Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRÊT DU 08 AVRIL 2015
(n° 197 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/22113
Décision déférée à la Cour : réclamation de l'élection du délégué de la Cour de la Chambre des Huissiers de Justice de Paris du 13 novembre 2013
APPELANT
Maître [M] [E]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représenté par Me Cédric FISCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0147
INTIMES
Etablissement CHAMBRE DEPARTEMENTALE DES HUISSIERS DE JUSTICE DE [Localité 5] Chambre départementale des Huissiers de Justice de [Localité 4], établissement d'utilité publique
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Paul-albert IWEINS, avocat au barreau de PARIS, toque : J010
CHAMBRE NATIONALE DES HUISSIERS DE JUSTICE
[Adresse 3]
[Localité 3]
Représentée par Me Sébastien POISSON, avocat au barreau de PARIS, toque : D2030
Maître [O] [W] hussier de justice - ès qualité de président de la CHAMBRE NATIONALE DES HUISSIERS DE JUSTICE
[Adresse 3]
[Localité 3]
Représenté par Me Alain FISSELIER de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044 et ayant pour avocat plaidant Me CARRERE Nathalie, avocat au barreau de Paris, Toque A0193
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Février 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Jacques BICHARD, Président de chambre
Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère (rapporteur)
Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Elodie PEREIRA
MINISTERE PUBLIC :
L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Mme Marie-Noëlle TEILLER, avocat général, qui a fait connaître son avis.
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Elodie PEREIRA, greffier présent lors du prononcé.
********
En application des dispositions du décret n°2011-1172 du 23 septembre 2011, l'ensemble des huissiers de justice relevant de chaque chambre régionale élit des délégués qui composent la chambre nationale des huissiers de justice, chargée de représenter la profession auprès des services publics.
La chambre des huissiers de justice de [Localité 4] (chambre départementale), qui dispose de deux délégués, a organisé une élection aux fins de pourvoir un siège de délégué vacant à compter du 1er janvier 2014.
Le scrutin a eu lieu le 13 novembre 2013, deux candidats s'y sont présentés, Maître [W] a été élu par 95 voix contre 53 à Maître [E].
Par déclaration enregistrée le 20 novembre 2013 au greffe de la Cour d'appel de Paris, Maître [E] a déposé une réclamation relative à la régularité de l'élection estimant que le vote par procuration est interdit par l'article 67 du décret du 26 février 1956 relatif au statut des huissiers de justice qui dispose que ' chaque électeur n'a qu'une seule voix' et ce alors que 45 votes avaient été exprimés par procuration.
Cette réclamation a été notifiée par acte du 22 novembre 2013 à la chambre départementale représentée par son président, Maître [P], ainsi qu'à la chambre nationale des huissiers de justice et par acte du 5 décembre 2013 à Maître [W].
Par ordonnance du 25 février 2014, le conseiller de la mise en état a dit que la cour avait été régulièrement saisie par Maître [E], huissier de justice, d'une réclamation déposée le 20 novembre 2013 à l'encontre de l'élection organisée le 13 novembre 2013 par la chambre départementale des huissiers de justice de [Localité 4], rappelé que les règles de la représentation obligatoire s'appliquent à la procédure postérieure à la saisine, constaté que, dans sa réclamation déposée le 20 novembre 2013, Mme [E] a constitué pour avocat la SCP [Q] [U], SUR & associés agissant par Maître [Q], s'est déclaré incompétent pour recevoir l'intervention volontaire de la chambre nationale des huissiers de justice, dit que Mme [E] devra signifier par voie électronique ses conclusions avant le 11 mars 2014, dit que la chambre départementale des huissiers de justice et Maître [P] ainsi que Maître [W] et la chambre nationale des huissiers de justice devront conclure avant le 25 mars 2014, invité le Ministère public s'il le juge opportun à conclure avant le 8 avril 2014 et a condamné la chambre départementale des huissiers de justice de [Localité 4] aux dépens.
Par ordonnance du 2 septembre 2014, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer dans l'attente des décisions du conseil d'Etat présentée par la chambre nationale des huissiers de justice soutenue par la chambre départementale et le ministère public.
Par conclusions déposées le 19 mai 2014, Maître [E] demande à la Cour de dire que l'élection du délégué à la chambre des huissiers de justice de [Localité 4] est nulle, d'ordonner une nouvelle élection sous contrôle d'un magistrat du siège qu'elle désignera et de condamner in solidum la chambre des huissiers de justice de Paris et la chambre nationale des huissiers de justice à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 20 octobre 2014, la chambre départementale des huissiers de justice de [Localité 4] et maître [P] pris en sa qualité de président de cette chambre sollicitent le débouté des demandes de Madame [E] .
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 5 novembre 2014, la chambre nationale des huissiers de justice demande à être déclarée recevable en son intervention volontaire et le débouté des prétentions de Madame [E].
Maître [W], par conclusions transmises le 6 novembre 2014, souhaite voir débouter Madame [E] de toutes ses demandes.
Le Ministère public qui n'a pas déposé de conclusions écrites, sollicite le rejet des demandes de Madame [E].
