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15/04/2015 | FRANCE | N°13/20513

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 15 avril 2015, 13/20513


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4



ARRET DU 15 AVRIL 2015



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/20513



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mars 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006085759

(suite à cassation de l'arrêt du 26 janvier 2012 - Cour d'appel de PARIS - Pôle 5 chambre 5 - RG n° 09/10294 (rectifié par arrêt du 12 avril 2012 - Cour d'app

el de PARIS - Pôle 5 chambre 5 - RG n° 12/05041) par l'arrêt du 25 Juin 2013 - Cour de cassation - chambre commerciale - Pourvoi n° Y 12-21.850)





DEMA...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRET DU 15 AVRIL 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/20513

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mars 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006085759

(suite à cassation de l'arrêt du 26 janvier 2012 - Cour d'appel de PARIS - Pôle 5 chambre 5 - RG n° 09/10294 (rectifié par arrêt du 12 avril 2012 - Cour d'appel de PARIS - Pôle 5 chambre 5 - RG n° 12/05041) par l'arrêt du 25 Juin 2013 - Cour de cassation - chambre commerciale - Pourvoi n° Y 12-21.850)

DEMANDEUR A LA SAISINE :

Maître Jean-Philippe [G]

ès qualités de Liquidateur à la Liquidation Judiciaire de la société [S] [Y] CREATION

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Laurence TAZE BERNARD de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042

ayant pour avocat plaidant : Me Aurélien BARRIE de la SELARL SEIGLE BARRIE & Associés, avocat au barreau de LYON

DEFENDERESSE A LA SAISINE :

SAS CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL

immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 334.429.834

ayant son siège [Adresse 2]

[Adresse 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

agissant tant pour elle-même qu'aux droits de la société SUIVI COORDINATION JOAILLERIE par suite d'une fusion absorption en date du 29 novembre 2009

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

ayant pour avocats plaidants : Me Valérie LEDOUX de la SELARL RACINE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0301 et Me Caroline LEVARD de la SELARL RACINE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0301

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente, chargée du rapport et Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre

Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère, rédacteur

Madame Marie-Annick PRIGENT, Conseillère appelée d'une autre chambre afin de compléter la Cour en application de l'article R.312-3 du Code de l'Organisation Judiciaire

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère, aux lieu et place de Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente, empêchée, et par Monsieur Bruno REITZER, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

À compter de l'année 1992, la SA [S] [Y] CRÉATIONS, qui avait pour activité la fabrication et la vente de bijoux, a eu pour clients la SAS CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL et la SAS SUIVI COORDINATION JOAILLERIE, qui font partie du groupe RICHEMONT et ont pour activité la conception et la commercialisation de produits de joaillerie et haute joaillerie.

Par ordonnance du 20 avril 2006, le président du tribunal de commerce de Lyon a, sur la requête de la société [S] [Y] CRÉATIONS, désigné un conciliateur, pour une durée de 4 mois, afin de prendre connaissance de la situation économique, comptable et financière de l'entreprise, d'assister le dirigeant dans ses négociations avec ses deux partenaires, la société CARTIER et la société BRUN et d'apprécier la possibilité de trouver une solution permettant d'assurer la pérennité de l'entreprise.

Une réunion entre les parties a été organisée le 27 avril 2006 par le conciliateur.

Par courrier du 5 mai 2006, les sociétés CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL et SUIVI COORDINATION JOAILLERIE ont transmis un tableau prévisionnel de commandes susceptibles d'être passées à la société [S] [Y] CRÉATIONS dans les 6 mois à venir, ont pris acte que la société [S] [Y] CRÉATIONS ne se fournirait plus à l'avenir auprès de la société BRUN et ont demandé que l'encours de 355.284,03€ dû à la société BRUN par la société [S] [Y] CRÉATIONS soit remboursé dans un délai de 24 mois.

