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12/05/2015 | FRANCE | N°12/08112

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 12 mai 2015, 12/08112


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 12 Mai 2015

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08112



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Mai 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 10/13635





APPELANTE



SCP [U], [L], [J], [N], [A], [G] et associés dite SCP [U]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me

Véronique MENASCE CHICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0413





INTIMEES



Madame [D] [K]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Née le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 1]

représentée par ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 12 Mai 2015

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08112

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Mai 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 10/13635

APPELANTE

SCP [U], [L], [J], [N], [A], [G] et associés dite SCP [U]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Véronique MENASCE CHICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0413

INTIMEES

Madame [D] [K]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Née le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 1]

représentée par Me Grégoire HALPERN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0593

SELARL UNIPERSONNELLE NMW AVOCATS

[Adresse 1]

[Adresse 3]

représentée par Me Laure DREYFUS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1574

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Mars 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente de chambre

Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président de chambre

Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mlle Sandrine CAYRE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour est saisie de l'appel interjeté par la SCP [U], [L], [J], [N], [A], [G] et associés, dite SCP [U] du jugement du conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, chambre 1, rendu le 16 mai 2012 qui a pris acte de la rupture du contrat de travail de [D] [K] qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a mis hors de cause la SELARL NMW AVOCATS, a condamné la SCP [U] à payer à [D] [K] les sommes suivantes avec intérêts légaux :

' 8109 € à titre de rappel de salaire,

' 810,90 € au titre des congés payés afférents,

' 9612 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 961,20 € au titre des congés payés afférents,

' 801 € au titre du 13e mois sur prorata sur préavis,

' 4500 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

' 3204 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

' 2670 € au titre du prorata du 13e mois,

' 19'220 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et a ordonné la remise des documents sociaux conformes.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

[D] [K] a été engagée à compter du 2 janvier 2008 par la SCP [U] en qualité de juriste salariée, statut cadre, moyennant un salaire mensuel moyen brut de 3200 €. L'entreprise qui emploie plus de 11 salariés est soumise à la convention collective du personnel salarié des cabinets d'avocats.

Le 12 juillet 2010, [D] [K] a été informée du transfert automatique de son contrat de travail en application des dispositions de l'article L.1224 -1du code du travail dans la structure qui accueillera l'activité de [W] [S] à compter du 1er août 2010.

Le 21 juillet 2010, elle a contesté le transfert de son contrat et le 15 octobre 2010, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail à compter du 1er octobre 2010 aux torts exclusifs de son employeur.

La SCP [U] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris,

à titre principal,

de dire que l'application de plein droit de l'article L.1224 -1 du code du travail fait obstacle aux demandes de [D] [K], celle-ci n'étant plus salariée de la SCP [U] depuis le 1er août 2010 et de dire que la rupture du contrat de travail n'est pas imputable à la SCP [U],

subsidiairement,

de dire que la rupture était imputable à [W] [S] - NMW AVOCATS et de le condamner à payer à [D] [K] les sommes réclamées pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à titre subsidiaire,

de constater l'absence de fondement des demandes chiffrées de [D] [K],

à titre reconventionnel,

de condamner [D] [K] au paiement d'une somme de 5000 € au titre du préjudice lié à sa procédure abusive ainsi qu'à une amende de 2000 € en application de l'article 32 -1 du code de procédure civile et une somme de 7000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[D] [K] demande de confirmer le jugement, d'ordonner que l'intégralité des condamnations supporte l'intérêts au taux légal depuis la date de saisine du 29/10/2010, de condamner la SCP [U] à lui payer la somme de 3204 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SELARL NMW AVOCATS demande de déclarer irrecevables les demandes subsidiaires de la SCP [U] visant à dire que la rupture du contrat de travail de [D] [K] est imputable à [W] [S] ' NMW AVOCATS et en conséquence de le condamner à payer les sommes réclamées par elle pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement de dire dénuées de tout fondement les demandes subsidiaires formées par la SCP [U] à l'encontre de [W] [S] ' NMW AVOCATS et de la condamner au paiement d'une somme de 10'000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.

