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15/04/2015 | FRANCE | N°13/14912

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 15 avril 2015, 13/14912


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 5



ARRÊT DU 15 AVRIL 2015



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/14912

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juillet 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/09100





APPELANTE



SA SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS DE LA REGION PARISIENNE (SAPP) agissant en la personne de ses représentants légaux

[A

dresse 3]

[Localité 3]



Représentée et assistée par Me Philippe PERICAUD de la SCP JEAN-FRANCOIS PERICAUD ET PHILIPPE PERICAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRÊT DU 15 AVRIL 2015

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/14912

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juillet 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/09100

APPELANTE

SA SOCIETE AUXILIAIRE DE PARCS DE LA REGION PARISIENNE (SAPP) agissant en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Philippe PERICAUD de la SCP JEAN-FRANCOIS PERICAUD ET PHILIPPE PERICAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0219

INTIMÉES

SAS EIFFAGE CONSTRUCTION ILE DE FRANCE RESIDENTIEL ET FONCTIONNEL anciennement dénomée société EIFFAGE CONSTRUCTION VAL DE SEINE prise en la personne de ses représentants légaux

Zone Industrielle

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Edouard GOIRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0003 et assistée par Me PONCHELET Patrick, toque: E 899.

SA SOCOTEC FRANCE ANCIENNEMENT DENOMMEE SOCOTEC prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean-jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0675

et assistée par Me LACAZE Helène, avocat au barreau de PARIS, toque:070

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Février 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Agnès CHAUMAZ, Présidente de chambre

Monsieur Claude TERREAUX, Conseiller

Madame Maryse LESAULT, Conseillère

qui en ont délibéré

Rapport ayant été fait Madame Maryse LESAULT, Conseillère conformément à l'article 785 du Code de procédure civile

Greffier, lors des débats : Madame Coline PUECH

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Agnès CHAUMAZ, président et par Madame Coline PUECH, greffier présent lors du prononcé.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Par traité en date du 24 janvier 1991, la ville de [Localité 4] a concédé à la Société Auxiliaire de Parcs de la Région Parisienne (SAPP) la construction et l'exploitation du parc de stationnement Porte de Paris à [Localité 4].

Sont notamment intervenus à la construction du parking :

-l'entreprise DESVAUX, aux droits de laquelle vient la société EIFFAGE CONSTRUCTION VAL DE SEINE, en qualité d'entrepreneur général,

-la société SOCOTEC FRANCE, en qualité de bureau de contrôle.

La réception des travaux a eu lieu le 15 septembre 1993.

Courant 2006, une inspection générale du parc faisant suite à un incendie de véhicule a révélé d'importants désordres de fissurations infiltrantes au droit des poutres supportant les planchers et la paroi moulée, désordres ne résultant pas de l'incendie et mettant en cause la pérennité de l'ouvrage.

Par ordonnance en date du 26 juin 2009, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a désigné M. [M] en qualité d'expert, remplacé par M.[H] par ordonnance du 21 juillet 2009.

L'expert a déposé son rapport le 4 novembre 2011.

La SAPP a demandé au tribunal de Paris de déclarer EIFFAGE CONSTRUCTION VAL DE SEINE et SOCOTEC FRANCE solidairement responsables des conséquences dommageables des désordres affectant le parking de la Porte de Paris à MELUN et de les condamner à lui payer diverses sommes au titre des travaux provisoires, définitifs et des frais.

Cette demande, concernant des désordres apparus postérieurement à la réception, a été formé sur le fondement contractuel et le dol.

Par jugement rendu le 9 juillet 2013 le tribunal de grande instance de Paris a déclaré recevables comme prescrites mais non fondées les demandes de la SAPP, l'a déboutée de l'intégralité de ses prétentions et l'a condamnée à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile à EIFFAGE CONSTRUCTION VAL DE SEINE et à SOCOTEC FRANCE la somme de 3.000 € chacune, et aux dépens avec admission au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La SAPP a interjeté appel de ce jugement le 19 juillet 2013.

La clôture est du 16 septembre 2014.