La société [S] [Y] CRÉATIONS a été mise en redressement judiciaire le 6 juin 2006, puis en liquidation judiciaire par jugement du 27 juin 2006, Me [T] [G] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Reprochant aux sociétés CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL et SUIVI COORDINATION JOAILLERIE d'avoir rompu leurs relations commerciales établies sans préavis et d'avoir abusé de son état de dépendance économique, la société [S] [Y] CRÉATIONS, représenté par Me [G] ès-qualités, les a assignées, par acte du 19 décembre 2006, devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 20 mars 2009 le tribunal de commerce a :

- dit que les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL ont brutalement, et de façon injustifiée, diminué le montant des commandes passées à la société [S] [Y] CRÉATIONS au début de l'exercice 2006, que cette rupture des relations commerciales a été brutale et sans aucun préavis adressé à la société [S] [Y] CRÉATIONS,

- condamné les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL in solidum à payer à Me [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [S] [Y] CRANTIONS, une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL aux entiers dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

Le 30 avril 2009, les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL ont interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 26 janvier 2012, rectifié par arrêt du 12 avril 2012, la cour d'appel de Paris a :

- confirmé le jugement entrepris sauf en ce qui concerne la durée du préavis et en ce qu'il a rejeté la demande de Me [G], ès-qualités, au titre de l'abus de la situation de dépendance économique,

Et statuant à nouveau,

- fixé la durée du préavis à deux ans,

- condamné les sociétés CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL et SUIVI COORDINATION JOAILLERIE à payer à Maître [G], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [S] [Y] CRÉATIONS, la somme de 1 943 602,78 € au titre de son préavis,

- condamné les sociétés CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL et SUIVI COORDINATION JOAILLERIE à payer à Maître [G], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [S] [Y] CRÉATIONS, la somme de 10 000 € au titre de son préjudice résultant des gains manqués,

- rejeté tout autre demande,

- condamné les sociétés CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL et SUIVI COORDINATION JOAILLERIE à payer à Me [G], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [S] [Y] CRÉATIONS, la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les sociétés CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL et SUIVI COORDINATION JOAILLERIE aux dépens.

Sur pourvoi des sociétés CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL et SUIVI COORDINATION JOAILLERIE, la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a, par arrêt du 25 juin 2013, cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier 2012 et rectifié par arrêt du 12 avril 2012, et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Par déclaration du 23 octobre 2013, Maître [G], ès-qualités, a saisi la cour d'appel de Paris, statuant sur renvoi.

La société SUIVI COORDINATION JOAILLERIE ayant été radiée à la suite de sa fusion absorption par la société CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL en date du 29 novembre 2013, cette dernière société est désormais seule en cause.

Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 2 mars 2015, par lesquelles Maître [G], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [S] [Y] CRÉATIONS, demande à la Cour de :

Aux visas des articles L. 442-1.5° et L. 442-6 I 2° du code de commerce,

I. Sur la rupture abusive des relations commerciales établies

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' dit et jugé que les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL et [S] [Y] CRÉATIONS ont eu des relations commerciales établies,

' dit et jugé que les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL ont diminué le chiffre d'affaires avec la société [S] [Y] CRÉATIONS à partir de 2004,

' dit et jugé qu'au cours de l'exercice 2005, les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL ont procédé au déréférencement de la société [S] [Y] CRÉATIONS du cercle des fournisseurs privilégiés sans l'en avertir ni justifier d'un quelconque motif,

' dit et jugé qu'au mois de mars /avril 2006, les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL ont arrêté brutalement de passer commande à la société [S] [Y] CRÉATIONS,

' dit et jugé qu'il ressort des pièces versées aux débats que jusqu'en mars 2006, la situation financière de la société [S] [Y] CREATIONS n'était pas obérée, ni compromise qu'elle ne l'a été que suite à l'arrêt brutal des commandes passées par les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL,

' dit et jugé que les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL ont rompu brutalement et abusivement les relations commerciales établies avec la société [S] [Y] CREATIONS, sans aucun préavis,

' dit et jugé que les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL ont commis une faute,

- Infirmer le jugement entrepris sur le surplus et statuant à nouveau :

' dire et juger que les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL devaient respecter un préavis de deux années compte tenu des relations commerciales entretenues depuis plus de 13 ans avec la société [S] [Y] CRÉATIONS,

' dire et juger que la marge commerciale brute de la société [S] [Y] CREATIONS a été de 971.801,38 € annuelle,

' Dire et juger que la perte de marge brute correspondant à deux années de préavis s'élève donc à la somme de 1.943.602,80 € (971.801,38 x 2),

En conséquence :

' condamner les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL in solidum à payer à maître [G] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [S] [Y] CRÉATIONS la somme de 1.943.602,80 € au titre du préjudice subi résultant de la rupture abusive des relations commerciales établies,

II. Sur l'abus dans la relation de dépendance économique,

- Infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :

- dire et juger que les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL ont été le principal client de la société [S] [Y] CREATIONS pendant plus de treize années,

- dire et juger que la société [S] [Y] CRÉATIONS a été en état de dépendance économique,

- dire et juger que Maître [G], ès qualités, n'a pas à rapporter la preuve d'une absence de solution équivalente,

- dire et juger qu'en tout état de cause la société [S] [Y] CRÉATIONS était dans l'impossibilité de trouver une solution équivalente,

- dire et juger que les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL ont imposé à la société [S] [Y] CREATIONS la revente à perte à leur profit des matériaux or acquis chez leur filiale la société BRUN,

- dire et juger que les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL ont imposé à la société [S] [Y] CRÉATIONS la revente à prix coûtant des kits composants acquis chez la société BRUN,

- dire et juger que les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL ont imposé à la société [S] [Y] CRÉATIONS l'achat de conditionnements non refacturés aux sociétés du groupe CARTIER,

- dire et juger que les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL ont fixé les prix et par conséquent les marges de la société [S] [Y] CRÉATIONS sur ses produits finis,

- dire et juger que les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL ont imposé le remboursement des avances financières consenties à la société [S] [Y] CRÉATIONS,

- dire et juger que le préjudice résultant de l'abus de position dominante s'élève à la somme de 98 345,24 € correspondant au préjudice lié à la revente à perte du métal or pour la société [S] [Y] CRÉATIONS,

En conséquence,

- dire et juger que les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL ont abusé de la relation de dépendance économique dans laquelle s'est trouvée la société [S] [Y] CRÉATIONS,

- condamner les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL à payer à Maître [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [S] [Y] CREATIONS, la somme de 98 345,24 € au titre du préjudice subi du fait de l'abus dans les relations de dépendance économique,

En tout état de cause :

- condamner les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL in solidum à payer à Maître [G], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [S] [Y] CRÉATIONS, une somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les dépens de l'arrêt cassé, dont le recouvrement sera poursuivi conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 23 février 2015, par lesquelles la société CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL demande à la Cour de :

1/ SUR LA PRÉTENDUE RUPTURE DE RELATIONS COMMERCIALES

A titre principal :

- constater qu'aucune rupture brutale de relations commerciales avec la société [S] [Y] CRÉATIONS n'est imputable aux sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL ;

En conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL avaient brutalement rompu leurs relations commerciales avec la société [S] [Y] CRÉATIONS et les a condamnées au paiement d'une somme de 400 000 € au titre du préjudice subi du fait de cette rupture ;

- débouter Maître [G], liquidateur de la société [S] [Y] CRÉATIONS de toutes ses demandes,

- A titre subsidiaire, pour le cas où par impossible, la Cour devait considérer que les sociétés CARTIER ont procédé à une rupture brutale partielle en réduisant le volume de leurs commandes début 2006, fixer la durée du préavis qui aurait dû être respecté à 6 mois maximum et fixer en conséquence le préjudice subi par [S] [Y] CRÉATIONS à ce titre à la somme maximum de 107 707 €,

2/ SUR LE PRÉTENDU ABUS DE DÉPENDANCE ECONOMIQUE

- constater que la société [S] [Y] CRÉATIONS disposait tant en fait qu'en droit de solutions alternatives et qu'elle n'était pas en état de dépendance économique vis-à-vis des sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL ;

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Maître [G] de sa demande fondée sur l'article L.442--6, I, 2, b.

3/ SUR L'ARTICLE 700 ET LES DÉPENS

- condamner Maître [G] à payer à la société CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL la somme de 40 000 euros HT, soit 48 000 euros TTC, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens de l'instance.