Sur le transfert du contrat de travail de [D] [K] :

Par lettre recommandée du 12 juillet 2010, la SCP [U] a notifié à [D] [K] le transfert de son contrat de travail au profit de [W] [S], son nouvel employeur, en application des dispositions de l'article L.1224 -1 du code du travail :

« Comme vous le savez, Monsieur [W] [S] a décidé de poursuivre en dehors du cabinet [U] son activité professionnelle à compter du 1er août 2010.

Vous avez été recrutée le 2 janvier 2008 aux fonctions de juriste par Monsieur [W] [S] pour les besoins de son activité.

Vos fonctions ont été essentiellement dédiées à l'activité de Monsieur [W] [S].

En conséquence, par application des dispositions de l'article L.1224 -1du code de travail, le contrat de travail qui vous lie au cabinet [U] sera transféré automatiquement et aux mêmes conditions à compter du 1er août 2010 à la structure qui accueillera l'activité de Monsieur [W] [S].

Conformément à la loi, le transfert automatique de votre contrat de travail interviendra avec maintien notamment de votre poste, de votre ancienneté, de vos conditions de rémunération, de vos congés acquis et en cours d'acquisition ... ».

Par mail du 30 juillet 2010, la SCP [U] a informé [D] [K] en ces termes :

« conformément à notre entretien de ce jour avec [Z] [L], qui faisait suite au courriel qui vous a été adressé par [T] [H], je vous confirme qu'il est inutile de vous présenter au cabinet lundi prochain 2 août 2010 ».

Aux termes de l'article L. 1224- 1du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

Ce transfert ne s'applique que dans le cas d'un transfert d'une entité autonome dont l'activité est poursuivie ou reprise en conservant son identité.

Une entité autonome est un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre.

A supposer même que le département dirigé par [W] [S], spécialisé en droit fiscal immobilier et droit fiscal corporate ainsi qu'en droit immobilier, disposait d'une autonomie dans son activité, d'une autonomie économique et d'une équipe de personnes dédiée à son département, le transfert de l'entité autonome ne pouvait s'opérer au 31 juillet 2010, [W] [S] étant toujours membre de la SCP [U], le retrait ayant été formalisé par l'assemblée des associés du 30 septembre 2010 et alors que selon l'article 4 de la loi du 29 novembre 1966, un associé ne peut être membre que d'une seule société civile professionnelle d'avocats et un avocat ne peut exercer sa profession à titre individuel tout en demeurant membre d'une société civile professionnelle d'avocats à défaut de l'intervention d'un accord ou d'une décision pour évaluer la valeur de ces droits sociaux subsistants et préciser les modalités de paiement.

A tout le moins jusqu'au 30 septembre 2010 date de l'assemblée générale décidant de retrait, [W] [S] ne pouvait légalement ni exercer personnellement ni constituer une quelconque structure d'exercice, excluant donc toute possibilité d'un transfert d'une entité économique autonome à la date du 1er août 2010, la rétroactivité au 31 juillet 2010 prévue dans le procès-verbal n'ayant d'effet qu'entre les parties pour fixer la date d'effet de la décision prise par l'assemblée d'annuler les 5 parts sociales détenues par [W] [S] et procéder à une réduction du capital de la société.

La SELARL NMW AVOCATS n'a du reste été immatriculée au registre du commerce et des sociétés que le 4 mai 2011 avec commencement d'activité au 1er janvier 2011.

A la date du 1er août 2010, [D] [K] était toujours salariée de la SCP [U]. Il convient de rappeler qu'elle a bien été engagée par la SCP [U] ; la lettre d'engagement est rédigée sur le papier à en-tête de la SCP [U] et signée par [W] [S] en sa qualité d'associé et c'est la SCP qui versait les salaires à [D] [K].

La SELARL NMW AVOCATS sera mise hors de cause.

Sur la prise d'acte :

Dès lors que l'employeur a manqué gravement à ses obligations, la prise d'acte s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La SCP [U] a demandé à [D] [K] de ne plus se présenter au cabinet à compter du 2 août 2010, a cessé de lui fournir du travail et de lui verser son salaire. Ces manquements justifient la requalification de la prise d'acte de rupture en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

A la date de la prise d'acte, [D] [K] avait 28 ans, bénéficiait d'une ancienneté de

2 ans et 9 mois dans l'entreprise et sa rémunération mensuelle brute s'élevait à 3200 €. Elle a retrouvé un emploi à compter du 1er octobre 2010 ; il convient de lui allouer la somme de 19'220 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle a droit par ailleurs aux indemnités de rupture suivantes :

' 9600 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 960,00 € au titre des congés payés afférents,

' 3200 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Elle n'est cependant pas fondée à réclamer la somme de 821 € au titre du prorata du 13e mois sur le préavis dès lors que le 13e mois a déjà été pris en compte dans la base de calcul de l'indemnité de préavis . Le salaire de référence de 3200 € comprend le salaire et la gratification de 13e mois.

