau':

- DIRE ET JUGER la société SABIC bien fondée en l'ensemble de ses demandes reconventionnelles';

- CONDAMNER la société Thinet International SA au paiement de la somme de 58.176.281,07 riyals au titre des pénalités de retard prévues à l'article 43.1 du Contrat et du préjudice subi par SABIC du fait du retard de Thinet International dans la livraison de l'ouvrage et des malfaçons l'affectant';

- DIRE ET JUGER la société Thinet International SA mal fondée en ses demandes et l'en débouter en conséquence';

- CONDAMNER la société Thinet International SA au paiement de 350.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive';

- CONDAMNER la société Thinet International SA au paiement de 623.355 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile';

- CONDAMNER la société Thinet International SA aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 janvier 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est constant que les conventions conclues entre les parties sont soumises au droit saoudien et les parties ont produit les consultations des professeurs [D], [H] et [E] desquelles il résulte qu'en droit saoudien':

- la liberté contractuelle est consacrée sous réserve qu'elle respecte les injonctions des textes révélés, le Coran et la Sunna,

- le contrat a force obligatoire et il est de principe que chacune des parties doit respecter ses promesses et engagements,

- le contrat doit être exécuté de bonne foi,

- la réparation du préjudice subi du fait d'une violation des obligations contractuelles s'effectue en démontrant l'inexécution des obligations contractuelles, le préjudice et un lien de causalité direct entre le préjudice et la violation des obligations contractuelles,

- l'interdiction du «'gharar'» c'est-à-dire l'aléa ou l'incertitude qu'il s'agisse de l'objet du contrat ou d'événements dont dépendrait la réalisation du contrat,

- la prohibition du «'ribâ'» prêt à intérêt';

Le professeur [D], sans être démenti par les professeurs [E] et [H] a également produit la définition du contrat d'entreprise, manifestement applicable à l'espèce, donnée par le Conseil international du droit musulman dans sa décision N°129 (14/3)': «'l'entrepreneur doit garantie au cas où il ne respecte pas les conditions du contrat comme il doit garantie pour les malfaçons ou les fautes dont il serait l'auteur. Mais il ne garantit pas ce qui peut survenir du fait du maître de l'ouvrage''».

Ces dispositions sont conformes à l'ordre public international français, ce qu'aucune des parties ne conteste.

-1- L'achèvement de l'immeuble, le paiement du solde des travaux et les pénalités de retard':

THINET soutient qu'au 31 mars 2002, date fixée par le mémorandum, elle avait achevé les travaux mis à sa charge, que le non-achèvement de certains travaux n'est dû qu'aux entreprises SABIC, dont elle ne peut être tenue pour responsable, que ni SABIC ni son maître d''uvre n'ont mis en place les procédures de réception prévues au contrat à compter du 31 mars 2002 et que les manquements contractuels de SABIC excluent qu'elle puisse se prévaloir d'un préjudice quelconque du fait du retard dans l'exécution des travaux.

SABIC soutient au contraire que THINET n'ayant pas livré les ouvrages à la date convenue, elle est en droit d'opposer la compensation avec les sommes dues par THINET au titre des indemnités de retard, des désordres et des frais.

Le montant du solde des travaux n'est plus discuté par les parties et s'élève à 54'022'313 riyals.

Seule reste en litige la question du respect par l'une et l'autre des parties de leurs obligations contractuelles quant à la date d'achèvement des travaux et aux procédures de réception.

Les relations des parties sont régies :

-par le contrat initial signé les 26 et 27 juin 1998,

-par le « memorandum of understanding » signé le 17 octobre 2001 (le mémorandum).

Cet accord modifie certaines dispositions du contrat initial qui subsiste.

Le respect des obligations contractuelles de chacune des parties, tant en ce qui concerne les procédures de réception que le délai d'achèvement des travaux, doit être apprécié à compter de la signature de cet acte (17 octobre 2001) qui fixe un nouveau délai d'achèvement des travaux et de nouvelles conditions d'exécution de ceux-ci.

Les circonstances antérieures des retards dans la livraison de l'ouvrage invoquées par THINET sont indifférentes dès lors que les parties ont contractuellement convenu de proroger le délai d'achèvement.

De même, l'affirmation de THINET selon laquelle la signature de ce protocole lui a été imposée est inopérante dès lors qu'elle n'en tire aucune conséquence et qu'elle reconnaît qu'il est applicable entre les parties.

L'article 1 du mémorandum stipule : « THINET reprogrammera son calendrier, au plus tard le 25 octobre 2001, afin de terminer les travaux restants qui lui ont été confiés d'ici le 31 mars 2002. Durant cette période, THINET produira un calendrier et une estimation de la main d''uvre envisagée pour discussion, coordination et accord avec SABIC. Après cet accord, ce calendrier liera juridiquement THINET et SABIC et se substituera à tout autre calendrier précédemment convenu ».

L'article 2 stipule que le calendrier devra inclure «'les délais de mise en 'uvre des contrats de travaux directs de SABIC, avec le droit d'accès à tous les lieux du site pour les entrepreneurs de SABIC et le droit d'utiliser toutes les installations qu'elles soient permanentes ou temporaires ('). Si quelque conflit d'intérêt devait survenir la priorité sera donnée aux travaux de SABIC'». Les parties ont ensuite listé ces travaux prioritaires exécutés par les entreprises de SABIC.