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,

Sur la rupture des relations commerciales :

Considérant que Maître [G], ès-qualités, soutient que les sociétés du groupe CARTIER ont abusivement rompu les relations commerciales établies avec la société [S] [Y] CRÉATIONS, comme cela résulte :

- de la diminution progressive du chiffre d'affaires à compter de l'exercice 2005, qui s'est poursuivie sur l'exercice 2006,

- du 'déréférencement' au mois d'avril 2005 de la société [S] [Y] CRÉATIONS du cercle fournisseurs n°1 du groupe CARTIER, sans lettre d'information, ni motif légitime, qui a privé la société de toute visibilité financière,

- de l'arrêt total des commandes à compter de la fin du mois de mars et début du mois d'avril 2006, la société [S] [Y] CRÉATIONS n'ayant plus aucune commande à facturer postérieurement au mois de juin 2006 ; que cette rupture des relations commerciales établies a été faite sans aucun préavis, ni courrier adressé à la société [S] [Y] CRÉATIONS et a entraîné la perte de marge correspondante aboutissant inévitablement à la liquidation judiciaire de la société [S] [Y] CRÉATIONS ;

Considérant que Maître [G], ès-qualités, soutient également que la proposition faite, le 5 mai 2006, par les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL, soit un volume de commandes pour les mois de juin à décembre 2006, un chiffre d'affaires de 70 000 € mensuel de façons, hors composant et métal, ce qui représentait un chiffre d'affaires d'environ 100 000 € mensuel incluant la vente du métal et des composants, qui était conditionnée au remboursement de la dette de la société [S] [Y] CRÉATIONS à l'égard de la société BRUN, filiale des sociétés du groupe CARTIER, ne pouvait pas être acceptée car elle entraînait une nouvelle baisse significative du chiffre d'affaires réalisé avec les sociétés du groupe CARTIER, que les prix demandés par ces sociétés ne permettaient pas à la société [S] [Y] CRÉATIONS de réaliser une marge suffisante sur la fabrication des bijoux, que les sociétés du groupe CARTIER ont refusé de racheter le métal or, acquis auprès de la société BRUN, au prix d'achat par la société [S] [Y] CREATIONS et qu'en conséquence, la réalisation des commandes dans les conditions proposées par les sociétés du groupe CARTIER générerait de nouvelles pertes d'exploitation pour la société [S] [Y] CRÉATIONS dès le mois de juin 2006 ;

Considérant que Maître [G], ès-qualités, expose que les sociétés du groupe CARTIER ont voulu rompre les relations commerciales avec la société [S] [Y] CRÉATIONS sans exécuter de préavis et sans en payer le prix ; qu'il a fallu qu'une procédure de conciliation soit ouverte pour que les sociétés du groupe CARTIER proposent, postérieurement à l'arrêt des commandes, de passer à la société [S] [Y] CRÉATIONS une partie seulement des commandes correspondant au chiffre d'affaires qui était normalement réalisé avec elle ; que la preuve de la volonté fautive des sociétés du groupe CARTIER est démontrée par le fait qu'elles n'ont passé aucune commande à la société [S] [Y] CRÉATIONS ni au cours de la période de conciliation, ni à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;

Considérant que la société CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL conteste avoir rompu brutalement les relations commerciales avec la société [S] [Y] CRÉATIONS ; qu'elle fait valoir qu'il n'y a pas eu de rupture brutale en 2005, car, d'une part, la diminution du chiffre d'affaires en 2005 est extrêmement mesurée par rapport à 2004 (- 24 %), d'autre part, cette diminution s'inscrit dans le cadre d'une relation commerciale portant sur des volumes fluctuants, enfin, cette diminution au printemps 2005 est la conséquence des importants problèmes de qualité rencontrés sur les bijoux façonnés par la société [S] [Y] CRÉATIONS début 2005 ;

Considérant que la société CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL expose que la sortie de la société [S] [Y] CRÉATIONS du cercle des fournisseurs privilégiés ne peut être qualifiée de rupture ; que cette décision, qui était la conséquence d'une perte de compétitivité de la société [S] [Y] CRÉATIONS, était parfaitement justifiée ; que la sortie du 'cercle des fournisseurs privilégiés' n'a pas constitué une modification d'un des éléments essentiels du contrat qui en bouleverserait l'économie, la sortie du 'Cercle 1" en avril 2005 n'a eu aucune conséquence sur les commandes, puisque les sociétés CARTIER ont continué, lorsque les problèmes de non-conformité ont été résolus, à confier à la société [S] [Y] CRÉATIONS le façonnage de leurs bijoux, dans les mêmes proportions qu'auparavant et, notamment, pour des volumes nettement plus importants qu'en 2003, période à laquelle la société [S] [Y] CRÉATIONS appartenait au 'Cercle 1" ;

