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13/05/2015 | FRANCE | N°13/01275

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 13 mai 2015, 13/01275


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRET DU 13 MAI 2015



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/01275



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Décembre 2012 -Tribunal de Commerce de BORDEAUX - RG n° 2011F00644





APPELANTES :



1/ SARL NET BATI

ayant son siège [Adresse 1]

[Adresse 2]

prise en la person

ne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Dominique OLIVIER de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069
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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRET DU 13 MAI 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/01275

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Décembre 2012 -Tribunal de Commerce de BORDEAUX - RG n° 2011F00644

APPELANTES :

1/ SARL NET BATI

ayant son siège [Adresse 1]

[Adresse 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Dominique OLIVIER de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

ayant pour avocat plaidant : Me Stéphane SUISSA, avocat au barreau de PAU

2/ SARL ARIA

ayant son siège [Adresse 1]

[Adresse 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Dominique OLIVIER de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

ayant pour avocat plaidant : Me Stéphane SUISSA, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

SARL BAUMHUETER FRANCE

immatriculée au RCS de Strasbourg sous le n° 447.792.441

ayant son siège [Adresse 3]

[Adresse 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Xavier DE RYCK de l'AARPI ASA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R018

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Avril 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre

Madame Irène LUC, Conseillère

Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère, rédacteur

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Claudette NICOLETIS dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère faisant fonction de présidente et par Madame Violaine PERRET, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Le 11 janvier 1993, la SARL NET BATI a signé avec la société HAREX FIBRACIER INDUSTRIE (HFI), un contrat lui concédant la distribution exclusive des fibres synthétiques Eurofibres, importées par la société HFI, sur 14 départements du sud ouest de la France précisément énumérés et à l'exclusion des sociétés déjà clientes directes de la société HFI, dont la liste figurait en annexe.

Le contrat d'une durée d'une année était renouvelable par tacite reconduction et résiliable par chaque partie, sous réserve du respect d'un préavis de trois mois.

Par avenant du 22 décembre 1994, 5 départements supplémentaires ont été confiés à la société NET BATI.

Par lettre du 9 décembre 1996, la société HFI a confié à la SARL ARIA, qui a le même gérant que la société NET BATI, la concession exclusive de la distribution de fibres fibrillées, sous la dénomination ARIAFIBRES, sur les mêmes départements que la société NET BATI, en rappelant l'exclusivité de la société NET BATI sur les fibres EUROFIBRES et mono-filamentaires.

Par lettre du 21 février 2003, la société HFI a informé la société NET BATI de la cession de son activité de négoce de fibres polypropylènes à la société de droit allemand FIBCO GmbH, en précisant que 'Cette activité sera poursuivie par la société par actions simplifiées EUROFIBRES , filiale de la société FIBCO GmbH , en cours de formation ...

Afin que votre information soit complète, seront associés de la SAS EUROFIBRES non seulement FIBCO GmbH mais également la société de droit allemand P. BAUMHÜTER GmbH. D'autre part, votre interlocuteur au sein d'EUROFIBRES sera, comme par le passé, M. [T] [J].

La société FIBCO GmbH, au nom et pour le compte de la SAS EUROFIBRES en cours de formation, propose de poursuivre votre contrat d'agent commercial sans aucune modification.'

Par lettre du 9 avril 2010, la SARL BAUMHUETER FRANCE exerçant sous le nom commercial EUROFIBRES, a informé les sociétés NET BATI et ARIA 'qu'à partir du 2ème trimestre 2010, nous prévoyons la commercialisation de nos produits directement par des agents commerciaux sur le secteur sud-ouest.' Bien entendu, vous pouvez continuer d'acheter nos fibres en direct. En tant que grand -compte, vous serez toujours en relation avec le bureau de Strasbourg...'.

Par courriers des 27 avril et 17 mai 2010, les sociétés NET BATI et ARIA ont protesté en faisant état auprès de la société BAUMHUETER FRANCE des contrats de distribution exclusive existant depuis 1993 et 1994.

Par courriers des 6 mai et 2 juin 2010, la société BAUMHUETER FRANCE a répondu que ni elle, ni sa filiale n'avait conclu de contrats de représentation ou de coopération avec les sociétés NET BATI et ARIA, qui étaient acheteurs chez elle depuis 2003 et qu'elle n'avait aucun rapport juridique avec les sociétés HFI et FIBCO.