Par conclusions du 18 octobre 2013 la SAPP demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il l'a débouté de ses demandes, et de le confirmer en ce qu'il l'a déclarée recevable

En conséquence, statuant à nouveau, de :

-déclarer solidairement responsables, pour les causes sus-énoncées, les sociétés EIFFAGE CONSTRUCTION VAL DE SEINE et SOCOTEC FRANCE des conséquences dommageables des désordres affectant le parking de la Porte de Paris à [Localité 4],

- condamner solidairement les sociétés EIFFAGE CONSTRUCTION VAL DE SEINE et SOCOTEC FRANCE à lui payer la somme de 511.333,00€ HT, en réparation de ses préjudices,

-juger que ces sommes seront majorées de la TVA applicable,

-juger que les dites condamnations seront indexées selon la variation de l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE, de la date de leur estimation à celle de l'arrêt à intervenir et productives d'intérêts de droit à compter de cet arrêt,

- condamner solidairement les sociétés EIFFAGE CONSTRUCTION VAL DE SEINE et SOCOTEC FRANCE à lui payer la somme de 20.000 € sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens incluant l'ensemble des frais d'expertise, avec recouvrement selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Par conclusions du 3 avril 2014 SOCOTEC FRANCE demande à la cour de:

-déclarer la SAPP irrecevable comme prescrite en son action dirigée notamment à son encontre et de la mettre hors de cause,

Subsidiairement,

-dire la SAAP mal fondée en sa demande dirigée à son encontre à défaut de démonstration d'une faute dolosive qui lui soit imputable et en relation avec les désordres dont réparation est demandée,

-confirmer de ce chef le jugement dont appel et débouter la SAPP de sa demande,

-constater en effet que la preuve n'est pas administrée selon laquelle les désordres litigieux procèderaient d'une contravention des documents de conception avec les textes législatifs, réglementaires, normes, règles de Part ou DTU, sur lesquels devait porter l'action de contribution à la prévention des aléas techniques de SOCOTEC FRANCE,

-constater qu'au contraire en phase d'exécution, le contrôleur technique n'a nullement pour rôle de diriger, surveiller ou contrôler la réalisation des travaux, mais seulement d'examiner les plans et documents techniques d'exécution, et de vérifier les conditions de l'auto contrôle des entreprises formalisées sur le chantier par des visites ponctuelles et sans caractère exhaustif, conformément à la convention de contrôle technique,

-prononcer sa mise hors de cause,

Très subsidiairement, vu les articles 1382 et suivants du code civil,

-condamner la SAPP aux droits de la société DESVAUX à la garantir de toute éventuelle condamnation en principal, intérêts, frais et dépens,

-débouter en revanche la société EIFFAGE CONSTRUCTION VAL DE SEINE de sa demande en garantie dirigée à son encontre comme totalement infondée,

-ramener les demandes de SAPP à de plus justes proportions tant au titre des travaux de reprise qu'au titre des travaux provisoires,

-condamner la SAPP et tout succombant à lui payer une somme de 10.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner la SAPP et tout succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel avec recouvrement selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Par conclusions du 22 mai 2014 EIFFAGE CONSTRUCTION demande à la cour:

A titre principal, vu les articles 1134 et suivants du code civil, de :

- juger que la SAPP ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'une faute dolosive imputable à EIFFAGE CONSTRUCTION VAL DE SEINE actuellement dénommée CONSTRUCTION ILE DE FRANCE RESIDENTIEL,

En conséquence confirmer purement et simplement le jugement dont appel.

-A titre subsidiaire, si la cour considère la demande de SAPP est fondée, ramener à de justes proportions les condamnations qui seraient prononcées, au titre des travaux provisoires et limiter à 75.792 € HT le montant des condamnations qui seraient prononcées au titre des travaux de reprise,

-vu l'article 1382 du Code Civil, condamner SOCOTEC FRANCE à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre elle au profit de SAPP, en principal, intérêts, dommages et

intérêts, frais, accessoires et dépens,

-débouter SOCOTEC FRANCE de son appel en garantie à son encontre.

-condamner SAPP à lui payer la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC, ainsi qu'en tous les dépens, avec recouvrement selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Il est renvoyé aux conclusions pour ample exposé des faits et moyens.