Considérant que la société CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL expose également qu'il n'y a pas eu de rupture brutale totale ou partielle au début de l'exercice 2006 ; que les sociétés CARTIER ont passé des commandes sans discontinuer jusqu'à l'ouverture de la conciliation et ont fait une proposition significative et loyale à la société [S] [Y] CRÉATIONS, le 5 mai 2006, à laquelle cette société a choisi de ne pas donner suite et a cessé d'exécuter les commandes en cours ; qu'il ne peut être reproché aux sociétés CARTIER de ne pas avoir passé de commandes en mai 2006 alors qu'elles attendaient une réponse de la société [S] [Y] CRÉATIONS sur leur proposition ferme ; que la baisse de volume ponctuelle au début de l'année 2006 était mesurée par rapport aux années 2005 et 2004 et s'inscrit dans une relation portant sur des volumes fluctuants ; que la cessation de la relation au cours de l'année 2006 est imputable à la société [S] [Y] CRÉATIONS et non aux sociétés CARTIER ;

Considérant que lorsque aucune obligation de garantir un volume de commande minimum n'a été prévue entre les parties, la diminution, même significative, des commandes est insuffisante, dès lors qu'elle ne procède pas d'un comportement déloyal, à caractériser une rupture partielle des relations commerciales ; qu'au surplus seule est fautive la rupture brutale, c'est à dire la rupture imprévisible, soudaine et violente, celle à laquelle le cocontractant ne pouvait s'attendre ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que des relations commerciales établies ont existé durant 14 ans entre la société [S] [Y] CRÉATIONS et les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL ; que selon les chiffres concordants donnés par les parties, le chiffre d'affaires réalisé par la société [S] [Y] CRÉATIONS avec les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL a été de :

Exercices

Chiffre d'affaires

total de la société [S] [Y] CRÉATIONS

Chiffres d'affaires réalisé avec les sociétés CARTIER

% CARTIER dans chiffre d'affaires

variation

N/N-1

résultat comptable

2001

5 541 659 €

3 836 238 €

69 %

200 733 €

2002

3 829 866 €

2 106 133 €

54%

-45 %

98 882€

2003

3 262 215 €

918 850 €

28 %

- 56 %

- 498 907€

2004

2 925 322 €

2 277 163 €

77 %

+148%

20 054 €

2005

2 390 669 €

1 732 819 €

72 %

- 24 %

- 161 000 €

Janvier à avril 2006 4 mois d'exploitation

645.794 €

511 756 €

inconnu

inconnu

Considérant que ces chiffres font apparaître, d'une part, que le chiffre d'affaires réalisé par la société [S] [Y] CRÉATIONS avec les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL, comme d'ailleurs avec ses autres clients, était fluctuant d'une année à l'autre ; que les tableaux et graphiques produits par les intimées démontrent que la fluctuation du volume d'affaires existait également d'un mois à l'autre sur une même année ; que cette situation s'explique en grande partie par les variations d'activité que connaissaient les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL et qui sont établies par les extraits des comptes annuels de la société CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL versés aux débats pour les années 2001 à 2004 ;

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé par la société [S] [Y] CRÉATIONS avec la société SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER

JOAILLERIE INTERNATIONAL en 2005 est inférieur de 24 % à celui réalisé en 2004, lui-même supérieur de 148 % à celui réalisé en 2003 ; que cet écart de volume d'affaires entre 2005 et 2004 n'est pas significatif d'une rupture partielle dans un tel contexte de variabilité du courant d'affaires ; qu'ainsi, d'une part, le chiffre d'affaires de l'année 2002 était inférieur de 45% par rapport à celui de l'année 2001 et celui de 2003 inférieur de 56 % à celui de 2002 ; que le chiffre d'affaires de 2005, qui est supérieur à celui réalisé en 2003, équivaut à la moyenne des chiffres d'affaires des trois exercices précédents ;

Considérant qu'au surplus, les tableaux indiquant le chiffre d'affaires par mois au cours des année 2004 et 2005, montrent que la diminution du chiffre d'affaires a été nette aux mois de mai, juin, juillet 2005 ; qu'il ressort du courrier du 22 avril 2005 de Mme [S] [Y] que des problèmes de qualité sur les bijoux façonnés par la société [S] [Y] CRÉATIONS sont apparus de plus en plus nombreux durant 4 mois, de novembre 2004 à février 2005 ; que ces problèmes de qualité, résolus en avril 2005, expliquent que la société CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL ait diminué ses commandes durant les mois de mars à mai 2005, entraînant une diminution du chiffre d'affaires durant les 2 ou 3 mois suivants, délais nécessaires à la livraison des commandes ; que le chiffre d'affaires a augmenté aux mois de septembre et octobre 2005, puis est devenu similaire en novembre et décembre 2005 aux chiffres d'affaires des mois de novembre et décembre 2004 ;

