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21/05/2015 | FRANCE | N°12/12031

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 21 mai 2015, 12/12031


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 21 Mai 2015

(n° 279 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/12031



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Décembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 10/16038





APPELANTE

Madame [L] [F] [T]

[Adresse 2]

[Localité 2]

née le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 3]

représe

ntée par Me Franck PARISÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : E1247







INTIMEE

Société JP MORGAN

société par action régie par la loi des Etats-Unis d'Amérique

prise en sa succursale...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 21 Mai 2015

(n° 279 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/12031

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Décembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 10/16038

APPELANTE

Madame [L] [F] [T]

[Adresse 2]

[Localité 2]

née le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 3]

représentée par Me Franck PARISÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : E1247

INTIMEE

Société JP MORGAN

société par action régie par la loi des Etats-Unis d'Amérique

prise en sa succursale de [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Emmanuel BENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : J007 substitué par Me Aurélie CORMIER LE GOFF, avocat au barreau de PARIS, toque : C0257

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mars 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bruno BLANC, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Patrice LABEY, Président de chambre

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller

Greffier : Madame Naima SERHIR, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Madame Wafa SAHRAOUI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

JP Morgan est un groupe américain disposant de filiales et succursales implantées

mondialement.

JP Morgan Chase Bank NAA est la filiale américaine du groupe en charge des activités bancaires. Elle est établie en France par le biais d'une succursale à [Localité 4] qui emploie 179 salariés au 31 décembre 2014 .

Madame [L] [F] [T] a été embauchée au sein du groupe JP Morgan par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1 er juillet 2005, reprenant son ancienneté acquise au titre d'un contrat de travail à durée déterminée antérieur au 28 juin 2004 .

Madame [L] [F] [T] exerçait ses fonctions auprès de la société JP Morgan Chase Bank NA NA, au sein de la succursale parisienne. Elle occupait, dans le secteur d'activité de la Banque d'Investissement et de Financement, un poste de Vendeur (« Sales ») au sein du département Crédits et Taux (« Crédit and rates »).

La convention collective applicable aux relations contractuelles est celle de la Banque.

La rémunération annuelle brute de Madame [L] [F] [T] s'élevait en dernier lieu à 80 000 € soit 6 666,67 € bruts mensuels.

La salariée bénéficiait en outre d'un bonus discrétionnaire dont le dernier montant, versé en janvier 2009 au titre de l'année 2008, était égal à un montant total de 80000 €, se répartissant en une partie versée en numéraire (64 000 €) et une partie versée sous forme de titres (Restricted Stock Units) (16 000 €).

Son licenciement économique lui a donc été notifié par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 27 mai 2009.

Madame [F] était dispensée de l'exécution de son préavis de trois mois, qui lui était rémunéré.

Elle adhérait au congé de reclassement qui lui avait été proposé pour une durée totale de 4 mois.

Son contrat de travail prenait fin au terme du congé de reclassement, le 1 er octobre 2009, date à laquelle Madame [F] percevait l'ensemble des documents relatifs à la fin de son contrat, ainsi que son solde de tout compte, comprenant notamment :

- une indemnité conventionnelle de licenciement égale à 16 667 € ;

- une indemnité additionnelle calculée suivant les conditions prévues au Plan de

Sauvegarde de l'Emploi, d'un montant de 90 000 € correspondant à 6 mois du

salaire de référence retenu par le plan.

En application des dispositions du Plan de Sauvegarde de l'Emploi, elle a également

bénéficié :

- d'un suivi personnalisé par un organisme d'outplacement dans le cadre d'une

mission illimitée ;

- de plusieurs formations pour un montant de 3 000 € ;

- du maintien de la mutuelle (100% des coûts pris en charge par la banque la l ère

année et 50% la 2 ème année).

Le 12 juin 2009, par l'envoi d'un certificat médical attestant de son état de grossesse de six semaines, Madame [L] [F] [T] informait son employeur de son état de grossesse.

Par courrier du 1er juillet 2009 , la société JP Morgan Chase Bank NA accusait réception de ce certificat de grossesse mais indiquait à Madame [F] que la suppression de son poste intervenue dans un contexte économique dégradé caractérisait une impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à sa grossesse. La société indiquait donc que, dans ces conditions et conformément à l'article L. 1225-5 du Code du travail, l'envoi du certificat médical de grossesse n'était pas de nature à permettre l'annulation de la mesure de licenciement intervenue.