SUR CE LA COUR,

Considérant que le litige est né de la découverte par la SAPP, maître d'ouvrage, dans le cadre d'un contrôle technique des structures de son parking à la suite d'un incendie de véhicule en 2006, de ce que les appuis des poutres en béton avaient été posées sur une profondeur de moins de 10cm et cela sur un coin de béton non armé, ce qui constitue un manquement aux règles de l'art ;

Considérant qu'il s'agit d'un parking souterrain de 384 places en forme de cylindre de 30 mètres de diamètre comportant 5 niveaux, implanté sur un terrain en pente, avec la partie du cylindre tournée vers l'amont réalisée en paroi moulée, le reste étant en béton classique ; que la rampe hélicoïdale descendante est constituée de dalles de béton armé portées par des poutres rayonnantes précontraintes par fils, poutres elles-mêmes portées par des poteaux en BA et engravées dans le voile périphérique ;

Considérant que s'agissant d'un ouvrage dont la réception a eu lieu le 15 septembre 1993, la SAPP a engagé une procédure devant le tribunal de grande instance de Paris selon assignation délivrées les 4 et 7 juin 1992 à EIFFAGE et SOCOTEC FRANCE pour obtenir, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, le paiement des travaux réparatoires pour rendre l'ouvrage conforme, cette demande visant le dol des constructeurs et étant de ce fait recevable selon la SAPP en raison de l'application de la prescription trentenaire et non pas décennale;

Considérant que le jugement entrepris, tout en déclarant non prescrite l'action de la SAPP, a rejeté ses demandes en retenant que les éléments versés aux débats ne permettaient pas de caractériser un caractère volontaire du manquement aux règles de l'art, ni un caractère tellement grossier qu'il pourrait s'en déduire un manquement délibéré du constructeur à ses obligations contractuelles ou une connaissance par les sociétés DESVAUX et SOCOTEC FRANCE des manquements en cause, de sorte que ces derniers ne pouvaient se voir reprocher une intention d'avoir voulu les commettre ou dissimuler ; que le tribunal a également retenu que rien ne permettait de constater que ces manquements étaient d'une telle gravité qu'ils puissent caractériser une faute lourde, et a écarté l'existence d'un dol ;

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription,

Considérant que SOCOTEC FRANCE soutient l'irrecevabilité des demandes comme prescrites en faisant valoir la position de la jurisprudence avant la réforme de du droit de la prescription et, depuis, l'article 1792-4-3 du code civil prévoyant qu'en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2 les actions en responsabilités contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par 10 ans à compter de la réception des travaux ;

Considérant que la SAPP rappelle qu'il s'agit d'un litige né avant l'entrée en vigueur de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 ayant modifié les règles de prescription et que l'action contractuelle est recevable pendant 30 ans à compter de la découverte du vice ; qu'en toute hypothèse en cas d'application de la loi nouvelle, le délai est de 5 ans à compter de la découverte du vice, laquelle a eu lieu lors de l'inspection générale faite en 2006 et a donné lieu à un rapport de QUALICONSULT de sorte que l'action n'est pas prescrite ; qu'en outre la jurisprudence antérieure ne visait pas le cas de dol ;

Considérant que selon les dispositions transitoires de la loi du 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ont prévu (article 26-2) que (II)les dispositions de cette loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que sa durée puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, et que (III)lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ;

Considérant que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer

Considérant que les désordres ayant été découverts à l'occasion d'une inspection technique de l'ouvrage courant 2006, la SAPP a disposé d'un délai de 5 années pour engager son action en responsabilité ;

Considérant que le délai quinquennal a été interrompu par l'assignation aux fins d'expertise du 26 juin 2009 ; que par voie de conséquence la présente action, engagée par assignation délivrée les 4 et 7 juin 2012 n'est pas prescrite de sorte qu'il convient de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;

Sur le fond,

Considérant que le dol doit être caractérisé par l'intention de dissimulation et concerner des faits présentant un caractère de gravité avéré ;

Considérant qu'en l'espèce l'expertise technique exécutée par QUALICONSULT après l'incendie survenu dans le parking, puis les constatations de l'expert ont permis à ce dernier de mettre en évidence les anomalies suivantes (pages 5-6 du rapport):

-les désordres constatés lors de l'inspection consistent en ce que la quasi-totalité des poutres rayonnantes dans le voile périphériques présente des fissurations souvent importantes avec désaffleurement voire arrachement,

-l'inspection de QUALICONSULT avait fait état de ce que les poutres n'étaient engravées dans les voiles extérieurs que de 4 à 5 cm, sans ferraillage particulier de l'appui, ce qui était à l'origine des désordres, alors que l'appui aurait dû être d'au moins de 10cm, sur un support de béton armé,

-le rapport établi par le CEBTP le 29 juillet 2010 a conclu que l'origine des désordres était due à la non prise en compte du raccourcissement du béton lié au phénomène de retrait +fluage, ainsi qu'au manque de dispositif d'appui des poutres dans les voiles extérieures,