SUR CE, LA COUR
Considérant que la Chambre Nationale des Huissiers de Justice a un intérêt à intervenir à la procédure tendant à l'annulation de l'élection des délégués de la chambre départementale des huissiers de justice de [Localité 4] en qualité de membres de son bureau national ; qu'elle est, au surplus, intéressée au bon fonctionnement des chambres départementales concernées par la présente instance ; qu'il convient donc de recevoir son intervention volontaire à la procédure ;
Considérant que les développements de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice relatives à l'application du décret Magendie et à sa méconnaissance par Madame [E] sont inopérants dès lors qu'aucune demande de ce chef n'est présentée dans le dispositif de ses conclusions ;
Considérant que Maître [E] conteste la possibilité de voter par procuration aux élections des délégués à la chambre nationale des huissiers ;
Considérant que l'article 7 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice énonce que' l'ensemble des huissiers de justice relevant de chaque chambre régionale se réunit pour élire le délégué appelé à faire partie de la chambre nationale dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat' ; que l'article 9 de ce même texte précise que 'par dérogation aux dispositions de l'article 7 de la présente ordonnance, dans le ressort de la Cour d'appel de Paris, la chambre départementale des huissiers de justice de [Localité 4] remplit pour les huissiers relevant de cette chambre, le rôle de chambre régionale, indépendamment de la chambre régionale qui est constituée pour le reste du ressort' ;
Considérant que l'article 67 du décret du 29 février 1956 modifié par celui du 23 septembre 2011 dispose que :
' la chambre nationale des huissiers de justice est composée des délégués élus par l'ensemble des huissiers de justice relevant de chaque chambre régionale à raison d'un délégué par chambre régionale. Toutefois, les huissiers de justice relevant de la chambre départementale de [Localité 4], agissant comme chambre régionale, désignent deux délégués...
Chaque électeur n'a qu'une seule voix. La désignation des délégués a lieu à la majorité absolue des voix au scrutin secret...' ;
Considérant qu'en l'espèce, Maître [M] [E] , associée de la SCP [Z] et [M] [E], huissier de justice à [Localité 4], a adressé au président de la chambre le 28 octobre 2013, sa candidature en qualité de délégué ; que les élections se sont tenues le 13 novembre 2013 et maître [W] a été élu par 95 voix contre 53 à Maître [E] ; que des procurations ont été admises au nombre de 48 dans le cadre de ce vote ce que conteste Maître [E] estimant que celles-ci n'étaient pas recevables ;
Considérant qu'aux termes de deux délibérations de la chambre des huissiers de justice de [Localité 4] du 14 novembre 2007 et du 2 novembre 2011, il a été admis le recours à un vote par procuration en cas d'impossibilité de se rendre aux assemblées générales de la compagnie pour des motifs impérieux ; qu'il convient de noter que Maître [E] qui n'avait pas émis de contestation sur ces décisions de la chambre, avait profité de cette possibilité à l'occasion d'une des élections intervenues postérieurement à celle de 2007 ;
Considérant que Madame [E] estime ces décisions contraires au décret précité et se fonde sur un courrier du 17 octobre 2011 émanant de la direction des affaires civiles et du sceau indiquant que ' la voix étant l'expression d'un vote, les mots 'chaque électeur n'a qu'une seule voix' au septième alinéa du nouvel article 67 du décret du 29 février 1956 signifient effectivement que le vote par procuration est interdit pour ce scrutin' ;
Considérant que la force obligatoire et le caractère normatif d'un tel courrier n'étant pas démontré, il ne saurait engager que son rédacteur et ne peut avoir aucune influence sur la décision de la Cour appelé à statuer sur le litige ;
Considérant que Maître [E] cite aussi la mention figurant sur le site internet du ministère de la justice relatif au décret sur l'organisation professionnelle des huissiers; que là encore une telle énonciation sur un site internet dont l'auteur est ignoré ne peut avoir aucun effet sur la solution à apporter quant à l'application du texte précité ;
Considérant que la requérante produit la note du 26 septembre 2011 émanant de la chambre nationale des huissiers de justice prohibant les procurations ; que l'avis ainsi donné a été modifié ensuite ce qui lui enlève toute valeur probante et qu'au surplus, la valeur normative et obligatoire de celle-ci n'est pas démontrée ;
Considérant qu'elle verse aux débats le courrier du président de la chambre régionale des huissiers du ressort de la Cour d'appel de Paris en date du 6 septembre 2013, M.[B] [G] qui mentionne que le vote par procuration est proscrit ; que là encore, cette correspondance n'engage que l'auteur de cette lettre ;
Considérant que la requérante ne saurait faire référence au règles édictées au sein des sociétés commerciales et pour les élections professionnelles dès lors que les huissiers de justice constituent une profession réglementée soumise à des dispositions spécifiques et que chacune de ces professions disposent de règles non obligatoirement similaires ;
Considérant qu'elle ne peut pas plus prétendre que la loi du 28 mars 2011 aurait interdit aux chambres départementales d'édicter des règlements intérieurs dès lors que l'article 7 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 vise les règlements établis par les chambres départementales ;
Considérant qu'en tout état de cause, la cour constate que le texte ne prévoit pas que les procurations sont proscrites ; que dès lors ce qui n'est pas interdit, est permis ;
Considérant que la mention 'chaque électeur n'a qu'une voix' signifie qu'un huissier ne peut pas disposer de plusieurs voix ; que la détention d'une procuration ne donne pas droit à plusieurs voix, qu'elle autorise seulement à suppléer l'absence d'un autre huissier qui ne peut se rendre à l'élection et qui a donné à celui qui dispose de la procuration, sa consigne de vote ; que la procuration n'est qu'un outil permettant à un absent d'émettre son vote ; que le mandant exprime sa voix par l'intermédiaire de son mandataire qui émarge au regard du nom de son mandat et non pour lui ; qu'il s'ensuit que chaque huissier dispose d'une seule voix et que celui qui a reçu une procuration exprime la voix d'un autre huissier ;
Considérant qu'il s'ensuit que les demandes de Maître [E] sont rejetées ;
Considérant que, succombant, cette dernière ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les entiers dépens de l'instance ;
PAR CES MOTIFS
Reçoit l'intervention volontaire de la chambre Nationale des Huissiers de Justice ;
Rejette toutes les demandes de Maître [E] en ce compris celle présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Maître [E] aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés par les avocats qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT