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07/05/2015 | FRANCE | N°14/00739

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 07 mai 2015, 14/00739


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 07 Mai 2015

(n° 217 , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/00739



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Décembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRÉTEIL section - Section encadrement -

RG n° 11/02202





APPELANT

Monsieur [L] [M]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1966

à [Localité 6]

comparant en personne, assisté de Me Pascale GUYARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C0547







INTIMEE

SAS EBREX FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 07 Mai 2015

(n° 217 , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/00739

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Décembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRÉTEIL section - Section encadrement -

RG n° 11/02202

APPELANT

Monsieur [L] [M]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 6]

comparant en personne, assisté de Me Pascale GUYARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C0547

INTIMEE

SAS EBREX FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 497 928 572 0013

représentée par Me Caroline LEVY-RAMOS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1327

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 5 février 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Murielle VOLTE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DU LITIGE

Suivant contrat à durée indéterminée du 10 décembre 2007, M. [L] [M] a été engagé en qualité de directeur d'agence, statut cadre, groupe 5, coefficient 132 ' selon la classification de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires de transport du 21 décembre 1950 applicable ' par la société EBREX France qui a pour activité la logistique et le transport public routier de marchandises sous température dirigée (produits frais ou surgelés). La rémunération de M. [M] était fixée à 60'000 euros annuels, soit un salaire mensuel brut de 5000 euros, et il était prévu une rémunération complémentaire variable à définir par avenant pouvant aller jusqu'à 40 % du brut annuel. À sa prise de fonctions, le salarié exerçait à l'agence d'[Localité 4] située à [Localité 5] (45'140), ce lieu de travail étant stipulé à titre de simple information, le salarié acceptant par ailleurs la clause de mobilité géographique dans tout autre lieu situé en France métropolitaine. Le contrat de travail prévoyait également que dans un délai de six mois, M. [M] se verrait confier, en plus de ses fonctions de directeur d'agence, celles de directeur logistique au niveau national et serait soumis à une période probatoire de trois mois renouvelable pendant laquelle il bénéficierait d'un complément de rémunération fixé à 1666 euros par mois.

Par lettre du 9 juin 2008, la société EBREX lui confirmait sa prise de fonction au poste de directeur logistique au niveau national intervenue au 1er juin 2008 et soumise à la période probatoire convenue.

Par avenant au contrat de travail du 1er octobre 2009, M. [M] s'est vu confier les fonctions de directeur du développement commercial, statut cadre, groupe 6, coefficient 145, moyennant un salaire brut annuel forfaitaire de 92'040 euros, soit un salaire mensuel brut de 7670 euros, à compter du 1er avril 2010, le lieu de travail étant fixé au siège social de la société à [Localité 8], avec clause de mobilité géographique dans tout autre établissement de la société EBREX France, toutes les autres clauses prévues au contrat initial demeurant inchangées .

Une procédure de sauvegarde a été ouverte, le 9 octobre 2008, au bénéfice de la société EBREX France et, par jugement du 26 février 2009, le tribunal de commerce de Nanterre a arrêté le plan de sauvegarde.

Une modification de l'actionnariat de la société EBREX France est intervenue et M. [H] [X] est devenu président de la société en juillet 2010.

Dans un courriel du 23 mars 2011 à M. [A] [G], directeur du réseau et des opérations et son supérieur hiérarchique, M. [M] s'est plaint de ses conditions de travail, soutenant que l'essentiel des prérogatives liées à sa fonction de directeur du développement lui était retiré, qu'il ne disposait plus de bureau au siège social, qu'il n'avait plus d'équipe ingénierie logistique à manager, les chefs de projet qui lui étaient rattachés ayant été licenciés ou ayant quitté l'entreprise dans le cadre d'une rupture conventionnelle sans même qu'il n'en ait été informé et n'ayant pas été remplacés, et n'étant plus sollicité pour participer à des réunions ou des comités de direction, et concluait en indiquant qu'il confiait la défense de ses intérêts à son conseil habituel pour discuter de son départ amiable de l'entreprise évoqué lors de l'entretien du 16 mars précédent.

Par lettre recommandée du 15 juin 2011 doublée d'un envoi par courriel, M. [H] [X] répondait longuement à M. [M], contestant les reproches formulés par ce dernier, déclarant avoir appris récemment que celui-ci ne se rendait plus à son bureau depuis le mois de mars et que des pourparlers avaient été engagés avec la DRH afin de conclure un départ négocié, désapprouvait son comportement en lui rappelant qu'il était toujours rémunéré et que les discussions en cours ne le dispensaient pas de venir travailler, et précisait ouvrir une enquête interne sur les faits de harcèlement moral qu'il avait allégués par le biais de son conseil.

Le 23 juin 2011, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ainsi qu'en paiement de diverses sommes au titre de la cessation de son contrat, d'un rappel de primes de bonus 2010 et de dommages intérêts au titre d'un harcèlement moral.

Le 1er juillet 2011, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave fixé au 12 juillet et reporté au 19 juillet suivant par lettre du 8 juillet.

Entre-temps, le 4 juillet 2011, M. [M] adressait à M. [X] une lettre recommandée circonstanciée répondant à tous les points abordés dans le courrier du 15 juin 2011 et dans laquelle il indiquait notamment que la prospection ne faisait pas partie de ses attributions.

Par lettre recommandée du 1er août 2011, la société EBREX France informait M. [M] des suites données à l'entretien préalable tenu le 19 juillet, rappelait que l'objet en était de comprendre les raisons de son absence prolongée et d'évoquer les griefs dont le salarié avait fait état dans sa lettre du 4 juillet ainsi que dans le cadre de sa saisine du conseil de prud'hommes, et concluait dans les termes suivants : « Je vous réaffirme que si vous souhaitez vous impliquer véritablement dans la stratégie de réussite d'EBREX, vous êtes toujours le bienvenu, comme toutes les bonnes volontés au sein d'EBREX, et ce malgré la convocation reçue car votre contrat se poursuit jusqu'à la décision du juge prud'homal.».

Le 17 octobre 2011, la société EBREX France a convoqué M. [M] à un entretien préalable en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé au 28 octobre 2011. Par lettre recommandée du 8 novembre 2011, la société EBREX France a notifié à M. [M] son licenciement pour faute grave.

Par ordonnance du 14 décembre 2011, le conseil de prud'hommes de Créteil statuant en formation de référé, saisi le 11 octobre 2011 par M. [M] aux fins d'obtenir le paiement provisionnel de ses salaires, dus de juillet à octobre 2011, a dit n'y avoir lieu à référé et invité M. [M] à mieux se pourvoir devant le juge du fond, le condamnant aux éventuels dépens. Cette ordonnance a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 13 septembre 2012.

Par jugement du 19 décembre 2013, notifié le lendemain, le conseil de prud'hommes de a:

- requalifié le licenciement pour faute grave de M. [M] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société EBREX France à payer à M. [M] les sommes suivantes:

'' 46'020 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'' 33'236,67 euros à titre de salaire pour la période de juin à novembre,

'' 3323,66 euros à titre de congés payés afférents,

'' 26'260 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

'' 14'758 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

'' 7670 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, en application de l'article L. 1222-1 du code du travail,

'' 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. [M] du surplus de ses demandes ;

- ordonné à la société EBREX France de remettre à M. [M] un bulletin de salaire conforme, un certificat de travail rectifié et une attestation Pôle Emploi rectifiée ;

- débouté la société EBREX France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que le jugement était exécutoire de plein droit en application de l'article R. 1454-28 du code du travail ;

- ordonné l'application de l'intérêt légal à partir de la saisine du conseil pour les salaires et accessoires de salaire et à partir de la notification du jugement en ce qui concerne les dommages et intérêts ;

- condamné la société EBREX France aux dépens.

Par déclarations du 20 janvier 2014, M. [M] et la société EBREX France ont interjeté appel de cette décision.

À l'audience du 5 février 2015, la jonction des instances a été ordonnée par simple mention au dossier.

M. [M] demande à la cour de :

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail à la date du prononcé de son licenciement ;

Subsidiairement,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- dire et juger que 'la mise au placard', suivie de la privation de salaire pendant 5 mois qui lui ont été infligés par son employeur sont constitutifs d'une exécution de mauvaise foi par l'employeur du contrat de travail ;

En conséquence,

- condamner la société EBREX France au paiement des sommes suivantes :

'' 33'326,67 euros au titre des salaires des mois de juin à novembre 2010 (en réalité 2011),

'' 26'260 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

'' 2626 euros au titre des congés payés sur préavis,

'' 12'016 euros à titre d'indemnité de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2011, date de saisine du conseil ;

'' 138'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'' 22'000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

'' 3588 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société STEF TRANSPORT, venant aux droits de la société EBREX France, demande à la Cour de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en date du 19 décembre 2013, à l'exception du débouté prononcé sur les demandes de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur, de condamnation au titre d'un harcèlement moral et au titre du bonus ;

- débouter M. [M] de sa demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur ;

- dire le licenciement pour faute grave de M. [M] fondé ;

- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes ;

À titre infiniment subsidiaire :

- ramener à de plus justes proportions les demandes de M. [M] ;

En tout état de cause :

- condamner M. [M] à lui verser la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles;

- condamner M. [M] qui succombe à supporter tous les frais liés à la présente instance.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées oralement lors de l'audience des débats, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée ; que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur la légitimité du licenciement ; que si le juge prononce la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur, celle-ci produit les mêmes effets qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et est réputée intervenue au jour du licenciement ;

Attendu qu'en application de l'article 1184 du Code civil, un salarié peut obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur lorsque celui-ci n'exécute pas ses obligations contractuelles ; qu'il appartient au juge d'apprécier si l'inexécution de ses obligations par l'employeur présente une gravité suffisante pour justifier la résiliation ;

Attendu que la cour constate, à titre liminaire, que M. [M], a expressément confirmé lors des débats à l'audience qu'il ne fondait pas sa demande de résiliation sur des faits de harcèlement moral de son employeur ' ce qui rend, de fait, inutile l'examen de l'argumentation développée sur ce point par la société STEF TRANSPORT ' et reproche essentiellement à ce dernier d'avoir, à compter du mois de septembre 2010, vidé progressivement son poste de sa substance par une stratégie délibérée de la Direction dans le cadre de la réorganisation opérée par le nouvel actionnaire, en se séparant des chefs de projet de l'équipe ingénierie logistique qui lui étaient rattachés, sans aucune concertation et sans même l'en informer, en l'écartant des réunions des directeurs d'agence auxquelles il participait jusque-là, en fixant au cours de ces réunions et hors sa présence des nouveaux objectifs qui ne portaient plus que sur l'activité transport, au travers notamment de tournées dédiées, en confiant l'accompagnement des commerciaux à un autre collaborateur et le management des commerciaux Grands Comptes - qui étaient sous son autorité hiérarchique depuis sa nomination au poste de directeur du développement - à M. [C], directeur commercial, en excluant les métiers de l'entreposage de la formation des commerciaux dispensée par la société Booster Academy à compter de janvier 2011, cependant qu'il n'était même pas convié à une réunion qui s'est tenue le 11 janvier au cours de laquelle seul le métier du transport avait été évoqué, en le privant de facto du pouvoir d'attribuer leurs bonus à ses collaborateurs restants et de toute information relative aux chiffres de l'entreprise puisqu'il était tenu à l'écart de toute réunion ou des comités de direction, et en laissant sans réponse les courriels qu'il avait adressés dont l'objet était de connaître les chefs de projet qui prendraient en charge l'ingénierie liée à des dossiers importants, notamment celui du partenariat avec le client Européenne Food susceptible de générer un important chiffre d'affaires sous 2 ou 3 ans ;

Qu'à l'appui de ces divers griefs, M. [M] se fonde sur son courriel du 23 mars 2011 récapitulant la chronologie des événements et la lettre en réponse du 15 juin 2011 adressée par M. [X], président de la société, sur le compte rendu de l'entretien préalable du 19 juillet 2011 rédigé par M. [B] [R], délégué élu pour le siège social ' signé de la main de son auteur et accompagné d'une pièce d'identité contrairement à ce qu'allègue la société STEF TRANSPORT ', sur les courriels qu'il a échangés les 9 et 10 décembre 2010 avec MM. [Q] ' directeur financier ' et [X] et sur ceux qu'il a adressés le 21 décembre 2010 et le 23 février 2011 à M. [X], sur un procès-verbal de la réunion extraordinaire du CCE du 5 octobre 2010 et sur le courriel de Madame [W], DRH, daté du 22 septembre 2010 comportant en annexe le plan des nouveaux bureaux de la société;

Attendu, en premier lieu, que la Cour relève que, contrairement à ce qu'affirme M. [M] dans ses écritures, il n'est nullement 'constant' que ses reproches ne soient pas utilement contestés par l'employeur qui, au contraire, les conteste fermement en faisant valoir que M. [M] n'apporte aucun élément de preuve pour étayer ses affirmations, si ce n'est en s'appuyant sur sa propre correspondance, et qu'il n'aurait en réalité tout simplement pas supporté l'arrivée d'une nouvelle direction qui était amenée pour les besoins et la survie de l'entreprise à prendre des mesures et à changer les orientations existantes sans pour autant qu'il ait jamais été visé par ces mesures d'organisation d'ordre général ;

Attendu qu'il importe de rappeler que M. [M], d'abord engagé, le 10 décembre 2007, en qualité de directeur d'agence, a rapidement été promu directeur logistique au niveau national, le 1er juin 2008, puis directeur du développement commercial, à compter du 1er octobre 2009, moyennant une augmentation corrélative de son salaire mensuel qui est ainsi passé de 5000 euros bruts à 6666 euros bruts puis à 7670 euros bruts à compter du 1er avril 2010 ; qu'il a toutefois conservé ses fonctions précédentes, cette double fonction apparaissant notamment dans son courriel du 9 décembre 2010 qu'il signe en qualité de « Directeur de la Logistique et du Développement » ;