Enfin, aux termes de l'article 5 du mémorandum, «'si les travaux demeurent inachevés au sens de l'article 56 du contrat, des dommages et intérêts liquidés pour le retard de réalisation en vertu du contrat seront appliqués rétroactivement à compter du 1er septembre 2001 jusqu'à l'achèvement. Si de l'avis de SABIC celle-ci considère que la liquidation de certains éléments mineurs est toujours en exécution mais que l'occupation n'en est pas empêchée dans l'attente de l'achèvement de ces éléments mineurs, SABIC peut ne pas considérer qu'ils sont une raison de non achèvement des travaux'».

Le calendrier prévu au mémorandum a été établi et transmis par THINET à SABIC le 28 octobre 2001 (pièce 15 et 73 SABIC, non produit par THINET). Il a été expressément approuvé par SABIC le 3 novembre 2001 (pièce 16 SABIC).

Dans l'interprétation du mémorandum la plus favorable à THINET, au 31 mars 2002 les travaux devaient être prêts à faire l'objet de la procédure de remise à SABIC prévue à l'article 56, pour permettre à SABIC d'occuper son immeuble.

Le contrat initial, non modifié par les termes du mémorandum sur ce point, prévoit une progression dans la procédure de réception en instaurant': une procédure de test préalable à la mise en service (article 35 à 37), une inspection des travaux avant couverture (article 38), une inspection préliminaire (article 44) et une procédure de remise préliminaire (article 56).

Aux termes de l'article 44, lorsque les travaux sont menés à bien, «'l'entrepreneur doit informer l'Ingénieur (maître d''uvre) et le Propriétaire, et l'Ingénieur devra lancer les tests finaux prévus dans le cadre du contrat et devra consigner tous les problèmes et les défauts dans les listes d'inspection'; un exemplaire en sera envoyé à l'Entrepreneur qui devra remédier auxdits défauts ou problèmes. Si l'Ingénieur estime que la plupart des défauts sont entièrement rectifiés et lorsque l'Entrepreneur s'engage par écrit à rectifier les défauts mineurs qui ne peuvent en aucun cas avoir d'incidence sur une utilisation complète du projet (') l'Ingénieur devra notifier par écrit au Propriétaire la fin des travaux et leur état de préparation à l'utilisation et devra fixer une date particulière pour la fin des travaux entrepris aux termes du contrat en prenant en compte les tests et les inspections qui devront être menés au cours de la période du contrat. Le certificat de fin de travaux devra être délivré à l'Entrepreneur lors de la signature du rapport de prise de possession préliminaire auquel il est fait référence dans l'article 56'».

Aux termes de cet article 56, «'à la fin de travaux, ou de toutes parties de ces derniers (') l'Entrepreneur devra (') informer le Propriétaire et l'Ingénieur par écrit de la date à laquelle les travaux contractuels devront être prêts pour inspection, comme indiqué à l'article 65 (notification en mains propres ou par courrier recommandé). La date d'inspection devra être signifiée à l'Entrepreneur et à l'Ingénieur dans les 15 jours à compter de la réception de la notification de l'Ingénieur. Lors de la remise des travaux, le Propriétaire et l'Ingénieur, ou leurs représentants, devront les inspecter et les accepter provisoirement par procès-verbal de la réunion qui devra être établi en plusieurs exemplaires (').Si quelque défaut ou lacune qui n'est pas couvert par le procès-verbal de remise finale est décelé dans certains travaux, l'acceptation sera différée jusqu'à ce que tous les défauts et toutes les lacunes soient rectifiées par l'Entrepreneur (') Si l'inspection fait apparaître que les travaux sont réalisés de manière adéquate, la date de notification par l'Entrepreneur au Propriétaire devra être considéré comme la date de fin des travaux et comme marquant le début de la période de maintenance'»

Il résulte de l'ensemble de ce dispositif contractuel, que des tests et des inspections devaient être réalisés tout au long du chantier, que des inspections préliminaires à la réception (article 44) devaient être menées par l'Ingénieur avant que les certificats de fin de travaux soient délivrés de manière contradictoire entre l'Entrepreneur, l'Ingénieur et le Propriétaire cette délivrance ouvrant la période de maintenance (article 56) en vue de l'acceptation finale (article 57). Le contrat a expressément prévu une réception par lots et par parties de travaux.

En pratique, le contrôle en cours de chantier par le maître d''uvre s'effectuait lors de demandes régulières d'inspection de travaux (Field Inspection Request': FIR) formées par THINET, le maître d''uvre autorisant la poursuite des travaux ou sollicitant des corrections.

Ensuite, en application de l'article 44 du contrat, THINET sollicitait du maître d''uvre la mise en place de l'inspection de pré-réception (Pre Handover Inspection': PHI) lors de laquelle le maître d''uvre mentionnait les éventuels défauts à corriger et enfin THINET devait solliciter l'acceptation des travaux par le comité d'acceptation qui marque la réception provisoire et l'ouverture de la période de maintenance (article 56).

Dans le courrier du 31 mars 2002 (pièce 31 THINET), THINET signifie à SABIC que « l'immeuble est prêt pour livraison préliminaire au sens de l'article 56 du contrat, certaines parties ou zones ayant déjà été réceptionnées et remises (acceptation du comité) ». Elle a joint à son courrier un tableau de l'état d'avancement des travaux et de ceux réalisés par les entreprises de SABIC.

Cette demande de remise globale du projet le 31 mars 2002, ne peut être considérée comme marquant le respect de ses obligations contractuelles par THINET que si l'ensemble des travaux a déjà fait l'objet de demandes de visites de pré-réception ayant abouti à une acceptation des travaux par le maître d''uvre permettant l'acceptation provisoire des travaux par le Propriétaire visée à l'article 56 et si les travaux, achevés au sens de l'article 56, permettaient l'occupation de l'immeuble.

