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21/05/2015 | FRANCE | N°14/03709

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 21 mai 2015, 14/03709


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 21 Mai 2015

(n° 239 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/03709



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Décembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section activités diverses - RG n° 12/11305





APPELANTE

SA SOCIETE SNGST

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Nathalie MULS-BRUGNON,

avocat au barreau de PARIS,

toque : D1016





INTIME

Monsieur [Z] [E]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Christian LE GALL, avocat au barreau de PARIS, toque : B...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 21 Mai 2015

(n° 239 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/03709

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Décembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section activités diverses - RG n° 12/11305

APPELANTE

SA SOCIETE SNGST

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Nathalie MULS-BRUGNON, avocat au barreau de PARIS,

toque : D1016

INTIME

Monsieur [Z] [E]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Christian LE GALL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0754

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 mars 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Murielle VOLTE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [Z] [E], qui avait été engagé par la société de sécurité SNGST à compter du 14 novembre 2001 en qualité d'agent d'exploitation, a été licencié le 31 août 2012 pour faute grave pour absence de carte professionnelle.

Il a saisi la juridiction prud'homale le 15 octobre 2012 d'une demande de paiement de diverses indemnités au titre de la rupture.

Par jugement du 17 décembre 2013, le conseil de prud'hommes de Paris a condamné la SA SNGST à payer à M. [E] les sommes de :

- 3607,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 360,74 € au titre des congés payés sur préavis,

- 3908,02 € à titre d'indemnité de licenciement

avec intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2012,

- 10 800 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2013,

- et 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et à lui remettre un certificat de travail, une attestation pour Pôle Emploi et les bulletins de paie conformes.

La SA SNGST a interjeté appel de cette décision le 2 avril 2014.

A l'audience du 31 mars 2015, la société SNGST demande à la Cour d'infirmer le jugement et de débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes.

Elle fait valoir qu'étant, en tant qu'entreprise de sécurité, soumise à une réglementation très stricte, ne pouvant employer que des salariés titulaires d'une carte professionnelle délivrée à l'époque par les services de la Préfecture et aujourd'hui par le CNAPS, elle a mis en demeure M. [E], le 22 juin 2012, de lui adresser une carte professionnelle en cours de validité ou un récépissé de demande, et que faute de réponse, elle l'a convoqué à un entretien préalable le 20 juillet pour le 3 août et lui a laissé jusqu'au 31 août pour régulariser sa situation, le relançant le 9 août à cet effet. Elle s'étonne que l'intéressé n'ait pas fait état lors de cet entretien du récépissé de dépôt de demande de carte professionnelle en date du 30 mars 2009 qu'il produit aujourd'hui, alors que l'employeur n'est pas l'interlocuteur des services de la Préfecture et ne pouvait avoir connaissance de la situation administrative du salarié, et qu'il appartient à celui-ci de faire connaître à son employeur tous les changements intervenant dans sa situation. Elle considère que ce récépissé valant autorisation provisoire ne pouvait l'autoriser en tout état de cause à travailler pendant des années sans carte et fait remarquer que l'intimé ne produit qu'un document indiquant qu'il n'est pas fiché au fichier de la Gendarmerie nationale mais non auprès de la Police judiciaire, et que le courrier du Parquet de l'exécution des peines qui fait état de l'absence de mention des condamnations prononcées par le tribunal correctionnel de Bobigny sur son casier judiciaire B2 sous-entend donc qu'il a fait l'objet de condamnation. Elle ajoute enfin s'agissant de la clause de non-concurrence qu'elle en a dispensé le salarié dans la lettre de licenciement si bien que sa demande indemnitaire n'est pas fondée.

M. [E] demande pour sa part à la Cour de confirmer le jugement en ce qui concerne les indemnités de rupture allouées et de l'infirmer pour le surplus, en condamnant la société SNGST à lui payer les sommes de :

- 20 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 10 000 € à titre de dommages-intérêts au titre de la clause de non-concurrence

- et 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

d'ordonner sous astreinte de 100 € par jour de retard la remise des documents conformes et de condamner la société aux dépens y compris ceux dus au titre de l'exécution en application des articles 10 et 11 des décrets du 12 décembre 1996 et 8 mars 2001.