Sur le rappel de salaire et sur les congés payés :

[D] [K] n'a pas perçu de salaire à compter du 1er août 2010. Il lui est dû son salaire du mois d'août et du mois de septembre 2010, soit 6400 € outre les congés payés afférents.

La salariée qui quitte l'entreprise en cours d'année bénéficie du versement d'une partie du 13e mois calculé au prorata de son temps de présence pour l'année considérée, soit de janvier à juillet 2010, 2953,85 € x 7/12 = 1723,07 €, le 13e mois étant inclus dans le rappel de salaire pour les mois d'août et septembre 2010.

Il résulte du bulletin de paie de juillet 2010 qu'il lui reste 19,5 jours de congés payés non pris.

Il lui revient la somme de 2880 €.

Sur le non-respect de la procédure de licenciement :

[D] [K] ayant plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise comptant plus de 11 salariés n'est pas fondée à réclamer l'indemnité de l'article L. 1235- 2 du code du travail alors que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur la remise des documents sociaux :

Il convient de faire droit à la demande de la salariée tendant à la remise des documents sociaux :

' attestation Pôle Emploi,

' certificat travail,

' bulletins de paie pour les mois d'août et septembre 2010,

' solde de tout compte,

sans pour autant qu'il soit nécessaire de recourir à une astreinte.

Sur la demande de dommages et intérêts de la SCP [U] :

La SCP [U] ne démontre pas le caractère abusif de l'action engagée par [D] [K] à l'encontre de son employeur dont elle a eu au demeurant gain de cause. La SCP [U] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que de sa demande de voir appliquer l'article 32 -1 du code de procédure civile.

Sur la demande de dommages-intérêts de la SELARL NMW AVOCATS :

La SELARL NMW AVOCATS demande à la cour de condamner la SCP [U] à lui payer la somme de 10'000 € pour l'indemniser du caractère abusif de l'intervention forcée dont elle a été l'objet alors qu'elle ne pouvait pas ignorer que les conditions d'application de l'article L.1224 - 1 du code du travail n'était pas remplies.

La SELARL NMW AVOCATS ne rapporte toutefois pas la preuve que la SCP [U] a agi de mauvaise foi et pour lui nuire dans un contexte, il est vrai très contentieux, relatif au retrait d'un associé de la SCP. Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SELARL NMW AVOCATS.

Il est par contre inéquitable de laisser à la charge de [D] [K] les frais irrépétibles qu'elle a exposés en première instance et en cause d'appel. La SCP [U] sera condamnée à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

' requalifié la prise d'acte de rupture intervenue le 15 octobre 2010 en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' condamné la SCP [U] à verser à [D] [K] la somme de 19'220 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

' a mis hors de cause la SELARL NMW AVOCATS,

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la SCP [U] à verser à [D] [K] les sommes suivantes :

' 6400 € à titre de rappel de salaire,

' 640,00 € au titre des congés payés afférents,

' 9600 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 960,00 € au titre des congés payés afférents,

' 3200 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

' 2880 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

' 1723,07 € au titre du prorata du 13e mois,

Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,

Ordonne sans astreinte la remise à [D] [K] des documents sociaux suivants :

' attestation Pôle Emploi,

' certificat travail,

' bulletins de paie pour les mois d'août et septembre 2010,

' solde de tout compte,

Déboute [D] [K] de ses autres demandes,

Déboute la SCP [U] de sa demande de dommages et intérêts et d'amende civile,

Déboute la SELARL NMW AVOCATS de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande en paiement d'une indemnité procédure,

Condamne la SCP [U] à verser à [D] [K] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCP [U] aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 12/08112
Date de la décision : 12/05/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°12/08112 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-12;12.08112 ?
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