La réponse de SABIC du 8 juin 2002 (pièce 22 SABIC) si elle est particulièrement tardive, ne constitue pas une faute contractuelle dès lors que la demande de THINET du 31 mars 2002 ne correspond ni au dispositif contractuel qui imposait la procédure d'inspection de pré-réception (Pre-Handover Inspection) résultant de l'article 44, ni même aux dispositions de l'article 56 et il résulte des pièces produites, notamment du tableau qui constitue la pièce 51 de SABIC que les demandes de FIR et de PHI se sont poursuivies, en nombre, postérieurement au 31 mars 2002.

La cour observe d'ailleurs que THINET ne produit aucun courrier postérieur au 31 mars 2002 protestant contre cette manière de procéder et que la lettre du 31 mars 2002 fait elle-même référence à «'l'établissement d'un calendrier pratique sur la base de la proposition jointe'» pour les visites de réception préliminaire (PHI), qui n'étaient donc pas toutes réalisées au 31 mars 2002. Le fait que SABIC ait continué de manière régulière à répondre tant aux demandes de FIR que de PHI dans des délais très courts n'excédant pas quelques jours ne caractérise aucune faute sauf à démontrer que les refus d'accepter les travaux n'étaient pas motivés ou résultaient de l'action d'entreprises tierces (ce que soutient THINET).

Il convient dès lors d'examiner si au 31 mars 2002, tous les travaux incombant à THINET étaient achevés, prêts à la procédure de réception préliminaire (PHI) et à défaut si le retard en incombe à THINET ou à des tiers dont elle ne peut ni doit répondre.

Dans sa réponse du 8 juin 2002, SABIC établit une liste des travaux encore inachevés, et précise que lorsque «'il ne restera plus que des détails insignifiants à terminer, dont SABIC considère qu'ils ne l'empêchent pas d'occuper les lieux, alors la livraison préliminaire sera complétée et la période d'entretien, pourra commencer'».

Ces travaux sont les suivants':

- au titre des travaux électriques': la téléphonie, le système d'alarme incendie et le système de vidéo surveillance, les ascenseurs et le système de climatisation

- au titre des travaux architecturaux': des travaux en toiture, rez-de-chaussée et sous-sol du bâtiment B12, les tests de pénétration du mur d'enceinte.

Compte tenu de la destination de l'ensemble de l'ouvrage, futur siège social de SABIC et de son occupation par des salariés, ces travaux ne sont pas mineurs et conditionnent effectivement la réception préliminaire. La démonstration de ce que 96% des travaux ont été effectivement réalisés est sans incidence sur le fait de savoir si au 31 mars 2002, date contractuellement fixée, les travaux pouvaient tous faire l'objet d'une réception préliminaire exempte de défauts majeurs empêchant la réception provisoire.

Sans qu'il soit besoin d'entrer dans les détails de l'intégralité des travaux, l'ouvrage n'est manifestement pas en état de faire l'objet, ni de visites de pré-réception, ni de réception préliminaire, ou présentait des retards dans plusieurs domaines essentiels comme': la climatisation, la conformité des ascenseurs et le système d'évacuation des eaux usées, dont le fonctionnement correct et conforme aux normes conditionne effectivement la pré-réception de l'ensemble de l'ouvrage.

-a) la climatisation':

THINET invoque un courrier de SABIC lui donnant instruction de faire fonctionner le système d'air conditionné daté du 18 mars 2002, mais ne le produit pas, de sorte que son moyen tendant à soutenir que, par ce courrier, SABIC reconnaît que le système fonctionne et qu'elle s'est abstenue de manière fautive de la réceptionner, est dépourvu de toute portée.

Il résulte en revanche des pièces produites que le 18 mai 2002 (pièce 23 SABIC) la température dans deux des bâtiments (B12 bureaux et B13) était extrêmement élevée au point que des revêtements en étaient affectés.

THINET a émis une demande de visite de pré-réception pour ce lot le 23 mai 2002 (pièce 112 THINET) qui était rejetée le 26 mai en raison de défauts affectant toujours le système.

Le 2 juin 2002, SABIC exprime une «'irritation croissante'» en constatant que, lors d'une réunion du 27 mai, THINET avait promis un rapport sur les dysfonctionnements du système de climatisation des bâtiments B12 et B13 dans les 48 heures, qui n'était toujours pas parvenu.

THINET a répondu le 5 juin 2002 (pièce 58 THINET) que 2 des 6 groupes froids n'étaient pas opérationnels, que parmi les 16 compresseurs que comptaient les 4 autres groupes froid, 5 ne fonctionnaient pas actuellement en raison de l'intensité élevée (surcharge) résultant de la température élevée de l'eau glacée de recyclage et qu'un des deux robinets motorisés avait mal fonctionné. Elle reconnaissait qu'il était résulté de ces dysfonctionnements «'un manque visible d'efficacité du système de climatisation'». Elle estimait enfin que les travaux seraient achevés et le système complètement remis en état de fonctionnement d'ici 10 à 12 jours. Elle a également précisé le 10 juin 2002 (pièce 25 SABIC) qu'elle prenait le ferme engagement que les problèmes actuels des systèmes d'air conditionné seront résolus et que les bâtiments seront prêts pour l'emménagement de SABIC, comme prévu actuellement, à la fin juin 2002.

Le 2 juillet 2002 elle affirme que, nonobstant l'absence d'une valve et des stators de deux compresseurs, l'installation fonctionne. Les tests de température seront réalisés à compter du 28 juin 2002 selon le tableau annexé à ce courrier et le système de climatisation sera réceptionné le 25 août 2002 avec plusieurs mois de retard sur le calendrier approuvé par les deux parties en octobre 2001.