Que, d'abord, si M. [M] prétend qu'il s'était vu confier la direction du développement pour accompagner la stratégie de développement de l'entreprise, selon lui,'essentiellement axé sur la logistique d'entrepôt', avec pour objectif d'atteindre sous 5 ans 50 % du chiffre d'affaires, et que cette stratégie aurait été remise en cause avec l'arrivée en juillet 2010 de M. [X], nouvel actionnaire, force est de constater, d'une part, que son contrat de travail ne contient ni définition de ses missions ni fiche de poste, et d'autre part, que le seul élément qu'il produit à l'appui de ses dires est un extrait d'un document intitulé «Beauval 27 & 28 avril 2010 » contenant un graphique visualisant les objectifs de la société EBREX France en matière d'apport des dossiers logistique de 2007 à 2015 ; que M. [H] [X], faisant réponse à son courriel du 23 mars précédent dans lequel il avait écrit : « depuis l'entrée dans notre capital du groupe Cohen au mois de juillet 2010, j'assiste impuissant à la remise en cause de cette stratégie », lui a, légitimement, fait observer, aux termes de sa lettre du 15 juin 2011, qu'il était entré dans le capital de la société 'afin de tenter de redresser la situation', que depuis son arrivée, il avait 'choisi de replacer EBREX sur son c'ur de métier, qui est l'activité transport tout en continuant le développement de l'activité logistique' et qu'il avait 'le droit mais aussi le devoir de modifier quelque peu la stratégie'; que la stratégie de développement d'une entreprise peut certes être discutée et argumentée, voire contestée, par le directeur du développement commercial mais elle revient en dernier lieu à la décision de l'employeur sous l'autorité duquel il est placé et qui a le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, ainsi que le rappelle d'ailleurs le contrat de travail du 10 décembre 2007 en stipulant que '(Ces ) attributions seront exercées par le salarié sous l'autorité et dans le cadre des instructions données par son supérieur hiérarchique ou de toute autre personne qui pourrait lui être substituée' ; que dès lors, quand bien même la stratégie de l'entreprise aurait été modifiée avec l'arrivée d'un nouvel employeur, M. [M] n'est pas habile à invoquer, sur ce point, l'existence d'une modification de ses fonctions ou de son contrat de travail qui aurait nécessité son accord;

Qu'ensuite, il n'est pas discuté , ainsi que le rappelle M. [X] dans son courrier du 15 juin 2011, qu'au mois de septembre 2010, la Direction générale d'EBREX France a estimé nécessaire de se séparer des chefs de projet de l'équipe ingénierie, estimant que ces postes ne nécessitaient pas une présence permanente, et choisi de faire désormais appel à eux de façon ponctuelle par le biais de contrats temporaires, et ce, aux fins de rationaliser les coûts; qu'outre que ces mesures justifiées par la situation économique de l'entreprise et la nécessité de sa réorganisation ne l'ont pas concerné personnellement, puisqu'il a conservé ses fonctions, il n'est pas crédible que M. [M], compte tenu de son poste dans l'entreprise, n'ait pas été tenu informé en son temps du départ de ces collaborateurs, et en tout cas, il est inexact que les courriels qu'il a adressés à ce sujet soient restées sans réponse; qu'ainsi, à son courriel du 9 décembre 2010, dans lequel, se réjouissant de l'information venant lui confirmer l'accord d'European Food sur le dernier projet de contrat, il demandait à M. [G], directeur du réseau et des opérations et son supérieur hiérarchique : « [A], il faudrait peut-être que nous nous mettions d'accord (avant que [H] ne les rencontre) sur le discours à tenir concernant le pilotage en ingénierie du dossier, parce que la question va maintenant tomber très rapidement... », M. [X] y a répondu, dès le 10 décembre, dans les termes suivants : « Bonjour [L], Félicitation, j'aimerais vous rencontrer rapidement la semaine prochaine. Je vous remercie de caler un horaire avec [Z]. Merci de ramener votre dossier sur ce client avec vous. Bon courage.»; que dans sa lettre du 15 juin 2011, M. [X] confirme, sans être contesté sur ce point, qu'il a personnellement reçu M. [M] 'afin d'évoquer ce prospect' et ajoute qu'il est 'absolument faux' de prétendre qu'il n'a pas été répondu aux demandes de M. [M], affirmant pour sa part que M. [Q] a bien répondu, en concertation avec lui-même, au mail du 21 décembre 2010 dans lequel il interpellait ces derniers en leur demandant 'Quelles options avez-vous en tête pour le pilotage du dossier ' Nous avons besoin d'un chef de projet (...)' ; que dans son courrier recommandé du 4 juillet 2011, M. [M] a reconnu au demeurant que M. [Q] lui avait répondu mais il prétend, dans ses écritures, que la réponse ne concernait pas la responsabilité du pilotage futur du projet ; que dans la mesure où il s'abstient de produire au dossier ladite réponse, alors qu'il a la charge de prouver la réalité des griefs invoqués à l'appui de sa demande de résiliation, la cour retiendra que ce chef de grief n'est pas démontré et est contredit par les éléments versés aux débats ; qu'alors que M. [X] fait également observer dans sa lettre que M. [M] aurait parfaitement pu faire appel aux anciens chefs de projet de son équipe ingénieries par des contrats temporaires pour assurer l'exécution de ce dossier comme il l'avait déjà fait par le passé pour d'autres dossiers commerciaux, il sera relevé que M. [M] s'abstient de répondre sur ce point ;