Madame [L] [F] [T] accouchait le 30 janvier 2010.

Contestant son licenciement, Madame [L] [F] [T] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris le 13 décembre 2010 des chefs de demandes suivants :

- Constater :

- qu'elle était en état de grossesse lors de son licenciement;

- que JP MORGAN n' a pas annulé le licenciement ;

- que la cause économique n'est pas justifiée ;

- que son poste n'a pas été supprimé ;

- que les critères de licenciement et la priorité de réembauchage n'ont pas été respectés ;

- le refus obstiné de la société à communiquer les montants de salaire de l'équipe et en tirer toutes conclusions utiles ;

- le non respect de L 1132-1 du code du travail et de l'accord relatif à l'égalité professionnelle hommes femmes de la convention collective de la banque et de l'accord du 10 janvier 2000 étendu par arrêté du 17/11/204 concernant la maternité;

- la discrimination ;

- Prononcer la nullité du licenciement ;

- Constater qu'elle ne demande pas la réintégration ;

- Indemnité pour non respect de la priorité de réembauchage 2 mois de salaire 13 333,00€;

- Rappel de salaires: 390 315,00 € ;

- Ajustement indemnité conventionnelle de licenciement 5 000,00 € ;

- Ajustement de l'indemnité additionnelle du plan 90 000,00 € ;

- Dommages et intérêts 180 000,00 € ;

- Dommages et intérêts pour préjudice moral et au titre de la discrimination 50 000,00 €;

- Article 700 du Code de Procédure Civile 15 000,00 € ;

- Exécution provisoire article 515 du code de procédure civile .

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Madame [L] [F] [T] du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de paris le 17 décembre 2012 qui a :

- Condamné la société JP MORGAN CHASE BANK N.A à payer à Madame [F] [T] [L] les sommes suivantes:

* 93.333,00 euros à titre de rappel de salaire ;

* 9.333,00 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents;

* 1.666,00 euros à titre d'incidence sur l'indemnité de licenciement ;

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation;

- Rappelée qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du Code du Travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire;

- Fixé cette moyenne à la somme de 6.666,66 euros;

* 500,00. euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- Débouté Madame [F] [T] [L] du surplus de ses demandes;

- Condamné JP MORGAN CHASE BANK N.A aux dépens.

Vu les conclusions en date du 27 mars 2015, au soutien de ses observations orales, par lesquelles Madame [L] [F] [T] demande à la cour de :

- Recevoir Madame [L] [F] en son appel et le dire bien fondé ;

A TITRE PRINCIPAL :

- Confirmer le jugement prononcé le 17 décembre 2012 par le conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a annulé le licenciement de Madame [L] [F];

- l' infirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau :

- Condamner J.P. Morgan à payer à Madame [L] [F] :

* Rappel de salaire 280 568,92 € ;

* Cash Bonus 2009 97 600,00 €;

* Rappel de participation 2009 245,00 € ;

* Participation 2010 24 979,67 € ;

* Indemnité pour licenciement nul 180 000,00 € ;

* Indemnité compensatrice de préavis 62 348,65 €;

* Allocation de congé de reclassement 20 782,88 € ;

* Rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement 45 681,65 €

* Rappel d'indemnité additionnelle 172 045,95 €;

* Indemnité compensatrice de congés payés 34 291,76 €;

* Indemnité pour discrimination 50 000,00 € ;

- Dire que les rappels de salaires donneront lieu à cotisations calculées sur la base du plafond et du taux applicables pendant la période à laquelle ils se rapportent, quelle que soit leur date de versement ;

- Condamner la société J.P. Morgan à remettre à Madame [L] [F], sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et par document, ses bulletins de salaire pour la période de décembre 2009 à juin 2010, un certificat de travail rectifié et une attestation d'assurance chômage complémentaire ;

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- Dire et juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié par JP Morgann le 27 mai 2009 à Madame [L] [F],

Par conséquent:

- Condamner J.P. Morgan à payer à Madame [L] [F] :

* Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 180 000,00 €;

* Indemnité pour non-respect de la priorité de réembauche 13 333,34 € ;

- Ordonner le remboursement par J.P. Morgan au Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Madame [F] conformément à l'article L.1235-4 du Code du travail;

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :

- Dire et juger que JP Morgan n'a pas respecté les critères d'ordre des licenciements,

Par conséquent:

- Condamner J.P. Morgan à payer à Madame [L] [F] :

* Indemnité pour non-respect des critères d'ordre 180 000,00 €;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- Condamner J.P. Morgan à payer à Madame [L] [F] 25 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner J.P. Morgan aux entiers dépens ainsi qu'à l'éventuel droit de recouvrement qui

serait dû à l'huissier de justice sur le fondement des articles 10 et suivants du décret n°96-

1080 du 12 décembre 1996.