Considérant que si, dans son courrier du 22 avril 2005 adressé à la société CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL, Mme [S] [Y] écrit 'Les problèmes de qualité rencontrés venaient en partie de porosités sur les fontes des bagues coeurs produites par [Z] à cette même période', néanmoins la décision de la société CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL de diminuer temporairement certaines de ses commandes en raison de l'existence de non conformités, dont l'origine n'a été déterminée qu'ultérieurement, n'est pas fautive, d'autant que, même si la société [S] [Y] CRÉATIONS fournissait aux sociétés CARTIER des bijoux d'entrée de gamme, les sociétés intimées, en raison de la réputation internationale de la marque CARTIER, ne pouvaient prendre le risque de commercialiser des bijoux de mauvaise qualité ;

Considérant que la décision prise par les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL de ne plus placer la société [S] [Y] CRÉATIONS dans le cercle de leur fournisseur privilégié, dit 'cercle 1", qui regroupe les meilleurs façonniers en termes de services et de tarifs, intervient après que des problèmes de qualité, qui se sont étalés sur 4 mois, soient apparus jusqu'au début de l'année 2005 ; que dans ces circonstances la décision qui était provisoire n'apparaît pas injustifiée ;

Considérant que la conséquence de cette décision a été pour la société [S] [Y] CRÉATIONS de ne pas recevoir au mois de mars 2005 un courrier portant engagement des sociétés CARTIER, pour la période d'avril 2005 à mars 2006, de passer un volume de commandes équivalant à +/- 20 % d'une estimation prévisionnelle ; que cette décision n'a pas bouleversé l'économie du contrat puisque la société [S] [Y] CRÉATIONS a pu réaliser, sur l'année 2005, 72 % de son chiffre d'affaires avec les sociétés intimées et que, lorsque les problèmes de qualité ont été résolus, les commandes des sociétés CARTIER ont augmentées ; que cette décision n'a pas eu pour conséquence d'exclure la société [S] [Y] CRÉATIONS des sous-traitants travaillant avec des sociétés CARTIER et n'a pas eu de conséquence significative sur la poursuite des relations commerciales, puisque les sociétés intimées ont continué à passer des commandes tout au long de l'année 2005 ; que si l'absence de réception du courrier prévisionnel au mois de mars 2005 a pu priver la société [S] [Y] CRÉATIONS de visibilité financière immédiate sur l'année 2005, cependant, cette situation n'a été que temporaire puisque dans un courrier du 8 juin 2005, faisant suite à une réunion du 24 mai , la société SUIVI COORDINATION JOAILLERIE écrivait à la société [S] [Y] CRÉATIONS 'Comme nous l'avons également évoqué ensemble, les équipes de la planification prendront contact avec vous pour vous communiquer les éléments de prévision dont nous disposons afin de vous donner le plus possible de visibilité sur nos commandes';

Considérant que Maître [G], ès qualités, qui ne démontre pas que la diminution du chiffre d'affaires réalisé en 2005 avec les sociétés SUIVI COORDINATION JOAILLERIE et CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL et la sortie de la société [S] [Y] CRÉATIONS du cercle n°1des fournisseurs de ces sociétés, résultent d'un comportement déloyal ou abusif de l'intimée, doit être débouté de sa demande au titre de la rupture partielle des relations commerciales établies ;

Considérant que pour soutenir que les sociétés CARTIER ont brutalement rompu les relations commerciales établies avec la société [S] [Y] CRÉATIONS, Maître [G], ès qualités, fait valoir qu'entre le 24 avril et le 10 mai 2006, les sociétés CARTIER n'ont passé aucune commande complémentaire, que, le 10 mai 2006, la société [S] [Y] CRÉATIONS n'avait plus aucune commande pour les mois de juin à décembre 2006 et n'avait plus aucune commande à facturer postérieurement au mois de juin 2006 ;