Que par ailleurs, il n'est pas discuté, et M. [X] l'a confirmé sans difficulté à M. [M] dans sa réponse du 15 juin 2011, qu'il avait effectivement été décidé en mars 2011 de rattacher les responsables commerciaux Grands Comptes à M. [C] car celui-ci était en poste dans la société depuis plus de 10 ans et rompu à cette partie commerciale, en expliquant qu'il avait compris 'après discussion avec M. [G] et Madame [W] qui (vous) connaissent bien' que depuis 2009 '(votre) nouvelle fonction de Directeur du Développement Commercial comporte une casquette commerciale qui ne correspondait pas à (votre) formation initiale plus dédiée à l'aspect « Logistique »', tout en ajoutant : « Vous n'êtes en aucun cas privé de vos prérogatives comme vous le prétendez dans votre mail car vous pouvez toujours prospecter et apporter de nouveaux contrats, ce que vous ne faites pas. » ; qu'il est indéniable que M. [M] ne concevait ses attributions de directeur du développement commercial que dans leur aspect axé sur la logistique d'entrepôt mais n'avait aucune inclination en ce qui concerne leur aspect développement commercial, ainsi que l'illustre clairement l'échange de propos repris dans le compte rendu de l'entretien préalable du 19 juillet 2011 où il indiquait 'je ne suis pas et je n'ai jamais été un commercial (...) Je n'ai jamais fait de commerce (...) J'accompagne les directeurs d'agence, les commerciaux et les responsables grands comptes en clientèle dès que la logistique d'entrepôt doit être abordée' ; que lorsque l'employeur lui a dit qu'il devait reprendre son poste en attendant de trouver un accord, M. [M] a répondu : « Pour faire quoi ' » et lorsque l'employeur lui a dit qu'il devait prospecter et faire du commerce pour la logistique pour les agences de [Localité 7] et de [Localité 3], le salarié s'en est formalisé en émettant une remarque péjorative : « Vous souhaitez donc me proposer un reclassement pour faire de la prospection ' » ; que la Cour relève que pourtant, en signant le 1er octobre 2009 l'avenant à son contrat de travail, M. [M] avait expressément accepté de prendre le poste de directeur du développement commercial qui comportait nécessairement de nouvelles fonctions par rapport au poste de directeur logistique qu'il occupait précédemment, et en contrepartie desquelles son salaire mensuel était substantiellement augmenté, à compter du 1er avril 2010, passant à 7670 euros ; qu'à titre de simple information, le « Référentiel des métiers cadres des fonctions commerciale et marketing » édité par l'APEC (association pour l'emploi des cadres) définit ces fonctions ainsi : « Le responsable du développement est chargé d'orienter et de détecter les opportunités de croissance pour l'entreprise et de mettre en avant les nouveaux projets/marchés/clients/partenaires. » ; qu'en d'autres termes, la charge de prospection faisait aussi partie intégrante de son nouveau poste, même s'il avait conservé ses attributions de directeur logistique ;

Que pour le surplus, la Cour estime que M. [M] n'est pas fondé à soutenir que l'employeur l'aurait privé de bureau 'sans motif', alors qu'il explique lui-même qu'il s'agissait d'une nouvelle installation consécutive au déménagement de la société à un autre étage dans des locaux moins spacieux, et que, par conséquent, ce déplacement n'était pas une mesure à caractère vexatoire qui l'aurait personnellement concerné puisqu'il n'était pas le seul collaborateur à se voir affecter un 'bureau de passage tenant compte des postes plus ou moins mobiles de chacun, qu'ainsi qu'il a lui-même indiqué, il ne se rendait au siège de la société que très épisodiquement, une fois par semaine ou une fois tous les 15 jours (cf. Compte rendu d'entretien préalable du 28 octobre 2011), qu'il est constant qu'il disposait d'un bureau secondaire à [Localité 4], commune où il résidait, que la nature de ses fonctions l'amenait principalement, même s'il le conteste, à rechercher de nouveaux clients et donc à effectuer de nombreux déplacements, 'pas loin de 100 000 km par an', ainsi qu'il le souligne dans son courrier du 4 juillet 2011, et qu'il a attendu plus de six mois pour se plaindre de cette situation, effective depuis septembre 2010 ; que de plus, l'employeur affirme, pour sa part, que l'intéressé, n'ayant pas accepté de partager un bureau à deux, a exigé d'avoir un bureau individuel, et qu'une fois cette demande satisfaite, il a refusé de s'y rendre, le considérant « trop petit » ; qu'enfin, s'agissant de sa participation aux comités de direction ou à la réunion de formation du 11 janvier, il ne peut qu'être constaté que M. [M] se montre très vague dans les reproches qu'il formule à cet égard et ne produit aucun élément venant démontrer qu'il aurait été volontairement tenu à l'écart de ces réunions ; que le fait qu'il n'y ait pas été convié, ainsi qu'il l'affirme, peut parfaitement s'expliquer parce que sa présence n'y était pas indispensable et, en tout cas, rien ne permet objectivement de justifier qu'il en ait pris ombrage ;

