La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/04/2015 | FRANCE | N°14/07346

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 09 avril 2015, 14/07346


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 09 Avril 2015

(n° 185 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07346



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - Section encadrement - RG n° 11/00415





APPELANTE

SAS CLINIQUE MEDICALE DE VILLIERS SUR ORGE, exerçant sous le nom commercial CENTRE DE REEDUCATION CLINALLIANCE

DE [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Jean-philippe DESTREMAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0542, M. François BOUNIOL (Pré...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 09 Avril 2015

(n° 185 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07346

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - Section encadrement - RG n° 11/00415

APPELANTE

SAS CLINIQUE MEDICALE DE VILLIERS SUR ORGE, exerçant sous le nom commercial CENTRE DE REEDUCATION CLINALLIANCE DE [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Jean-philippe DESTREMAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0542, M. François BOUNIOL (Président) en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE

Madame [D] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparante en personne, assistée de Me Georgy ARAYO, avocat au barreau de PARIS, toque : R232

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 avril 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Murielle VOLTE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [D] [F], qui avait été engagée le 27 décembre 2001 par la société Clinalliance en qualité de médecin cardiologue, a été convoquée le 17 mars 2011 à un entretien préalable à un licenciement avec mise à pied conservatoire, et licenciée le 29 mars 2011 pour faute grave.

Elle a saisi la juridiction prud'homale le 12 mai 2011 d'une demande de paiement de diverses sommes au titre de la rupture.

Par jugement du 22 mai 2014 notifié le 13 juin et rectifié le 25 septembre 2014, le Conseil de prud'hommes de Longjumeau a condamné la SARL Clinalliance de [Localité 2] à payer à Mme [F] les sommes de :

- 3471,34 € au titre du salaire de la mise à pied conservatoire

- 347,13 € au titre des congés payés incidents

- 50 318,58 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 5 031,85 € au titre des congés payés sur préavis

- 56 608,39 € au titre de l'indemnité de licenciement

- 80 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral

- et 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en ordonnant le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage dans la limite de six mois, et en rejetant le surplus des demandes.

La Clinique Médicale de Villiers sur Orge a interjeté appel le 27 juin 2014 de cette décision.

A l'audience du 17 février 2015, la SAS Clinique Médicale de Villiers-sur-Orge a demandé à la Cour d'infirmer le jugement et de débouter Mme [F] de ses demandes, en la condamnant à lui restituer la somme de 75 474 € qui lui a été versée en exécution des dispositions du jugement assorties de l'exécution provisoire de droit, et à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ses agissements, outre 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose qu'elle employait Mme [F] en qualité de médecin cardiologue salarié pour 138 heures mensuelles mais qu'elle avait également passé une convention de prestations de service aux termes de laquelle celle-ci pouvait exercer sur place son activité à titre libéral en dehors de son temps de travail moyennant une redevance fixée en pourcentage des honoraires perçus à ce titre, outre son activité libérale en cabinet ; qu'elle a découvert incidemment que le docteur [F] s'était fait régler un acte médical par une patiente qui était en hospitalisation de jour et donc intégralement prise en charge par la clinique dans le cadre du 'prix de journée' réglé par la CPAM, et qu'il s'agissait d'une pratique répétée de sa part. Elle ajoute qu'au lieu de procéder elle-même à des examens médicaux que la clinique était parfaitement en mesure de réaliser sur des patients hospitalisés en ambulatoire, Mme [F] a adressé ces derniers à son confrère [Y], qui venait d'être mis à pied, pour qu'il les effectue dans son cabinet dans le cadre de son activité libérale, alors que ces prestations étaient donc couvertes par le 'prix de journée'. Elle souligne que ces agissements sont très graves car la clinique aurait pu être considérée comme complice par la CPAM et que le jugement de relaxe au bénéfice du doute des faits d'escroquerie rendu par le tribunal correctionnel d'Evry en faveur de Mme [F] et dont elle a relevé appel sur les intérêts civils est sans incidence sur leur appréciation par la juridiction prud'homale. Elle rappelle que quelle qu'ait été l'heure de l'examen, dès lors que le patient était alors en hospitalisation de jour, aucune prestation de soin ne pouvait lui être facturée, si bien que la salariée ne peut prétendre qu'elle agissait alors en libéral. Elle conteste en tout état de cause les indemnités réclamées par l'intimée qui a poursuivi son activité dans son cabinet libéral puis s'est fait embauchée par une clinique concurrente, faisant valoir que c'est elle-même qui a subi un préjudice compte tenu de la pénurie de médecins cardiologues.