Considérant qu'il résulte des pièces produites par la société CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL que des commandes ont été normalement passées à la société [S] [Y] CRÉATIONS du mois de janvier au mois d'avril 2006, lui assurant une facturation et un chiffre d'affaires jusqu'au mois de juin 2006, comme cela résulte des factures produites par l'intimée ; que par courriel du 27 mars 2006, la société [S] [Y] CRÉATIONS a d'ailleurs refusé une commande des sociétés CARTIER en ces termes 'je suis désolée de devoir refuser ces commandes car sur ce modèle nous n'arrivons pas à nous aligner sur votre prix cible qui pour nous serait un prix coûtant' ;

Considérant que la situation économique obérée de la société [S] [Y] CRÉATIONS l'a conduite à demander, dans le courant du mois d'avril 2006, la mise en place d'une conciliation judiciaire avec les sociétés CARTIER, ses principaux clients mais aussi ses principaux créanciers puisque la société [S] [Y] CRÉATIONS était notamment débitrice d'une somme de plus de 350'000 € envers la société BRUN, filiale des sociétés CARTIER ; que l'intimée justifie avoir, suite à la réunion organisée le 27 avril 2006 par le conciliateur, formulé le 5 mai 2006 une proposition de commandes lissées du mois de mai au mois de septembre 2006, portant sur un chiffre d'affaires d'environ 100 000 € par mois jusqu'au mois de novembre 2006 ; qu'il ne peut être reproché à la société CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL de ne pas avoir passé de commande au mois de mai 2006, alors qu'aucune réponse n'a été apportée à sa proposition de commandes du 5 mai 2006, qui était subordonnée à l'accord de la société [S] [Y] CRÉATIONS ;

Considérant que par télécopie du 13 juin 2006 la société [S] [Y] CRÉATIONS a écrit à la société CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL 'Nous ne pourrons malheureusement pas finir les 60 Baby- Charm's. En conséquence, notre administrateur judiciaire nous demande de vous adresser la facture de ces pièces, dont le prix des bélières, poli final et rhodiage a été déduit. Nous vous remercions de nous la retourner acceptée afin que nous puissions vous faire l'envoi'; que bien que Maître [G], ès qualités, ait refusé de déférer à la sommation de communiquer le rapport déposé par le conciliateur ainsi que les rapports établis par lui à l'attention du juge-commissaire, il apparaît que la société [S] [Y] CRÉATIONS, qui connaissait une situation économique préoccupante déjà en 2004 n'était plus en mesure, à compter du début de l'année 2006, d'honorer les commandes de la société CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL, comme cela résulte, d'une part, de l'analyse faite par la société PLIMSOOL au mois de juillet 2004, qui classe la société [S] [Y] CRÉATIONS dans la catégorie des sociétés financièrement préoccupantes ou en danger et, d'autre part, du rapport d'expertise amiable non contradictoire du cabinet OCA, régulièrement versé aux débats et discuté entre les parties ;

Considérant qu'il résulte de ces circonstances, qu'il ne peut être reproché à la société CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL de ne pas avoir passé de commande à la société [S] [Y] CRÉATIONS aux mois de mai et juin 2006, dès lors que la société [S] [Y] CRÉATIONS, qui avait des commandes en cours jusqu'au mois de juin 2006, n'a donné aucune réponse à la proposition de commandes qui lui a été faite le 5 mai 2006 ; que l'argument selon lequel la poursuite de la fabrication et de la vente des bijoux aux sociétés CARTIER aurait entraîné des pertes pour la société [S] [Y] CRÉATIONS, est contredit par le niveau de marge nette de plus de 60 % réalisé par cette société sur les commandes des sociétés CARTIER ; que la mise en redressement le 6 juin 2006 suivie immédiatement d'une liquidation judiciaire le 27 juin 2006, ne résulte nullement d'un arrêt des commandes par les sociétés CARTIER, mais de la situation économique irrémédiablement compromise de la société [S] [Y] CRÉATIONS, qui ne lui permettait plus de continuer son activité à compter de l'année 2006 ;

Considérant que la rupture des relations commerciales est la conséquence de l'impossibilité pour la société [S] [Y] CRÉATIONS de continuer son activité en raison de sa situation financière et d'accepter les commandes proposées par la société CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL à compter du mois de mai 2006 ; que Maître [G], ès qualités, doit être débouté de ses demandes au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies ;

