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20/05/2015 | FRANCE | N°14/01688

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 20 mai 2015, 14/01688


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 20 MAI 2015



(n° 277 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/01688



Décision déférée à la Cour : Décision du 30 Décembre 2013 -Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS -





APPELANTE



Madame [T] [S]

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me Emmanuelle BOUSSARD

-VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355





INTIMEE



ALLEN ET OVERY LLP

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me Amandine VETU de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 20 MAI 2015

(n° 277 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/01688

Décision déférée à la Cour : Décision du 30 Décembre 2013 -Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS -

APPELANTE

Madame [T] [S]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355

INTIMEE

ALLEN ET OVERY LLP

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Amandine VETU de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Mars 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jacques BICHARD, Président de chambre (rapporteur)

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Sylvie BENARDEAU

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Sylvie BENARDEAU, greffier.

Vu le recours formé par lettre recommandée du 16 janvier 2014 par Mme [T] [S] à l'encontre de la décision rendue le 30 décembre 2013, sur le fondement de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, par le délégué du bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris dans le cadre du litige l'opposant au cabinet Allen & Overy LLP Partnership qui a :

- dit et jugé que le contrat de collaboration conclu entre ces deux parties le 27 juillet 2007 est un contrat de collaboration libérale,

- constaté que Mme [T] [S] n'apporte pas la preuve que le cabinet Allen & overy LLP Partnership aurait commis une faute dans l'exécution et la rupture de ce contrat,

- débouté Mme [T] [S] de ses demandes .

Entendues à l'audience du 25 mars 2015 les parties en leurs observations conformes à leurs écritures :

- à titre principal :

* prononcer la requalification du contrat de collaboration libérale conclu entre le Cabinet ALLEN & OVERY et Madame [S] en contrat d'avocat salarié

* condamner le cabinet Allen & Overy LLP Partnership à lui payer les sommes suivantes:

. 7 367, 35 euros bruts au titre du rappel des heures supplémentaires sur l'année 2007 et 736, 73 euros bruts au titre des congés payés,

. 24 226, 81 bruts au titre du rappel des heures supplémentaires pour l'année 2008 et 2422,68 euros bruts pour les congés payés,

.16 690, 85 euros nets de CGS RDS à titre de dommages intérêts pour privation de repos compensateurs obligatoires sur l'année 2008 et 1 699, 09 euros de congés payés,

. 33 699, 91 euros bruts au titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2009 et 3 369, 99 euros bruts de congés payés,

. 28 113, 69 euros nets de CSG RDS à titre de dommages intérêts pour privation de repos compensateurs obligatoires sur l'année 2009 et 2 811, 37 euros de congés payés,

. 45 704, 59 bruts au titre de rappel d'heures supplémentaires sur l'année 2010 et 4 570,46 euros bruts de congés payés,

. 45 700, 26 euros nets de CSG RDS à titre de dommages intérêts pour privation de repos compensateurs obligatoires sur l'année 2010 et 4 570, 03 euros de congés payés,

.18 752, 64 euros bruts au titre de rappel d'heures supplémentaires sur l'année 2011 et 1875, 26 euros de congés payés,

. 2 684, 67 euros nets de CSG DDS à titre de dommages intérêts pour privation de repos compensateurs obligatoires sur l'année 2011 ( par erreur il est indiqué 2010 ) et 268, 47 euros de congés payés,

. 102 855, 96 euros nets de CSG RDS au titre de l'indemnité forfaitaire prévue en cas de recours au travail dissimulé,

.50 000 euros nets de CSG RDS à titre de dommages intérêts pour violation des durées maximales du travail,

.100 000 euros nets de CSG RDS à titre de dommages intérêts pour violation du droit au repos,

.200 000 euros de CSG RDS à titre de dommages intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

. 14 988, 42 euros à titre d'indemnité de licenciement,

. 102 855, 96 euros nets de CSG RDS à titre de dommages intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

.30 000 euros nets de CSG RDS à titre de dommages intérêts pour préjudice moral,

* dire que les créances salariales porteront intérêts à compter du jour de la requête devant le délégué du bâtonnier,

* condamner le cabinet Allen & Overy LLP Partnership lui remettre les bulletins de salaire rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours à la suite de la notification de la décision à rendre,

- à titre subsidiaire :

* dire fautives l'exécution et la rupture de son contrat de collaboration,

* condamner le cabinet Allen & Overy LLP Partnership à lui payer les sommes suivantes:

. 400 000 euros nets de CSG RDS à titre de dommages intérêts pour exécution abusive et fautive du contrat de collaboration,

. 200 000 euros nets de CSG RDS à titre de dommages intérêts pour rupture abusive et fautive du contrat de collaboration,

- en tout état de cause :

* ordonner l'application des dispositions de l'article 1154 du code civil,

* condamner le cabinet Allen & Overy LLP Partnership à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamner le cabinet Allen & Overy LLP Partnership aux dépens,

* ordonner la notification de la décision à rendre aux organismes sociaux compétents .