Mme [F] demande pour sa part à la Cour de confirmer le jugement et de condamner la société Clinalliance à lui payer une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que les griefs invoqués, qui ont donné lieu à relaxe, n'ont jamais existé, dès lors que son contrat d'exercice libéral lui permettait, en dehors des heures pendant lesquelles elle était au service de la clinique, de recevoir des patients à titre privé et de facturer librement ces derniers, et qu'il ne pourrait y avoir faute que si elle avait fait payer ces patients pendant son temps de travail salarié. Or elle considère que la lettre de licenciement, qui ne précise pas à quel moment elle aurait effectué sa prétendue double facturation, n'est pas vérifiable, d'autant que l'employeur ne disposait pas au moment du licenciement de la preuve des faits invoqués. Elle fait valoir que les prétendus relevés établis par la CPAM n'établissent aucunement qu'elle aurait perçu la moindre somme sur son compte personnel et, s'agissant du second grief, qu'il n'est pas établi que la clinique possédait à l'époque des faits l'appareil nécessaire pour l'examen litigieux ni qu'un praticien réalisait des dopplers sur artères rénales à la clinique, lesquels nécessitaient en tout état de cause un rendez-vous préalable, si bien que rien ne permettait de dire que les patients se trouveraient ce jour-là en hospitalisation de jour. Elle souligne que le fait d'adresser un patient à un confrère est une pratique extrêmement courante entre praticiens et estime que le licenciement a été pris pour de purs motifs économiques ainsi que le démontrent les pressions dont elle a fait l'objet auparavant afin qu'elle démissionne.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Attendu que les termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige, il convient de rappeler que Mme [F] a été licenciée pour faute grave par lettre de la société Clinique médicale de Villiers-sur-Orge du 29 mars 2011 aux motifs suivants :

'Nous avons appris le 16 mars 2011 que vous facturiez à la CPAM et autres organismes d'assurance maladie des examens faits à des patients hospitalisés à la clinique en hôpital de jour, ce qui est formellement interdit.

De surcroît courant mars 2011, au lieu de faire vous-même des examens demandés par vos confrères de la clinique pour des patients hospitalisés en ambulatoire à la clinique, vous les avez adressés au cabinet libéral de votre confrère le Docteur [Y], à [Localité 1] alors que ces actes auraient dû être faits en interne, puisque ceux-ci sont inclus dans le prix de journée 'tout compris' perçu par la clinique.

Nous avons dû déposer plainte à votre encontre.

Vos actes illicites et contraires à probité sont extrêmement graves puisqu'ils sont susceptibles de nous rendre complices et d'entraîner la fermeture de notre clinique. Ils exigent votre départ immédiat. (...)' ;

Attendu en premier lieu que la lettre de licenciement comporte l'énoncé de faits suffisamment précis pour pouvoir être matériellement vérifiables ;

Attendu ensuite que la décision de relaxe des faits d'escroquerie intervenue, au bénéfice du doute, au profit de Mme [F], suivant jugement du tribunal correctionnel d'Evry du 4 juillet 2013, dont il a au surplus été relevé appel par les parties civiles sur les intérêts civils, les dispositions pénales sont définitives, est sans portée sur l'appréciation des fautes qui sont reprochées à la salariée qui doivent être examinées par la Cour au regard de ses obligations contractuelles et non de qualifications pénales ;

Attendu que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle justifie la rupture immédiate du contrat de travail ; que la preuve de la faute grave incombe à l'employeur qui l'invoque;