Il ne peut être nié que la climatisation des bâtiments, destinés à recevoir des salariés, situés dans une région du monde où les températures extérieures sont très élevées est un élément essentiel de l'ouvrage, dont les dysfonctionnements empêchent toute occupation de l'immeuble.

Les défauts de fonctionnement ci-dessus rappelés ne sont pas des défauts mineurs et empêchaient réellement toute pré-réception. Il doit être également noté qu'en termes de strict respect du délai fixé au 31 mars 2002, la demande de visite de pré-réception est tardive sans que THINET ne démontre avoir été en mesure de la solliciter dans le délai du contrat.

Il résulte surtout de cet échange de courrier qu'au 31 mars 2002, l'installation n'était pas en état de fonctionner normalement et ne pouvait être réceptionnée, dès lors le retard de THINET sur ce point est avéré et il n'est aucunement démontré au regard des pièces produites que SABIC ait fait preuve de mauvaise foi ou d'obstruction aux procédures de réception de l'ouvrage.

Enfin, les conditions d'installation et de fonctionnement du système de climatisation étaient parfaitement indépendantes des travaux réalisés par les entreprises de SABIC et THINET est mal fondée à soutenir que le défaut de réception du système de climatisation a été causé par l'action des entreprises SABIC.

-b) les ascenseurs':

Il convient d'abord d'observer que dans le tableau annexé au courrier du 2 juillet 2002 (pièce 114 THINET) l'appelante n'a soumis ses demandes d'inspection préliminaires pour les ascenseurs qu'à compter du 22 juin, soit en retard par rapport à la date butoir du 31 mars 2002.

Il résulte également des échanges de courrier entre les parties que les ascenseurs ont fait l'objet de demandes répétées de la part de ZFP (l'Ingénieur maître d'oeuvre) de mise en conformité avec la norme NFPA (norme internationale en matière de sécurité incendie) notamment': la réalisation de tests et la mise en service du système d'alarme incendie, l'absence d'un mode d'accès à la fosse, l'absence d'éclairage des cages d'ascenseurs, des problèmes d'aération (lettres pièces 31 du 22 mai 2002, 28 du 1er juin 2002, et 45 du 7 juillet 2002).

Aucun de ces défauts ne peut être qualifié de mineur, la mise en conformité avec une norme applicable, notamment en matière de sécurité incendie, constituant également un élément essentiel conditionnant la réception de bâtiments destinés à recevoir de nombreux salariés.

Outre que les propres pièces de THINET révèlent qu'elle n'avait pas respecté la date du 31 mars, puisque les demandes d'inspection ont été faites très postérieurement au 31 mars 2002 et que la mise en conformité des ascenseurs n'était pas réalisée au 31 mars 2002, il n'est justifié par THINET d'aucune interférence des travaux réalisés par les entreprises de SABIC sur ce point.

En effet, si THINET produit en pièce 55 les doléances exprimées par son sous-traitant pour les ascenseurs en raison de poussières de marbre qui endommageraient les ascenseurs et nécessiteraient leur nettoyage, ce défaut est sans aucune relation avec les problèmes de mise en conformité qui ont seuls motivé, de manière justifiée, les refus d'inspection préliminaire de cette partie d'ouvrage.

-c) le système d'évacuation des eaux usées':

Le 3 avril 2002, (pièce 118 THINET) ZFP informait THINET que le test d'utilisation du système d'évacuation avait échoué, précisant «'dans certains cas, il faut 12 seaux d'eau pour assurer le passage dans la section. Dans d'autres une pompe a été nécessaire. Toutes les sections de tuyauteries où l'évacuation ne se fait pas sans aide ne peuvent être approuvées. (') Le site ne peut pas être déclaré propre à l'occupation tant que le système d'évacuation des eaux usées n'a pas été testé et validé. ZFP demande à THINET d'indiquer comment il compte identifier les défauts du système et y remédier.'». Ce courrier ne refuse pas les travaux en raison d'une simple taille de la balle test comme le soutient THINET, mais en raison d'un véritable dysfonctionnement du système d'évacuation des eaux usées.

ZFP renouvelle sa demande de test du système d'évacuation des eaux usées conformément aux termes du contrat dans sa lettre du 21 avril 2002 (pièce 56 SABIC), rappelle dans son courrier du 16 juin 2002 (pièce 57 SABIC) que THINET est toujours responsable des ouvrages tant que la réception n'a pas été prononcée, ce qui ne peut être contesté, et qu'il lui appartient d'en assurer la protection tant que les ouvrages n'ont pas été remis à SABIC.

ZFP a refusé les travaux et THINET a effectivement protesté dans sa lettre du 24 juin 2002 (pièce 72 THINET), faisant valoir qu'il ne s'agissait que de réviser des profils de cunette ce qui ne justifiait pas un refus des travaux en eux-mêmes.

Le même jour, (pièce 58 SABIC) ZFP expose très précisément les défauts affectant le système d'évacuation (réduction du débit, problèmes de pente), rappelle que l'inspection de pré-réception devait avoir lieu le 20 juin 2002 mais que la date avait été reportée à la demande de THINET. Les défauts visés ne concernent pas un profil de cunette mais les dysfonctionnements de l'évacuation elle-même.

Compte tenu de la persistance des défauts, l'inspection de pré-réception était reportée au 25 juin 2002.

Le bon fonctionnement d'un système d'évacuation des eaux usées dans un bâtiment destinée à recevoir plusieurs centaines de personnes, n'est pas un élément mineur de l'ouvrage, mais un élément déterminant de sa réception.