Il soutient que par application de l'article 13 du décret du 9 février 2009 relatif à la carte professionnelle, il a fourni à son employeur un récépissé de la Préfecture d'une demande de carte professionnelle daté du 30 mars 2009 qui l'autorisait à poursuivre son activité professionnelle jusqu'à la décision du préfet, et qu'il ne peut être tenu pour responsable de ce que celui-ci n'a jamais répondu à sa demande. Il considère donc que les dispositions de l'article L.612-21 du code de la sécurité intérieure qui prévoient la rupture de plein droit du contrat de travail du salarié qui ne disposerait pas de la carte ne s'appliquent pas à lui, d'autant qu'il a effectué toutes les démarches tant auprès du Parquet de Bobigny que de la CNIL pour démontrer qu'il n'existait aucun obstacle à la délivrance de la carte professionnelle. Enfin, il fait valoir que la clause de non-concurrence stipulée dans son contrat de travail ne prévoyait pas de contrepartie financière si bien qu'elle était nulle ce qui lui a causé nécessairement un préjudice.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Attendu que la société appelante fait valoir que dans le cadre de son activité réglementée, elle ne peut embaucher et conserver à son service, sous peine de sanctions pénales et administratives, que des salariés justifiant d'une carte professionnelle délivrée par les autorités administratives compétentes aux intéressés après contrôle de leur aptitude professionnelle et de leur moralité ;

Attendu en effet qu'aux termes de l'article L612-20 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction applicable à l'époque des faits résultant de l'ordonnance n°2012-351 du 12 mars 2012, venue codifier les dispositions qui résultaient antérieurement de la loi n°83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, et notamment de son article 6 modifié, nul ne peut être employé par une entreprise exerçant une activité privée de surveillance et de gardiennage s'il ne répond à un certain nombre de conditions tenant à son aptitude professionnelle et morale, notamment, s'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n°2 du casier judiciaire, et si ses agissements sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens et sont incompatibles avec l'exercice de ses fonctions, le respect de ces conditions étant attesté par la détention d'une carte professionnelle ; que l'article L612-21 dispose que le contrat de travail du salarié qui cesse de remplir les conditions posées aux 1° à 3° de l'article précédent est rompu de plein droit, cette rupture ouvrant droit au versement, par l'employeur, de l'indemnité de licenciement ; que ladite carte professionnelle, antérieurement délivrée par les services de la Préfecture, est délivrée, en vertu de l'article L.632-1 du même code, par le Conseil national des activités privées de sécurité, personne morale de droit public, instituée par la même ordonnance ; qu'enfin le même code punit de sanctions correctionnelles non seulement toute personne qui aura été employée en infraction aux dispositions de l'article 6, mais également tout dirigeant d'une entreprise de sécurité qui aura employé une telle personne en connaissance de cause, et prévoit une sanction administrative allant de la fermeture jusqu'à l'interdiction d'exercer la profession ;

Attendu par ailleurs que le décret n°2009-137 du 9 février 2009 relatif à la carte professionnelle, à l'autorisation préalable et à l'autorisation provisoire des salariés participant aux activités privées de sécurité définies à l'article 1er de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, applicable à l'époque des faits avant sa codification par le décret du 27 octobre 2014, a instauré la délivrance de ladite carte professionnelle, sous la forme dématérialisée d'un numéro d'enregistrement ; que l'article 13 a prévu à titre de dispositions transitoires que 'Les salariés participant, à la date de publication du présent décret, à l'exercice des activités privées de sécurité définies à l'article 1er de la loi du 12 juillet 1983 susvisée, sont réputés satisfaire, jusqu'à la date du 31 décembre 2009, aux conditions fixées par l'article 6 de la même loi. Ils présentent, au plus tard à cette dernière date, une demande de carte professionnelle dans les conditions du document prévu au chapitre Ier du présent décret, (....). Lorsque la demande est complète, le préfet en délivre récépissé. Ce récépissé permet, jusqu'à l'intervention d'une décision expresse, une poursuite régulière de l'activité professionnelle.' ;

qu'enfin, le décret n°2012-870 du 10 juillet 2012 relatif au code de déontologie des personnes physiques ou morales exerçant des activités privées de sécurité est venu rappeler les devoirs des employeurs et des salariés, les premiers s'interdisant d'employer des personnels de sécurité ne possédant pas les autorisations valides requises pour exercer leurs missions et les seconds devant être en mesure de présenter leur carte professionnelle à toute demande et ayant l'obligation d'informer sans délai leur employeur de toute modification, suspension ou retrait de leur carte professionnelle ainsi que d'une condamnation pénale devenue définitive ;