- à titre principal, confirmer la décision déférée,

- subsidiairement :

* débouter Mme [T] [S] de ses prétentions au titre des heures supplémentaires, de l'obligation de sécurité,

* dire et juger que le salaire de référence ne pouvait excéder 6 600 euros bruts,

* fixer l'indemnité de licenciement à 5 439, 01 euros, les dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 39 600 euros, l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé à 39 600 euros,

* rejeter la demande au titre du préjudice moral,

- sur les demandes subsidiaires présentées par Mme [T] [S] :

* dire et juger qu'il n'a commis aucune faute liée à l'exécution et à la rupture du contrat de collaboration,

* débouter Mme [T] [S] de ses demandes,

- en tout état de cause, débouter Mme [T] [S] de sa demande présentée en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner à ce titre à lui payer la somme de 5 000 euros .

SUR QUOI LA COUR

Le 27 juillet 2007 les parties ont conclu un contrat de collaboration qualifiée de libérale, rédigé conformément aux dispositions de la loi du 31 décembre 1971 modifiée .

Par lettre du 5 mai 2011, remise directement à l'intéressée contre décharge, le cabinet Allen & Overy LLP Partnership a mis fin au contrat de collaboration de Mme [T] [S] dans les termes suivants : ' A la suite de nos entretiens, nous vous confirmons que notre contrat de collaboration qui nous lie depuis le 20 septembre 2007 prendra fin le 31 octobre au soir . Nous avons en effet préféré vous laisser 6 mois de délai de prévenance au lieu de 3 mois, comme stipulé dans votre contrat' .

C'est dans ces circonstances que Mme [T] [S] a engagé la présente procédure.

Elle soutient essentiellement que sa charge de travail dans le département 'Banque et Finance' auquel elle appartenait était trop lourde et lui imposait des amplitudes horaires quotidiennes excessives et la fréquente nécessité de travailler le week-end et les jours fériés ou pendant ses congés et que de ce fait elle s'est trouvée dans l'impossibilité effective de pouvoir développer une clientèle personnelle .

Il est avéré, à la lecture de divers mails et des attestations ( Mme [D], Mme [H], Mme [V], Mme [E] ) versés aux débats, que Mme [T] [S] a connu des amplitudes horaires conséquentes et qu'il lui est arrivé de devoir travailler le week-end ou durant des périodes de congé .

Cependant à l'exception de cinq à six dossiers régulièrement cités par les déclarants et qui correspondent effectivement à des périodes d'activité particulièrement intenses et astreignantes, les énonciations de ceux-ci sur la charge effective de travail au sein du cabinet restent d'ordre général .

S' il est soutenu que la pratique du cabinet consistait à ne pas enregistrer toutes les heures de travail comme heures facturables, cette affirmation est contestée par le cabinet Allen & Overy LLP qui démontre en revanche par des graphiques relatifs à la répartition du temps de travail entre congés/jours fériés, heures non justifiées et heures justifiées, facturables ou non, établis pour les années 2007 à 2011, à partir des données chiffrées fournies par Mme [T] [S] elle même, l'existence d'un nombre important d'heures non justifiées, ainsi que, certes celle de pics de travail comme le rapportent les témoins, mais également de périodes de faible activité, notamment en 2008 et 2010.

Le cabinet Allen & Overy LLP Partnership qui ne conteste pas qu'une partie des tâches confiées à ses collaborateurs pouvait être 'non facturables' aux clients, démontre cependant que Mme [T] [S] a enregistré un nombre non négligeable d'heures ( 190 sur 634 en 2007, 639 sur 2204 en 2008, 452 sur 2317 en 2009, 567 sur 2436 en 2010, 375 sur 1879, 80 en 2011 ) qui ne correspondaient ni à un travail qui aurait été effectif mais 'non facturable' aux clients, pratique connue de l'intéressée qui ainsi enregistrait ce type d'heures dans des dossiers adéquats ( pièces 12 à 16 du cabinet), ni à un travail effectif sur des dossiers mais néanmoins non facturé aux clients notamment en cas de dépassement du budget arrêté avec ceux-ci, pratique que Mme [T] [S] ne pouvait également ignorer.

Par ailleurs le cabinet Allen & Overy LLP Partnership met en évidence une discordance entre les heures enregistrées par Mme [T] [S] au titre de la formation et celles qui ont été effectivement validées auprès de l'ordre des avocats au titre de la formation continue .