-l'expert a conclu sur la cause des désordres (page 17 et 19), après investigations effectuées sous sa conduite par le CEBTP que les poutres sont engravées de 7 à 10 cm dans le voile extérieur dont l'enrobage des aciers est de 9 à 10 cm ; qu'aucun dispositif n'avait été prévu pour reprendre le déplacement d'environ 9mm lié à la conjonction des phénomènes de retraits+fluage c'est-à-dire de raccourcissement dans le temps du béton dû à son séchage, et (le fluage) de raccourcissement dans le temps du béton dû à l'application d'un contrainte constante,

-il a retenu l'existence d'un risque réel de rupture d'un appui et d'effondrement d'une poutre et de la dalle qu'elle porte, et a déposé le 23 juin 2011 un pré-rapport relatif aux travaux urgents à réaliser par reconstitution d'un système de corbeaux ;

Considérant que répondant aux dires, l'expert (page 10) a indiqué que les désordres étaient inéluctables compte tenu du manquement aux règles de l'art, mais qu'il ne savait pas si les constructeurs l'ignoraient mais qu'en tout cas ils n'auraient pas dû l'ignorer ;

Considérant que la plupart des acteurs à la construction de l'ouvrage avait disparu, qu'il n'a pas été retrouvé trace d'un maître d''uvre d'exécution ; que de même les documents contemporains de la construction n'ont pas pu être remis à l'expert ;

Considérant qu'il convient de rechercher si les deux acteurs attraits à l'instance, [R] aux droits de qui viennent EIFFAGE et SOCOTEC FRANCE contrôleur technique ont été auteurs de faits dolosifs en taisant sciemment ces non conformités dont la cour est en mesure de retenir la particulière gravité au regard du risque d'effondrement avéré ;

Considérant, en ce qui concerne l'exécution des travaux eux-mêmes, que EIFFAGE fait valoir que si les manquements aux règles de l'art étaient aussi évidents leur existence n'aurait pas échappé au maître d'ouvrage lors de la réception et que rien ne caractérise une volonté de dissimulation ;

Considérant cependant que les non conformités n'ont pu être apparentes pour l''il profane et même professionnel que lors de l'apparition des fissures générées par l'écrasement des appuis en béton non armés et non à la réception ;

Considérant que s'agissant d'un ouvrage particulièrement soumis aux charges et contraintes, puisque les emplacements de stationnement et la voie de desserte se déroulent en suivant la pente hélicoïdale des dalles appuyées sur les poutres dont la fixation est en cause, l'entreprise tenue à une obligation de résultat n'a pu méconnaître la fragilité de l'ouvrage construit sans respect de la profondeur des appuis, lesquels se trouvaient au surplus dépourvus de ferraillage sur la zone de l'appui ; qu'il sera rappelé qu'il ne s'est pas agi d'un constat ponctuel mais d'une caractéristique affectant (page 14) la quasi-totalité des poutres rayonnantes du voile périmétrique ;

Considérant qu'il n'est pas sérieux de prétendre que l'entreprise [R], professionnelle de ce type d'ouvrage aurait pu méconnaître une défaillance aussi systématique des appuis de poutres rayonnantes qui aurait pu être prévenue par la pose de poutres plus longues de quelques centimètres pour un meilleur appui atteignant la partie armée du voile périmétrique, par un renforcement de l'épaisseur de ce voile par l'intérieur avec ferraillage ou encore par la pose d'un dispositif de renfort extérieur de ces appuis, ce dernier dispositif ayant certes pu avoir pour effet indirect de rendre plus détectables les anomalies ; que ces circonstances permettent à la cour de retenir la dissimulation par [R] aux droits de qui vient EIFFAGE des anomalies affectant gravement l'ouvrage et par conséquent de la déclarer responsable sur le fondement de l'article 1147 du code civil ;

Considérant, en ce qui concerne la recherche de responsabilité de SOCOTEC FRANCE, que cette dernière fait valoir que l'expert n'a pu se prononcer sur les responsabilités faute d'avoir pu se faire remettre les documents techniques d'exécution des travaux de sorte que sa responsabilité ne saurait être retenue ; qu'elle rappelle que le dol suppose un acte positif et pas seulement une simple négligence ;

Considérant que SOCOTEC FRANCE produit cependant aux débats les documents suivants sur ses missions liées à la construction de ce parking : le rapport de conformité, la convention des conditions générales 100-7-88 et les conditions spéciales LS-100-7-88 relatives à la solidité des ouvrages et éléments d'équipements indissociables et à la sécurité des personnes (pièces sous cote 4) ;