Vu les conclusions en date du 27 mars 2015, au soutien de ses observations orales, par lesquelles la Société JP MORGAN demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL :

- Réformer le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris en date du 8 février 2013 en

ce qu'il a estimé le licenciement de Madame [F] nul, comme contraire aux

dispositions de l'article L. 1225-4 du Code du travail et condamné la Société au

paiement des sommes afférentes ;

- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris en date du 8 février 2013

en ce qu'il a déboutée Madame [F] du surplus de ses demandes;

Statuant de nouveau :

- Dire et juger que le licenciement notifié à Madame [F] le 2 juin 2009 n'était

pas contraire aux dispositions des articles L. 1225-4 et L. 1225-5 du Code du travail ni

ne constitue une discrimination fondée sur l'article L. 1132-1 du Code du travail;

- Dire et juger que le licenciement notifié à Madame [F] le 2 juin 2009 repose

sur un motif économique réel et sérieux ;

- En conséquence, débouter Madame [F] de sa demande de prononcé de la nullité de son licenciement à ce titre et des demandes afférentes;

- Débouter Madame [F] de sa demande au titre de la priorité de réembauche;

- Débouter Madame [F] de sa demande au titre du non-respect des critères d'ordre

des licenciements ;

SUBSIDIAIREMENT, si par extraordinaire la Cour prononçait la nullité du

licenciement :

- Confirmer le montant des condamnations prononcés par le jugement du Conseil de

prud'hommes de Paris en date du 8 février 2013 au titre de la nullité du licenciement ;

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, si la Cour estimait devoir entrer en voie de condamnation au-delà de celles prononcées par le jugement entrepris :

- Dire et juger que la période de protection couverte par la nullité ouvrant droit à un rappel de salaire est d'une durée de 7 mois, reportant l'ancienneté de la salariée au 1 er

mai 2010.;

- En conséquence, limiter la condamnation à intervenir au titre des rappels de

rémunération sur cette période à un montant d'indemnité égal 93 333 €;

Très subsidiairement et en tout état de cause, limiter la durée de la période couverte par

la nullité à 8,5 mois et limiter le montant de la revalorisation de la rémunération à 4,7 %

par référence à la moyenne des salariés de la Banque sur la période;

- Limiter le montant du rappel de participation dû à :

* 6 163 euros au titre de l'année 2009 ;

* 593 euros au titre de l'année 2010 ;

- Et débouter la salariée de sa demande de participation au titre de l'année

2011;

- Limiter le montant de rappel d'indemnités de licenciement à 1 666 euros au titre de l'indemnité conventionnelle , aucune indemnité complémentaire n'étant due au titre de

l'indemnité additionnelle prévue par le Plan;

- Limiter le montant de la condamnation à titre de dommages et intérêts consécutifs au licenciement nul au minimum légal de 6 mois de salaire soit 80 000 euros ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- Débouter Madame [F] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice

moral au titre d'une discrimination ;

- Débouter Madame [F] du surplus de ses demandes et au titre de l'article 700 du code de procédure civil .