Le 15 juillet 2010, les sociétés NET BATI et ARIA ont assigné la société BAUMHUETER FRANCE devant le tribunal de commerce de Tarbes puis de Bordeaux, sur le fondement de l'article L. 442-6-1 5° du code de commerce, en soutenant que la société BAUMHUETER FRANCE est la même société que la société EUROFIBRES, filiale de la société FIBCO, et en lui reprochant d'avoir rompu brutalement les contrats de concession exclusives qui les liaient.

Par courrier du 29 septembre 2010, la société BAUMHUETER FRANCE a résilié, avec effet au 31 mars 2011, tout engagement d'exclusivité qui pourrait lier tant la société BAUMHUETER Extrusion Gmbh que toute autre société du groupe BAUMHUETER, aux sociétés NET BATI et ARIA.

Par jugement du 7 décembre 2012, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- débouté la société BAUMHUETER FRANCE de sa demande d'irrecevabilité,

- débouté les sociétés NET BATI et ARIA l'ensemble de leurs demandes,

- condamné les sociétés NET BATI et ARIA à payer solidairement à la société BAUMHUETER FRANCE la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Le 21 janvier 2013, les sociétés NET BATI et ARIA ont interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 22 avril 2013, par lesquelles les sociétés NET BATI et ARIA demandent à la cour de :

Aux visas des articles 1134, 1146, 1147 du code civil et L. 442-6-I-5° du code de commerce,

- rejeter toutes demandes contraires,

- confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a déclaré recevable l'action engagée par les sociétés ARIA et NET BATI à l'encontre de la société BAUMHUETER FRANCE.

- le réformer pour le surplus.

En conséquence,

- dire et juger recevables et bien fondées les demandes des sociétés NET BATI et ARIA,

- dire et juger que la société BAUMHUETER FRANCE (EUROFIBRE), a rompu de manière brutale et abusive, les contrats de concession de distribution exclusive conclus avec les sociétés NET BATI et ARIA,

En conséquence,

- condamner la société BAUMHUETER FRANCE (EUROFIBRE), à payer à la SARL NET BATI, la somme de 250.000 € à titre de dommages et intérêts, pour l'ensemble des préjudices subis du fait de cette rupture brutale et abusive,

- condamner la société BAUMHUETER FRANCE (EUROFIBRE), à payer à la SARL ARIA, la somme de 300.000 € à titre de dommages et intérêts, pour l'ensemble des préjudices subis du fait de cette rupture brutale et abusive,

- condamner en outre la société BAUMHUETER FRANCE (EUROFIBRE) à payer à chacune des sociétés appelantes la somme de 5 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- ordonner par ailleurs à la société BAUMHUETER FRANCE (EUROFIBRE), sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, de communiquer le détail, depuis le mois de janvier 2010, des ventes de l'ensemble des produits EUROFIBRES dont la distribution exclusive a été concédée aux sociétés NET BATI et ARIA, sur l'ensemble des départements fixés contractuellement,

Dans l'hypothèse où au vu de ces éléments, des ventes auraient été effectuées directement par la société BAUMHUETER FRANCE ' EUROFIBRES,

- condamner la société BAUMHUETER FRANCE ' EUROFIBRE, au paiement d'une somme à titre de dommages et intérêts, correspondant à la marge brute qui en résulte (chiffre d'affaires généré par ces ventes, déduction faite du prix d'achat des produits vendus), tel que fixé contractuellement.

En tout état de cause,

- condamner la société BAUMHUETER FRANCE (EUROFIBRE), à payer à chacune des sociétés requérantes, la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel que maître OLIVIER, avocat, pourra recouvrer directement en application de l'article 699 du CPC.

Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 20 juin 2013, par lesquelles la société BAUMHUETER FRANCE demande à la cour de :

au visa de l'article 906 du code de procédure civile,

- écarter les pièces des appelantes,

- déclarer l'appel irrecevable et mal fondé ;

- en débouter les sociétés NET BATI et ARIA ;

- confirmer le jugement entrepris sauf en tant qu'il a 'débouté la société BAUMHUETER FRANCE de sa demande d'irrecevabilité' ;

- dire que les demandes des sociétés NET BATI SARL et ARIA SARL sont irrecevables ;

- condamner chacune des sociétés appelantes à payer à la société BAUMHUETER FRANCE une somme de 2.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- condamner les appelantes solidairement aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de Me DE RYCK.

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,

Sur la communication des pièces :

Considérant que la société BAUMHUETER FRANCE demande que les pièces des appelantes soient écartées des débats en application de l'article 906 du code de procédure civile en exposant que les appelantes n'ont communiqué aucune pièce simultanément à leurs conclusions d'appel, bien que la communication de leurs annexes d'appel ait été expressément réclamées, notamment celles portant les numéros 8, 9, 14, 21,31, 40, 51, 52 et 53 ; que lors de l'audience l'intimée a déclaré que cette demande n'était plus soutenue mais n'a pas adressé d'écrit en ce sens à la Cour ;

Considérant que les pièces qui ne sont pas communiquées simultanément aux conclusions ne sont écartées des débats que si le destinataire de la communication démontre qu'il n'a pas été mis en mesure, en temps utile, de les examiner, de les discuter et d'y répondre ; que tel n'étant pas le cas en l'espèce, la société BAUMHUETER FRANCE doit être déboutée de sa demande ;

Sur l'irrecevabilité de la demande à l'encontre de la société BAUMHUETER FRANCE :

Considérant que la société BAUMHUETER FRANCE soutient que les fibres sont vendues aux appelantes par la société allemande BAUMHUETER EXTRUSION, ayant son siège à [Localité 1] (RFA), membre du groupe BAUMHUETER, qui établit toutes les factures constatant les ventes faites aux sociétés NET BATI et ARIA ; qu'elle-même n'intervient pas dans les ventes et ne joue qu'un rôle de coordination, de traduction et de logistique ; que, s'il existait un contrat, il lierait la société NET BATI à la société allemande BAUMHUETER EXTRUSION qui aurait seule la qualité de fournisseur et qui n'est pas partie à la procédure ; que la demande des appelantes, mal dirigée, est irrecevable ;

Considérant que la société BAUMHUETER FRANCE expose également que la société ARIA, qui ne produit aucun contrat d'exclusivité, et la société NET BATI, qui n'entretient plus aucune relation commerciale avec le groupe BAUMHÜTER depuis 2008, n'ont pas qualité à agir ;

Considérant qu'il résulte des statuts constitutifs de la société SAS EUROFIBRES que la société mentionnée dans la lettre de la société FIBCO GmbH, du 21 février 2003, comme devant reprendre son activité de négoce de fibres polypropylène est la société BAUMHUETER FRANCE exerçant sous le nom commercial EUROFIBRES ; que l'intimée a reconnu l'existence du contrat de distribution exclusive en faisant référence dans ses courriers des 29 juin 2007 et 3 mars 2008 à l'existence d'un contrat conclu entre les parties depuis 1993 et à l'attribution d'un secteur géographique ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré recevables les demandes des appelantes ;

Considérant que, par courrier du 9 décembre 1996, la société HFI a confié à la société ARIA la concession exclusive de la distribution de fibres fibrillées, sous la dénomination ARIAFIBRES ; que le courrier du 9 avril 2010 adressé à la société ARIA par la société BAUMHUETER FRANCE établit que cette dernière considérait la société ARIA comme distribuant les produits EUROFIBRES ; que l'intimée, qui pour justifier que la société NET BATI ne lui aurait plus passé de commande depuis le 1er avril 2008, produit uniquement une attestation émanant de son gérant, M. BAUMHUETER, ne rapporte pas la preuve de son affirmation ; que les appelantes ont qualité à agir et le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré leurs demandes recevables ;

Sur la rupture :

Considérant que les appelantes soutiennent que les contrats de distribution ont été rompus de manière particulièrement brusque et abusive par la société BAUMHUETER FRANCE ;

Considérant que les appelantes soutiennent que le fait de feindre délibérément de ne pas connaître les contrats de concession de distribution exclusive, dans le but de pouvoir les violer, constitue une manoeuvre, un motif fallacieux et un comportement malveillant et désinvolte caractéristique d'une rupture abusive, laquelle a pour objet de permettre à la société BAUMHUETER FRANCE de profiter indûment de la clientèle créée et développée par les appelantes, ainsi que des investissements et du travail de promotion effectués par elles depuis plus de 17 ans ; que ces faits désorganisent les appelantes qui sont contraintes de rechercher un autre marché équivalent pour assurer leur survie ;