Considérant que ce dernier document prévoit expressément (article 2) que la mission de SOCOTEC FRANCE porte notamment sur les ouvrages et éléments suivants :

-ouvrages de fondation qui assurent le report au sol des charges nouvelles apportées par le bâtiment,

-ouvrages d'ossature qui ont été conçus pour recevoir et transmettre aux fondations les charges de toute nature ;

Considérant que les désordres ont spécifiquement porté sur les conditions de report de charge des dalles appuyées sur les poutres rayonnantes engravées dans le voile périmétrique, de sorte qu'ils relèvent du champ de la mission de SOCOTEC FRANCE ;

Considérant par ailleurs que les modalités d'exécution de la mission (article 3) ont certes comporté un travail d'examen de devis, de plans et documents divers, mais qu'il est également prévu :

« De plus :

-lorsque les entreprises mettent en 'uvre un système d'auto-contrôle formalisé sur le chantier, SOCOTEC FRANCE procède à l'examen des conditions dans lesquelles s'effectuent les vérifications auxquelles sont tenus pour leurs propres prestations, lesdits constructeurs,

-en l'absence de mise en place, par les constructeurs, d'un système d'autocontrôle formalisé, SOCOTEC FRANCE examine, à l'occasion de visites de chantier, les travaux en cours de réalisation.

Les interventions de SOCOTEC FRANCE ne comportent pas d'investigations systématiques et ne sauraient, de ce fait, présenter un caractère exhaustif. Ses visites de chantier sont effectuées de manière intermittente ; notamment SOCOTEC FRANCE n'est pas obligée de participer à toutes les réunions périodiques de chantier »

Qu'il s'évince de ces dispositions que SOCOTEC FRANCE, qui ne soutient pas l'existence sur le chantier litigieux d'un dispositif d'auto contrôle des constructeurs, était par conséquence tenue de procéder à des visites de chantier pendant le cours des travaux, afin de vérifier, comme exigé par sa mission, les conditions de solidité de l'ouvrage et en particulier des poutres reportant la charge des dalles sur le voile périmétrique ;

Considérant que force est de constater qu'elle ne produit aucun document de nature à établir la réalité de ces vérifications en cours de chantier lui ayant incombé alors que le seul document attestant d'un examen réel de l'ouvrage est le certificat de conformité du 22 avril 1992 concernant une installation classée pour la protection de l'environnement ce qui ne désigne pas la vérification de la solidité de la structure ;

Considérant qu'au regard des circonstances il est certain que des visites du chantier pendant les travaux auraient été de nature à permettre l'identification des défaillances à l'origine des désordres ; que cependant cette inexécution contractuelle de SOCOTEC FRANCE pour graves qu'en aient été les conséquences, ne permettent pas à la cour de caractériser une intention de dissimuler les manquements de l'entreprise DESVAUX, de sorte que le dol n'est pas constitué à son égard ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes à son encontre ;

Sur l'indemnisation des désordres

Considérant que la SAPP demande paiement de la somme de 511.333€ HT en réparation de son préjudice, qu'elle décompose ainsi :

-299.l29€ HT, au titre des travaux de réfection : 253.000€ pour les travaux urgents et 46129 € pour les autres,

-7.332€ HT, au titre des honoraires SPS non pris en compte par l'expert,

-165.872€ HT, au titre des frais conservatoires avancés tels que validés par l'expert,

-39.000€ HT, au titre de la 1/2 du coût d'achat des étais installés, non pris en compte par l'expert au motif que la SAPP aurait pu les revendre, ce que celle-ci conteste,

Considérant qu'EIFFAGE conteste :

-d'une part l'évaluation expertale des travaux réparatoires, et notamment le devis 2011/520 concernant la reprise de la jonction poutre/dalle en faisant valoir : que la solution que l'expert retient ainsi, consistant à liaisonner la rive de la dalle précontrainte à la paroi moulée est inadaptée et que c'est en partie à cause de cette liaison rigide entre poutres et parois moulées que les désordres sont apparus ; que le chiffrage de la maîtrise d''uvre à 71280€ HT lui parait excessif ; qu'elle propose de retenir son offre de reprise à hauteur de 75792€HT en critiquant l'expert de ne pas avoir répondu à son dire sur ce point,