Attendu, en définitive, que M. [M] ne démontre pas que les attributions qui lui étaient confiées depuis avril 2010 lui auraient été retirées dans le cadre de la réorientation stratégique décidée par le nouvel actionnaire mettant l'accent sur l'activité transport et en retrait l'activité logistique, et si ce changement apporté dans les habitudes professionnelles de l'intéressé ne correspondait pas à ses aspirations personnelles et/ou à sa formation initiale plus tournée vers l'aspect logistique, il était justifié par des éléments objectifs accompagnant la réorganisation de l'entreprise en difficulté et n'a pas eu pour conséquence une modification de ses fonctions essentielles de « directeur du développement commercial»; qu'aucun des faits qu'il reproche à l'employeur n'étant de nature à justifier la résiliation judiciaire de son contrat de travail, il ne peut qu'être débouté d'une telle demande ;

Attendu que les termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige, il convient de rappeler que M. [M] a été licencié pour faute grave par lettre du 8 novembre 2011 aux motifs suivants :

'Suite à votre absence prolongée, nous vous avons reçu lors d'un entretien préalable le vendredi 28 octobre 2011.

Nous vous avions déjà reçu le 19 juillet 2011 afin de tenter d'éclaircir la situation.

Malheureusement, ce premier entretien n'a pas été suivi de votre retour à votre poste de travail.

Nous avions entre temps reçu une convocation devant le conseil de prud'hommes de Créteil et avons souhaité attendre que ce dernier nous reçoive et nous entende.

Aussi n'avions-nous pas donné de suite à cet entretien en terme de sanction.

Mais le renvoi de cette audience de conciliation au 2 décembre prochain nous oblige à prendre la décision qui s'impose à nous en raison de votre absence injustifiée.

En effet, vous persistez à ne vous présenter ni à votre bureau principal au siège social d'EBREX ni à votre bureau secondaire à l'agence EBREX d'Orléans.

Comme vous ne pouvez l'ignorer, la société EBREX est en plan de sauvegarde et a de graves difficultés économiques.

(...) Lors de la réorganisation qui a suivi ma prise de fonctions en juillet 2010, un bureau vous a été attribué au siège social par Mme [W], DRH de la société.

II était convenu qu'en raison de vos déplacements, et pour des raisons de commodité, vous

utilisiez comme bureau secondaire un bureau de l'agence d'[Localité 4], situé près de votre domicile.

Nous nous sommes aperçus que vous ne vous présentiez déjà plus depuis le mois d'avril 2011, tout en continuant à percevoir votre rémunération.

Notre DRH nous alerté sur cette anomalie très tardivement.

En fait, des discussions avaient été engagées par cette dernière avec votre conseil sur une

éventuelle rupture transactionnelle de votre contrat d'un commun accord entre M. [G] et vous-même suite à votre désaccord sur la stratégie de la société.

Etant très souvent en déplacement, je ne savais absolument pas que vous ne veniez plus travailler durant ces discussions.

Je ne l'ai appris qu'en juin, lorsque M. [G] m'a fait passer le mail que vous lui

aviez adressé en mars 2011.

Je vous ai alors écrit, en m'excusant de la réponse tardive que je donnais à votre mail et en vous faisant part de mon mécontentement quant à votre absence alors même que vous perceviez votre rémunération.

Quelle n'a pas été ma surprise de recevoir un courrier de votre part faisant état d'un harcèlement de ma part'

Depuis, vous refusez de venir travailler, prétendant ne plus rien avoir à faire.