Considérant que les appelantes soutiennent également que la société BAUMHUETER FRANCE n'a respecté aucun délai de préavis dès lors que la rupture du contrat de distribution a été effective avant l'envoi de la lettre de rupture du 9 avril 2010, l'intimée ayant commencé à démarcher la clientèle et à commercialiser en direct ses produits et ayant livré de façon partielle et avec retard certaines commandes ; que l'intimée n'a prolongé le préavis qu'après la délivrance de l'assignation dans le seul but de justifier de l'existence d'un supposé préavis ;

Considérant que la société BAUMHUETER FRANCE soutient que le courrier du 9 avril 2010 n'exprime qu'une simple intention qui n'a pas été mise à exécution avant le mois d'août 2011 ; que compte tenu des relations contentieuses entre les parties, et à titre de pure précaution, les sociétés BAUMHUETER EXTRUSION et BAUMHÜTER FRANCE ont adressé aux appelantes le 29 septembre 2010 un courrier mettant régulièrement fin au 31 mars 2011 à toute exclusivité ; que ce n'est qu'à partir des mois d'août et novembre 2011 que le groupe BAUMHÜTER a mis en place ses propres agents commerciaux dans le sud-ouest de la France ; que les appelantes ont donc été prévenues de la mise en place d'agents commerciaux sur le sud-ouest avec un préavis de 17 mois ; qu'aucune violation de l'exclusivité supposée des appelantes n'a eu lieu avant le 31 mars 2011, sous réserve d'une vente insignifiante de 1427,40 € HT à Grand Matériaux ; que la société ARIA a sollicité des clients en dehors de son secteur d'exclusivité et commercialise sous le nom d'ARIAFIBRES des fibres ne provenant pas du groupe BAUMHUETER ;

Considérant que les contrats de distribution exclusive signés entre les appelantes et la société HFI ont été transmis à la société BAUMHUETER FRANCE, créée début 2003, sans que la liquidation judiciaire de la société HFI, en janvier 2004, n'ait d'incidence sur la validité de ces contrats qui se sont poursuivis avec la société BAUMHUETER FRANCE ; que ces contrats pouvaient être résiliés par chacune des parties, le contrat du 11 janvier 1993 prévoyant un préavis de 3 mois ; que par courrier du 9 avril 2010 la société BAUMHUETER FRANCE a fait connaître aux appelantes son intention d'étendre à la région sud-ouest sa stratégie de vente en commercialisant directement ou par le biais d'agents commerciaux exclusifs les produits EUROFIBRES, afin 'd'unifier l'ensemble' ; que la volonté de l'intimée de mettre fin à l'exclusivité territoriale dont bénéficiait les appelantes afin de modifier et d'uniformiser ses pratiques de commercialisation sur l'ensemble du territoire français, n'est pas constitutive d'une rupture abusive ; que la société NET BATI ne rapporte pas la preuve des très lourds investissements qu'elle affirme avoir effectué depuis 1993 ; que la seule contestation par la société BAUMHUETER FRANCE de l'existence des contrats de distribution, qu'elle n'a pas elle-même conclu, est insuffisante à constituer un acte de rupture ;

Considérant que par courrier du 9 avril 2010 la société BAUMHUETER FRANCE a informé les appelantes que '...à partir du 2ème semestre 2010, nous prévoyons la commercialisation de nos produits directement par des agents commerciaux sur le secteur sud-ouest. Comme vous le savez, nous commercialisons notre gamme de produits EUROFIBRES en directe et par le biais d'agents commerciaux exclusifs, qui ne vendent que nos produits et aucun produit concurrent. Nous souhaitons étendre à l'avenir cette stratégie de vente sur la région sud-ouest et nous permettre ainsi d'unifier l'ensemble.

Bien entendu vous pouvez continuer d'acheter nos fibres en direct. En tant que grand-compte, vous serez toujours en relation avec le bureau de Strasbourg.

Néanmoins, il est concevable que nous soyons à l'avenir, dans certains cas, concurrents. Aussi, pour cette raison, nous aimerions discuter avec vous la possibilité d'une reprise de votre marché en fibres. Dans ce cas nous rachèterions votre portefeuille client et vous vous engageriez de ne plus commercialiser à l'avenir de fibres directement ou indirectement....' ;

Considérant que par ce courrier la société BAUMHUETER FRANCE a fait connaître aux appelantes sa volonté de mettre fin au contrat d'exclusivité liant les parties, qu'elle leur a proposé soit de rompre partiellement les relations commerciales en devenant ses clientes, soit de mettre un terme aux relations commerciales en rachetant leur portefeuille client ; que ce préavis écrit fixait une date approximative 'à partir du 2ème semestre 2010", soit à partir du mois de juillet 2010, et laissait place à une discussion sur l'option proposée aux appelantes ;

Considérant que le courrier du 9 avril 2010 prévoit un préavis imprécis qui est au minimum de 3 mois ; que le courrier du 29 septembre 2010, ultérieur à la notification de la rupture et à l'assignation, qui résilie au 31 mars 2011 'tout engagement d'exclusivité ... après cette date vos commandes continueront d'être honorées comme par le passé, la présente résiliation ayant pour seul objet de libérer les parties intéressées d'une éventuelle obligation d'exclusivité ou de non-concurrence qui pourrait les lier' ne peut être pris en considération pour apprécier la durée du préavis donné aux appelantes ;

Considérant que le préavis imprécis donné par la société BAUMHUETER FRANCE pour mettre fin à l'exclusivité de distribution dont disposait les appelantes et rompre, au moins partiellement, les relations commerciales est insuffisant eu égard notamment à la durée des relations commerciales ayant existé entre les parties ; que compte tenu de la durée de la relation commerciale et des circonstances de la rupture, le préavis raisonnable peut être fixé à 12 mois pour la société NET BATI et à 9 mois pour la société ARIA ; qu'il convient de déduire de ces délais le préavis de 3 mois donné par courrier du 9 avril 2010 ;

Considérant que les clients démarchés et les produits commercialisés par la société ARIA sont conformes aux stipulations de la lettre du 9 décembre 1996, qui l'autorise à distribuer la fibre fibrillée sous la dénomination ARIAFIBRES auprès des grandes surfaces de bricolage ; que l'existence d'une vente antérieure au 9 avril 2010 n'établit pas que l'intimée n'a pas correctement exécuté le préavis ;

Considérant que, en cas d'insuffisance du préavis, le préjudice en résultant est évalué en fonction de la durée du préavis jugée nécessaire ; que les appelantes soutiennent que sur les années 2007 à 2009 la vente des produits EUROFIBRES a généré un chiffre d'affaires moyen de 130 000 € par an et que la marge brute était d'environ 50 % ; que l'intimée conteste l'existence d'un préjudice ; qu'il doit être alloué à la société NET BATI la somme de 48 750 € (130 000 € : 2 : 12 X 9) et à la société ARIA la somme de 32 500 € (130 000 € : 2 : 12 X 6) ;

Sur la demande de communication du détail des ventes :

Considérant que la demande tardive de communication sous astreinte du détail des ventes des produits EUROFIBRES vendus depuis le mois de janvier 2010 par la société BAUMHUETER FRANCE dans le secteur géographique concédé aux appelantes afin de vérifier que celles-ci n'ont pas été privées de la marge générée par ces ventes doit être rejetée dès lors que cette communication n'était pas prévue entre les parties, que cette demande est générale alors que le fabricant a conservé des clients directs, que la demande n'est pas limitée dans le temps, et qu'enfin elle ne repose sur aucun commencement de preuve d'une irrégularité commise par l'intimée ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement sauf en sa disposition ayant débouté la société BAUMHUETER FRANCE de sa demande d'irrecevabilité ;

Et statuant de nouveau,

Déboute la société BAUMHUETER FRANCE de sa demande de rejet de pièces ;

Dit que la société BAUMHUETER FRANCE a rompu de façon brutale les relations commerciales avec les sociétés NET BATI et ARIA ;

Condamne la société BAUMHUETER FRANCE à verser à titre de dommages-intérêts :

* à la société NET BATI la somme de 48 750 €

* à la société ARIA la somme de 32 500 €

Condamne la société BAUMHUETER FRANCE à verser à chacune des sociétés NET BATI et ARIA la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne la société BAUMHUETER FRANCE aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, POUR LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE,

La Conseillère

V.PERRET C. NICOLETIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 13/01275
Date de la décision : 13/05/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°13/01275 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-13;13.01275 ?
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