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du licenciement :

Considérant que, pour infirmation, Madame [L] [F] [T] soutient que son licenciement est affecté de nullité en raison de son état de grossesse déclaré et d'une discrimination fondée également sur cet état de fait ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.1225-4 du Code du travail :

« Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes. »

«Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa. » ;

Que l'article L.1225-5 du même code dispose quant à lui que :

« Le licenciement d'une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l'intéressée envoie à son employeur, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte. » « Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé pour une faute grave non liée à l'état de grossesse ou par impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. » ;

Qu'en l'espèce, il résulte des pièces produites par la salariée que l'envoi du certificat de grossesse est intervenu le 12 juin 2009 soit 15 jours après l'envoi de la lettre de licenciement;

Que la Société JP MORGAN reconnaît explicitement avoir été informée de l'état de grossesse de Madame [L] [F] [T] puisque , dans un courrier de réponse à l'envoi du certificat de grossesse en date du 1er juillet 2009 l'employeur indiquait à Madame [F] que la suppression de son poste intervenue dans un contexte économique dégradé caractérisait une impossibilité de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à sa grossesse; que la Société JP MORGAN concluait que, dans ces conditions et conformément à l'article L. 1225-5 du Code du travail, l'envoi du certificat médical de grossesse n'était pas de nature à permettre l'annulation de la mesure de licenciement intervenue;

Considérant, cependant, que la loi, en exigeant que l'employeur soit dans l'impossibilité de maintenir le contrat de travail, a entendu accorder à la salariée en état de grossesse, une protection renforcée;

Que la situation de la Société JP MORGAN lui permettait de maintenir le contrat de travail de Madame [L] [F] [T] durant la période de protection,

nonobstant la mise en oeuvre du plan social, et même dans le cadre d'un réorganisation du département ' crédit et taux';

Que la situation économique de la Société JP MORGAN nécessitait certes la réduction du nombre de salariés, mais ne l'a mettait pas dans l'impossibilité de maintenir le contrat de travail de la salariée, dont la rémunération représentait une part infime de la charge salariale;

Qu'en outre, au jour de la demande d'annulation du licenciement, la Société JP MORGAN ne justifie pas avoir mis en place ipso facto la restructuration durant la période de préavis;

Qu'en effet la Société JP MORGAN n'établit pas que la réorganisation ait déjà été mise en oeuvre au moment de l'envoi du certificat le 12 juin 2009 notamment en établissant que les dossiers suivis par la salariée avaient déjà été distribués et que le maintien du contrat de travail présentait un caractère impossible;

Qu'en conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement nul en violation des dispositions de l'article L 1225-4 du code du travail; que, par ailleurs, le débat sur le caractère fondé du licenciement économique est inopérant;

Sur les conséquences du licenciement:

Considérant que la salariée dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit, d'une part, aux indemnités de rupture et, d'autre part, à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond dès lors qu'il est au moins égal à celui prévu par l'article L 1235-3 du Code du travail;

Que Madame [L] [F] [T] n'ayant pas demandé sa réintégration, elle a droit aux réparations suivantes :

- une indemnité au titre de la méconnaissance du statut protecteur lié à la grossesse et la

maternité ;

- une indemnité réparant le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement;

- les indemnités liées à la rupture de son contrat de travail ;

Que s'agissant de l'indemnité au titre de la méconnaissance du statut protecteur, aux termes de l'article L 1225-71 alinéa 2 du Code du travail, lorsque le licenciement est nul

l'employeur verse, à titre forfaitaire, le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité;

Qu'en l'espèce, l'article 51.1 de la convention collective nationale de la banque prévoit qu' « A l'issue de son congé maternité légal, la salariée a la faculté de prendre un congé supplémentaire rémunéré de 45 jours calendaires à plein salaire ou de 90 jours calendaires à demi-salaire »;Que dans le cas de Madame [L] [F], son médecin a déterminé le début de sa grossesse au 19 mai 2009 , la date présumée de son accouchement était donc fixé au 19 février 2010, son congé de maternité aurait pris fin 10 semaines après (le 30 avril 2010), son congé supplémentaire 45 jours calendaires plus tard (le 14 juin 2010), de sorte que la période de protection aurait pris

fin 4 semaines après, soit le 12 juillet 2010; Que dès lors, Madame [L] [F] [T] a droit, à titre forfaitaire, au montant des salaires qu'elle aurait perçus entre la date de son licenciement et le 12 juillet 2010, déduction faite des rémunérations qui lui ont été versées entre le 2 juin 2009 et le 30 septembre 2009;

Que le salaire à prendre en considération doit inclure le bonus au titre de l'année 2009, la participation au titre des années 2009 et 2010 et les charges sociales afférentes aux rappels de salaires; soit les sommes suivantes :

* Rappel de salaire 280 568,92 € ;

* Cash Bonus 2009 97 600,00 €;

* Rappel de participation 2009 245,00 € ;