Nous vous avons mis en demeure de reprendre votre travail, sans succès,

Vous avez entre temps saisi le Conseil de prud'hommes,

Votre attitude est empreinte d'une grande mauvaise foi et nous considérons cet abandon de poste comme une faute grave privative de toute indemnité de licenciement et de préavis,

Votre licenciement prendra effet dès réception de la présente. (...) ;

Attendu que

la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; que l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;

Attendu qu'il résulte des pièces du dossier et il n'est pas contesté par M. [M] qu'il a cessé de se présenter sur son lieu de travail à compter du mois d'avril 2011 et que son absence a persisté, postérieurement au premier entretien préalable qui s'est tenu le 19 juillet 2011, et jusqu'à la date de son licenciement ; que le salarié réfute cependant avoir commis un abandon de poste, qualification selon lui impropre puisqu'il n'était 'pas posté', et argue que le grief de refus de travailler est dépourvu de tout fondement au motif qu'un salarié ne peut se voir reprocher de refuser d'effectuer une tâche qui ne correspond ni à son emploi ni à sa qualification ni à sa formation, et qu'en juger autrement 'reviendrait à permettre un employeur de procéder à une rétrogradation qualitative de ses salariés, à son gré' ; qu'il fait valoir que l'employeur ne s'est pas aperçu pendant trois mois de son absence, ne l'a pas mis en demeure, comme il le prétend, de reprendre le travail, se contentant dans sa lettre du 15 juin d'indiquer « ces discussions (sur un départ négocié) ne vous dispensent pas de venir travailler » et de l'inviter à venir « prospecter et apporter de nouveaux contrats », que 'témoignant encore de son embarras' il ne l'a pas davantage mis en demeure dans sa lettre du 27 juin suivant, puis, après un premier entretien préalable, s'est contenté à nouveau dans un courrier du 1er août 2011 de l'inviter à s'impliquer véritablement dans la stratégie de réussite d'EBREX et à lui réaffirmer qu'il était toujours le bienvenu ; que, selon lui, si après quatre mois d'absence, la société n'a pas estimé devoir lui adresser ne serait-ce qu'un avertissement, ceci démontre, d'une part, qu'elle savait que ce comportement n'était pas fautif, d'autre part et surtout, que cette absence n'était en rien préjudiciable à l'entreprise qui avait été réorganisée depuis longtemps pour se passer de ses services, et qu'ainsi, en toute hypothèse, la qualification de faute grave ne peut être retenue ; qu'il ajoute que la société attendra 'malicieusement' encore deux mois et demi pour entamer une nouvelle procédure de licenciement, puisqu'entre-temps et afin de le mettre en difficulté et 'tenter de le faire plier', elle persistera à ne plus lui verser ses salaires ; qu'il approuve le conseil de prud'hommes ayant jugé que la société EBREX avait modifié unilatéralement son contrat de travail sans lui avoir présenté d'avenant, lui avait imposé une rétrogradation, l'avait placé dans une situation psychologique particulièrement déstabilisante, et, en conséquence , a requalifié son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Mais attendu que la cour constate que M. [M], au jour de son licenciement, était dans une situation d'absence injustifiée depuis plus de sept mois, et ce au mépris des directives parfaitement claires de l'employeur qui, dans son courrier du 15 juin 2011 précité rappelait au salarié que les pourparlers en cours afin de conclure un départ négocié ne le dispensaient pas de venir travailler, ajoutant 'je trouve votre attitude on ne peut plus malhonnête car vous percevez, tous les mois votre salaire', puis, dans une nouvelle lettre recommandée en date du 25 juin 2011 s'adressait à M. [M] dans les termes suivants : « Vous n'avez donné aucune réponse à mon mail du mercredi 15 juin dernier, ni au courrier recommandé qui vous a été adressé. Vous ne vous êtes toujours pas présenté sur votre lieu de travail. Votre silence est très préjudiciable pour le bon fonctionnement de notre société. Nous ne comprenons pas du tout votre attitude et attendons de vos nouvelles au plus vite. », et encore, dans un courrier du 1er août 2011, faisant suite à l'entretien préalable qui s'était tenu le 19 juillet précédent, rappelait au salarié que cet entretien avait pour objet de comprendre les raisons de son absence prolongée, indiquait réfuter 'avec la plus grande fermeté' les déclarations de l'intéressé expliquant qu'il ne venait plus travailler car il n'avait 'plus rien à faire' car l'employeur aurait vidé son poste de toute sa substance, se disait 'assez choqué' d'avoir appris que M. [M] ait pu percevoir un salaire sans être venu travailler et, faisant référence à la discussion qui s'était engagée entre eux 'sur la nature exacte de (votre) poste de Directeur du Développement commercial depuis 2009", maintenait que contrairement à ce qu'affirmait M. [M] en insistant uniquement sur le volet 'logistique', celui-ci se devait aussi de 'détecter les opportunités de développement d'EBREX , d'analyser la faisabilité des projets de développement, mais aussi bien évidemment de négocier avec des clients et des partenaires éventuels' et qu'il avait donc bien la charge d'une prospection, terminant sa lettre en ces termes : « Je vous réaffirme que si vous souhaitez vous impliquer véritablement dans la stratégie de réussite d'EBREX vous êtes toujours le bienvenu, comme toutes les bonnes volontés au sein d'EBREX, et ce malgré la convocation reçue car votre contrat se poursuit jusqu'à la décision du juge prud'homal » ; que s'adressant à un directeur du développement commercial, en charge d'un poste à hautes responsabilités, les termes employés par l'employeur dans ces courriers se suffisaient en eux-mêmes, rendant superflu qu'il mette formellement en demeure M. [M] de reprendre le travail ; que ce dernier ne saurait sérieusement reprocher à l'employeur de s'être donné du temps pour tenter de le faire revenir dans l'entreprise plutôt que de le sanctionner immédiatement ; qu'il résulte des développements qui précèdent que le salarié a bien commis un abandon de poste sans que soit établie l'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles ; qu'un tel comportement d'un cadre de haut niveau est sans conteste fautif mais, l'employeur ayant attendu plus de 7 mois après le début de l'absence injustifiée de M. [M] pour rompre le contrat de travail, il s'ensuit que la violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail n'était pas d'une gravité telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; que dans ces conditions, les faits établis et reprochés à M. [M] ne suffisent pas à caractériser une faute grave mais constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le jugement entrepris sera réformé en ce sens ;