Attendu que c'est dans ce cadre que la SNGST a mis en demeure M. [E], par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 juin 2012, de lui adresser une carte professionnelle en cours de validité indispensable pour la poursuite de leur collaboration ; que faute de réponse, elle a convoqué le salarié le 20 juillet suivant à un entretien préalable à un licenciement pour le 3 août ; qu'à cette date, selon le procès-verbal contradictoire de l'entretien préalable, elle a été amenée à constater qu'il ne présentait toujours pas de courrier de la Préfecture lui attribuant un numéro pour sa carte professionnelle, et lui a laissé un délai jusqu'au 15 août pour faire le nécessaire, M. [E] indiquant qu'il avait tout fait pour avoir le numéro de carte et qu'il n'aurait toujours pas de réponse favorable au 31 août 2012 ; qu'une nouvelle mise en demeure lui a été adressée le 9 août ; qu'il a finalement été licencié pour faute grave le 31 août 2012 au motif qu'il était obligé pour pouvoir travailler comme agent de sécurité, conformément à l'article 6 de la loi du 12 juillet 1983 rappelé dans son contrat, de présenter une carte professionnelle valide, qu'à ce jour il n'était toujours pas en possession de la réponse favorable de la Préfecture et de ce fait d'une carte professionnelle, qu'il lui avait été laissé le temps nécessaire afin de faire toutes ses démarches qui n'étaient pas positives et qu'il ne s'était pas mis en conformité avec la loi et ne répondait donc plus aux obligations légales et contractuelles ;

Attendu que M. [E] ne peut soutenir qu'il se trouvait parfaitement en règle pour avoir transmis à l'époque à son employeur le récépissé de sa demande de carte professionnelle daté du 30 mars 2009 qui lui avait été remis par la Préfecture et qui l'autorisait à poursuivre son activité professionnelle, conformément à l'article 13 du décret du 9 février 2009 précité, jusqu'à une décision expresse du préfet, alors que ce récépissé, qui lui avait été remis dans le cadre des dispositions transitoires du décret de 2009, n'était valide que pour une durée provisoire et que malgré la mise en demeure de l'employeur, il n'a produit aucune décision, et en tout cas de réponse, de la Préfecture -ou du CNAPS depuis mars 2012-, justifiant de sa validité en juillet 2012, à une époque où les nouveaux textes lui imposaient d'être en mesure de présenter à toute demande une carte professionnelle dont il devait être obligatoirement détenteur ; que l'absence d'une telle carte constatant qu'il remplissait les conditions des 1° à 3° de l'article 6 de la loi du 12 juillet 1983 devenu l'article L612-20 du CSI constituait bien, de par la loi, une cause réelle et sérieuse de licenciement, privative de surcroît de l'indemnité compensatrice de préavis puisqu'elle ne permettait plus à son employeur de poursuivre la relation contractuelle sans être en infraction avec la loi ; que le jugement sera infirmé en ce sens ;

qu'en revanche, ainsi qu'il a été vu, l'employeur restait tenu de par la loi au paiement de l'indemnité de licenciement, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. [E] la somme de 3908,02 € à ce titre dont le montant n'est pas discuté par les parties ;

Attendu qu'en ce qui concerne la clause de non-concurrence contractuelle, il est constant qu'elle ne comporte pas de contrepartie financière et qu'elle était donc nulle, mais le salarié n'ayant pas la possibilité, avant même qu'elle soit levée par l'employeur dans la lettre de licenciement, de se faire embaucher par un concurrent du fait de son absence de carte professionnelle, elle n'a pu lui causer aucun préjudice ;

Attendu qu'il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu'elles ont dû engager en appel ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a condamné la SA SNGST à payer à M. [Z] [E] les sommes de :

- 3908,02 € au titre de l'indemnité de licenciement, outre les intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2012,

- et 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi que les dépens ;

L'infirme sur le surplus et, statuant de nouveau :

Déboute M. [E] du surplus de ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Condamne M. [E] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 14/03709
Date de la décision : 21/05/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°14/03709 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-21;14.03709 ?
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