Attendu que Mme [T], responsable de facturation de la clinique, vient attester qu'elle s'est étonnée d'un remboursement qui ne concernait pas la clinique effectué par virement de la société d'assurance Yvelin qui figure sur le relevé bancaire de la clinique du mois de décembre 2010, relatif à un acte effectué le 13 octobre 2010 sur [S] [N] ; que la facture établie par la clinique relative à cette patiente fait apparaître qu'elle était en hospitalisation de jour à cette date, et que son dossier médical fait état du doppler veineux effectué sur elle le 13 octobre 2010 à la clinique par le Dr [F] ; qu'il ressort de ces éléments que l'acte médical a donné lieu à facturation par le médecin alors même qu'il se trouvait couvert par le forfait jour payé par la CPAM à la Clinique ; que lors de l'enquête de police effectuée à la demande de l'employeur, plusieurs membres du personnel soignant, qui ont également attesté, ont expliqué que Mme [F] pratiquait souvent ainsi, un infirmier, M. [L], précisant qu'il ne pouvait y avoir confusion avec les patients reçus par le médecin dans le cadre de son activité libérale parce que, arrêtant de travailler à 16h45, il n'avait affaire qu'à des patients accueillis en hôpital de jour, ce qu'indique également Mme [K], aide soignante dans le service de l'hôpital de jour ; qu'ils s'en étaient étonnés mais que le Dr [F] avait répondu à l'un d'eux qu'il s'agissait d'un accord avec la direction ; qu'entendue dans le cadre de cette enquête, l'intéressée a effectivement reconnu qu'il lui était arrivé de demander la carte vitale mais uniquement lorsque l'acte intervenait après 16h et parce que les forfaits hospitaliers de jour en orthopédie ne comprennent pas les examens cardiologiques qu'elle effectuait à la demande de ses confrères, c'est-à-dire des dopplers veineux ; qu'à l'audience, elle a précisé qu'elle réclamait les cartes vitales non pour se faire payer mais parce qu'elles constituaient une sorte de carte d'identité médicale des patients contenant toutes sortes d'informations sur eux ; que cependant, d'une part il ressort de l'avenant tarifaire établi par la CPAM avec la Clinique que 'ne peuvent être pris en charge, en sus du prix de journée et sur justificatif, que les dépenses de dialyses, de chimiothérapie, de radiothérapie et les frais de transport y afférents', si bien que les examens cardiologiques demandés par ses confrères d'autres spécialités entraient bien dans le forfait jour, ce qu'est venue confirmer la responsable de la lutte contre la fraude à la CPAM devant les services de police ; que d'autre part, il ressort des témoignages susvisés du personnel de jour et des recherches effectuées par ladite responsable à partir du croisement des noms des patients à la clinique que des actes ont été facturés à plusieurs patients en hôpital de jour et qu'il ne s'agissait donc pas de la clientèle privée du Dr [F] qu'elle ne pouvait recevoir, au vu des horaires indiqués sur son contrat de travail, que postérieurement à 17h ; que la CPAM a établi la liste des actes ainsi facturés irrégulièrement par le Dr [F] pour un montant de 1895 € depuis janvier 2009 ; qu'il s'agit bien là d'un manquement grave à ses obligations contractuelles, le médecin ne pouvant ignorer les règles de fonctionnement de la clinique avec la CPAM ni méconnaître les stipulations de son contrat de travail ; que le fait que certains de ces éléments de preuve aient été découverts postérieurement à la lettre de licenciement est sans conséquence sur le bien-fondé de la mesure, l'employeur prenant le risque de voir confirmer ou non l'ampleur des agissements découverts ; que la faute est d'autant plus grave qu'elle a été commise par un praticien confirmé au vu du personnel de soins et vis-à-vis de la clientèle de la clinique, au risque de voir engager la responsabilité civile de celle-ci ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement, ces seuls faits justifiant la rupture immédiate du contrat de travail, sans qu'il y ait lieu d'examiner le second grief relatif à l'envoi de certains patients en hôpital de jour à la clinique à son ancien collègue cardiologue qui venait d'être mis à pied ; que Mme [F] sera donc déboutée de l'ensemble de ses demandes afférentes à la rupture ;

Attendu, s'agissant de la demande reconventionnelle de la société, que la responsabilité d'un salarié ne peut être engagée à l'égard de son employeur dans le cadre de ses fonctions qu'en cas de démonstration d'une faute lourde, laquelle suppose l'intention de nuire à l'employeur ; que la société ne l'a pas retenue dans le cadre du licenciement et n'en fait pas davantage la preuve aujourd'hui ; que la demande indemnitaire sera en conséquence rejetée ;

Que par ailleurs le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, sans qu'il y ait lieu d'ordonner la restitution ; que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la présente décision ouvrant droit à restitution;

Et attendu qu'il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de l'appelante ses frais de procédure ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles, et, statuant de nouveau,

Déboute Mme [D] [F] de ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 14/07346
Date de la décision : 09/04/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°14/07346 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-09;14.07346 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award