Attendu que M. [M] peut donc prétendre à une indemnité compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire brut, outre les congés payés afférents que le conseil de prud'hommes a omis de lui allouer, ainsi qu'à une indemnité conventionnelle de licenciement, dont les montants réclamés ne sont pas contestés dans leur quantum ; que, le jugement sera confirmé qui a condamné la société à lui payer la somme de 26'260

euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et il y a lieu de condamner la société à lui payer en outre la somme de 2626 euros au titre des congés payés afférents au préavis et celle de 12'016 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, le jugement étant réformé sur ces points ;

Attendu que l'existence d'un motif réel et sérieux justifiant le licenciement prive de fondement la demande d'indemnité présentée à ce titre par M. [M] qui sera dès lors rejetée ; qu'aucune mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail n'étant caractérisée , M. [M] sera également débouté de sa demande de dommages-intérêts de ce chef ; que le jugement sera infirmé sur ces points ;

Attendu que M. [M] dont le salaire mensuel brut en son dernier état était de 7670 euros réclame le paiement de ses salaires, dus depuis le mois de juillet 2011 et jusqu'au 9 novembre 2011, en soutenant qu'il a été sciemment privé par son employeur des moyens d'exercer ses fonctions et qu'il ne pouvait donc être privé de son salaire au prétexte de son absence physique dans l'entreprise, d'autant selon lui que la société lui avait supprimé jusqu'à son meuble de bureau au siège social et qu'il n'avait plus d'emplacement dédié à l'agence d'[Localité 4] ; mais attendu qu'il est acquis aux débats que durant la période considérée, M. [M] n'a volontairement fourni aucune prestation de travail pour le compte de la société EBREX France alors même que depuis le 15 juin 2011, l'employeur lui avait instamment demandé de reprendre sa place dans l'entreprise et a réitéré sa demande lors de l'entretien préalable du 19 juillet suivant qu'il a formalisée dans un courrier du 1er août, demandes auxquelles le salarié n'a pas déféré, sans motif légitime, puisqu'il n'était nullement privé de bureau et qu'il a, à tort, estimé que la société EBREX avait modifié son contrat de travail sans son accord, notamment en lui demandant de prospecter et d'apporter de nouveaux contrats, alors que de telles fonctions faisaient partie intégrante de son poste de directeur du développement commercial ; que, dans ces conditions, l'employeur était en droit d'effectuer des retenues sur ses salaires correspondant aux périodes d'absence injustifiée, et le jugement sera infirmé qui a condamné la société au paiement de la somme de 36'560,33 euros au titre des salaires et des congés payés non versés pour les périodes non travaillées ;

Attendu, enfin, que le jugement sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et à la condamnation aux frais irrépétibles ; que M. [M] qui succombe en ses principaux chefs de prétention sera condamné aux dépens d'appel, tandis que la société STEF TRANSPORT sera déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles qu'il ne paraît pas contraire à l'équité de laisser à sa charge ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 19 décembre 2013 par le conseil de prud'hommes de Créteil sauf en ce qu'il a condamné la société EBREX France au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Le réforme sur le montant alloué au titre de l'indemnité de licenciement ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et réformé, et y ajoutant

Déboute M. [M] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ;

Dit que le licenciement de M. [M] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société STEF TRANSPORT à payer à M. [M] les sommes de :

- 2626 euros au titre des congés payés afférents au préavis avec intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2011, date de réception par la défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,

- 12'016 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2013, date du jugement ;

Déboute M. [M] de ses autres demandes ;

Déboute la société STEF TRANSPORT de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [M] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 14/00739
Date de la décision : 07/05/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°14/00739 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-07;14.00739 ?
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