Sur la dépendance économique :

Considérant que Maître [G], ès qualités, expose que la loi n°2001-420 du 15 mai 2001 a supprimé la notion d'absence de solution équivalente et que par conséquent il n'avait pas à rapporter la preuve de l'absence de solution équivalente ; qu'en tout état de cause, en l'espèce, la société [S] [Y] CRÉATIONS, qui avait pour client principal les sociétés CARTIER, était dans l'impossibilité de trouver des solutions équivalentes, en raison de l'importance du chiffre d'affaires réalisé avec les sociétés CARTIER, du fait qu'elle n'a pas eu la liberté de diversifier sa clientèle, les sociétés CARTIER lui ayant interdit de travailler avec des enseignes concurrentes, notamment la société DE BEERS, dirigée par l'ancien PDG du groupe CARTIER et l'obligeant à s'approvisionner en métal auprès de la société BRUN ;

Considérant que la société CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL expose qu'il incombe à Maître [G], ès qualités, de démontrer que la société [S] [Y] CRÉATIONS était dans l'impossibilité de trouver une solution alternative équivalente et conteste la version de l'appelant, selon laquelle la société [S] [Y] CRÉATIONS n'aurait pas eu la possibilité de diversifier sa clientèle car les sociétés CARTIER auraient exercé une gestion de fait sur leur sous-traitant, en faisant observer que la thèse de l'appelant repose sur un courrier de Mme [S] [Y] elle-même du 30 mai 2005 invoquant 'la promesse... tenue! de ne pas travailler avec certaines marques, sur les conseils de votre maison' auquel il a été répondu le 8 juin 2005 ' ... il nous paraît important de préciser que nos exigences légitimes dans nos relations commerciales portent sur la confidentialité évidemment, ainsi que sur la fiabilité des livraisons par rapport aux commandes (en termes de délais, de qualité et de prix). Nous ne saurions avoir d'autres demandes ou conseils' ;

Considérant que l'état de dépendance économique se définit comme l'impossibilité, pour une entreprise, de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées avec une autre entreprise ;

Considérant que les relations commerciales entre la société [S] [Y] CRÉATIONS et la société CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL n'étaient pas exclusives ; que la société [S] [Y] CRÉATIONS avait d'autres clients, dont des concurrents des sociétés CARTIER, comme la société VAN CLEEF INTERNATIONAL, CHAUMET, HERMÈS ; que la preuve d'une interdiction faite à la société [S] [Y] CRÉATIONS de diversifier sa clientèle n'est pas rapportée ; que l'importance du chiffre d'affaires réalisé avec les sociétés CARTIER n'est pas un obstacle à la recherche d'autres clients, tout comme la demande d'approvisionnement en fonte auprès de la société BRUN, qui ne s'appliquait qu'aux commandes passées par les sociétés CARTIER ;

Considérant que Maître [G], ès qualités, qui ne rapporte pas la preuve que la société [S] [Y] CRÉATIONS était dans un état de dépendance économique à l'égard des sociétés CARTIER, doit être débouté de ses demandes fondées sur l'abus de dépendance économique ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement sauf en sa disposition ayant débouté Me [G], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SA [S] [Y] CRÉATIONS, de ses demandes au titre de l'abus de dépendance économique ;

Et statuant à nouveau,

Dit que la SA [S] [Y] CRÉATIONS et la SAS CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL ont eu des relations commerciales établies,

Dit que la SAS CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL n'a pas rompu brutalement même partiellement les relations commerciales établies avec la SA [S] [Y] CRÉATIONS,

Déboute Me [G], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SA [S] [Y] CRÉATIONS, de toutes ses demandes fondées sur l'existence d'une rupture brutale des relations commerciales établies,

Dit que la SA [S] [Y] CRÉATIONS n'était pas dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de la SAS CARTIER JOAILLERIE INTERNATIONAL,

Dit que le présent arrêt emporte obligation pour Maître [G], ès-qualités de liquidateur de la Sa [S] [Y] CREATIONS,  de procéder au remboursement des sommes reçues en exécution des précédentes décisions  ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

LE GREFFIER POUR LA PRESIDENTE EMPÊCHée,

B. REITZER C. NICOLETIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 13/20513
Date de la décision : 15/04/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°13/20513 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-15;13.20513 ?
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