Le fonctionnement normal du système d'évacuation des eaux usées n'était donc pas assuré au 31 mars 2002 et l'utilisation anormale des toilettes par les entreprises de SABIC, à supposer même qu'elle soit la cause exclusive des dysfonctionnements, ce qui n'est pas avéré au regard de la pièce 57, ne peut être une cause d'exonération de la responsabilité de THINET qui devait répondre des ouvrages jusqu'à leur pré-réception.

-d) les systèmes de lutte anti-incendie et de sécurité':

Il résulte de la lettre adressée par THINET à ZFP le 22 juin 2002 et du tableau annexé que le système de sécurité incendie n'avait pas encore été réceptionné et que THINET s'engageait à finir les travaux pour la fin du mois, l'occupation des locaux par SABIC étant prévu fin juin début juillet. Cet élément démontre à lui seul le retard de THINET dans l'exécution de ses obligations dans la mesure où il liste les demandes d'inspection préliminaires (FIR) préalables aux opérations de pré-réception (PHI) et où elles sont toutes postérieures au 31 mars 2002.

THINET ne justifie que par des lettres très postérieures au 31 mars 2002 (pièce 86 du 15 juillet 2002 et pièce 90 du 21 juillet 2002) que la présence des entreprises de SABIC a eu une incidence sur ses installations et sur l'existence de tests de la Protection civile. Dès lors le retard est avéré sur ce point également, aucune conformité de l'ouvrage à la norme NFPA n'étant démontrée au 31 mars 2002.

****

D'une manière générale, le tableau récapitulatif des demandes d'inspections préliminaires et de visites de pré-réception produit par SABIC montre que THINET a continué à les présenter très postérieurement au 31 mars 2002, les travaux étant toujours en cours à cette date comme le montre également le nombre élevé d'ouvriers présents sur le site au mois de mars 2002 (plus de 2'000).

THINET n'a donc pas respecté son obligation d'achever ses travaux au 31 mars 2002 résultant du mémorandum du 17 octobre 2001, sans démontrer que son retard soit dû à SABIC ou aux entreprises de SABIC.

La réponse de SABIC du 8 juin 2002, pour tardive qu'elle soit, n'est pas une violation de ses propres obligations contractuelles puisque les nombreuses pièces produites montrent, que les demandes d'inspection puis de pré-réception faites par THINET, tant avant qu'après le 31 mars 2002, ont été traitées dans des délais courts n'excédant pas quelques jours, ce qui ne caractérise aucune obstruction ou refus injustifié de la part de SABIC de recevoir l'immeuble ni aucun manquement aux dispositions contractuelles régissant les parties. SABIC n'a donc pas, comme l'ont énoncé à tort les premiers juges «'laissé les travaux s'effectuer sans règles ou limites'».

La lettre du 1er juillet 2002 (pièce 77 THINET) comporte en objet «'travaux non achevés qui devraient l'être avant livraison des bâtiments B11, B12 et B13 et mentionne': «'Veuillez trouver ci-joint une liste de travaux, dont je me suis entretenu avec vous et le bureau d'études le 30 juin 2002, qui n'ont pas empêché l'utilisation du bâtiment. Toutefois, les travaux de réparation perturberont les salariés travaillant dans le bâtiment après livraison. En conséquence, la réalisation desdits travaux facilitera les opérations de pré-réception et permettra à SABIC d'utiliser le bâtiment sans aucun obstacle et rendra les travaux ultérieurs de maintenance plus aisés'».

Outre que ladite liste n'est pas produite, la rédaction de ce courrier ne permet pas de conclure que l'ensemble des travaux étaient achevés au sens de l'article 56 au 31 mars 2002.

Le jugement déféré sera par conséquent infirmé en ce qu'il a considéré que THINET avait respecté ses obligations contractuelles et SABIC violé les siennes.

-2 Les indemnités de retard':

Il n'est pas discuté que l'immeuble a été occupé à compter du 1er septembre 2002, ce que ne conteste d'ailleurs pas THINET, date qui doit être considérée comme la date d'achèvement effective.

THINET est donc redevable, en application de l'article 5 du mémorandum, des pénalités de retard prévues au contrat et calculées rétroactivement à compter du 1er septembre 2001. Le calcul des pénalités de retard réalisé par SABIC est exempt de critiques et doit être entériné. La SA THINET sera condamnée à régler la somme de 89'598'261,40 riyals à ce titre.

-3- Les frais d'électricité :

THINET s'est engagée par lettre du 17 octobre 2001 (pièce 41 SABIC) «'conformément à l'article 9 du mémorandum «' à prendre en charge le coût de la consommation électrique du chantier.'» Cette prise en charge doit s'effectuer conformément aux termes du mémorandum et à l'engagement de THINET jusqu'à la livraison-prise de possession effective du chantier soit le 1er septembre 2002. La SA THINET est par conséquent redevable de la somme de 3'926'855,04 riyals au regard des factures d'électricités produites par SABIC, le jugement sera infirmé sur ce point.

-4- Les autres frais ou préjudices invoqués par SABIC':

THNIET s'est expressément engagée aux termes de l'article 8 du mémorandum du 17 octobre 2001 à prendre en charge «'rétroactivement tous les frais d'emploi de l'équipe sur site du consultant sur le projet à compter du 1er septembre 2001 jusqu'à l'achèvement si THINET n'a pas achevé les travaux le 31 mars 2002'». Les factures d'intervention de ZFP sont produites aux débats (pièces 36 et 36Bis). Toutefois ces honoraires ne sont dus que de septembre 2001 à la livraison de l'ensemble de l'ouvrage le 1er septembre 2002 soit un total de': 2'697'614 riyals.

SABIC réclame le remboursement des loyers réglés pendant la période du 1er septembre 2001 jusqu'à la prise de possession. Or sa pièce n°1 produite à l'appui de cette demande n'est qu'un tableau émis par SABIC lui-même insusceptible de prouver la réalité et l'étendue du préjudice invoqué. SABIC sera débouté de cette demande.

SABIC sollicite le remboursement de la dépréciation de son immeuble dont elle affirme qu'elle a dû retarder la cession. Or rien ne prouve que SABIC avait l'intention de céder son immeuble et que cette cession était en lien avec l'achèvement des travaux. SABIC doit être déboutée de sa demande.

SABIC sollicite le remboursement de frais de réparation de désordres exposés entre août 2003 et 2008 (pièce SABIC 34). Or les pièces produites (factures et tableau récapitulatif) ne permettent pas de considérer qu'il s'agit de désordres, aucun constat contradictoire n'ayant été effectué avec THINET, et non de simples opérations d'entretien ou d'amélioration. Par ailleurs, la lettre de THINET à SABIC du 3 mars 2004, invoquée par SABIC pour démontrer que THINET aurait reconnu l'existence d'un défaut d'étanchéité dans le parking, se borne en réalité à prendre acte de la demande de SABIC sans reconnaître une quelconque responsabilité. À défaut de preuve de la réalité d'un désordre et de son imputabilité à THINET, cette demande doit être rejetée.

SABIC demande enfin le paiement de frais de gestion interne et autres coûts exposés en raison du retard de THINET mais sans produire le moindre justificatif et c'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté cette demande.

-5- Les demandes financières de THINET ':

THINET réclame':

- la somme de 27'686'015,88 riyals au titre des frais financiers supportés en raison des situations de travaux 45 à 47 impayées,

- la somme de 14'357'000 euros au titre de la perte de marge brute sur le chantier SABIC,

- la somme de 4'242'222 euros au titre de la perte de l'actif économique de l'établissement saoudien de la SA THINET,

- la somme de 27'000'000 euros à titre de dommages et intérêts sur la base d'une perte de chance sur les marchés perdus en Arabie Saoudite du fait de l'absence de paiement du solde du marché, de l'impossibilité de se rétablir sur ce marché et de soumissionner,

- la somme de 15'000'000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

les frais financiers':

Les premiers juges ont condamné SABIC à payer à THINET la somme de 20 495 659 riyals au titre de frais bancaires exposés par THINET en raison du retard de paiement des travaux imputable à SABIC.

Les premiers juges ont procédé à leur propre calcul, dans la limite des sommes réclamées, au vu des pièces qui étaient produites. Il n'y a donc pas lieu à annulation du jugement, la cour étant au surplus saisie de l'entier litige.

Si THINET est redevable de pénalités de retard pour ne pas avoir livré l'immeuble à la date convenue du 31 mars 2002, il n'est pas contestable qu'au 1er septembre 2002 SABIC était en possession de son immeuble et que la période de maintenance prévue au contrat aurait dû s'achever le 31 août 2003.

Néanmoins SABIC n'a pas réglé les situations de travaux 45 à 47, en violation de l'article 55 du contrat, et n'a pas libéré la caution de bonne fin à l'issue de la période de maintenance ce qui n'est pas contesté. Le défaut de paiement de ces situations de travaux alors qu'elle occupait l'immeuble et que les travaux étaient par conséquent achevés au sens du contrat, constitue incontestablement une faute.

Conformément à l'article 62 du contrat selon lequel «'dans le cas où le Propriétaire ne se conforme pas à une ou plusieurs conditions du contrat ou n'acquitte pas les paiements prévus, l'Entrepreneur pourra adresser une réclamation pour toutes les pertes qu'il aura subies en raison dudit manquement ou de ladite infraction'».

Il incombe à THINET de prouver que les frais qu'elle réclame sont directement causés par le maintien des garanties et l'absence de paiement à bonne date des situations de travaux.

Sur les frais induits par le maintien des garanties bancaires, les premiers juges ont à juste titre rappelé que SABIC, qui devait contractuellement libérer les garanties à compter de septembre 2003, fin de la période de maintenance, n'a restitué la caution bancaire de versement d'acompte qu'en 2006 et celle de bonne fin en 2008. Au vu du relevé de la SAUDI HOLLANDI BANK pour la période du 3 janvier 1998 au 31 octobre 2010, le montant des frais indus a été exactement fixé par les premiers juges à la somme de 531'241 riyals. Le jugement sera confirmé sur ce point.

THINET réclame ensuite le montant des frais bancaires qui lui ont été facturés par la SAUDI HOLLANDI BANK à raison du défaut de paiement des situations de travaux à bonne date. Conformément à l'article 55 du contrat, la situation n°45, acceptée par le maître d''uvre aurait dû être réglée le 1er juillet 2002, la situation n°46 le 18 septembre 2002 (à une date où SABIC avait pris possession de son immeuble) et la situation n°47 le 13 septembre 2003, à l'issue de la période de maintenance.

Il ne s'agit donc pas d'intérêts moratoires sur les situations de travaux qui seraient prohibés en application de la Chari'a, mais un remboursement de frais facturés par une banque saoudienne, elle-même soumise à la Chari'a et il n'est pas soutenu par SABIC que les frais et intérêts facturés par cette banque seraient contraires à la Chari'a et à la Sunna.