Prenant également en exemple, à partir des pièces fournies par la partie adverse, des journées particulières : 14 juin 2010, 11 octobre 2010, 14 octobre 2010, 3 novembre 2010, 14 décembre 2010, 21 décembre 2010, le cabinet Allen & Overy LLP Partnership oppose ainsi l' heure, certes tardive, à laquelle sa collaboratrice a terminé sa journée, au nombre d'heures qu'elle a cependant passées durant celle-ci au titre de la formation, activité distincte du traitement des dossiers dont elle avait la charge .

L'ensemble de ces éléments ne permet donc pas de retenir la thèse de la surcharge constante et insupportable de travail soutenue par Mme [T] [S] et il s'avère que les périodes d'intense activité qu'elle a connues n'ont été que ponctuelles et ne correspondaient pas à une pratique systématique ou régulière .

Le délégué du bâtonnier a, au demeurant, relevé à juste titre qu' une telle situation n'a rien d'exceptionnel dans la profession d'avocat, notamment s'agissant d'un cabinet d'affaires de prestige dont la notoriété profite directement à l'ensemble des collaborateurs et en l'espèce à Mme [T] [S] qui bénéficiait d'une rétrocession d'honoraires élevée, de l'ordre en 2010, dernière année complète travaillée au sein du cabinet, de 9 041, 66 euros par mois .

Tout autant, c'est par des motifs pertinents et appropriés que la cour adopte que le délégué du bâtonnier a écarté l'argument tiré de l'absence d'indépendance et de l'existence d'un lien de subordination, mettant en évidence le nécessaire droit de regard du cabinet sur les travaux et les agissements de ses collaborateurs qui, par leur action, engagent directement sa responsabilité, notamment vis à vis des clients .

Ce droit de contrôle dont le corollaire consiste en l'évaluation régulière des collaborateurs n'est en effet en rien la preuve de l'existence d'un lien de subordination .

Il en est de même de la gestion stricte des dates de congés payés inhérente au bon fonctionnement du cabinet qui regroupe à [Localité 1] 36 avocats associés, 150 collaborateurs et se trouve divisé en sept départements et donc à sa pérennité .

Mme [T] [S] qui travaillait avec d'autres collaborateurs au sein d'une structure dont elle connaissait parfaitement les modalités de fonctionnement qu'elle n'a, au demeurant, jamais remises en cause préalablement à la rupture de son contrat de collaboration libérale, ne peut en conséquence sérieusement prétendre avoir pu s'y soustraire, alors même qu'elle ne démontre pas en quoi elles constitueraient une entrave au développement de sa clientèle personnelle, et que pas davantage elle ne peut établir qu'elle ne bénéficiait pas au sein du cabinet de conditions matérielles satisfaisantes.

Et dès lors la circonstance qu'elle n'a eu qu'un seul client à titre personnel, ce qui est certes résiduel au regard des 4 années de collaboration au sein du cabinet Allen & Overy LLP Partnership, n'est en rien la démonstration de ce qu'elle se trouvait de fait, non pas dans le cadre d'un régime de collaboration libérale mais dans celui d'un contrat de travail.

Au demeurant , en quatre ans de collaboration, Mme [T] [S] n'a jamais dénoncé cette situation, pas même dans son mail du 31 octobre 2011 adressé à l'un des associés du cabinet, Mme [U], le jour de son départ effectif .

Enfin, Mme [T] [S] qui a bénéficié d'un délai de prévenance de six mois alors que son contrat, eu égard à son ancienneté, ne prévoyait que trois mois à ce titre, ne démontre pas en quoi la rupture de celui-ci est intervenue de façon brutale ou vexatoire, la lettre en date du 5 mai 2011 qui lui a été adressée à cette fin étant rédigée en termes neutres et dépourvus de toute animosité ou remarques personnelles .

Pas davantage Mme [T] [S] n'établit, ni n'allègue au demeurant, l'existence de circonstances particulières et blâmables qui auraient présidé à cette rupture .

Enfin elle ne peut légitimement se plaindre de ce que durant le délai de prévenance elle a dû finaliser un dossier très important pour le cabinet .

Ainsi n'est pas rapportée la preuve d'un exercice et d'une rupture fautive du contrat de collaboration libérale de sorte que Mme [T] [S] sera déboutée de la totalité de ses prétentions, la décision déférée étant en conséquence confirmée .

Eu égard à la solution du litige, l'équité commande d'accorder au cabinet Allen & Overy LLP Partnership, et à lui seul, une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 3 000 euros .

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision déférée .

Condamne Mme [T] [S] à payer au cabinet Allen & Overy LLP une indemnité d'un montant de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Mme [T] [S] aux dépens .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 14/01688
Date de la décision : 20/05/2015

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°14/01688 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-20;14.01688 ?
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