-d'autre part le coût réclamé pour les travaux provisoires au motif que sur les 165.872 € réclamés à ce titre, une somme de 99.310 € HT correspond à l'achat et l'installation de 65 étais acquis auprès de ALLIANCE BTP qu'EIFFAGE demande de déduire puisqu'ils peuvent être revendus,

Considérant, sur la disparité entre le coût des travaux réparatoires eux-mêmes (de 75792€HT à 299.l29€ HT), que l'expert a répondu, sans être démenti (page 11 point 3.2) « [avoir] écrit que l'offre d'EIFFAGE n'était pas écartée au motif d'un prix anormalement bas, mais d'une non-conformité au cahier des charges rédigé par le maître d''uvre et [qu'il a] approuvé » ; que la cour validera l'évaluation expertale, sans qu'il ne soit justifié de la nécessité de rajouter des honoraires de mission SPS ; que les honoraires de maîtrise d''uvre seront retenus pour le montant intégré au coût global des travaux ;

Qu'en conséquence le coût des travaux réparatoires sera admis pour la somme de 299.129€ HT étant observé que ce montant résulte d'un abattement de 50% appliqué par l'expert sur le poste de réfection des peintures, en raison de la vétusté de l'ouvrage ;

Considérant en ce qui concerne les frais supportés par la SAPP que leur exposé détaillé page 13 du rapport permet d'en retenir le bien fondé de sorte qu'ils seront retenus pour le montant de 165 872€ ;

Considérant que la SAPP s'est trouvée dans l'obligation d'acquérir des étais spécifiques afin de prévenir provisoirement tout effondrement des poutres de structure ; qu'il sera fait droit à sa demande de remboursement de la moitié de leur valeur d'acquisition à hauteur de 39000€ à titre de dommages-intérêts (donc sans TVA) ;

Considérant que les travaux seront actualisés dans les termes du dispositif ;

Sur le recours en garantie de EIFFAGE,

Considérant que par motifs précités écartant la responsabilité pour dol de SOCOTEC FRANCE, le recours de EIFFAGE est sans objet,

Sur les autres demandes

Considérant qu'il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré la Société AUXILIAIRE de PARCS de la REGION PARISIENNE (SAPP) et l'a déboutée de ses demandes contre la société SOCOTEC FRANCE,

Statuant à nouveau,

Vu l'article 1147 du code civil,

CONDAMNE la société EIFFAGE CONSTRUCTION IDF RESIDENTIEL ET FONCTIONNEL anciennement dénommée EIFFAGE CONSTRUCTION VAL DE SEINE à payer la Société AUXILIAIRE de PARCS de la REGION PARISIENNE (SAPP) les sommes suivantes :

-299.l29€ HT au titre des travaux réparatoires avec actualisation en fonction de la variation de l'indice BT01 entre novembre 2011 et la date du présent arrêt, et TVA au taux en vigueur au jour du paiement,

-165 872€ en remboursement des frais supportés par la société EIFFAGE CONSTRUCTION VAL DE SEINE outre TVA au taux acquitté par la SAPP qui en a fait l'avance,

-39000 € à titre dommages intérêts pour les frais d'étais,

DEBOUTE la Société AUXILIAIRE de PARCS de la REGION PARISIENNE (SAPP) de ses demandes contre la société SOCOTEC FRANCE,

DIT sans objet le recours en garantie de la société EIFFAGE CONSTRUCTION IDF RESIDENTIEL ET FONCTIONNEL anciennement dénommée EIFFAGE CONSTRUCTION VAL DE SEINE contre la société SOCOTEC FRANCE,

CONDAMNE la société EIFFAGE CONSTRUCTION IDF RESIDENTIEL ET FONCTIONNEL anciennement dénommée EIFFAGE CONSTRUCTION VAL DE SEINE à payer à la société AUXILIAIRE de PARCS de la REGION PARISIENNE (SAPP) la somme de 8000€ au titre des frais irrépétibles,

REJETTE le surplus des demandes à ce titre,

CONDAMNE la société EIFFAGE CONSTRUCTION IDF RESIDENTIEL ET FONCTIONNEL anciennement dénommée EIFFAGE CONSTRUCTION VAL DE SEINE aux dépens de première instance et d'appel incluant le coût de l'expertise judiciaire, avec admission des parties en ayant formé la demande au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 13/14912
Date de la décision : 15/04/2015

Références :

Cour d'appel de Paris G5, arrêt n°13/14912 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-15;13.14912 ?
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