Pour justifier sa demande, THINET a fait appel à un expert amiable, [L] [F] qui, aux termes de deux rapports (pièces THINET 127 et 201), a calculé la part des intérêts réglés par THINET à la SAUDI HOLLANDI BANK afférentes aux situations impayées en se référant au taux moyen annuel pratiqué par la banque et en s'appuyant sur un tableau récapitulatif adressé par la banque à THINET figurant en annexe 2 de son rapport.

Il a précisé dans un rapport ultérieur (pièce THINET 201) que le retard de paiement avait mécaniquement accru le besoin de financement et que la couverture de ce besoin avait eu nécessairement un coût qui avait été évalué par référence à l'endettement.

SABIC, qui a fait appel à son propre expert, soutient que ce calcul ne peut être retenu d'un part en ce qu'il n'utilise pas les taux d'intérêt réellement pratiqués par la banque, mais un taux évalué de manière «'approximative'» à partir de moyennes, et d'autre part, en ce que les intérêts sont calculés à partir d'un montant supérieur à celui emprunté par THINET à sa banque.

Le préjudice subi par THINET du fait du défaut de paiement, à bonne date, des situations de travaux 45 à 47, ne peut être constitué que des frais réellement payés pour les seuls montants non réglés.

Il résulte des pièces produites que THINET a fait appel, pour ses besoins de financement, à des découverts en comptes et à des emprunts avec des taux différents selon les périodes et qu'à compter de 2003, le montant de son endettement était inférieur au montant des créances non réglées.

Les intérêts réglés à compter de 2003, sont par conséquent directement causés par le non-paiement des situations de travaux qui a causé les besoins de financement. S'agissant de 2002, au regard du montant des découverts et des emprunts réalisés pour cette période, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer à 962'915 sar le montant des intérêts dus au non-paiement des situations de travaux 45 et 46.

Il n'est en revanche pas justifié de la facturation d'intérêts postérieurement à l'année 2008 et les calculs opérés par [L] [F] pour la période postérieure ne reposent que sur des postulats qui ne caractérisent pas la réalité d'un préjudice subi.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont condamné SABIC à payer à THINET la somme de 19'964'418 riyals (incluant la somme de 962'915 riyals au titre de l'année 2002) au titre des frais financiers dus au non-paiement des situations de travaux, soit un total dû de 20'495'659 SAR (531'241 + 19'964'418)

la perte de marge brute sur le chantier SABIC':

THINET soutient que le marché initial a été profondément modifié en raison des retards affectant les fondations, des nombreuses modifications sollicitées par SABIC et de l'intervention d'entreprises tierces, SABIC leur ayant confié une partie des travaux.

SABIC conclut à la confirmation du jugement sur ce point en faisant valoir que THINET ne justifie pas sa réclamation et qu'au contraire l'analyse des comptes de THINET montre qu'elle n'a subi aucune perte sur ce marché.

Il doit être rappelé, comme l'ont exactement fait les premiers juges, que le contrat initial est un marché forfaitaire pour l'exécution duquel les parties avaient expressément prévu d'une part, la réalisation de travaux supplémentaires et, d'autre part, la possibilité pour le maître de l'ouvrage de retirer certains travaux du marché pour les confier à d'autres entreprises. Les modifications évoquées par THINET sont par conséquent intervenues dans le strict cadre contractuel et ont été acceptée par les deux parties.

Le rapport de [L] [F], produit par THINET à l'appui de cette demande ne fait que reproduire un tableau fourni par THINET elle-même (pièce 127 THINET page 29) et page 58 de ce même rapport [L] [F] précise «'il m'a été indiqué que selon le suivi de gestion le chantier SABIC avait dégagé une perte en marge brute de l'ordre de 14'130 K€').

Cette demande ne repose donc que sur les seules affirmations de THINET qui ne peut, tant en droit français qu'en droit saoudien, se forger une preuve à elle-même.

Faute pour THINET de démontrer d'une part la réalité de la perte de marge brute qu'elle a subie et d'autre part que cette perte alléguée serait imputable au comportement de SABIC, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

la perte de l'actif économique de l'établissement saoudien de la SA THINET':

Contrairement à ce que soutient THINET, les premiers juges ont expressément statué sur cette demande, en l'associant avec celle résultant de la perte de chance sur les marchés perdus et en la rejetant expressément en page 42.

THINET soutient que la perte de la valeur économique de son établissement saoudien est dû aux fautes de SABIC qui aurait dû terminer ses propres travaux par l'intermédiaire des entreprises qu'elle a missionnées, ce qu'elle n'a pas fait, qui aurait dû procéder à la réception provisoire et définitive des ouvrages à compter du 31 mars 2002 et qui aurait dû régler dans les délais contractuels les situations de travaux n°45 à 47.

Il sera rappelé que les deux premiers griefs ne sont pas constitués': le dépassement des délais contractuels incombant à THINET n'a pas été causé par l'intervention des entreprises de SABIC et cette dernière a répondu, dans les délais contractuels aux demandes de PHI et de certificats de travaux, tant avant qu'après le 31 mars 2002.

Si SABIC a bien commis une faute en ne réglant pas les situations de travaux 45 à 47 dans les délais contractuels, il incombe à THINET de démontrer que cette faute est en relation avec le préjudice allégué, c'est à dire la fermeture de l'établissement saoudien.

Le rapport du commissaire aux comptes reproduit en page 53 du rapport de [L] [F] précise': «'les actionnaires ont décidé de cesser les activités de l'établissement de THINET INTERNATIONAL en Arabie Saoudite. (') L'activité en Arabie Saoudite est désormais poursuivie par une société Thinet Saudi Arabia, dont les titres sont détenus à 40% par THINET INTERNATIONAL SA et figurent à l'actif du bilan de la société. En conséquence, les comptes sociaux de la société n'intègrent plus les activités détaillées de l'établissement saoudien, maintenant fermé.'»

