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20/05/2015 | FRANCE | N°12/07424

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 20 mai 2015, 12/07424


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 20 Mai 2015



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07424



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 24 mai 2012 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - section industrie - RG n° 09/04193





APPELANTE

SARL BA BOULANGERIE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Siret n° 512 673 708 00016

représentée par Me Marc QU

ILICHINI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, substitué par Me Thikim NGUYEN, avocate au barreau de SEINE SAINT DENIS,





INTIMEE

Madame [M] [D] [Z]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 1]
...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 20 Mai 2015

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/07424

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 24 mai 2012 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - section industrie - RG n° 09/04193

APPELANTE

SARL BA BOULANGERIE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Siret n° 512 673 708 00016

représentée par Me Marc QUILICHINI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, substitué par Me Thikim NGUYEN, avocate au barreau de SEINE SAINT DENIS,

INTIMEE

Madame [M] [D] [Z]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 2]

comparante en personne, assistée de M. [J] [U] (Conjoint) en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 mars 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Aline BATOZ, vice présidente placée, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Aline BATOZ, vice présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 02 septembre 2014

Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Marion AUGER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [M] [D] [Z] a été engagée par la SARL BA Boulangerie en qualité de vendeuse le 1er mars 2009, par contrat à durée indéterminée.

La convention collective applicable dans l'entreprise, qui employait moins de 11 salariés au moment des faits, est celle de la boulangerie pâtisserie artisanale.

A compter du 24 septembre 2009, Mme [Z] a été en arrêt de travail jusqu'au 10 octobre 2009, qui a été prolongé jusqu'au 30 novembre 2009 suite à la prolongation de cet arrêt.

Sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail ainsi que le versement d'indemnités de rupture, Mme [Z] a saisi, le 2 novembre 2009, le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement du 24 mai 2012, a prononcé la résolution judiciaire de son contrat de travail à la date du 30 novembre 2009, et condamné la société BA Boulangerie à lui verser les sommes suivantes :

' 884,75 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

' 88,47 € au titre des congés payés afférents

' 800,60 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur toute la période travaillée

avec intérêts de droit à compter de la saisine du conseil

' 4.800 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé

' 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes a en outre ordonné la remise de documents sociaux conformes au jugement, et débouté Mme [Z] du surplus de ses demandes.

La société BA Boulangerie a régulièrement relevé appel de cette décision et à l'audience du 23 mars 2015, reprenant oralement ses conclusions visées par le greffier, demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de débouter Mme [Z] de toutes ses demandes.

Mme [Z], valablement représentée par son époux, a repris oralement à l'audience ses conclusions visées par le greffier et demande à la cour de condamner la société BA Boulangerie à lui verser les sommes suivantes :

' 1.348,34 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

' 134,83 € au titre des congés payés sur préavis

' 943,83 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur toute la période travaillée

' 4.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail

' 7.800 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé

' 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [Z] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a ordonné la remise de documents sociaux conformes, mais demande que cette remise soit assortie d'une astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision du 24 mai 2012.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail, le juge dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier si les manquements de l'employeur invoqués sont établis, et suffisamment graves pour justifier une telle mesure.

Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour à partir duquel le salarié a cessé de se tenir à la disposition de l'employeur.

Aux termes de l'article L.1221-10 du code du travail, l'embauche d'un salarié ne peut intervenir qu'après déclaration nominative accomplie par l'employeur auprès des organismes de protection sociale désignés à cet effet.

Mme [Z] soutient que, si son contrat de travail date du 11 mars 2009 avec une prise d'effet au 1er mars 2009, elle a en réalité commencé à travailler pour le compte de la société BA Boulangerie le 11 février 2009. Elle fait valoir que, suite à un contrôle de l'inspection du travail le 23 septembre 2009, elle a appris que son employeur ne l'avait pas déclarée, et a donc quitté son poste. Elle affirme que son employeur s'est ainsi rendu responsable de travail dissimulé, et que cette situation l'a rendue particulièrement anxieuse, ce qui a justifié ses arrêts de travail.

La société BA Boulangerie soutient que Mme [Z] n'établit aucun manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles, qu'elle a bien été déclarée à l'URSSAF, que toutes les charges ont été payées, et que le simple fait que cette déclaration soit tardive ne saurait constituer une cause de résiliation judiciaire du contrat de travail, faute d'établir un élément intentionnel. La société ajoute que c'est Mme [Z] qui a manqué à ses obligations professionnelles en abandonnant son poste sans autorisation le 23 septembre 2009, et en venant dans les locaux de l'entreprise le 21 novembre 2009, accompagnée de son mari et de trois autres individus, pour insulter et menacer son employeur.

Il ressort des pièces versées aux débats que le gérant de la société BA Boulangerie a, par courrier du 5 mars 2009, indiqué qu'il avait commencé à faire travailler Mme [Z] à compter du 11 février 2009 à l'essai, avant de l'engager à temps complet par contrat à durée indéterminée à partir du 1er mars 2009. Il convient de relever que la société BA Buolangerie ne remet pas en cause l'authenticité de ce document, et que la signature du gérant sur ce document est identique à celle qu'il a apposée sur le contrat de travail du 1er mars 2009. Il y a donc lieu de considérer que Mme [Z] a bien commencé à travailler pour le compte de la société BA Boulangerie à compter du 11 février 2009.

La lecture de l'extrait K Bis de la société BA Boulangerie révèle qu'elle a été immatriculée le 27 mai 2009, avec un commencement d'activité au 1er mai 2009. Si la déclaration unique d'embauche de Mme [Z] porte la date du 10 mai 2009, il ressort du courrier adressé le 19 octobre 2009 par le contrôleur du travail à la salariée que la société BA Boulangerie a procédé à sa déclaration auprès des services de l'URSSAF le 24 septembre 2009. Il en résulte que l'employeur a fait travailler Mme [Z] pendant 7 mois sans la déclarer, en violation des dispositions de l'article L.1221-10 précité, ce qui constitue un manquement grave à ses obligations contractuelles, justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts. A cet égard, la circonstance que Mme [Z] ait pu commettre des faits fautifs, qui ne sont au demeurant pas démontrés, est inopérante.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [Z] aux torts de l'employeur à compter du 30 novembre 2009, date à laquelle la salariée a cessé, à l'issue de ses arrêts de travail, de se tenir à la disposition de la société BA Boulangerie.

La résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L.1235-5 du code du travail ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues à l'article L.1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, et, en cas de licenciement abusif, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

A la date du licenciement, Mme [Z] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 1.348,34 €, avait 38 ans et bénéficiait d'une ancienneté de neuf mois au sein de l'entreprise. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et d'évaluer à la somme de 1.500 € le montant de l'indemnité devant lui être allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L.1235-5 du code du travail.

Le jugement déféré sera également infirmé en ce qui concerne le quantum retenu pour les condamnations au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents. En effet compte tenu du salaire de Mme [Z], la société BA Boulangerie sera condamnée à lui verser la somme de 1.348,34 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 134,83 € au titre des congés payés afférents.

Aux termes de l'article L. 3141-26 du code du travail, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les dispositions des articles L.3141-22 à 3141-25.

En l'espèce, il ressort des bulletins de salaire de Mme [Z] que, sur la période du 11 février au 30 novembre 2009, elle n'a pris que 8 jours de congés payés, sur les 24 auxquels elle avait droit en application des dispositions de l'article L.3141-3 du code du travail.

En conséquence, il convient de condamner la société BA Boulangerie à lui verser la somme de 924,44 € au titre des congés payés, et d'infirmer le jugement déféré sur ce point.

Sur le travail dissimulé

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L.8221-5, 1°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.1221-10 relatif à la déclaration préalable à l'embauche.

La dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

La société BA Boulangerie soutient qu'elle n'a pu être immatriculée que le 27 mai 2009, et que la déclaration d'embauche n'a donc pu être faite que postérieurement, mais que Mme [Z] n'établit aucun élément intentionnel.

Dans son courrier d'avertissement adressé le 23 septembre 2009 à Mme [Z], le gérant de la société BA Boulangerie évoque la visite "impromptue" de l'inspection du travail du même jour. Il est par ailleurs établi, par le courrier du contrôleur du travail du 19 octobre 2009, que la société n'a procédé à la déclaration de Mme [Z] à l'URSSAF que le 24 septembre 2009, soit le lendemain de la visite de l'inspection du travail. Il ressort également du document établi le 5 mars 2009 par le gérant de la société que Mme [Z] a commencé à travailler dès le 11 février 2009. Il en résulte que la société BA Boulangerie, en mentionnant dans la déclaration unique d'embauche un début d'activité de la salariée au 1er mars 2009, et en antidatant cette déclaration au 10 mai 2009, a effectué des déclarations qu'elle savait inexactes. Dans ces conditions, et bien qu'elle ait régularisé le paiement des charges sociales, il y a lieu de considérer que l'élément intentionnel est caractérisé.

En conséquence, il convient de condamner la société BA Boulangerie à verser à Mme [Z] la somme de 7.800 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé, et d'infirmer le jugement sur ce point.

Sur la remise de documents sociaux

Compte tenu des développements qui précèdent, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la remise de documents sociaux conformes, étant précisé que la date d'embauche se situe au 11 février 2009, sans qu'il n'apparaisse nécessaire d'assortir cette remise d'une astreinte.

La société BA Boulangerie sera condamnée à verser la somme de 500 € à Mme [Z] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME partiellement le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société BA Boulangerie à verser à Mme [Z] les sommes suivantes:

' 1.348,34 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

' 134,83 € au titre des congés payés afférents

' 924,44 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés

avec intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2010

' 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 7.800 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé

avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société BA Boulangerie à verser à Mme [Z] la somme de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société BA Boulangerie aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 12/07424
Date de la décision : 20/05/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°12/07424 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-20;12.07424 ?
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