* Participation 2010 24 979,67 € ;

Que s'agissant de l'indemnité pour licenciement illicite, l'article L 1225-71, alinéa 1 du Code du travail dispose que la salariée dont le licenciement est nul car prononcé en violation du statut protecteur qui lui est accordé en cas de maternité est indemnisée de son préjudice par l'attribution de dommages et intérêts;

Que Madame [L] [F] [T] est fondée, en application de l'article L. 1225-75 du Code du travail, lequel dispose que « L'inobservation par l'employeur des dispositions de l'article L.1225-1 à L.1225-28 et L1225-35 à L. 1225-69 peut donner lieu à l'attribution de dommages et intérêts au profit du bénéficiaire en plus de l'indemnité de licenciement», à demander en plus du rappel des salaires (rappel de rémunération : salaires, bonus, participations salariales], des dommages-intérêts réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond dès lors qu'il est au moins égal à celui prévu par l'article L. 1235-3 du Code du travail, à savoir une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois;

Que faute d'élément complémentaire, le montant des dommages et intérêts sera fixé à six mois de salaire soit sur la base des salaires 2008 : 80.000 euros;

Que s'agissant des indemnités de rupture, et plus particulièrement des demandes de rappel d'indemnités de licenciement, la Société JP MORGAN fait valoir avec pertinence que la période du congé de reclassement excédant la durée du préavis n'entre pas dans le calcul de l'ancienneté pour la détermination du droit à l'indemnité de licenciement;

Que , par ailleurs, l'augmentation de l'ancienneté de Madame [F] en raison de la durée de sa protection au titre de la nullité du licenciement, et donc jusqu'au 1 er mai 2010 ou 12 juillet 2010, soit de 7 mois supplémentaires, établit l'ancienneté à 5 ans et 9 mois;

Qu'en conséquence, les droits acquis au titre de l'augmentation de l'ancienneté s'établissent comme suit :

- l'indemnité conventionnelle de licenciement est due à raison de 1/4 de mois de salaire de

base (hors bonus) par semestre complet d'ancienneté. La majoration de 7 mois

d'ancienneté acquise à Madame [F] lui ouvre droit à un rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement correspondant au montant dû au titre d'un semestre complet d'ancienneté supplémentaire, soit % de sa rémunération de base = 1/4 x 80 000€/ 12 = 1 666 €;

- l'indemnité additionnelle de licenciement prévue par le Plan de sauvegarde de

l'emploi en fonction des années d'ancienneté acquises par les salariés et de leur âge. Le montant de l'indemnité additionnelle était identique entre 4 et 6 ans d'ancienneté (soit, pour un salarié de moins de 35 ans, 6 mois de salaire de base + meilleur bonus des 3 dernières années, hors indemnité transactionnelle optionnelle de 3 mois de salaire supplémentaire). Les 7 mois d'ancienneté supplémentaires conduisent Madame [F] à passer de 5 ans et 2 mois à 5 ans et 9 mois d'ancienneté et n'ont donc aucune incidence sur le montant de l'indemnité additionnelle qui lui était due, et lui a déjà été payée, à hauteur de 90 000€.

Considérant que, s'agissant de la demande de dommages et intérêts à hauteur de 50.000 euros pour discrimination en raison de son sexe, Madame [L] [F] [T] ne justifie d'aucun préjudice complémentaire étant précisé que la salarié ne justifie d'aucun retard de carrière du fait qu'elle était une femme susceptible d'être enceinte;

Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles;

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'appel interjeté par Madame [L] [F] [T] ;

Confirme le jugement déféré uniquement en ce qu'il a jugé le licenciement nul ;

Infirme le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

Condamne la Société JP MORGAN à payer à Madame [L] [F] [T] les sommes suivantes:

* au titre de rappel de salaire : 280 568,92 € ;

* au titre de Cash Bonus 2009 : 97 600,00 €;

* au titre du rappel de participation : 2009 245,00 € ;

* au titre de laparticipation 2010 : 24 979,67 € ;

* au titre de l'indemnité pour licenciement illicite: 80.000 euros ;

* au titre d'un complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement : 1.666 euros;

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la Société JP MORGAN aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

W. SAHRAOUI P. LABEY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 12/12031
Date de la décision : 21/05/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°12/12031 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-21;12.12031 ?
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