[L] [F] ne s'est pas prononcé sur le lien entre le comportement de SABIC et la décision de fermeture de l'établissement se contentant de reprendre les affirmations de THINET sur ce point (cf. page 52 du rapport).

La SA THINET échoue par conséquent à prouver que la décision de fermer l'établissement de THINET INTERNATIONAL au profit d'une société filiale constitue un préjudice causé par le comportement de SABIC et c'est à juste titre que les premiers juges ont énoncé que le montant non réglé de manière fautive par SABIC ne représentait que 10% du montant total du marché et qu'aucun lien n'était démontré entre ce non-paiement et la fermeture de l'établissement saoudien. Le jugement sera confirmé sur ce point.

la perte de chance sur les marchés perdus':

THINET soutient que le non-paiement des sommes dues par SABIC lui a fait perdre une chance de se maintenir sur le marché saoudien de la construction et de soumissionner pour de nouveaux marchés.

En droit saoudien, le caractère réel et certain de ce préjudice doit être démontré, puisque comme l'indique le professeur [E], non contredit sur ce point par le professeur [D], le droit hanbalite saoudien n'autorise ni la spéculation ni l'incertitude, ni l'aléa (gharar) en matière contractuelle. Si la notion de perte de chance peut être admise, encore faut-il qu'elle s'appuie sur des éléments réels tels un refus opposé à une soumission pour un marché, ce refus ayant été motivé par une insuffisance de surface financière causée par le comportement de SABIC ou même une demande de caution bancaire refusée pour les mêmes raisons.

Or en l'espèce rien de tel n'est démontré par la SA THINET qui ne procède que par affirmations et déductions à partir des éléments comptables qu'elle a transmis pour analyse à son expert conseil qui n'a pu procéder à aucune vérification, notamment en ce qui concerne la documentation juridique et comptable relative à la fermeture de l'établissement saoudien.

C'est donc par des motifs pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont considéré que THINET échouait à démontrer que les difficultés d'exécution du contrat SABIC par sa filiale saoudienne et le non-paiement de 10% du montant total du marché, avaient conduit à son exclusion du marché saoudien et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée à ce titre.

La demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, atteinte à l'image et à la réputation de la SA THINET INTERNATIONAL':

La SA THINET soutient qu'en ne respectant pas ses obligations contractuelles, en retenant indument le paiement de ce qui lui était dû, SABIC a abusé de sa situation d'entreprise d'état, abusé de ses droits en se faisant justice à elle-même et porté atteinte à sa réputation, son honneur, sa crédibilité et son image de marque.

Le droit saoudien ne permet pas la réparation d'une souffrance morale, sociale, émotionnelle selon le professeur [E] non démenti par le professeur [D], seul un préjudice économique démontré en relation directe avec une faute commise pourrait l'être. Or force est de constater que la SA THINET INTERNATIONL, qui se contente également sur ce point d'affirmations, ne démontre ni la réalité de l'atteinte à l'image à son honneur ou sa réputation qu'elle invoque ni un quelconque lien de causalité avec la faute commise par SABIC.

En effet, s'il est exact que de multiples procédures l'ont opposée à ses sous-traitants, aucun élément ne permet d'affirmer que ces procédures sont uniquement dues au non-paiement par SABIC des trois dernières situations de chantier et il en va de même pour la procédure initiée par sa banque à son encontre. Par ailleurs, il n'est produit aucun élément objectif permettant de considérer que ces évènements auraient causé à THINET un préjudice commercial réparable.

Le jugement sera également confirmé sur ce point.

-6 Les demandes de remboursements de frais d'avocat, des honoraires des experts amiables, de dommages et intérêts pour procédure abusive et l'article 700 du code de procédure civile':

La demande de remboursement des frais d'avocats exposés devant les juridictions saoudiennes est sans lien avec la présente procédure et ne procède que des choix procéduraux de THINET. C'est à juste titre que cette demande a été rejetée par les premiers juges.

Les demandes concernant les frais et honoraires des experts amiables auxquels la SA THINET a fait appel sont des frais irrépétibles qui ressortent du champ d'application de l'article 700 du code de procédure civile et qui ont déjà été indemnisés par les premiers juges dans le cadre des sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement sera confirmé sur ce point.

La société SABIC ne démontre pas que la SA THINET INTERNATIONAL, dont les demandes ont été partiellement accueillies, a agi avec mauvaise foi ou intention de nuire, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'est pas équitable de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties en cause d'appel.

La SA THINET INTERNATIONAL, qui succombe en son appel, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 avril 2003 en ce qu'il a rejeté les demandes de la société SABIC au titre des pénalités de retard des frais d'électricité et des honoraires du maître d''uvre,

Statuant à nouveau,

Condamne la SA THINET INTERNATIONAL à payer à la société de droit saoudien SABIC':

- la somme de 89'598'261,40 riyals au titre des pénalités de retard contractuelles,

- la somme de 3'926'855,04 riyals au titre des frais d'électricité arrêtés à août 2002 inclus,

- la somme de 2'697'614 riyals au titre des honoraires du maître d''uvre dus arrêtés à août 2002,

Confirme pour le surplus,

Ordonne la compensation judiciaire des sommes dues respectivement par chacune des parties,

Déboute la Société SABIC de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la SA THINET INTERNATIONAL aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 13/13797
Date de la décision : 22/05/2015

Références :

Cour d'appel de Paris G6, arrêt n°13/13797 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-22;13.13797 ?
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