RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 13 Mai 2015
(n° 767, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/01362
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Novembre 2011 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS RG n° 11/02235
APPELANTE
Madame [I] [E]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Lucie BROCARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D0995
INTIMEE
CAF DE PARIS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Mme [B] en vertu d'un pouvoir général
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 3]
[Adresse 3]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 mars 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Fatima BA, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Fatima BA, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits, procédure, prétentions des parties :
Mme [I] [E], de nationalité malienne, titulaire d'une carte de résident, a demandé le versement des prestations familiales en faveur de ses enfants [W] et [O], nés au Mali les [Date naissance 2] 1995 et [Date naissance 1] 1998 et arrivés en France en dehors de la procédure de regroupement familial le 24 novembre 2004.
La caisse d'allocations familiales de Paris ( la Caisse ) a rejeté cette demande le 20 juillet 2007 au motif que Mme [I] [E] ne justifiait pas de la résidence régulière en France des deux enfants au sens des prestations familiales, ne possédant pas de titre de séjour délivré au titre de l'article 313.11.7 du CESEDA et ne produisant pas concernant les deux enfants le certificat médical de l'OFII exigé par l'article D 512-2 du code de la sécurité sociale.
Mme [I] [E] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable puis devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris lequel par jugement du 21 novembre 2011, l'a déboutée.
Mme [I] [E] a régulièrement interjeté appel.
A l'audience, elle fait déposer et conclure oralement par son conseil des conclusions aux termes desquelles elle demande à la Cour de condamner la Caisse à lui verser les prestations familiales pour [O] et [W] à compter de sa première demande du 2 novembre 2005 et à régler 2000 euros par application des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que les dispositions du code de la sécurité sociale issues du décret du 27 février 2006 doivent être écartées comme contraires aux principes garantissant l'égalité d'accès aux droits sociaux entre nationaux et ressortissants étrangers résidant régulièrement en France.
Elle fait valoir que ces dispositions du code de la sécurité sociale méconnaissent celles de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la Convention internationale des droits de l'enfant et de la directive du 13 décembre 2011 établissant un titre unique de séjour et de travail .
Au surplus, elle invoque la Convention générale de sécurité sociale du 12 juin 1979 entre la France et le Mali dont l'article 1er assure aux ressortissants maliens exerçant en France une activité salariée ou assimilée les mêmes droits aux prestations familiales que les ressortissants français, et ce dans les mêmes conditions.
La Caisse fait déposer et soutenir oralement par sa représentante des conclusions aux termes desquelles elle demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et de débouter Mme [I] [E] de toutes ses demandes.
Elle fait valoir que les dispositions des articles D 512-1 et D 512-2 du code de la sécurité sociale n'accordent le bénéfice des prestations familiales aux parents d'enfants étrangers qu'à la condition que la régularité de l'entrée et du séjour des enfants en France soit justifiée par la production de l'un des documents énoncés par le second texte ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Elle soutient que les dispositions précitées ne sont contraires ni aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni à celles de la Convention internationale des droits de l'enfant et invoque la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point.
Elle fait observer que les arrêts du 5 avril 2013 ne remettent pas en cause cette jurisprudence.
Selon elle, la Convention générale de sécurité sociale franco malienne invoquée ne permet pas d'écarter l'application des articles D 512-1 et D 512-2 ayant seulement pour objet de coordonner les législations de sécurité sociale des deux états contractants.
En tout état de cause, elle relève que cette convention bilatérale concerne les travailleurs maliens et que Mme [I] [E] ne justifie pas de ce statut .
Elle conteste enfin la date du point de départ des prestations familiales réclamées en appel par Mme [I] [E] observant qu'en effet pour la première fois cette dernière demande que ces prestations lui soient versées à compter de novembre 2005 alors que le tribunal avait été saisi d'une demande de versement des dites prestations depuis octobre 2007.
Il est fait référence aux écritures déposées pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
Sur quoi,
La cour :
Considérant qu'aux termes de la Convention générale de sécurité sociale du 12 juin 1979 conclue entre la France et le Mali, les ressortissants maliens exerçant en France une activité salariée ou assimilée sont soumis aux législations de sécurité sociale énumérées à l'article 3et en bénéficient, ainsi que leurs ayants droit résidant en France, dans les mêmes conditions que les ressortissants français ;
Considérant que l'article 3 précise que la législation française fixant l'organisation de la sécurité sociale et celle relative aux prestions familiales relèvent de la présente convention ;
Considérant que ces dispositions garantissent aux travailleurs ressortissants des deux pays parties à la convention une égalité de traitement pour l'ouverture des droits aux prestations familiales ; qu'il en résulte l'absence de toute discrimination fondée sur la nationalité ;
Considérant qu'ainsi les ressortissants maliens résidant légalement en France et y exerçant une activité salariée ou assimilée sont traités de la même manière que les ressortissants français ; que la législation française ne doit donc pas les soumettre à des conditions plus rigoureuses que celles applicables aux personnes de nationalité française pour l'attribution des prestations familiales ;
Considérant qu'en l'espèce, les enfants [O] et [W] sont entrés en France en dehors de la procédure de regroupement familial ; que le bénéfice des prestations familiales a été refusé les concernant à Mme [I] [E] au motif qu'elle ne possédait pas de titre de séjour délivré au titre de l'article 313.11.7 du CESEDA et ne produisait pas concernant les deux enfants le certificat médical de l'OFII exigé par l'article D 512-2 du code de la sécurité sociale ; qu'il s'agit de conditions imposées uniquement aux étrangers ressortissants des pays non européens ;
Considérant en effet que selon les articles L.512-2, D.512-1 et D.512-2 du code de la sécurité sociale, le bénéfice des allocations familiales est soumis à la production du certificat médical délivré par l'Office français de l' intégration et de l' immigration à l'issue de la procédure de regroupement familial ;
Considérant que ces articles instituent une discrimination directement fondée sur la nationalité qui doit être écartée en l'espèce, pour accueillir la demande de prestations familiales en vertu de la convention générale de sécurité sociale conclue entre la France et le Mali ;
Considérant toutefois que la dite convention subordonne le bénéfice des prestations à la justification par le demandeur de la régularité de son séjour en France et de son statut de salarié ;
Considérant que Mme [I] [E] ne justifie d'une activité professionnelle qu'au cours des années 2003, 2004, 2005, 2006 et 2013 et que les dispositions de la convention bilatérale ne lui sont donc applicables que pour les période durant lesquelles elle a acquis la qualité de travailleur ;
Considérant qu'en vertu de la Convention générale de sécurité sociale conclue entre la France et le Mali le bénéfice des prestations familiales pour Mme [I] [E] au titre de [O] et [W] doit donc être réétudié ;
Considérant que la Cour connaît des points du litige soumis au premier juge et que Mme [I] [E] en première instance avait demandé que la caisse soit condamnée à liquider ses droits à compter d'octobre 2007 , c'est donc cette date qui sera retenue
comme point de départ des prestations familiales à accorder à Mme [I] [E] ;
Considérant qu' au regard de la situation respective des parties il n'y a pas lieu de faire application des dispositions sur la charge des frais irrépétibles ;
Par ces motifs :
Déclare Mme [I] [E] recevable et bien fondée en son appel ;
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau :
Dit que les droits aux prestations familiales pour [O] et [W] sont ouverts à compter d'octobre 2007 ;
Renvoie en conséquence Mme [I] [E] devant la caisse d'allocations familiales de Paris afin d'obtenir la liquidation de ces droits pour les périodes durant lesquelles cette dernière justifie d'une activité salariée ou assimilée ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,